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Pour comprendre d’où vient l’argent de l’Etat islamique (et le frapper au portefeuille)

L’Etat islamique dispose de revenus importants qui proviennent de son territoire et d’activités de contrebande et qui lui permettent d’être aussi puissant. Ses ennemis commencent d’ailleurs a bombarder les camions citernes de l’organisation.

Atlantico : L’Etat islamique dispose de plusieurs milliards de dollars qui lui permettent de financer ses activités terroristes. Une grosse partie de ses revenus viendrait du pétrole syrien mais pas seulement. D’où provient tout cet argent ? Quels sont les principales activités rapportant de l’argent à l’Etat islamique ?
Jean-Charles Brisard : L’essentiel des revenus de l’Etat islamique provient des ressources naturelles à sa disposition grâce à son assise territoriale en Syrie et en Irak. Il s’agit du pétrole, du gaz naturel, de phosphates, l’orge et le blé ainsi que le coton. Tout ceci représente plus de 60% des revenus de l’organisation. L’Etat islamique tire également des revenus sur des activités criminelles telles que l’extorsion, les taxes et les confiscations imposées à la population locale. Aujourd’hui ces activités représentent pour près de 30% du total.

L’organisation génère également des revenus à partir de rançons touchées après une prise d’otage et divers trafics.

A quoi sert tout cet argent ?

Jean-Charles Brisard : L’essentiel des revenus générés à hauteur de 3 milliards de dollars par an sert surtout à assurer les services minimaux dans les provinces : les services sociaux, les sanitaires, etc. Ils servent à assurer un certain niveau de vie à la population sous son contrôle. On connaît le budget de la province avant qu’il soit pris par l’Etat islamique. Il y a les salaires également. Nous connaissons les montants et nous savons qu’ils ont baissé en raison de l’action de la communauté internationale.

Outre le pétrole, qu’est-ce qui est fait par la coalition pour endiguer ces sources de revenus ? Est-ce efficace, et que faudrait-il faire encore ?

Jean-Bernard Pinatel : Il faut distinguer le financement extérieur du financement intérieur à la zone contrôlée par Daesh et sa périphérie. Venant de l’extérieur les financements proviennent de donations volontaires ou d’impôt révolutionnaire et transitent par l’Arabie Saoudite qui est devenue la plus grande lessiveuse de l’argent sale du Monde au travers des banques islamiques dont le fonctionnement est totalement opaque. Au Nord, la Turquie, membre de l’OTAN, a laissé sa frontière ouverte à Daesh qui, en toute tranquillité, exporte son pétrole et les biens de ses trafics, se ravitaille librement sur le sol Turc en armes et munitions et y soigne ses blessés. De plus la Turquie est la porte grande ouverte par où les renforts humains de Daesh arrivent ou par laquelle les terroristes s’exportent, dissimulés dans les flots de migrants dont Erdogan organise peu ou prou l’exportation. Les conditions politiques ne sont donc pas réunies pour un succès militaire rapide tant que les Etats-Unis ne mettront pas un terme à leur double jeu. Il faut donc faire pression sur eux car ils sont les seuls à pouvoir tordre le bras à la Turquie et à l’Arabie Saoudite.

Concernant le pétrole, que fait actuellement la coalition pour lutter contre les exportations de l’EI ? Quelles autres actions faudrait-il mener pour « couper le robinet » ?

Jean-Charles Brisard : Aujourd’hui la stratégie de la coalition est de dégrader les capacités de l’Etat islamique en frappant les moyens de transport, de stockage et de raffinage du pétrole par des frappes aériennes. La coalition ne frappe pas les puits de pétrole eux-mêmes parce qu’elle estime que cela pénaliserait la population. La seule manière de réduire son financement est de réduire son emprise territoriale. L’essentiel est de faire reculer l’Etat islamique. Il y a d’autres moyens aujourd’hui. Les sanctions internationales de l’ONU telles que le gel des fonds sont totalement inapplicables concernant cette organisation qui ne dispose pas de flux financiers et de comptes bancaires. Il faut repenser le modèle de sanction pour limiter le financement pour aller vers un modèle d’embargo tel qu’appliqué dans les années 90 en Angola contre l’UNITA. Ils avaient également pris le contrôle de puits de pétrole dont la vente leur permettait de se financer.

Jean-Bernard Pinatel : La coalition ne faisait pas grand-chose jusqu’à présent. Pour la première fois, le 14 novembre 2015, la coalition anti-jihadistes conduite par les Etats-Unis a annoncé avoir détruit 116 camions citernes utilisés par le groupe Daesh. Début 2015 d’après les informations que m’ont fournies des sources irakiennes, 400 camions citernes de 30 m3 franchissaient quotidiennement la frontière turco-syrienne et irakienne.

Pour plus de détail sur la stratégie pour toucher le « Califat » au portefeuille et autres moyens pour le combattre voir ici : http://www.atlantico.fr/decryptage/et-part-ensevelir-raqqa-tapis-bombes-cinq-autres-moyens-abattre-etat-islamique-jean-bernard-pinatel-jean-charles-brisard-2451136.html

Source : ATLANTICO