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Analyse de la situation politique et militaire en Irak – Début Juin 2016

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La situation politique à Bagdad reste toujours aussi confuse. Trois acteurs jouent des jeux différents et divisent la communauté shiite. Le premier ministre Al Abadi, sans assise populaire, est incapable d’imposer au parlement un gouvernement de technocrate. Muktada Sadr capitalise sur la colère du peuple et est de venu l’homme fort de Bagdad. Al Maliki sabote l’autorité de son successeur et se proclame dans l’ombre comme seul rempart de la classe politicienne face à Muktasa Sadr.

Sur le plan militaire, si la situation évolue favorablement en Syrie, en Irak, la guerre contre Daesh piétine. L’offensive sur Mosul n’est pas d’actualité [1] car le commandement des forces irakiennes est d’une part confronté comme prévu à une grande résistance à Faluja et, d’autre part, est contraint de retirer des unités du front pour sécuriser Bagdad, cible d’une vague d’attentats sans précédent (202 morts et 440 blessés au mois de Mai) portant à 742 morts (674 en avril) le total des tués dans les 6 gouvernorats où Daesh développe ses actions.

Situation militaire et sécuritaire

En Syrie, la chute de Racca devrait être réalisée avant la fin de l’année. En effet, on assiste à une course de vitesse pour libérer la capitale de l’Etat islamique entre les forces syriennes appuyées par les Russes et les Forces démocratiques syriennes (SDF) soutenues par les frappes américaines. Les forces syriennes, après leur victoire sur Daesh à Zakiyah, voudront s’emparer dans un premier temps de l’aéroport militaire de Tabaga avant de poursuivre sur Al-Tabqah ( 5km plus au Nord) ville qui contrôle l’accès Sud au barrage Assad sur l’Euphrate et à Racca.De leur côté, les milices kurdes de l’YPG et les forces démocratiques syriennes (SDF) appuyées par les forces spéciales et l’aviation américaine, au grand dam des turcs, cherchent à s’emparer de la ville de Al-Thawrah pour atteindre le barrage du Lac Assad avant les forces syriennes ce qui permettrait de leur barrer l’accès à Racca.

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En Irak la reprise de Faluja pose à la coalition un problème humanitaire sans précédent. Les 90 000 habitants sunnites toujours présents dans cette ville, encerclée notamment par les milices shiites, craignent des représailles massives. Malgré le manque de vivres et de médicaments, résister est pour eux une question de vie ou de mort. Si le siège et la résistance se prolongent une catastrophe humanitaire sans précèdent risque d’entacher durablement l’image du combat de la coalition contre Daesh.

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Saisissant l’opportunité du retrait des forces irakiennes du front de Mosul, Daesh a lancé des attaques sur plusieurs points faisant reculer les Peshmergas kurdes qui encerclent Mosul au Nord et à l’Est.
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Situation politique

La situation politique n’a pas évolué. Trois acteurs jouent des jeux différents et divisent la communauté shiite.

La classe politique au pouvoir n’a pas arrêté ses querelles visant à empêcher le gouvernement d’Al Abadi de mettre en œuvre ses réformes et de combattre efficacement la corruption. Les députés du parlement irakien ont refusé, par trois fois, d’accorder leur confiance à un nouveau gouvernement irakien composé de ministres technocrates et indépendants des grands partis politiques. Les Américains malgré leurs doutes sur sa capacité à gérer la situation essaient de sauver Al Abadi qui n’a pas d’assise populaire, ayant vécu la majeure partie de sa vie à l’étranger.

De son coté, face à cette situation de blocage, la colère de Muktada Sadr et de ses partisans ne faiblit pas. Ses partisans ont forcé, à deux reprises, au cours du mois de Mai, l’entrée de la zone verte pour manifester leur colère vis-à-vis du gouvernement et du parlement irakiens et de la classe politique. Ils ont occupé le bâtiment du parlement irakien et le cabinet du premier ministre irakien, menaçant de revenir à la zone verte de façon encore plus violente si le gouvernement irakien ne combat pas réellement la corruption et n’applique pas les réformes politiques promises.

Le troisième acteur de ce blocage est Nourri Al-Maliki. Tapis dans l’ombre il exploite tout faux pas du premier ministre a Haider Al-Abadi et ne cesse répéter qu’il est incompétent et incapable de gouverner l’Irak malgré le soutien du grand chef religieux shiite de Najaf Ali Sistani. Il se présente comme le seul capable à juguler Muktada Sadr et de sauver la classe politique actuelle.

Cette situation politique risque de durer et il n’est pas impossible que si un général irakien se faisait remarquer dans le combat contre Daesh, beaucoup d’irakiens le poussent à prendre le pouvoir et que les américains si résignent.

Général (2S) Jean-Bernard PINATEL

[1] Dans un rapport récent, la CIA estime que la libération de Mossoul prendra plus de temps que prévu et estime que l’offensive de libération de Mossoul ne pourra pas commencer avant la fin de l’année.


Le militaire et la parole publique

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Je publie sur mon blog cette analyse que j’ai reçue via mon réseau. Elle qui a été écrite par un colonel dont je ne publie pas le nom parce que je n’ai pas réussi encore à le joindre pour obtenir son autorisation.

L’air du temps est à la morosité à un an d’une élection que l’ensemble du pays considère comme une échéance déterminante. L’insatisfaction est partout, les récriminations se multiplient pour contester un système social considéré comme inefficace et injuste par la fraction la plus activiste de la population. Les institutions républicaines sont décriées, jugées incapables de relayer les clameurs grandissantes et de prendre en compte les besoins les plus élémentaires de tout un chacun, quand ce n’est pas ceux des indigents qui frappent à notre porte et que notre morale oblige à secourir. Les débordements sociaux conduisent à des spectacles de guerre civile devenus insupportables. Cependant, l’agression de l’Islam obscurantiste risque de frapper de nouveau notre territoire, tandis que les périls se multiplient sur la scène internationale. L’armée et la police sont aux abois. L’Etat endetté plus que de raison semble impotent pour faire face à ce marasme. Le pays en devient ainsi l’un des plus pessimistes de la planète.

Il ne nous appartient pas de donner les recettes pour faire face. Les programmes électoraux proposés pour apporter paix et harmonie se multiplient et ainsi redonner espoir aux Français. Des événements récents consacrent cependant l’interdiction faite à la société militaire de participer à ce grave débat. Celle-ci est en effet soumise dans notre pays à un devoir de réserve qu’elle respecte scrupuleusement et peine ainsi à se faire entendre lorsque certains de ses membres jugent nécessaire de le faire. Ces épisodes amènent à considérer que cette obligation place plus que jamais les militaires en situation de sous-citoyenneté. Les affaires se multiplient et mettent en cause le sommet de la hiérarchie, plus particulièrement des officiers généraux en première ou deuxième section dont le rôle non accessoire est de défendre les personnels placés sous leurs ordres ainsi que le devenir de l’institution militaire, celle-ci ne disposant pas, ou encore si peu, d’une représentativité corporatiste pour s’exprimer.

Ce constat touche au fonctionnement élémentaire de l’Etat. L’institution militaire participe en effet, avec la diplomatie, la justice ainsi que la police, aux pouvoirs régaliens de l’Etat. Ces pouvoirs sont ceux de la souveraineté. Ils définissent l’Etat originel, ceux pour lesquels il a été créé, c’est-à-dire pour pourvoir à un besoin élémentaire devenu son premier devoir : la sécurité de chacun. Les armées assurent la défense du pays, leur existence conditionne celle du pays, sa toute première sécurité. Les incidents sus évoqués amènent donc à se poser la question : pourquoi cette aliénation sur un sujet si grave, ce cantonnement du militaire ? Une tradition lointaine qui prétend être fondatrice de la démocratie soumet le pouvoir militaire au pouvoir civil. « Cedant arma togae », « Que les armes le cèdent à la toge » est ainsi la parole de Cicéron communément et fort savamment rapportée. Le gouvernement militaire, représenté par les armes, doit faire place au gouvernement civil, représenté par la toge. Qu’en est-il vraiment ? Replaçons cette parole dans son contexte : Celle-ci intervient dans celui d’une guerre civile romaine qui mettra fin à la direction collégiale de la république. Cicéron finira lui-même assassiné dans cette période sombre de l’histoire de Rome. La guerre civile, vécue par l’auteur, guerre qui est toujours la pire de toutes, inspire assurément cette parole. L’histoire de France est également marquée par la guerre civile et un nombre conséquent de coups d’Etat militaires. Le pouvoir en place a été bousculé pour un projet ayant souvent conduit à la catastrophe historique et à l’abaissement du pays. Plus récemment, c’est la conséquence des événements douloureux de la décolonisation, en Algérie plus particulièrement avec le putsch d’avril 1961, qui a placé l’armée sous surveillance et contribué à durcir le droit d’expression des militaires et leur devoir de réserve. Acteur potentiel de la sédition, le pouvoir militaire est considéré comme liberticide, générant l’impéritie et de grands déboires nationaux. C’est la menace de guerre civile, la crainte de l’instauration par la force d’un pouvoir non démocratique qui place le militaire dans l’état de sujétion que nous lui connaissons. Ainsi de récentes prises de parole ou comportement d’officiers généraux à propos de décisions gouvernementales ont immédiatement conduit à des commentaires de presse évoquant un prochain coup d’état militaire, en jetant même quelques noms en pâture à la vindicte publique. Les agents de l’Etat sont tout également soumis au devoir de réserve mais c’est sans les armées, devenues « la grande muette » que ce devoir s’avère être le plus rigoureux. Pour autant, nombre de fonctionnaires civils sous couvert de leur représentation syndicale transgressent allègrement et impunément leur devoir de réserve.

Le militaire s’y est dignement résigné, par éthique, la détention des armes de la nation et « la mort comme hypothèse de travail [1] » lui réservant en retour la meilleure considération au sein du corps social comme l’indiquent les récents sondages. Néanmoins, si le militaire se ressent comme un citoyen exemplaire, il se considère également comme diminué par un statut aliénant, limitant son droit d’expression, droit pourtant garanti à tout un chacun par la constitution. Cette situation conduit à l’éloigner du monde politique et de toute possibilité d’accès à la représentation nationale, de toute participation à la décision en vue du bien commun. S’étant vu accorder le droit de vote en même temps que les femmes de notre pays, il est statutairement le seul agent de l’Etat obligé de quitter son corps s’il veut se présenter au suffrage populaire.

