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Analyse de la situation politique et militaire en Irak mi-juillet 2016

41 commentaires

Synthèse générale

La prise de Faluja le 26 juin à laquelle l’ensemble des forces irakiennes y compris les milices chiites [1] ont participé est une première victoire significative dans la guerre contre Daech en Irak. Elle aurait couté environ 2000 morts aux forces irakiennes et 500 morts aux djihadistes. La victoire de Faluja envoie un message fort à la communauté sunnite irakienne qui, marginalisée par la politique sectaire d’Al Maliki, avait accueilli avec ferveur les djihadistes de Daech. Elle vient d’apprendre à ses dépens que la communauté internationale et les puissances régionales ne permettront pas le maintien durable d’un califat au cœur du Moyen-Orient, ce qui peut avoir un fort impact sur leur soutien à Daech dans la région de Mosul.

Cette victoire qui se dessinait début juin a permis au premier ministre irakien de prendre une première décision qu’attendaient les manifestants et les partisans de Moktar al Sahr. Al Abadi a limogé plusieurs hauts responsables politiques, économiques, médiatiques et sécuritaires [2] accusés de corruption et de gaspillage de fonds publics et notamment le chef du service de renseignement irakien, Zuhair Al Gharbawi, qui n’a pas réussi à prévenir les attentats sanglants qui ont endeuillé Bagdad au printemps et qui après une accalmie en Juin se sont encore accentués début juillet.

La prochaine étape est désormais la libération de Mosul mais tout le monde s’accorde à dire qu’elle demandera des efforts d’une autre dimension, la troisième ville d’Irak étant 20 fois plus étendue que Faluja et défendue par 20 fois plus de djihadistes.

Les américains qui avaient officiellement lié leur appui à l’absence des milices chiites dans les troupes d’assaut sur Faluja devront une fois encore avaler leur chapeau ou/et pratiquer leur double jeu vis à vis de leurs alliés sunnites et en premier lieu de l’Arabie Saoudite : s’opposant officiellement et publiquement à la participation des milices chiites à la libération des villes sunnites et en l’acceptant tactiquement. En effet, sur le terrain il semble qu’il y ait eu un accord militaire tacite notamment avec l’Iran car les combattants des milices chiites irakiennes et iraniennes sont plus nombreux, mieux armés et plus aguerris que les combattants tribaux sunnites.

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Le premier Ministre Al Abadi sort renforcé par la victoire de Faluja et par sa décision de limoger de hauts responsables notoirement impliqués dans des affaires de corruption et de détournement de fonds.

De leur coté, les responsables de la communauté sunnites savent désormais qu’il n’y a pas d’autres issues que celle de s’entendre politiquement avec les chiites.

De même, la perspective d’un Kurdistan indépendant s’est éloignée du fait du refus des deux partis kurdes UPK et Changement d’accepter le coup de force du Président Barzani qui veut se maintenir au pouvoir en obtenant un troisième mandat présidentiel, ce qui est contraire aux lois en vigueur dans la province autonome. Le 25 juin, une délégation de Soulymanyia s’est rendue à Bagdad dans une tentative pour réduire l’influence de Massoud Barzani à Bagdad et de créer un cadre officiel des rapports de Soulymanyia avec les autorités irakiennes. La délégation était composé de la femme de l’ancien président irakien Jalal Talabani et de plusieurs chefs de son parti, UPK, et du parti de Changement. La délégation a déclaré au gouvernement irakien que désormais les deux partis kurdes, UPK et Changement, entreraient dans toute négociation avec Bagdad de façon indépendante par rapport au Parti Démocratique du Kurdistan, PDK, de Massoud Barzani. Cette prise d’autonomie de la région de Soulymanyia, proche de l’Iran, n’est pas pour déplaire à Téhéran qui soutiendrait l’instauration d’une nouvelle province autonome kurde à Soulymanyia. Quoiqu’il en soit cette division des Kurdes est une raison de plus pour que les Peshmergas ne s’engagent pas dans la reprise de Mosul.

Situation sécuritaire

La reprise de Faluja a fait diminuer la pression militaire contre Bagdad mais n’a tari qu’une des sources d’où partent les attentats dans la capitale irakienne. Les attentats à Bagdad continueront sans aucun doute parce que Falluja n’était pas la seule base de départ des djihadistes et des kamikazes. Ils sont présents au sein même de Bagdad et viennent du Nord de la province de Diyala.
Au mois de juin le nombre d’attentats reste élevé en Irak même s’ils ont diminué provisoirement à Bagdad pour bondir spectaculairement en juillet comme le montrera le décompte de fin juillet.
On dénombre en effet 550 morts par attentats en juin contre 742 en Mai. Les deux tiers d’entre eux se sont produits dans les deux gouvernorats d’Al Anbar (178) et de Nineveh (156). Le reste des tués par attentat se répartit ainsi : Salahuldein 76 ; Kirkuk 74, Bagdad 40, Diayala 16, Kerbala 10.

[1] Les milices chiites ont effectivement participé à la reprise de Faluja. Les 2000 combattants qu’elles avaient déployés ne se sont pas contentés de soutenir les forces armées irakiennes et d’encercler la ville. Ils ont été les premiers à entrer dans la ville.

[2] Ces révocations ont concerné aussi la directrice générale de la Banque Irakienne du Commerce, Hamdyia Al-Jaf, les directeurs généraux des banques publiques agricole, industrielle et foncière ainsi que ceux des deux banques Rafidain et Rashid, accusés de corruption et de détournements ainsi que le président du réseau irakien d’information, Jabar Al Shabout, accusé de corruption et d’incompétence.

  1. sophie Chalet says:

    Sans entrer dans tous ces détails géopolitiques,si les attentats islamistes constituaient des « frappes » contre le monde occidental des « incroyants »,alors pourquoi la France est-elle la principale cible de l’EI et pas l’Italie, l’Espagne, la Grèce ou tout autre pays?
    Tout simplement à cause de notre action en Syrie!
    Si notre président répond aux attentats sur notre territoire en augmentant ses frappes en Syrie, alors il confirme totalement ce rapport direct et peut-être unique.
    Qu’on arrête cette escalade de la violence, car elle n’a pas de fin!!!

    • Xima Michel says:

      Il y a plusieurs raisons pour lesquelles la France est en première ligne et visée plus que d’autres pays européens Nous avons la plus forte communauté musulmane d’Europe et EI cherche a provoquer la guerre civile en montant la population contre les musulmans, lesquels de « modérés » basculeraient dans l’intégrisme. La France est intervenue derrière les américains en Libye, seule au Mali contre AQMI. Enfin la France frappe en Syrie, et en Irak avec son aviation. Il est illusoire de penser que l’on puisse maintenant arrêter l’escalade de la violence, avant d’avoir éradiqué l’EI, démantelé leurs bases de Mossoul et Raqqa, établi un cessez-le-feu puis une paix permettant le retour des millions de réfugiés ayant fui les combats.4

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