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Analyse de la situation politique et militaire en Irak – Début Mai 2016

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Le mois d’avril a confirmé que les conditions politiques et militaires d’une victoire rapide sur Daech en Irak sont loin d’être réuniescomme le confirment les principaux responsables américains de la coalition et cela malgré les déclarations volontaristes mais irréalistes de Monsieur le Drian à Bagdad le 11 avril.

Sur le plan politique

Le mois d’avril a connu une escalade dans la pression queMuktadaSadr exerce sur les députés afin qu’ils acceptent le gouvernement de techniciens qu’il appelle de ses vœux pour mettre fin aux prévarications des membres du gouvernement et du Parlement. Après le rejet le 12 avril, par le parlement irakien de la liste du gouvernement de technocrates proposé par le premier ministre, 180 députés environ sous la conduite des sadristes se sont mis en grève et ont commencé un sit-in à l’intérieur de l’Assemblée. Puis lors d’une séance extraordinaire sous la présidence de l’un d’entre eux, Adnan Al-Janabi, ils ont démis Salim Al-Joubouri ,membre du parti des forces nationalesd’obédience sunnite, de sa fonction de Président du Parlement irakien et ont convoquéles députés à une nouvelle séance pour le 16 avril afin de désigner une nouveau président. Le président du parlement« révoqué », Salim Al-Joubouri, a déclaré anticonstitutionnelles les mesures prises par le groupe des députés contestataires. Le 20 avril, MuktadaSadr a « gelé » son groupe parlementaire jusqu’à ce que le parlement irakien se réunisse pour approuver le gouvernement de technocrates bloquant tout travail parlementaire. Le 27 avril, devant l’incapacité des députés de s’entendre,MuktadaSadr a donné le feu vert, à sespartisanspour forcer l’entrée de la zone verte et celle du parlement irakien. Les forces de l’ordre ont laissé faire se contentant de regarder ce qui se passe sans réagir. Les députés sous la pression des manifestants ont quitté le bâtiment et se sont réfugiés à l’HotelRasheed.

Sur le plan militaire

Rien de significatif ne s’est passé sur le terrain dans la guerre contre Daech. Des offensives limitées contre les positions de Daech au Sud de Kikukont été menéestandis que deviolentes contre-attaques de Daech ont été repoussées difficilement dans le gouvernorat d’Al Anbar autour de Hit et de Ramadi.

En revanche de graves accrochages ont eu lieu entre forces censées combattre ensemble Daech. Le 23 et 24 avril à Touzkhourmatou à 80 km au sud de Kirkuk et dans la localité de Sadia située à 100 km de la ville de Bakuba. Des Peshmergas kurdes et les milices turkmènes chiitesse sont affrontés. En effet dans ces régions coexistent difficilement sunnites arabes et kurdes et chiites kurdes et turkmènes. Ces affrontementsoù les deux parties ont utilisé des mortiers, des roquettes et de l’artillerie lourde montrent qu’il est illusoire d’envisager une participation active des Peshmergas à la reprise de Mosul.

Army Lt. Gen. Sean MacFarland Leads U.S. Fight Against ISIS

De leur côté, tous les responsables américains mettent l’accent sur la nécessité de régler la crise politique et les questions économiques qui divisent le pays, avant d’entreprendre une quelconque opération militaire contre Daesh, à Mossoul. Le général Sean Mcfarland, commandant en chef des opérations contre Daesh, a rencontré, ces derniers jours, le premier ministre irakien, son ministre de la défense et plusieurs chefs militaires irakiens.Le secrétaire d’Etat américain à la défense, Ashton Carter, qui se rendait pour la troisième fois en Irak depuis sa nomination au Pentagone, a déclaré le 16 avril, à Bagdad que Washington soutiendrait le gouvernement irakien dans sa guerre contre Daech, annonçant une augmentation du nombre des troupes américaines en Irak.

C’est donc avec un total scepticisme que les observateurs ont accueilli les déclarations de Monsieur LeDrian,Ministre de la Défense français, le 11 avril à Bagdad : « Raqa et Mossoul en 2016 doivent tomber (…) 2016 doit être l’année du début de la fin pour Daech ». Même si la reprise de Raqqa par les syriens appuyés par les Russes apparait possibleavant la fin de l’année, la prise de Mosul est totalement inenvisageable dans les conditions actuelles de la coalition.

Sur le plan sécuritaire

Le nombre de morts par attentats est de 607 victimes (contre 664 en mars ; 450 morts en février ; 397 en janvier). Les gouvernorats d’Al Anbar, Nineveh et de Bagdad concentrent 72% des morts par attentats.

A Bagdad, on compte en avril 107 morts contre 63 en mars et 69 en février.Les attentats terroristes ont pris la forme de kamikaze avec ceinture d’explosifs et de voitures piégées. Ils visent les marchés populaires et les lieux de culte chiites. Le 5, un kamikaze portant une ceinture d’explosifs s’est fait exploser dans un marché populaire situé au sud-est de Bagdad, tuant 4 civils et blessant 4 autres. Le 22, un autre kamikaze s’est fait exploser dans une mosquée chiite au quartier de Radhwanyia, au sud de Bagdad, tuant 8 personnes et en blessant 33 autres. Le 25, trois attentats coordonnés à la voiture piégée ont frappé Bagdad, faisant 25 morts et environ 55 blessés. Le 26 dans le quartier populaire de l’Est de la capitale, un kamikaze portant une ceinture d’explosifs s’est fait exploser, tuant et blessant 45 personnes Enfin, le 30 avril, un camion piégé a explosé dans la région de Nahrawan, à l’est de Bagdad, faisant 28 morts et 45 blessés.

Par ordre décroissant de tués c’est le gouvernorat d’Al Anbarqui enregistre les plus de morts en avril 174 contre 176 en mars ;Nineveh compte 156 morts contre 221 en mars ; Salahuldein 73morts contre 65 en mars ; Kirkuk 69 contre 44 en mars ; Diyala 28 contre 6.
Les 12 autres gouvernorats du Nord et du Sud sont relativement calmes. A Nasiriya un kamikaze s’est fait exploser, le 4 avril, dans un restaurant tuant 5 miliciens chiites, et blessant une vingtaine d’autres. Le même jour, une voiture piégée a explosé au centre de Bassora, tuant 5 policiers et blessant 4 autres.

Général (2S) Jean-Bernard PINATEL

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