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USA-Chine des budgets militaires en forte croissance, pourquoi faire ?

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ATLANTICO : Alors que le budget militaire américain pour 2020 est estimé à 718 milliards de dollars et qu’il reste supérieur à celui des autres pays de la planète réunis, la supériorité militaire américaine semble incontestable. Pour autant, la Chine augmente de manière impressionnante son budget de défense et se place comme potentiellement compétitive de l’hégémonie américaine sur le long-terme. La toute-puissance américaine pourrait-elle être contestée en cas de conflit ouvert ? Quelles seraient les doctrines respectives des Etats-Unis et de la Chine ?

Général Jean-Bernard PINATEL : Je vais répondre simultanément à ces deux questions car elles sont intimement liées.

Un budget militaire s’évalue en fonction des objectifs politiques qui le sous-tend.

Pour les Etats-Unis l’objectif est clair. Ils veulent conserver la suprématie mondiale qu’ils ont acquise à la chute de l’URSS. On doit néanmoins se poser une question. Est-ce que ce montant de 718 milliards de dollars est nécessaire ? N’est-il pas, en partie, le résultat de l’influence qu’exerce le complexe militaro-industriel sur démocratie américaine et dont le Président Eisenhower avait déjà dénoncé le risque en avril 1953 à la fin de son second mandat?

En effet quand on lit la propagande récurrente sur la menace militaire Russe alimentée par les publications d’organisations financées par ce budget, comment ne pas penser que l’Etat amplifie sciemment les menaces pour justifier les sommes extravagantes qu’il prélève dans les poches des américains.
L’exemple de la désinformation sur les armes de destruction massive soi-disant possédées par Saddam Hussein pour justifier l’agression contre l’Irak y incite fortement.

Un autre fait permet de crédibiliser cette hypothèse : le budget des 17 agences de renseignement américaines est supérieur au total du budget militaire russe qui est du même ordre de grandeur que celui de la France : environ le dixième du budget des Etats-Unis !

La motivation chinoise pour accroître son budget militaire est d’une toute autre nature.

La Chine est, en effet, dans une position de vulnérabilité croissante par rapport au risque que représente pour elle la puissance maritime des Etats-Unis et la propension de Washington à décréter unilatéralement un embargo sur le pétrole et à le faire respecter comme cela se passe actuellement avec le Venezuela et l’Iran.

En effet, malgré ses efforts, la dépendance énergétique nette de la Chine est de l’ordre de 15% en croissance constante avec une vulnérabilité particulière vis à vis du pétrole puisque les deux tiers du pétrole consommé en Chine sont aujourd’hui importés. Et 85% de ces importations transitent par la mer, avec un tonnage en croissance rapide comme le montrent le graphique et la liste des pays fournisseurs.


Cliquer sur l’image pour plus de détails.

Ces chiffres expliquent la crainte dans laquelle vivent les dirigeants chinois vis-à-vis des Etats-Unis. Une fermeture du détroit d’Ormuz ou du détroit de Malacca plongerait l’économie et la société chinoises dans une crise profonde. Dans ce contexte de vulnérabilité, on assiste à une double évolution des dépenses militaires chinoises. D’une part elles augmentent fortement. La Chine a annoncé le 5 mars 2019 une croissance de 7,5% de son budget de défense le portant à 1,19 trillions de yuan soit 177,6 milliards de dollars. D’autre part, et c’est une évolution qui a commencée à la chute de l’URSS, la part de la marine s’accroit fortement.

ATLANTICO : Bien qu’une guerre ouverte entre Etats-Unis et Chine semble hautement improbable, certains scénarios comme une possible invasion de Taïwan pourraient-ils dégénérer en réelle escalade ?