Cette relégation source d’incommunication répond-t-elle à une nécessité avérée ? Si l’on reprend l’exemple antique, on doit remarquer que la parole de Cicéron a été peu mise en pratique. Les consuls romains, figures de proue du gouvernement de la république romaine, étaient élus par le Sénat et disposaient de prérogatives à la fois civiles et militaires. Les armées romaines étaient ainsi commandées par des consuls dont la formation militaire était parfois très superficielle. Le « Cursus honorum » d’un citoyen de haut rang comportait immanquablement un passage sous les armes pour assurer une campagne militaire ou un commandement sur les frontières de l’empire. Rome doit assurément sa longévité à une conjugaison performante entre registre militaire et civil. La France « faite à coup d’épée », selon Charles de Gaulle [2], ceci grâce aux « rois de guerre » [3], n’a pas échappé à cette règle. On évoque par ailleurs Carl Von Clausewitz et son adage bien connu : « la guerre est la continuation de la politique par d’autres moyens ». Mais plutôt qu’une rupture, ce constat marque l’interaction entre ces deux registres. La subordination du militaire à la politique suppose que ce dernier soit bien au fait de l’art de la guerre. L’usage de la force est une option offerte pour traiter le problème de l’Autre, ce dernier disposant éventuellement de la même possibilité. Les conséquences doivent donc en être soigneusement évaluées. Nul mieux que le militaire peut y contribuer. Notre histoire récente illustre les déboires découlant du non-respect de cette réalité lorsque la politique générale conduite par le pays ne correspondait pas à ses options au plan militaire. Or, il faut bien reconnaître que le cursus actuel de nos politiques les éloigne de ce registre. La disparition du service militaire a diminué la part de la population imprégnée de la spécificité de ce métier bien particulier, voué à la préparation et la conduite de la guerre. La technicité croissante des armements complique l’imbroglio opératif. Jamais le « brouillard de la guerre » [4], dans un contexte où se multiplient les acteurs potentiels, où les agressions possibles couvrent un large éventail, de la subversion terroriste à la dissuasion nucléaire, de la cyberguerre à la guerre dans l’espace, ne semble avoir été aussi impénétrable. Pour un politique, il faut donc acquérir une spécialisation nécessitant un investissement conséquent pour saisir cette spécificité et embrasser ce large et bien inquiétant registre. Peu nombreux sont les élus qui y sacrifient, plus nombreux sont les stratèges de salon qui pontifient sur les écrans, encore plus sont ceux qui pratiquent la politique de l’autruche en affectant un pacifisme de bon aloi, en niant ou minorant toute probabilité de conflit, en refusant de se reconnaître tout ennemi dans un monde que chacun souhaite voir pacifié. Comme chacun le sait, les souhaits correspondent rarement à la réalité.

La césure n’est donc ni inéluctable, ni souhaitable pour le bon fonctionnement de l’Etat. L’exercice de la démocratie ne peut qu’y être adapté.

Il est nécessaire que le militaire prenne pleinement part à la vie de la cité, qu’il puisse porter jugement sur les grandes décisions qui marquent l’existence du pays, qu’il puisse plus aisément parvenir « à la toge », quand bien même beaucoup se satisfassent de l’en tenir éloigné en prétextant d’une inaptitude consubstantielle à son état. Cette sous-citoyenneté doit cesser.

Il est normal de s’inquiéter de voir la défense du pays s’étioler depuis des décennies face aux menaces d’un monde en grand bouleversement. Il est normal de dénoncer un Etat perdant toute autorité face à la transgression, à la délinquance et à l’insurrection en maintenant son système judiciaire en état d’anémie. Il n’est pas normal de voir une jeunesse promise au chômage parce que son système éducatif ne valorise pas l’effort et la pourvoit d’un savoir inadapté sanctionné par des diplômes corrompus. Il est navrant de voir le triste spectacle offert par la jungle de Calais, de constater l’incapacité à réguler une immigration délibérément mal contrôlée afin de satisfaire aux critères d’une charité très mal ordonnée. Il est plus qu’inquiétant de voir le divertissement précéder le bien commun, de voir ses pourvoyeurs et autres faquins accaparer la paroleen plaçant la dérision au-dessus de la raison, en éloignant ainsi le citoyen de la réalité et des devoirs de la chose publique. L’ultime alarme surgit au constat des choix malheureux et assurément démagogiques d’une république qui détruit lentement mais sûrement l’Etat par une gestion des deniers publics orientée vers la satisfaction des insatiables, des imposteurs et des vociférants.

Sur ces rubriques, les citoyens de toute condition doivent s’exprimer. Les militaires ne peuvent en être écartés.

Col (er) desTdM

[1] Du titre d’un ouvrage récent du colonel Michel Goya « Sous le feu, la mort comme hypothèse de travail », Taillandier».

[2] In « la France et son armée ».

[3] Titre accordé au roi de France. cf. Joël Cornette, Le Roi de guerre. Essai sur la souveraineté dans la France du Grand Siècle, Petite bibliothèque Payot.

[4] Formule de Carl von Clausewitz, « De la guerre ».


François Hollande au Sommet du Nigeria sur la sécurité de l’Afrique : chef des armées ou chef désarmé dans la lutte contre Boko Haram ?

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Ce samedi 14 avril, François Hollande est à Abuja pour un sommet sur la sécurité régionale largement consacré à la lutte contre Boko Haram. Il est le seul chef d’Etat occidental à assister à cette rencontre. Le signe que la France, en dépit d’une armée et d’un budget de la défense sous pression, est en première ligne pour assurer la sécurité du continent africain.

Atlantico : François Hollande est actuellement au Nigeria pour un sommet sur la sécurité. Quels sont les acteurs en présence et quel est l’enjeu de cette rencontre ?

Antoine Glaser : François Hollande est le seul chef d’Etat d’un pays occidental à être présent à ce sommet. Dans la mesure où le Nigeria est une ancienne colonie britannique, on s’attendait davantage à voir David Cameron que François Hollande.

Cela renforce l’idée que les partenaires occidentaux de la France, et en particulier européens, laissent cette dernière jouer le rôle de gendarme de l’Afrique contre les mouvements radicaux djihadistes, de la même façon que la France était le gendarme de l’Afrique contre les soviétiques à l’époque de la Guerre froide.

Certains pays européens comme la Grande-Bretagne sont représentés au niveau ministériel. Sont également présents les chefs d’Etat africains (Tchad, Cameroun, Niger), engagés dans une coalition pour lutter contre Boko Haram (et soutenue par l’Union Africaine) sur le pourtour du bassin du lac Tchad.

L’enjeu de ce sommet est la lutte contre Boko Haram. En effet, jusqu’à présent, cette lutte concernait surtout le nord du Nigeria. Or maintenant, Boko Haram veut contrôler tout le bassin du lac Tchad pour se sanctuariser.

Par ailleurs, au Nigeria comme en Centrafrique (où s’est rendu François Hollande hier), la France a très peu d’intérêts économiques. En effet, le marché nigérian est plutôt dans les mains des Anglo-saxons. Au travers du renforcement de sa présence militaire, la France compte vendre au Nigeria des véhicules blindés légers, des drones, des engins explosifs, des équipements pour lutter contre les engins explosifs et équiper les Alphajets de l’armée nigériane etc. Si dans les pays du Sahel où la France est engagée militairement, les retombées économiques à court terme sont quasi nulles, la puissance du Nigeria (même si le Nigeria, important producteur de pétrole, souffre de la chute du prix du baril) laisse entrevoir de belles retombées économiques pour l’Hexagone.

Jean-Bernard Pinatel : La plupart des discussions tourneront autour de Boko Haram, où en est la lutte contre le groupe terroriste ? Dans quelle mesure la France y est-elle associée ?

Antoine Glaser : Deux aspects seront au cœur des discussions de ce sommet de sécurité régionale : la lutte contre Boko Haram et la lutte contre la piraterie maritime dans le Golfe de Guinée.

Au Nigeria, l’arrivée au pouvoir du général Muhammadu Buhari qui est un musulman du nord a relancé la lutte contre Boko Haram -qui semblait avoir été abandonnée par son prédécesseur, Goodluck Jonathan, qui s’occupait principalement du Nigeria « utile » du sud avec le pétrole-.

Muhammadu Buhari a une vraie volonté de lutter contre Boko Haram. Mais le combat contre Boko Haram est aujourd’hui beaucoup plus difficile à mener car le groupe radical djihadiste est dorénavant engagé dans un mode de lutte asymétrique. En effet, Boko Haram s’attaque bien moins à l’armée nigériane qu’auparavant et privilégie les attentats ciblés très meurtriers.

La France a son état-major de l’opération Barkhane à Ndjamena au Tchad. Du fait de la position géographique de cette ville, elle est donc en contrôle de l’ensemble du bassin du lac Tchad. Elle est par ailleurs très active, en particulier en ce qui concerne le renseignement.

Jean-Bernard Pinatel : La France n’est historiquement pas présente dans ce pays de culture anglo-saxonne. Les Etats-Unis et la Grande-Bretagne oui. Les Etats-Unis ont aussi déployé 300 soldats au Cameroun dans le cadre d’opérations de renseignement et de surveillance, notamment avec des drones. Washington envisage aussi de vendre au Nigeria des avions spécialement destinés à la lutte anti-terroriste. Ces deux pays ont d’ailleurs aussi été conviés au sommet régional d’Abuja sur la sécurité mais Obama, en fin de mandat, et Cameron, en pleine campagne pour éviter le Brexit, ne seront pas présents.

