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Analyse de la situation politique et militaire en Irak – Début Juin 2016

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La situation politique à Bagdad reste toujours aussi confuse. Trois acteurs jouent des jeux différents et divisent la communauté shiite. Le premier ministre Al Abadi, sans assise populaire, est incapable d’imposer au parlement un gouvernement de technocrate. Muktada Sadr capitalise sur la colère du peuple et est de venu l’homme fort de Bagdad. Al Maliki sabote l’autorité de son successeur et se proclame dans l’ombre comme seul rempart de la classe politicienne face à Muktasa Sadr.

Sur le plan militaire, si la situation évolue favorablement en Syrie, en Irak, la guerre contre Daesh piétine. L’offensive sur Mosul n’est pas d’actualité [1] car le commandement des forces irakiennes est d’une part confronté comme prévu à une grande résistance à Faluja et, d’autre part, est contraint de retirer des unités du front pour sécuriser Bagdad, cible d’une vague d’attentats sans précédent (202 morts et 440 blessés au mois de Mai) portant à 742 morts (674 en avril) le total des tués dans les 6 gouvernorats où Daesh développe ses actions.

Situation militaire et sécuritaire

En Syrie, la chute de Racca devrait être réalisée avant la fin de l’année. En effet, on assiste à une course de vitesse pour libérer la capitale de l’Etat islamique entre les forces syriennes appuyées par les Russes et les Forces démocratiques syriennes (SDF) soutenues par les frappes américaines. Les forces syriennes, après leur victoire sur Daesh à Zakiyah, voudront s’emparer dans un premier temps de l’aéroport militaire de Tabaga avant de poursuivre sur Al-Tabqah ( 5km plus au Nord) ville qui contrôle l’accès Sud au barrage Assad sur l’Euphrate et à Racca.De leur côté, les milices kurdes de l’YPG et les forces démocratiques syriennes (SDF) appuyées par les forces spéciales et l’aviation américaine, au grand dam des turcs, cherchent à s’emparer de la ville de Al-Thawrah pour atteindre le barrage du Lac Assad avant les forces syriennes ce qui permettrait de leur barrer l’accès à Racca.

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En Irak la reprise de Faluja pose à la coalition un problème humanitaire sans précédent. Les 90 000 habitants sunnites toujours présents dans cette ville, encerclée notamment par les milices shiites, craignent des représailles massives. Malgré le manque de vivres et de médicaments, résister est pour eux une question de vie ou de mort. Si le siège et la résistance se prolongent une catastrophe humanitaire sans précèdent risque d’entacher durablement l’image du combat de la coalition contre Daesh.

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Saisissant l’opportunité du retrait des forces irakiennes du front de Mosul, Daesh a lancé des attaques sur plusieurs points faisant reculer les Peshmergas kurdes qui encerclent Mosul au Nord et à l’Est.
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Situation politique

La situation politique n’a pas évolué. Trois acteurs jouent des jeux différents et divisent la communauté shiite.

La classe politique au pouvoir n’a pas arrêté ses querelles visant à empêcher le gouvernement d’Al Abadi de mettre en œuvre ses réformes et de combattre efficacement la corruption. Les députés du parlement irakien ont refusé, par trois fois, d’accorder leur confiance à un nouveau gouvernement irakien composé de ministres technocrates et indépendants des grands partis politiques. Les Américains malgré leurs doutes sur sa capacité à gérer la situation essaient de sauver Al Abadi qui n’a pas d’assise populaire, ayant vécu la majeure partie de sa vie à l’étranger.

De son coté, face à cette situation de blocage, la colère de Muktada Sadr et de ses partisans ne faiblit pas. Ses partisans ont forcé, à deux reprises, au cours du mois de Mai, l’entrée de la zone verte pour manifester leur colère vis-à-vis du gouvernement et du parlement irakiens et de la classe politique. Ils ont occupé le bâtiment du parlement irakien et le cabinet du premier ministre irakien, menaçant de revenir à la zone verte de façon encore plus violente si le gouvernement irakien ne combat pas réellement la corruption et n’applique pas les réformes politiques promises.

Le troisième acteur de ce blocage est Nourri Al-Maliki. Tapis dans l’ombre il exploite tout faux pas du premier ministre a Haider Al-Abadi et ne cesse répéter qu’il est incompétent et incapable de gouverner l’Irak malgré le soutien du grand chef religieux shiite de Najaf Ali Sistani. Il se présente comme le seul capable à juguler Muktada Sadr et de sauver la classe politique actuelle.

Cette situation politique risque de durer et il n’est pas impossible que si un général irakien se faisait remarquer dans le combat contre Daesh, beaucoup d’irakiens le poussent à prendre le pouvoir et que les américains si résignent.

Général (2S) Jean-Bernard PINATEL

[1] Dans un rapport récent, la CIA estime que la libération de Mossoul prendra plus de temps que prévu et estime que l’offensive de libération de Mossoul ne pourra pas commencer avant la fin de l’année.

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