Général Jean-Bernard PINATEL :Il ne peut y avoir que des crises locales et, le plus souvent, par puissances interposées entre deux puissances nucléaires. En effet, à l’ère nucléaire, le bénéfice espéré d’une agression est bien inférieur au risque d’escalade nucléaire qui peut résulter d’une confrontation directe. L’Inde et le Pakistan s’affrontent depuis leur indépendance. Tant que ces deux puissances n’étaient pas nucléaires, elles se sont opposées directement dans trois guerres qui ont fait des dizaines de milliers de morts. Depuis la fin des années 80, devenues puissances nucléaires, il n’y a eu que des affrontements limités et par milices interposées.
La Chine sait très bien que si elle décidait par un coup de force militaire de s’emparer de Taiwan, elle ne pourrait pas le faire par surprise du fait de la concentration de forces que cela impliquerait. Même si elle réussissait et que les Etats-Unis évitaient de riposter directement, le bénéfice de cette action serait largement moins grand que les dommages que pourraient lui faire subir une riposte indirecte américaine.

En effet, pour longtemps encore, la marine américaine est en capacité d’interdire toutes les importations maritimes de pétrole de la Chine et de stopper une grande partie de ses exportations qui s’effectuent par mer et ainsi de plonger le pays dans une crise économique profonde qui mettrait en cause la survie du régime actuel. La Chine, malgré l’augmentation impressionnante de sa flotte, ne peut espérer réussir à briser un blocus américain avant au moins deux décennies car le gap de puissance entre leurs forces aéronavales ne se mesure pas en termes de tonnage mais de capacités opérationnelles et il reste aujourd’hui considérable.

Des experts américains cités dans l’article de The Atlantic, lesquels affirment qu’une défaite américaine est envisageable face à la Chine dans les cinq ans à venir et que le pays représente la plus grande menace pour les Etats-Unis.

L’auteur de cette déclaration devant de comité sécurité de l’Aspe Institute est l’amiral Philip Davidson qui est le commandant des forces américaines dans le Pacifique (USPACOM).

Il n’est donc que le chef que d’un des six commandements des Etats-Unis. Son propos est donc limité à sa zone de responsabilité et il n’envisage en aucun cas l’hypothèse d’une confrontation totale et mondiale entre la Chine et les Etats-Unis.

Il ne traite que du rapport des forces en présence dans sa zone de responsabilité, le Pacifique. Et il le fait pour moi avec une phrase ambiguë « China’s capabilities don’t outnumber America’s in the region for now, it’s possible they could overtake the United States’ within the next five years ». En effet, le début de sa phrase que l’on peut traduire par « Les capacités de la Chine ne sont pas plus nombreuses que celles de l’Amérique dans la région pour l’instant » fait penser qu’il parle plutôt du nombre de bateaux, d’avions ou de forces terrestres que de leurs réelles capacités opérationnelles.

A l’opposé la grande majorité des forces aéronavales chinoises est déployée dans la mer de chine, le golfe du Bengale jusqu’à Djibouti pour assurer la sécurité de ses approvisionnements.

Aussi il est tout à fait possible que l’amiral Davidson ait raison et que, dans cinq ans, le nombre de bâtiments ou d’avions chinois déployés dans sa zone de responsabilité ( USPACOM) puisse dépasser (« overtake ») le nombre des avions et bâtiments américains. Mais en termes de capacités à mener une bataille aéronavale les américains disposent d’une expérience que n’ont pas les chinois et ils conserveront probablement pour une ou deux décennies encore des capacités opérationnelles bien supérieures.


Général (2S) Jean-Bernard PINATEL
Secrétaire Général du Think Tank GEOPRAGMA
Auteur de « Histoire de l’Islam radical et de ceux qui s’en servent », Lavauzelle, Mai 2017


Objectifs et originalité du programme spatial chinois

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S’assurer une autonomie stratégique complète dans le domaine spatial, percer sur le marché des lancements commerciaux et exploiter les ressources énergétiques et minières du système solaire constituent les trois objectifs principaux de l’effort spatial chinois.