Depuis juillet 2009 une rébellion salafiste menée par deux groupes djihadistes, Boko Haram et Ansaru, sévit au Nord-Est du Nigéria. Elle a pour objectif d’établir un califat et d’instaurer la charia dans l’ensemble du pays. Cette rébellion est dirigée par Abubakar Shekau qui après la mort du fondateur de Boko Haram, Mohamed Yusuf, a radicalisé la lutte en utilisant les massacres de population et les attentats comme modes d’action contre le pouvoir central. La rébellion et sa répression par les forces de sécurité ont fait 17.000 morts et 2,6 millions de déplacés depuis 2009. Selon l’Index mondial du terrorisme, un rapport publié par l’Institute for Economics and Peace basé à New York, Boko Haram « est devenu l’organisation terroriste la plus meurtrière au monde ».

En 2014 Boko Haram a étendu ses actions au Cameroun, Tchad et Niger ce qui a conduit la France à initier un partenariat militaire en décembre 2014 qui s’est traduit par l’échange croissant de renseignements militaires. La présence du chef de l’Etat français est d’autant plus importante que la mise sur pied de la force internationale mixte d’environ 8.000 hommes décidée en 2015 par le Nigéria, le Cameroun, le Tchad, le Niger et le Bénin pour pacifier les régions que Boko Haram tente de contrôler se met sur pied lentement et manque cruellement de logistique, de moyens de communication et de transport. «Plusieurs engagements ont été pris par les bailleurs de fonds internationaux et les partenaires stratégiques en vue d’un soutien à la force, mais on n’a rien vu de concret sur le terrain», déplore le général nigérian Lamidi Adeosun, chef de la force régionale.

Quel bilan peut-on faire des opérations militaires françaises en Afrique depuis 2013 : Serval, Sangaris, Barkhane… La France a-t-elle vraiment les moyens d' »assurer » la sécurité du continent africain ?

Antoine Glaser : Sur le plan militaire, la France est au bout de ce qu’elle peut faire. Le chef d’Etat-major de l’armée française, Pierre de Villiers, disait qu’ils étaient « au taquet ». La France ne peut pas faire plus, ni sur le plan des équipements ni sur le plan financier.

La France essaie d’ailleurs par tous les moyens de faire financer l’opération Barkhane par l’Europe (ce qui est loin d’être acquis). Néanmoins, la présence militaire de la France en Afrique, ainsi que son statut de puissance nucléaire- justifient son statut de membre permanent au Conseil de sécurité de l’ONU : c’est ce qui lui permet de tenir son rang à l’international.

Jean-Bernard Pinatel : Le président actuel du Nigeria, Muhammadu Buhari, est un ancien général. Il a été élu le 28 mars 2015 face au président sortant Goodluck Jonathan. Il a déclaré jeudi dernier à la BBC que son pays avait « techniquement » gagné la guerre contre Boko Haram. « Boko Haram s’est remis à utiliser des engins explosifs artisanaux », a expliqué le président Buhari, « mais les attaques conventionnelles contre des centres de communication et la population… ils ne sont plus capables d’en mener efficacement ».

Effectivement et contrairement à son prédécesseur, le président Buhari a réussi à reprendre le contrôle des principales villes du Nord Est du Nigéria où Boko Haram développe ses actions. La diminution du nombre de raids meurtriers dans les villes et les villages est effective. Mais en réponse, les jihadistes ont multiplié les attentats-suicides dont certains sont commis par des jeunes, parfois des filles et fillettes.

La France fournit au Nigeria des images satellitaires ainsi que des images prises par ses avions Rafale qui survolent la zone du lac Tchad où agit Boko Haram. Selon l’entourage du ministre français de la Défense, 2000 dossiers images auraient déjà été remis aux autorités d’Abuja. Des Nigérians sont aussi formés à l’interprétation d’imagerie par le renseignement militaire français. Le document opérationnel signé par les armées française et nigériane détaille plusieurs actions à mener d’ici à la fin 2016. Elles portent notamment sur la lutte contre les engins explosifs artisanaux, le sauvetage au combat et aux exercices militaires transfrontaliers et maritimes conjoints avec les pays voisins du Nigeria.

Dans un contexte de gel du budget de la défense française et alors que l’Allemagne investit désormais plus que la France dans son armée, de quels moyens véritables la France dispose-t-elle pour lutter contre Boko Haram ?

Jean-Bernard Pinatel : La France doit éviter à tout prix que Boko Haram étende durablement ses actions au Tchad, au Cameroun et au Niger et réalise ainsi sa « jonction » avec les groupes djihadistes AQMI et Mujao qui cherchent à contrôler toute la bande désertique qui s’étend du Sud de la Libye et de l’Algérie jusqu’à la Mauritanie. C’est par une meilleure coordination du renseignement que la France peut apporter son aide ainsi que par la formation et la livraison d’armements. Cela impliquera donc l’engagement d’effectifs supplémentaires en faible nombre.

Alors que la France est en perte de vitesse au Moyen-Orient, ses engagements militaires en Afrique lui permettent d’y apparaître comme une puissance influente. Pour autant, est-ce vraiment le cas ?

Antoine Glaser : De Paris à Bamako, l’expression « guerre contre le terrorisme, tous ensemble » est employée. Or, d’une part, la France est seule et d’autre part, la guerre contre le terrorisme n’est pas une politique.

La militarisation de la politique africaine n’a qu’un temps et masque tous les autres problèmes sociaux, économiques. C’est une politique qui fonctionne à court terme mais qui est largement insuffisante si elle n’est pas accompagnée d’une réengagement politique et d’une aide financière au développement.

En outre, alors que la France met tous les moyens sur la sécurité et sur ses capacités militaires, tous ses partenaires traditionnels mais aussi les puissances émergentes (Chine, Turquie, Maroc -qui entre d’ailleurs de plus en plus en concurrence avec la France-) font du business. La France perd des parts de marché absolument incroyables y compris dans un pays comme la Côte d’Ivoire -qui est pourtant le « fief gaulois » de la France en Afrique- : Pierre Gattaz qui était en Côte d’Ivoire il y a 15 jours a souligné qu’en une dizaine d’années, la part de marché de la France en Côte d’Ivoire est passée de 28% à 11%. Cette situation est d’autant plus paradoxale qu’un pays comme la Grande-Bretagne a atteint l’objectif de l’aide au développement des pays occidentaux de 0,7% du PNB, alors que la France est toujours à 0,35%.

Finalement, cette politique militaire française hypertrophiée, si elle peut à court terme profiter à l’influence de la France et de François Hollande au niveau international, sert en réalité de cache-misère à une présence française globalement en déshérence sur ce continent.

Jean-Bernard Pinatel : La France dispose d’un siège permanent au conseil de sécurité et, par la même, est capable de s’opposer à des résolutions de l’Assemblée Générale qui ne seraient pas conformes à ses intérêts. Mais son influence dans cette assemblée est aussi liée à sa capacité d’entrainer dans son sillage d’autres Etats et notamment ceux de l’ensemble francophone. Cette capacité d’influence dépend donc directement de l’appui militaire qu’elle est capable d’apporter à ces Etats dont l’intégrité est menacée par le terrorisme islamique. Il devrait être clair pour nos responsables politiques que c’est en priorité en Afrique que la France doit être capable de projeter des forces car elle est la seule puissance à y disposer encore de plusieurs bases permanentes et à y maintenir des relations de confiance et de savoir-faire qui lui permettent de coopérer efficacement avec les armées locales. En tout état de cause, c’est sur ce théâtre africain que la France a vocation à être le fer de lance d’une éventuelle coalition.

Propos recueillis par Emilia Capitaine


Analyse de la situation politique et militaire en Irak – Début Mai 2016

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Le mois d’avril a confirmé que les conditions politiques et militaires d’une victoire rapide sur Daech en Irak sont loin d’être réuniescomme le confirment les principaux responsables américains de la coalition et cela malgré les déclarations volontaristes mais irréalistes de Monsieur le Drian à Bagdad le 11 avril.

Sur le plan politique

Le mois d’avril a connu une escalade dans la pression queMuktadaSadr exerce sur les députés afin qu’ils acceptent le gouvernement de techniciens qu’il appelle de ses vœux pour mettre fin aux prévarications des membres du gouvernement et du Parlement. Après le rejet le 12 avril, par le parlement irakien de la liste du gouvernement de technocrates proposé par le premier ministre, 180 députés environ sous la conduite des sadristes se sont mis en grève et ont commencé un sit-in à l’intérieur de l’Assemblée. Puis lors d’une séance extraordinaire sous la présidence de l’un d’entre eux, Adnan Al-Janabi, ils ont démis Salim Al-Joubouri ,membre du parti des forces nationalesd’obédience sunnite, de sa fonction de Président du Parlement irakien et ont convoquéles députés à une nouvelle séance pour le 16 avril afin de désigner une nouveau président. Le président du parlement« révoqué », Salim Al-Joubouri, a déclaré anticonstitutionnelles les mesures prises par le groupe des députés contestataires. Le 20 avril, MuktadaSadr a « gelé » son groupe parlementaire jusqu’à ce que le parlement irakien se réunisse pour approuver le gouvernement de technocrates bloquant tout travail parlementaire. Le 27 avril, devant l’incapacité des députés de s’entendre,MuktadaSadr a donné le feu vert, à sespartisanspour forcer l’entrée de la zone verte et celle du parlement irakien. Les forces de l’ordre ont laissé faire se contentant de regarder ce qui se passe sans réagir. Les députés sous la pression des manifestants ont quitté le bâtiment et se sont réfugiés à l’HotelRasheed.

Sur le plan militaire

Rien de significatif ne s’est passé sur le terrain dans la guerre contre Daech. Des offensives limitées contre les positions de Daech au Sud de Kikukont été menéestandis que deviolentes contre-attaques de Daech ont été repoussées difficilement dans le gouvernorat d’Al Anbar autour de Hit et de Ramadi.

En revanche de graves accrochages ont eu lieu entre forces censées combattre ensemble Daech. Le 23 et 24 avril à Touzkhourmatou à 80 km au sud de Kirkuk et dans la localité de Sadia située à 100 km de la ville de Bakuba. Des Peshmergas kurdes et les milices turkmènes chiitesse sont affrontés. En effet dans ces régions coexistent difficilement sunnites arabes et kurdes et chiites kurdes et turkmènes. Ces affrontementsoù les deux parties ont utilisé des mortiers, des roquettes et de l’artillerie lourde montrent qu’il est illusoire d’envisager une participation active des Peshmergas à la reprise de Mosul.

Army Lt. Gen. Sean MacFarland Leads U.S. Fight Against ISIS

De leur côté, tous les responsables américains mettent l’accent sur la nécessité de régler la crise politique et les questions économiques qui divisent le pays, avant d’entreprendre une quelconque opération militaire contre Daesh, à Mossoul. Le général Sean Mcfarland, commandant en chef des opérations contre Daesh, a rencontré, ces derniers jours, le premier ministre irakien, son ministre de la défense et plusieurs chefs militaires irakiens.Le secrétaire d’Etat américain à la défense, Ashton Carter, qui se rendait pour la troisième fois en Irak depuis sa nomination au Pentagone, a déclaré le 16 avril, à Bagdad que Washington soutiendrait le gouvernement irakien dans sa guerre contre Daech, annonçant une augmentation du nombre des troupes américaines en Irak.

C’est donc avec un total scepticisme que les observateurs ont accueilli les déclarations de Monsieur LeDrian,Ministre de la Défense français, le 11 avril à Bagdad : « Raqa et Mossoul en 2016 doivent tomber (…) 2016 doit être l’année du début de la fin pour Daech ». Même si la reprise de Raqqa par les syriens appuyés par les Russes apparait possibleavant la fin de l’année, la prise de Mosul est totalement inenvisageable dans les conditions actuelles de la coalition.

Sur le plan sécuritaire

Le nombre de morts par attentats est de 607 victimes (contre 664 en mars ; 450 morts en février ; 397 en janvier). Les gouvernorats d’Al Anbar, Nineveh et de Bagdad concentrent 72% des morts par attentats.

A Bagdad, on compte en avril 107 morts contre 63 en mars et 69 en février.Les attentats terroristes ont pris la forme de kamikaze avec ceinture d’explosifs et de voitures piégées. Ils visent les marchés populaires et les lieux de culte chiites. Le 5, un kamikaze portant une ceinture d’explosifs s’est fait exploser dans un marché populaire situé au sud-est de Bagdad, tuant 4 civils et blessant 4 autres. Le 22, un autre kamikaze s’est fait exploser dans une mosquée chiite au quartier de Radhwanyia, au sud de Bagdad, tuant 8 personnes et en blessant 33 autres. Le 25, trois attentats coordonnés à la voiture piégée ont frappé Bagdad, faisant 25 morts et environ 55 blessés. Le 26 dans le quartier populaire de l’Est de la capitale, un kamikaze portant une ceinture d’explosifs s’est fait exploser, tuant et blessant 45 personnes Enfin, le 30 avril, un camion piégé a explosé dans la région de Nahrawan, à l’est de Bagdad, faisant 28 morts et 45 blessés.

Par ordre décroissant de tués c’est le gouvernorat d’Al Anbarqui enregistre les plus de morts en avril 174 contre 176 en mars ;Nineveh compte 156 morts contre 221 en mars ; Salahuldein 73morts contre 65 en mars ; Kirkuk 69 contre 44 en mars ; Diyala 28 contre 6.
Les 12 autres gouvernorats du Nord et du Sud sont relativement calmes. A Nasiriya un kamikaze s’est fait exploser, le 4 avril, dans un restaurant tuant 5 miliciens chiites, et blessant une vingtaine d’autres. Le même jour, une voiture piégée a explosé au centre de Bassora, tuant 5 policiers et blessant 4 autres.

Général (2S) Jean-Bernard PINATEL


Une initiative de politique étrangère électoraliste

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L’initiative française d’une conférence internationale à Paris en Mai pour relancer la solution des deux États d’Israël et de Palestine n’a aucune chance d’aboutir au moindre résultat. François Hollande le sait mais donne ainsi à toute la gauche un gage de plus en espérant la rassembler pour 2017. Cette opération électoraliste va mobiliser des forces de police déjà exténuées par la lutte contre l’Etat islamique ainsi que par le refus d’interdire les « nuits debout » et va couter inutilement de l’argent au contribuable français.

Ce coup électoral a été lancé le29 janvier 2016 par une déclaration de Laurent Fabius : « Nous constatons malheureusement que la colonisation continue. Nous ne devons pas laisser se déliter la solution des deux États. C’est notre responsabilité de membre permanent du Conseil de Sécurité et de puissance de paix. La France engagera donc dans les semaines qui viennent des démarches afin de préparer une conférence internationale rassemblant autour des parties leurs principaux partenaires – Américains, Européens, Arabes, notamment « . Si cette « ultime tentative de solution négociée se heurte à un blocage (…), nous devrons prendre nos responsabilités en reconnaissant l’État palestinien ». Repris en compte par Jean-Marc Ayrault, cette initiative vient d’être rejetée par Israël [1] et par là-même échoue avant même d’avoir commencée.

Les raisons de cet échec annoncé sont multiples et sont liées au contexte de l’élection présidentielle aux Etats-Unis, à l’accord, signé le 23 avril 2014,de réconciliation entre leFatah, parti de Mahmoud Abbas, et le Hamasau pouvoir à Gaza, mouvement islamiste considéré comme terroriste par les Etats-Unis et l’Union Européenne. Il fournit à Israël une juste raison de ne pas reprendre les relations bilatérales.Enfin,la guerre au Moyen-Orient contre l’Etat islamique détourne l’attention de la population mondiale, des médias et des hommes politiques de ce conflit,permettant à Israël d’accélérer la colonisation de la Palestine.

L’élection présidentielle américaine

Le dernier essai d’Obama pour faire avancer le règlement du conflit israélo américain,qui date d’avril 2014, a été la mission de John Kerry qui s’est traduite par un échec cuisant [2]. Alors que la campagne présidentielle pour sa succession bat son plein aux Etats-Unis, Obama ne peut pas exercer une pression sur Israël qui serait un cadeau électoral pour Donald Trump et qui pénaliserait Hilary tant le lobby israëlo-américain pèse de tout son poids dans cette élection.

L’accord entre le Fatah et le Hamas fournit un argument de poids à Israël pour ne plus négocier

L’annonce, mercredi 23 avril 2015, d’un accord de réconciliation entre les frères ennemis palestiniens, le Fatah, parti de Mahmoud Abbas, et le Hamas au pouvoir à Gaza,considéré comme terroriste par les Etats-Unis et l’Union Européenne met « de facto » un terme au « processus de paix ».En effet, si le Fatah et l’Autorité palestinienne privilégient une coexistence pacifique avec Israël, le Hamas prône la lutte armée et persiste à vouloir établir un Etat palestinien « de la mer au fleuve » (de la Méditerranée au Jourdain), ce qui revient peu ou prou à nier l’existence d’Israël.

La guerre contre Daech détourne l’attention des chancelleries de ce qui se passe en Palestine

Le nombre de constructions d’unités de logements dans les implantations en Cisjordanie a triplé en 2014 par rapport à 2012, passant de 1.133 à 2.534 en 2013 et 3.100 en 2014, selon des statistiques officielles israéliennesalors qu’à l’intérieur d’Israël, sur la même période, la hausse n’a pas dépassé… 4 % [3]. Cette colonisation rampante empêche « de facto » la solution à deux Etats, sur les lignes de 1967, qui était la formule de règlement du conflit la plus réaliste.

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Alors pourquoi François Hollande a-t-il voulu prendre cette initiative vouée à l’échec ? C’est clairement une initiative de politique intérieure visant deux buts :

  • rassembler la gauche à un peu plus d’un an de l’élection présidentielle. Il suffit pour s’en rendre compte d’analyser quels sont les parlementaires qui ont voté le texte de la « petite loi » n°439 adopté par l’assemblée nationale le 2 décembre 2014. Dans son article 5 [4] elle « Invite le Gouvernement français à reconnaître l’État de Palestine en vue d’obtenir un règlement définitif du conflit ». Ce texte a été adopté par 339 voix sur 490 suffrages exprimés. 323 voix sur 339 soit 95% des votes favorables provenaient de la majorité présidentielle [5].
  • Obtenir les voix des musulmans de France dont le soutien aux palestiniens est total.

Ainsi dans le domaine diplomatique comme dans celui de l’économie, les moyens de l’Etat et l’argent des français sont, une fois deplus, mis au service de la réélection de François Hollande.


Général (2S) Jean-Bernard PINATEL

[1] http://abonnes.lemonde.fr/proche-orient/article/2016/04/28/israel-rejette-l-idee-francaise-d-une-conference-internationale_4910641_3218.html
[2] http://www.lemonde.fr/proche-orient/article/2014/04/08/israel-palestine-les-quatre-erreurs-de-john-kerry_4397391_3218.html#BSxvsG5PtDFLf60f.99
[3] Bureau des statistiques israéliennes
[4] Constatant la volonté des peuples israélien et palestinien de vivre en paix et en sécurité ;Constatant l’échec des tentatives de relance du processus de paix engagées depuis 1991 entre Israéliens et Palestiniens par la communauté internationale ;Constatant les menaces pesant sur la solution des deux États, et notamment la poursuite illégale de la colonisation dans les territoires palestiniens qui mine la viabilité même d’un État palestinien, malgré les capacités institutionnelles dont s’est dotée l’Autorité palestinienne et la reconnaissance que lui a accordée l’Assemblée générale des Nations Unies ;Constatant la montée des tensions à Jérusalem et en Cisjordanie, qui menace d’engendrer un nouveau cycle de violence néfaste pour l’ensemble des populations de la région ;1. Souligne que le statu quo est intenable et dangereux car il nourrit les frustrations et la défiance croissante entre les deux parties ;2. Souligne l’impératif d’une reprise rapide des négociations entre les parties selon des paramètres clairs et un calendrier déterminé ;3. Affirme l’urgente nécessité d’aboutir à un règlement définitif du conflit permettant l’établissement d’un État démocratique et souverain de Palestine en paix et en sécurité aux côtés d’Israël, sur la base des lignes de 1967, avec Jérusalem pour capitale de ces deux États, et fondé sur une reconnaissance mutuelle ;4. Affirme que la solution des deux États, promue avec constance par la France et l’Union européenne, suppose la reconnaissance de l’État de Palestine aux côtés de celui d’Israël ;5. Invite le Gouvernement français à reconnaître l’État de Palestine en vue d’obtenir un règlement définitif du conflit
[5] Groupe socialiste, républicain et citoyen 279/288 ; groupe écologiste 18/18 ; groupe de la gauche démocrate et républicaine (communistes) :15/15 ; groupe radical, républicain, démocrate et progressiste : 11/17:


La perte d’influence de la France au Moyen-Orient

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Depuis samedi 16 avril et jusqu’au 19 avril, François Hollande est en visite au Moyen-Orient et se rendra au Liban, en Egypte et en Jordanie. Quel sont les enjeux de ce voyage ?