La Chine a rattrapé presque tout son retard dans le domaine aérospatial en mettant l’accent, dans un premier temps, sur le secteur militaire ce qui lui permet désormais de disposer des moyens d’une force nucléaire globale et crédible, capable de dissuader toute agression contre ses intérêts vitaux.

Le livre blanc 2017-2022 fixe les objectifs à court terme de la Chine dans l’espace et jette les bases de à moyen et long terme de l’exploitation des ressources minières de la lune, de mars et du système solaire.

L’objectif à court terme, 2022, est de disposer d’une autonomie stratégique complète en matière de guidage, d’observation et de télécommunication.

Ainsi, ce Livre blanc prévoit un renforcement du système de positionnement et de navigation « Beidou », l’équivalent chinois du Galileo européen et du GPS américain, de façon à l’étendre au-delà de l’Asie et lui donner une capacité mondiale avec 35 satellites en orbite à l’horizon 2025. Il prévoit aussi le développement de l’autonomie chinoise dans les domaines de l’observation de la Terre, de la surveillance de l’espace, de son infrastructure spatiale et des débris orbitaux ainsi que de sa capacité à collecter et à traiter des données satellitaires. Elle souhaite, comme l’ESA, moins dépendre du Space Surveillance Sytem américain (Norad) et va accroitre ses capacités de surveillance avec la construction de nouvelles installations au sol.

A moyen terme, l’exploration des planètes et de l’ensemble des objets orbitaux par la Chine est envisagée dans un but économique. Sans l’afficher aussi clairement, le programme spatial chinois vise à découvrir et à exploiter de nouvelles ressources énergétiques et minières. C’est pourquoi, à la différence des occidentaux qui se sont fixés Mars comme objectif, la Chine concentre ses efforts pour découvrir et exploiter les ressources minières lunaires. En effet, la Lune abriterait un gaz rare sur Terre, l’hélium-3, qui est le carburant idéal pour la fusion nucléaire [1]. On retrouve aussi ici l’impératif stratégique chinois réduire sa dépendance énergétique.

La Chine a ainsi programmé cette exploration lunaire en trois phases :

La phase 1 a commencé en 2007 et a eu pour objectif d’envoyer une sonde orbitale autour de la lune [2], afin de cartographier et modéliser en trois dimensions certaines régions de la Lune pour y repérer la distribution de l’Hélium-3. Au total, 1,37 téraoctet de données ont été transférées à la Terre au cours de cette mission [3].

La Phase 2 a commencé le 13 décembre 2013 par le lancement, à bord du nouveau lanceur lourd « Longue Marche 5 », d’un rover afin de le poser sur la lune avec des outils de mesure [4] scientifique pour analyser le sol lunaire.

La Phase 3 est programmée pour 2019 et a pour but de ramener des échantillons sur terre. Cette mission baptisée Chang’e 5 comporte un atterrisseur capable de collecter jusqu’à 2 kg d’échantillons lunaires et un engin capable de redécoller du sol lunaire et de les ramener sur la Terre.

En 2020, comme les Américains avec Mars 2020 et les Européens avec ExoMars 2020, la Chine enverra un rover se poser sur Mars, première étape d’un programme qui se terminera par une mission de retour d’échantillons martiens dans le courant de la décennie 2030. Enfin, elle montre un intérêt pour les astéroïdes et Jupiter qui seront probablement deux destinations au programme du prochain Livre blanc.

On perçoit ici une des spécificités du programme chinois : son option, dans le but économique d’exploitation des ressources du système solaire, de concentrer ses efforts sur l’utilisation de robots plutôt que sur l’envoi d’hommes dans l’espace, même si elle en a démontré les capacités [5]. En effet, le lancement de futures missions habitées à destination de la Lune n’est envisagé que lorsqu’elle s’estimera capable de les effectuer sans aucun risque pour les astronautes et si la découverte et l’exploitation des ressources lunaires le rend indispensable.