Le Président de la République se rend au Liban puis au Caire pour terminer son voyage en Jordanie. Nous sommes malheureusement dans une gesticulation présidentielle qui va probablement encore couter de l’argent aux contribuables français.

Au Liban, François Hollande veut marquer son soutien à l’Armée libanaise alors que le fameux contrat « Donas » qui prévoyait de fournir pour 3 milliards de dollars d’armement français au Liban, grâce un financement saoudien, a été annulé par Riyad. Il va aussi visiter un camp de réfugiés syriens pour rencontrer une famille syrienne qui sera accueillie en France.
Je rappelle que la France va en accueillir 1000 alors qu’au Liban ils sont environ 2 millions de Syriens soit environ un tiers de sa population. Que peut-il faire sinon encore ouvrir les vannes de l’argent public pour que cette visite ne soit pas un fiasco ?

Car enfin, de par sa politique syrienne de déstabilisation du régime d’Assad, il est en partie la cause de ces millions de réfugiés. En 2010, dans 26 pays européens couverts par Eurostat [1], seulement 955 réfugiés syriens avaient été accueillis pour des raisons autres qu’économiques, alors qu’en 2014 ils étaient 24 961 soit 30 fois plus. C’est donc la politique irresponsable de déstabilisation du régime syrien initialement financée par l’Arabie Saoudite et le Qatar et dans laquelle François Hollande a toujours eu une position en flèche qui est la cause du problème de réfugiés syriens et non, comme on essaie de nous le faire croire, le régime syrien. Tous ceux comme moi qui allaient en Syrie avant les événements voyaient un pays en plein développement où les habitants vivaient en paix, pratiquaient la religion de leur choix et voyaient leur pouvoir d’achat augmenter.

En Egypte, pays avec lequel depuis Bonaparte la France entretient une relation culturelle privilégiée est en prise avec le terrorisme islamique sur sol et dans le pays libyen voisin. Ce voyage permettra certainement un échange d’informations intéressant notamment sur Daech en Libye qui se heurte à une forte résistance des puissantes milices locales [2]. Le chef de l’Etat est accompagné de nombreux chefs d’entreprise et ce sera l’occasion habituelle pour le chef de l’Etat d’essayer de s’approprier le mérite de négociations menées par les industriels et aussi de remercier l’Egypte d’avoir accepté d’acheter, avec l’argent que la France lui a prêté, les Mistrals qu’il a refusé de vendre à la Russie, pliant sous la pression d’Obama.

En Jordanie, le Président y va pour s’habiller en chef des Armées, seule composante de son image qui résiste encore un peu à la critique des français. Il visitera la base aérienne Prince-Hassan, d’où décollent les avions français pour bombarder le groupe Etat islamique en Irak et en Syrie.

La guerre en Syrie mobilisera certainement une grande partie des discussions. Dès le début de la crise en Syrie, la France a pris une position extrêmement ferme à l’égard du régime de Bachar el-Assad et a commis certaines erreurs d’appréciation, considérant notamment que le régime syrien n’avait que quelques semaines ou quelques mois devant lui. Depuis, la position de François Hollande n’a pas évolué. Comment expliquer selon vous, cette intransigeance du président de la République alors même que, quatre ans après le début du conflit, le rapport de force n’est plus le même et le régime d’Assad s’est renforcé ?

François Hollande est d’une autosatisfaction extravagante et est totalement coupé des réalités de terrain comme l’on noté la plus part des observateurs lors de sa dernière apparition sur France 2 où il a déclaré « la France va mieux » et où il n’a fait aucune autocritique sur sa politique économique.

Il se comporte de la même façon sur la Syrie où il s’est trompé à de multiples occasions. La première fois en voulant voir dans les évènements en Syrie un « printemps arabe » alors que nos services l’abreuvaient de mises en garde sur l’action en sous-main de l’Arabie Saoudite et du Qatar. En fait c’est plus probablement une concurrence politicienne qui est la raison principale de son erreur stratégique d’analyse sur la nature de la crise. Comme Sarkozy avait réussi à éliminer Kadhafi il ne voulait pas être de reste et il lui fallait éliminer Assad, un autre dictateur.

Il s’est ensuite trompé sur la capacité de résistance du régime Syrien qui était soutenu par au moins 50% de sa population et qui possédait une armée solide. Il n’a pas non plus compris que la Syrie était un enjeu géopolitique autrement plus important que la Libye pour l’Iran et la Russie.

Jusqu’au 7 janvier 2015 date de l’attentat contre Charlie Hebdo, il s’est trompé encore, comme Obama et les saoudiens, sur la capacité des occidentaux à contrôler la rébellion devenue Califat en juin 2014 où il est apparu que Daech avait des objectifs qui ne se limitaient pas au Moyen-Orient.

Même après les attentats de Paris de novembre 2015, il n’a toujours pas compris que pour battre Daech il faut s’appuyer sur des structures étatiques solides en Syrie et en Irak et que seuls des combats au sol, menés par les armées des pouvoirs locaux appuyés par nous, permettront de reconquérir les villes et les villages occupés par l’Etat Islamique.

La France peut-elle encore faire entendre sa voix sur le dossier syrien ou est-elle définitivement hors-jeu ? Pourquoi ?
La réponse est dans votre question. La France est hors-jeu et c’est désormais la Russie qui est au centre du jeu. La preuve : après les attentats de Bruxelles où croyez-vous que s’est rendu le secrétaire d’État américain John Kerry le 24 mars 2016? A Moscou, rencontrer Vladimir Poutine. Même Angela Merkel a discuté directement avec Erdogan du dossier des réfugiés sans y associer François Hollande. Pourquoi ? Parce que lorsqu’on s’est autant trompé on n’est plus crédible et on perd toute légitimité à l’intérieur et à l’extérieur.

Plus largement, qu’en est-il de la perte d’influence diplomatique de la France au Moyen-Orient ? Quelle est la part de responsabilité de François Hollande dans cette évolution ?

La France avait traditionnellement une position de médiateur au Moyen-Orient que François Hollande a totalement abandonnée en devenant un allié privilégié de l’Arabie Saoudite wahhabite. Quand on n’est pas fort militairement dans un conflit [3] et que l’on a choisi un camp on n’a aucune carte en main pour peser diplomatiquement. En politique étrangère François Hollande aura là aussi affaibli la France et mis en danger la sécurité des français.

Général (2S) Jean-Bernard PINATEL

[1] Dernières statistiques disponibles sur la base de données Eurostat.

[2] Lire mon analyse : Les conditions politiques d’une intervention militaire directe en Libye ne sont pas réunies.

[3] La majorité de nos moyens sont à juste titre consommés dans le Sahel et le reste de nos effectifs terrestres utilisés dans l’opération sentinelle.


Erdogan réouvre le conflit du Haut Karabagh pour mettre en difficulté Poutine qui a mis en échec sa politique syrienne

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Dans la nuit du vendredi 2 au samedi 3 avril 2016, l’Azerbaïdjan a lancé une offensive pour envahir la République Arménienne du Karabagh. Trois jours après cette décision prise par les présidents turcs et azerbaïdjanais MM. Erdogan et Aliev et une centaine de morts l’offensive a échoué et un cessez le feu est entré en vigueur. Cet évènement rappelle que le haut Karabagh est un conflit latent entre l’Azerbaïdjan et l’Arménie dans lequel la main de la Turquie, coupable du génocide arménien, est toujours présente. Ce conflit gêne la Russie attachée à maintenir des bonnes relations avec ces deux pays et avec l’Iran chiite. Une fois de plus l’histoire permet d’éclairer la crise actuelle.

Retour sur l’histoire

Au début de 20ème siècle l’Empire ottoman a perdu l’essentiel de ses possessions européennes dans les Balkans. Il compte environ 35 millions d’habitants, dont 2 millions d’Arméniens chrétiens. Ces Arméniens vivent pour l’essentiel au pied du Caucase, et en Cilicie, au sud de la Turquie actuelle. En 1909, le mouvement des Jeunes-Turcs prend le pouvoir. Ils se fixent pour objectif de rassembler les populations de langue turque et de créer une nation turque racialement homogène [1].
Le début de la première guerre mondiale, dans laquelle l’empire Russe est allié à la France et à la Grande-Bretagne, amène naturellement les jeunes-Turcs à faire pression sur le Sultan pour rallier la coalition opposée avec l’espoir de reconquérir la Crimée et le Caucase dont ils ont été chassés au XIXème siècle par les victoires russes. Mais l’armée ottomane subit une terrible défaite à la bataille de Sarikamis [2]. Les jeunes-Turcs prennent prétexte de l’engagement des arméniens [3] aux cotés des russes pour mettre en œuvre leur projet de Turquie racialement homogène. Ce projet est mis en œuvre avec méthode. 1,2 million d’arméniens sont assassinés soit les deux tiers de la population arménienne de l’époque dans ce qui est aujourd’hui considéré comme le premier génocide de l’histoire, jamais reconnu par la Turquie.

En 1923 l’oblast autonome du Haut-Karabagh composé à 94% d’arméniens est rattaché administrativement par Staline à République socialiste soviétique d’Azerbaïdjan [4] créant ainsi le différend qui est la cause de crises entre l’Arménie chrétienne et l’Azerbaïdjan chiite. On retrouve ici la même problématique qu’en Crimée, conquise sur l’empire Ottoman en 1783 par les armées de Catherine II et qui a fait l’objet d’un rattachement arbitraire à l’Ukraine en 1954 [5] par Nikita Khrouchtchev.
Gorbatchev démissionne de son poste de Secrétaire général le 26 décembre 1991 et l’Union soviétique est dissoute le 31 décembre 1991. Dès cette date, les obstacles qui empêchaient l’Arménie et l’Azerbaïdjan de se lancer dans une guerre disparaissent [6]. La guerre [7] qui se déroule de 1992 à mai 1994 cause au moins 30 000 morts dans chaque camp et entraine le déplacement d’un million de réfugiés [8]. Depuis 1995, l’OSCE offre, sans succès, sa médiation aux gouvernements d’Arménie et d’Azerbaïdjan pour rechercher une solution du différend acceptable par les deux parties. En vain, les gouvernements arméniens ne veulent rien céder des acquis de la guerre qui a permis au haut Karabagh de disposer d’une frontière commune avec l’Arménie notamment par le corridor de Latchin (voir carte ci-dessous).

12-04-2016-mica

Le jeu perdant d’Erdogan

Mis en échec par l’intervention russe en Syrie, Erdogan qui considère les Kurdes comme une menace plus importante que Daech est de plus en plus critiqué en Europe pour son double jeu. De plus Il n’a pas réussi à entrainer l’OTAN dans une confrontation avec la Russie en abattant le Sukkoi 24 russe. La réactivation de la crise du Haut Karabagh [9] lui permet de créer une diversion et de mettre dans l’embarras Poutine. En effet, la Russie qui soutient l’Arménie chrétienne entretient également de très bonnes relations avec l’Azerbaïdjan chiite, pays riverain de la mer Caspienne comme la Russie et l’Iran. Or ces pays se sont entendus en septembre 2014 pour assurer la sécurité de leur mer intérieure et se partager les ressources qu’elle possède [10].
Le président Recep Tayyip Erdogan a assuré que la Turquie serait aux côtés de l’Azerbaïdjan « jusqu’au bout ». Et de prier « pour le triomphe » des Azerbaïdjanais, qui sont « nos frères », a dit le président turc. Il a également critiqué le groupe de Minsk de l’OSCE, dirigé par la France, la Russie et les Etats-Unis et chargé de la résolution de ce conflit
Malheureusement pour lui l’Armée du Karabagh n’a pas eu besoin du soutien de la Russie pour stopper l’agression. Elle dispose en effet d’un terrain qui lui est favorable, les forces d’Azerbaïdjan étant obligées d’attaquer du bas vers le haut (le Haut Karabagh est une zone de moyenne montagne entre 500 et 900 d’altitude). Par ailleurs l’armée du Haut Karabagh est possède un très bon niveau opérationnel qui a récemment été démontré en Syrie où elles sont intervenues pour repousser les islamistes de la ville arménienne de Kessab, située en Syrie contre la frontière Turque au Nord de Lataquié.

L’église de Kassab

Face à cette agression la diaspora arménienne [11] s’est immédiatement mobilisée et les grandes puissances où elle est très influente notamment aux Etats-Unis, en Russie et en France sont intervenues pour faire pression sur l’Azerbaïdjan. Mais ce cessez le feu est loin d’ouvrir la voie à un règlement définitif de ce conflit.

Général (2S) Jean-Bernard PINATEL

[1] Ils organisent le massacre de 20 000 à 30 000 Arméniens à Adana, dès leur prise de pouvoir.

[2] Le 6 janvier 2015, la bataille de Sarıkamış au Sud de Kars et à proximité des frontières de l’Arménie actuelle est un désastre. Seul 10 % de l’armée parvint à se replier. Enver Pacha abandonna le commandement des opérations et accusa les Arméniens de la région d’être aux côtés des Russes après son retour à Constantinople.

[3] En décembre 1914, Nicolas II de Russie visita le théâtre du Caucase. Le chef de l’Église arménienne et le président du bureau national arménien, Alexandre Khatissian, rencontrèrent l’empereur à Tbilissi :« De tous les pays, les Arméniens se pressent pour rejoindre les rangs de la glorieuse armée russe, prêts à donner leur sang pour la victoire de l’armée russe… Que le drapeau russe flotte librement sur les Dardanelles et le Bosphore, que les Arméniens sous le joug turc puissent recevoir la liberté, que le peuple arménien de Turquie qui a souffert pour la foi du Christ reçoive la résurrection pour une nouvelle vie. Source : Wikipedia.

[4] Staline, alors commissaire du Peuple pour les nationalités, est chargé d’appliquer le découpage ethnique décidé par le comité central avec des républiques et des régions autonomes. Il décide le rattachement du Karabagh à la République socialiste soviétique d’Arménie. Mais, les protestations du dirigeant du parti communiste d’Azerbaïdjan, Nariman Narimanov et surtout un soulèvement anti-soviétique à Erevan en 1921 le font changer sa décision et à attribuer le Karabagh à la République socialiste soviétique d’Azerbaïdjan en 1921.

[5] A la fin de la seconde guerre mondiale les Tatars de Crimée furent tous déportés pour avoir aidé les Allemands. Le 19 février 1954, Nikita Khrouchtchev, dont l’Ukraine était la patrie d’adoption, rattacha l’oblast de Crimée à la République socialiste soviétique d’Ukraine (RSSU) à l’occasion du 300e anniversaire de la réunification de la Russie et de l’Ukraine.

[6] Un mois auparavant, le 21 novembre, le parlement azerbaïdjanais avait annulé le statut d’oblast autonome du Karabagh et renommé sa capitale Khankendi. En réaction, le 10 décembre avait eu lieu un référendum au Karabagh, sur initiative de parlementaires. Les Arméniens votent massivement en faveur de l’indépendance. Le 6 janvier 1992, la région déclare son indépendance de l’Azerbaïdjan.

[7] La plupart des sources citent le nombre à 25-35 000 tués dans chaque camp. Le département d’Etat américain a évalué ce nombre à environ 30 000. Le nombre de victimes est du même ordre que celui causé par d’autres conflits ethniques, comme la guerre civile en Géorgie.

[8] Environ 400 000 Arméniens ont fui l’Azerbaïdjan vers l’Arménie ou la Russie, et quelque 30 000 autres ont quitté le Karabagh. Parmi ces derniers, beaucoup sont rentrés au Karabagh à la fin de la guerre. Environ 800 000 Azéris ont été déplacés par les combats, y compris ceux d’Arménie et du Karabagh. D’autres groupes ethniques de l’enclave ont été forcés de se réfugier dans des camps construits par l’Azerbaïdjan et par l’Iran. Source : Wikipédia.

[9] Erdogan s’en va-t-en guerre ou l’histoire d’une raclée mémorable au Karabagh

[10] Ce 4ème sommet de la Caspienne a rassemblé la Russie, l’Iran, l’Azerbaïdjan, le Kazakhstan et le Turkménistan. Ces pays ont trouvé un accord sur les questions de « sécurité et de stabilité dans la région » et s’engagent à « garantir la sécurité et la stabilité dans la région de la Caspienne », à « garantir l’équilibre des armements des États riverains en mer Caspienne » et à « organiser la défense selon le principe de la suffisance raisonnable en respectant les intérêts de toutes les parties et sans porter préjudice à la sécurité des autres parties ». Le texte précise également : « Les parties mèneront leurs activités en mer Caspienne selon les principes suivants : navigation en mer Caspienne autorisée uniquement pour les navires battant pavillon d’un pays riverain, droit de libre passage vers d’autres mers et l’Océan mondial conformément aux normes et principes du droit international et des ententes intervenues entre les parties compte tenu des intérêts légitimes des pays de transit. » Un consensus a été trouvé sur une autre question importante.

[11] Sur une population arménienne mondiale estimée à 11 millions de personnes, seul moins d’un tiers (3,3 millions) vivent en Arménie et 130 000 dans le Haut-Karabagh.


Analyse de la situation politique et militaire en Irak - Avril 2016

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Le mois de mars a clarifié la situation politique et militaire en Syrie. Les forces syriennes appuyées par les Russes après avoir repris Alep ont repoussé Daech de Palmyre, rendant incontournable le leader syrien dans le processus de Paix. En revanche, la situation politique et militaire en Irak ne permet pas de percevoir une issue rapide au conflit contre Daech.

En effet, la situation politique en Irak se détériore. A la tension politique entre les Kurdes, Sunnites et les partis shiites majoritaires s’est ajoutée la dissension entre Shiites marquée par le sit-in autour de la zone verte de plusieurs centaines de milliers des partisans du chef religieux chiite Muktada Sadr pour protester contre la corruption et pour exiger du premier ministre des réformes politiques radicales.

Les interférences américaines sur la conduite des opérations militaires retardent le début de l’offensive contre Mossoul. En effet les américains sous la pression de leurs alliés du Golfe veulent écarter l’Iran et les milices shiites de la reprise de Mossoul. Par ailleurs les Peshmergas refusent de prendre part à la délivrance de cette ville sunnite. Sans les milices et les Kurdes, l’armée irakienne qui est encore en reconstruction, est à 80Km de Mossoul et doit d’abord conquérir les villes et les villages qui couvrent les abords Sud de Mossoul. Par ailleurs, le gouvernement irakien maintient beaucoup de forces pour protéger les abords Ouest de Bagdad car les combattants qui tiennent Faluja demeurent une menace aux portes de Bagdad comme l’a montré leur offensive des djihadistes du 28 février qui est arrivée jusqu’à Abu Graih dont qui jouxte l’aéroport international de Bagdad.

Situation politique

Le 18 mars, une foule rassemblant plusieurs centaines de milliers de manifestants indépendants et de partisans de Muktada Sadr a commencé une marche vers le portail de la zone verte qui se situe au quartier de Karadat Mariam, près du pont de Jamhouryia. Les forces de l’ordre qui avaient renforcé leur présence, placé des fils barbelés autour de la zone verte et bloqué tous les ponts y aboutissant avec des blocs en béton n’ont rien fait pour empêcher les manifestants d’atteindre leur but sans incident. Un tel sit-in en face de la zone verte sans que cela se transforme en bataille rangée est une première en Irak. Au cours de sa marche, la foule scandait des slogans contre la corruption et pour des réformes politiques radicales. A l’extérieur de la zone verte, les forces de l’ordre ont perdu tout contrôle de la situation. Les masses de manifestants n’ont cessé d’affluer par milliers. Puis, des tentes ont été dressées autour de la zone verte.
Malgré les interventions de l’Iran qui lui a envoyé, d’abord, le général Qassem Soleimani, commandant en chef de la Force Al-Qods, puis une lettre lui demandant de mettre fin à cette action antigouvernementale du guide de la révolution iranienne l’ayatollah Ali Khamenei portée par le chef religieux chiite irakien Amar Al Hakim, Muktada Sadr semble décidé à mener son combat contre la corruption jusqu’au bout.

Fin mars, le premier Ministre Al Abadi a proposé un nouveau gouvernement composé de 16 ministres indépendants et n’appartenant à aucun des partis politiques représentés au parlement irakien. Néanmoins le parlement a levé sa séance du 31 mars sans voter la confiance au nouveau gouvernement. Son président, Salim Al Joubouri, a déclaré que le parlement s’était donné un délai de dix jours pour débattre des profils des candidats, examiner leurs dossiers et prendre sa décision à leur égard.

Si le parlement irakien ne vote pas la confiance à cette liste, le risque est grand de voir des manifestations violentes se développer dans tout le pays. L’Irak pourrait entrer dans une nouvelle phase de la guerre civile dans les gouvernorats actuellement calmes. En effet, le 31 mars, Muktada Sadr a menacé de retirer sa confiance au gouvernement actuel d’Al Abadi et de cesser d’appeler ses partisans à des manifestations pacifiques. Avant de lever le sit-in autour de la zone verte, Il a demandé à ses partisans de continuer leurs manifestations hebdomadaires les vendredis au centre de Bagdad jusqu’à ce que le parlement vote la confiance au nouveau gouvernement.

Situation militaire

Aucune évolution notable n’est à signaler au mois de mars malgré les communiqués de la coalition dirigée par les américains qui essaient d’amplifier l’importance de chaque petite avancée sur le terrain pour essayer de faire jeu égal avec le retentissement médiatique mondial de la prise de Palmyre par l’armée syrienne. Seules des victoires à Falouja et à Mossoul seraient de nature à modifier le jugement des observateurs impartiaux sur le peu de progrès de la coalition en Irak.

Falluja

Falluja est aujourd’hui encerclé par l’armée irakienne à l’Ouest, les tribus sunnites ralliées au Nord et à l’Est par les milices shiites de l’Organisme de Mobilisation Populaire. Falluja est défendu par 1500 à 2000 djihadistes en majorité étrangers et décidés à mourir sur place. La ville est un gruyère de tunnels reliant les maisons, les quartiers entre eux, il se dit même à Bagdad que dans certains on peut circuler en voiture. Enfin la population qui reste à Falluja est totalement acquise aux djihadistes.

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Mossoul

Les américains n’ont pas réussi à convaincre Mustafa Sayed Kader, ministre des peshmergas, de les engager pour libérer Mossul qui n’est pas une ville Kurde. Les Pechmergas se contenteront vraisemblablement de tenir le front Nord et de conduire des opérations limitées sur des villages où existent des minorités kurdes ou non sunnite.

Comme le montre la carte ci-dessous, la prise de Mossoul n’est pas pour demain car les forces irakiennes sont encore à 80 km la capitale régionale et doivent d’abord conquérir plusieurs villes et franchir les obstacles naturels tenus par les djihadistes qui couvrent le Sud de la capitale du gouvernorat.
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Personne n’espère donc à Bagdad une libération de Mossoul en 2016 car même si les américains ont renforcé le soutien en formation et appui qu’ils apportent à l’Armée irakienne en engageant 3000 parachutistes de la 101ème division aéroportée, aucun observateur n’envisage la participation directe des forces américaines aux combats au sol.

Situation sécuritaire

La situation sécuritaire est liée d’une part aux attentats qui augmentent dans 2 gouvernorats faisant accroitre fortement le nombre des morts par attentats en Irak à 664 morts en mars contre 450 morts en février, 397 morts en janvier et 545 en décembre 2015 et, d’autre part, par aux actes de banditismes (attaques à main armée et enlèvements) qui continuent d’augmenter notamment à Bagdad.

Les attentats sont concentrés à 62% a dans les 2 gouvernorats de Nineveh 221 morts au lieu de 92 en février et d’Al Anbar 176 morts contre 98. Viennent ensuite Babel 67 morts contre aucun en février; Salahuldein 65 contre 78; Bagdad 63 contre 69; Kirkuk 44 contre 77; Diyala 6 contre 36.

Général (2S) Jean-Bernard PINATEL


Guerre ou paix ? Russie – États-Unis se serrent la main devant les caméras tout en se montrant les dents sur le terrain

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Bien que la Guerre froide soit révolue, les Etats-Unis et la Russie continuent à entretenir des relations empreintes d’une grande méfiance. Dernier motif d’escalade des tensions en date : la volonté américaine de redéployer de façon permanente une brigade blindée de l’OTAN en Europe de l’Est.

Atlantico : Le secrétaire d’Etat américain John Kerry et le Président russe, Vladimir Poutine se sont rencontrés la semaine dernière et ont évoqué les situations de la Syrie et de l’Ukraine. Cette rencontre semblait témoigner d’un rapprochement entre les Etats-Unis et la Russie dont les relations se sont tendues ces derniers mois, sur les dossiers syrien et ukrainien notamment. Mais dans le même temps, Washington a annoncé vouloir redéployer de façon permanente une brigade blindée en Europe de l’Est.

Les signaux envoyés et décisions prises récemment s’inscrivent dans des dynamiques contradictoires. Pourquoi, selon vous, depuis la fin de la Guerre froide, la relation russo-américaine n’a-t-elle pas réussi à se délester du poids de la méfiance ?

Jean-Bernard Pinatel : La politique américaine peut sembler inconstante et dangereuse, et votre question reflète parfaitement l’impression qu’elle projette pour des observateurs étrangers.

Les États-Unis sont une démocratie dominée par des lobbies dont le pouvoir s’exerce via le Congrès américain. Ils conduisent tout président américain à des compromis dans la politique étrangère qu’il souhaite mener pour promouvoir les intérêts de la nation américaine. Ces lobbies génèrent 3 constantes immuables depuis 1991, dont le poids varie en fonction des circonstances et de la personnalité des dirigeants.

L’intérêt transcendant tous les autres, qui s’impose à tout président américain depuis 1991, est de conduire une politique étrangère visant à maintenir la primauté mondiale que les États-Unis ont acquise avec l’effondrement de l’URSS. Mais cet objectif doit être atteint en préservant les intérêts des lobbies qui dominent la démocratie américaine et dont le pouvoir s’exerce au Congrès. Trois lobbies exercent une influence déterminante sur la politique étrangère américaine. Le plus fort et dangereux est le lobby militaro-industriel, dénoncé le 17 janvier 1961 à la fin de ses deux mandats de président par le général Eisenhower dans une adresse solennelle à la nation américaine [1]. Le second, par son influence, est le lobby de Wall Street dont l’objectif est de faire tomber toutes les barrières commerciales et les frontières pour permettre aux capitaux et aux entreprises américaines de se développer mondialement. Enfin le lobby israélo-américain qui fait pression pour un soutien inconditionnel à Israël en toutes occasions, même les moins défendables, et qui influence la politique américaine au Moyen-Orient.

Mais la première constante dans la politique étrangère américaine, compatible avec les objectifs du lobby-militaro-industriel et des autres lobbies est d’empêcher la création de l’Eurasie, c’est-à-dire une alliance ou une coopération stratégique entre l’Europe et la Russie qui leur contesterait leur primauté mondiale. L’ancien conseiller national à la sécurité des États-Unis, Zbigniew Brzezinski, publia en 1997 sous le titre Le grand échiquier un livre où il soutenait la thèse selon laquelle « Pour l’Amérique, l’enjeu géopolitique principal est l’Eurasie ». Il explicitait ainsi sa pensée [2] : « Si l’Ukraine tombait, écrivait-il, cela réduirait fortement les options géopolitiques de la Russie. Sans l’Ukraine et ses 52 millions de frères et sœurs slaves, toute tentative de Moscou de reconstruire l’empire eurasien menace d’entraîner la Russie dans de longs conflits avec des non-slaves aux motivations nationales et religieuses. »

Toute la tension avec la Russie procède de cette analyse. Les États-Unis et l’OTAN jouent de la méfiance légitime des pays de l’Est européen avec la Russie. Ce qu’il y a de regrettable, c’est qu’Angela Merkel et François Hollande se sont mis à genoux devant les exigences américaines. Alors que les faits font conclure à tout analyste indépendant que ce sont les agissements américains qui sont les responsables du coup d’État de la place de Maïdan du 20 février 2014. C’est ce coup d’État qui a conduit à la démission du président pro-russe Viktor Ianoukovitch, entrainant la riposte de Poutine en Crimée et le climat de Guerre froide exploité par Washington pour déployer une brigade blindée en Europe de l’Est.

Malgré la volonté affichée par Obama au début de son mandat, le président américain n’a pas pu appuyer sur le bouton « reset » de la relation avec la Russie. Pourquoi ? A quels niveaux faudrait-il agir pour que la relation États-Unis/Russie se reconstruise sur des bases saines ?

Parce ce que la Russie, dans l’opinion américaine, est pour l’instant le seul adversaire crédible pour satisfaire les objectifs du lobby militaro-industriel qui est de maintenir un budget militaire mondial supérieur au total de celui de tous les autres grands acteurs du système international. Quelques chiffres permettent de concrétiser cette domination [3] : le budget américain de la Défense était de 640 milliards de dollars en 2013, supérieur au total des 9 autres budgets des pays suivants, dont ceux de la Chine (188 milliards de dolars), de la Russie (88 milliards de dollars) et de la France (61 milliards dollars – parité euros dollars de 2013).

Quant au budget des 16 agences de renseignement américain, il est équivalent au total du budget militaire de la Russie, soit 76 milliards de dollars [4] en 1973.

Néanmoins cette relation pourrait évoluer rapidement car la Chine apparait aux experts américains comme une menace de plus en plus crédible pour les intérêts économiques et stratégiques américains [5]. Ils surveillent notamment tout rapprochement stratégique entre la Russie et la Chine qu’ils ne peuvent accepter. C’est la seule option qui peut faire changer fondamentalement la position des États-Unis vis-à-vis de la Russie.

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Le graphique ci-dessus montre que la relation commerciale entre les États-Unis et la Chine devient de plus en plus déséquilibrée, ce que souligne le rapport au Congrès de la Commission chargée de suivre les rapports économiques et de sécurité des États-Unis avec la Chine.

En matière de sécurité, le même rapport conclut que les relations sino-américaines continuent de se détériorer.

Si la Guerre froide est révolue, certains officiels et experts se référent toujours aux schémas de l’époque bipolaire. Dans quels cercles sont-ils les plus présents et influents (à la fois aux États-Unis et en Russie) ? Est-ce une question d’âge ? Le renouvellement des élites et l’arrivée de nouvelles générations peuvent-ils laisser entrevoir une évolution des mentalités ?

Je ne pense pas qu’il s’agisse d’une question d’âge. Il s’agit tout simplement d’intérêts au sens que le Premier ministre de la reine Victoria, Benjamin Disraeli (1804-1881) donnait à ce concept. Il considérait que les États n’ont ni amis, ni ennemis mais des « intérêts permanents ».

Tout le problème aujourd’hui dans nos démocraties est de savoir qui détermine réellement ces intérêts permanents : la nation souveraine au travers du suffrage universel ou les lobbies ?

Propos recueillis par Emilia Capitaine

[1] Nous devons veiller à empêcher le complexe militaro-industriel d’acquérir une influence injustifiée dans les structures gouvernementales, qu’il l’ait ou non consciemment cherchée. Nous nous trouvons devant un risque réel, qui se maintiendra à l’avenir : qu’une concentration désastreuse de pouvoir en des mains dangereuses aille en s’affermissant. Nous devons veiller à ne jamais laisser le poids de cette association de pouvoirs mettre en danger nos libertés ou nos procédures démocratiques. Nous ne devons jamais rien considérer comme acquis. Seul un peuple informé et vigilant réussira à obtenir que l’immense machine industrielle et militaire qu’est notre secteur de la défense nationale s’ajuste sans grincement à nos méthodes et à nos objectifs pacifiques, pour que la sécurité et la liberté puissent prospérer ensemble.

[2] Traduit de Zbigniew Brzezinski, Die einzige Weltmacht – Amerikas Strategie der Vorherrschaft, Fischer Taschenbuch Verlag, pp.15/16.

[3] Le budget de Défense américain représentait en 2013, 640 milliards de dollars autant que le Budget réuni des 9 pays suivants : Chine (188), Russie (88), Arabie Saoudite (67), France (61), Grande-Bretagne ()58, Allemagne (49), Japon (49), Inde (48), Corée du Sud (33). Source SIPRI.

[4] En savoir plus : Le Monde : « Le « budget noir » américain rendu public ».

[5] 2015 REPORT TO CONGRESS OF THE U.S-CHINA ECONOMIC AND SECURITY REVIEW COMMISSION, novembre 2015 : « government’s efforts to address tensions in the U.S.- China relationship through bilateral dialogue continue to yield limited results. The latest Strategic and Economic Dialogue concluded with some progress on environmental and financial issues, but reached an impasse in addressing fundamental strategic and economic issues such as cybersecurity, anticorruption cooperation, and investment barriers to foreign firms in many industries ».


Analyse de la situation politique et militaire en Irak - Mars 2016

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En Irak, le mois de février a été le théâtre de l’affrontement des influences extérieures américaines et iraniennes ; les premières cherchant à écarter les milices shiites de la future bataille de Mosul ; les secondes, s’appuyant sur les partis shiites irakiens, essayant de les imposer dans une région pourtant essentiellement sunnite et kurde.

Sur le plan des opérations militaires, il semble clair que le gouvernement irakien veuille régler le cas de Faluja et sécuriser définitivement le Nord de Bagdad avant de s’attaquer à Mosul. Et la puissante contre-offensive menée par Daech le 28 février en direction de la ville d’Abou Ghraib, dont les limites Est touchent pratiquement l’aéroport international de Bagdad, est de nature à les conforter dans cette résolution.

Cette décision de s’emparer d’abord de Faluja, puis de sécuriser le nord-ouest de Bagdad jusqu’à Samara, repousse clairement à 2017 la reprise de Mosul. Elle contraint la diplomatie américaine à essayer de s’entendre avec les Russes pour éviter au camp démocrate, en cette année pré-électorale, l’humiliation de voir Raqqa, capitale de l’Etat islamique, libérée par les forces syriennes appuyées par les Russes alors qu’en Irak la bataille décisive de Mosul n’est même pas amorcée.

Situation militaire

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Il semble que les irakiens veulent régler le cas de Faluja avant de s’attaquer à Mosul. En ce début du mois de mars Faluja est totalement encerclée mais la bataille pour chasser les djihadistes de la ville sera, à mon avis, extrêmement difficile. Daech est installé dans cette ville depuis longtemps et ses positions sont beaucoup plus fortifiées et piégées qu’à Ramadi.
Au sud de la ville de Faluja, les unités de l’armée et de la police irakiennes se trouvent à vue du pont de Faluja, situé à l’ouest de la ville mais le 26 février, elles ont dû repousser une contre-offensive lancée par Daech. Parallèlement, l’Etat-major irakien, cherche à couper les routes du Nord avec « l’organisation des milices populaires » qui a causé à Daech des pertes importantes en vies humaines et en matériels dans le district de Karma Nord-Est de Faluja.

Au nord de Faluja, dans la région d’Albou Abid, à 20 km au nord de Ramadi, selon un chef tribal de la région, toutes les routes d’approvisionnement de Daech ont été coupées par les hommes des tribus.

Le 28 février, Daech a lancé une vaste offensive sur Abou Ghreb, dans la région de Hasswa, à l’ouest de Bagdad, obligeant les populations locales à prendre la fuite. Les combattants de Daech ont, pendant ces combats, incendié le silo de Khan Dhari ainsi que plusieurs camions chargés de blé qui s’y trouvaient. L’aviation militaire irakienne a lancé plusieurs raids sur ces nouvelles positions de Daech pour les en déloger. C’était la première fois depuis 2014 que Daech arrive jusqu’à là. Des forces militaires irakiennes, notamment le régiment présidentiel, ont été déployées aux alentours de l’aéroport international de Bagdad, tout proche d’Abou Ghreb, pour parer à toute éventualité.

Sur le plan politique

Le 24 février, le premier ministre irakien Haider Al Abadi a évoqué la question des milices de l’Organisme de Mobilisation Populaire, en disant que ces forces doivent prendre part à la libération de la ville de Mosul. Cette déclaration a entrainé de fortes réactions dans les milieux politiques et populaires irakiens. L’utilisation des milices shiites pour libérer Mosul, ville à dominante sunnite et à forte minorité kurde, est perçue par les sunnites comme une volonté de les écarter de cette bataille et de remplacer l’occupation actuelle de la ville par les djihadistes de l’Etat Islamique par celle des milices pro-iraniennes. Haider Al Abadi a déclaré que la décision de libérer Mosul serait une décision purement irakienne. Les partis et les coalitions shiites ont, bien sûr, soutenu cette déclaration tandis que les partis sunnites ont critiqué ses propos, soulignant que la libération de la ville de Mossoul doit être faite par les habitants de ce gouvernorat sunnite en coopération avec l’armée irakienne et les peshmergas mais sans la participation des milices shiites.

Tout de suite après sa déclaration, le premier ministre a tenu à rencontrer, à plusieurs reprises, les chefs des milices shiites pour leur faire part de son soutien et démentir les rumeurs de pressions américaines et internationales. Pour les observateurs, cela constitue une volte-face d’Al Abadi par rapport aux accords passés avec les parties locales et internationales dans le cadre de la lutte contre Daech. Ces accords avaient prévu d’écarter les milices shiites des champs de bataille qui se trouvent dans les gouvernorats à majorité sunnite, à consolider le rôle de l’armée irakienne et des combattants des tribus sunnites dans les combats contre Daech. Cette déclaration d’Al-Abadi est semble-t-il destinée à conforter sa position intérieure vis à vis des partis shiites car elle a été faite juste après son annonce de remanier son gouvernement en l’ouvrant à des techniciens ce qui pourrait entrainer le départ de plusieurs ministres shiites. Ce faisant, il rejoint les rangs des pro-iraniens car écarter les milices shiites c’est écarter politiquement l’Iran de la scène irakienne. Pour l’Iran, les villes irakiennes à l’Est du Tigre sont ses portes vers la Syrie. C’est pourquoi Téhéran essaie d’imposer les milices shiites en tant que composante de la bataille de Mosul, afin d’éviter le scénario de la bataille de libération de Ramadi qui s’est déroulée sous surveillance et commandement américain direct et avec une participation sunnite armée et efficace.

Situation sécuritaire

A Bagdad, en général, les crimes organisés de vol à main armée en plein jour, en uniformes militaires ou policiers et à bord de voitures ressemblant à des véhicules officiels, de kidnapping et d’assassinats pour diverses raisons ont continué comme avant. Mais les attentats à l’explosif et à la voiture piégée ont baissé. Le plus violent attentat à l’explosif a eu lieu, le 25 février au soir, lorsque deux kamikazes portant des ceintures d’explosifs se sont fait exploser dans une mosquée shiite, située au quartier de Shula, faisant 12 morts et une trentaine de blessés.
Dans 12 des gouvernorats du Nord et du Sud, la situation sécuritaire est toujours calme et sous contrôle, et reste toujours tendue dans l’ensemble des 6 gouvernorats dans lesquels Daesh réalise des attentats puisque l’on déplore 450 morts contre 397 morts en janvier et 545 en décembre 2015.

Ainsi, dans le gouvernorat d’Al Anbar on déplore 98 morts contre 106 morts en janvier et 182 en décembre ; à Nineveh 92 morts contre 86 en janvier et 132en décembre ; à Salahuldein 78 morts contre 74 en janvier et 86 en décembre, à Kirkuk 77 morts contre 43 en janvier et 73 en décembre ; à Diyala 36 morts contre 32 en janvier et en décembre et à Bagdad 69 morts contre 56 en janvier et 60 en décembre.

Général (2S) Jean-Bernard PINATEL


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