Enfin, la Chine souhaite évidemment se faire une place sur le marché des lancements commerciaux tout en sécurisant son accès à l’espace, quelle que soit la charge utile à lancer et l’orbite visée. Pour ce faire, la Chine veut se doter de trois nouveaux lanceurs, dont le « Longue Marche 5 » déjà en cours de développement. Ce lanceur lourd sera capable de placer 25 tonnes de charge utile en orbite basse ou 14 tonnes en orbite de transfert géostationnaire. Il pourra donc lancer les modules de la future station spatiale chinoise dont un des premiers éléments précurseurs est déjà en orbite, station spatiale que la Chine a décidé d’ouvrir à tous ses partenaires [6]. Le « Longue Marche 6 », sera un système de transport spatial à déploiement rapide capable de lancer 1 tonne de charge utile en orbite héliosynchrone à une altitude de 700 km. Le « Longue Marche 7 » sera conçu pour lancer 5,5 tonnes sur une orbite héliosynchrone à une altitude de 700 km.


Général (2S) Jean-Bernard PINATEL
Auteur de « Histoire de l’Islam radical et de ceux qui s’en servent », Lavauzelle, Mai 2017

[1] D’après certains scientifiques, il se trouve en quantité suffisante pour alimenter la Terre en énergie pendant des siècles… pour peu qu’on soit capable de l’extraire et de l’utiliser. Près de 100.000 tonnes seraient présentes sur la Lune à une profondeur moyenne de 5 à 6 mètres. La Lune : réserve d’énergie nucléaire.

[2] La sonde Chang’e 1 la été lancée le 24 octobre 2007, depuis le Centre spatial de Xichang.

[3] Programme chinois d’exploration lunaire.

[4] Le 13 décembre 2013, Chang’e 3 a déposé un astromobile (rover) baptisé Yutu (lapin de jade) au nord-ouest de Mare Imbrium. L’événement réunissait plusieurs premières dans le programme spatial chinois : atterrissage en douceur sur un autre corps céleste, premier robot mobile et mise en œuvre d’un générateur thermoélectrique à radioisotope. L’atterriseur et le rover emportaient plusieurs instruments notamment un télescope fonctionnant dans l’ultraviolet. La mission était prévue durer trois mois pour le rover, un an pour l’atterrisseur. Mais, un peu plus d’un mois après l’atterrissage, Yutu a cessé d’émettre pour des raisons ou non révélées par l’agence spatiale chinoise, après avoir parcouru une distance de 114 m.

[5] En 2003, elle est devenue la troisième nation au monde capable d’envoyer un homme dans l’espace.

[6] La Chine affiche sa volonté de coopérer avec d’autres pays. Depuis 2011, quelque 43 accords de coopération et partenariat ont été signés avec 29 pays, agences spatiales et organismes internationaux, dont la France et l’Agence spatiale européenne (ESA).


Emmanuel Macron en Chine : le dessous des cartes par le général Pinatel

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FIGAROVOX/ANALYSE – Le voyage en Chine du Président Emmanuel Macron s’effectue dans un contexte favorable et plein de promesses pour les relations entre les deux pays. Jean-Bernard Pinatel livre une analyse des enjeux qui attendent les dirigeants des deux pays.

En se rendant en Chine du 8 au 10 janvier, Emmanuel Macron va rencontrer le Président Xi Jinping qui commence un second mandat de cinq ans avec un gouvernement encore plus restreint. En effet, il dirigera désormais cet immense pays avec un Comité permanent resserré autour de sept fidèles collaborateurs. Macron sera face à un leader qui a exprimé en septembre 2013, au Kazakhstan, une vision stratégique claire et ambitieuse pour l’avenir de la Chine. Xi Jinping a eu l’habileté de ne pas s’appesantir sur les immenses défis que son pays doit relever dans les 20 ans à venir, ce qui aurait pu être démobilisateur. Il les a présentés positivement en les rassemblant dans un seul «projet-concept» qui fait référence à l’ancienne route mythique de la soie et qui est désormais appelé «Belt and Road Initiative» (BRI).

Face à son interlocuteur, le Président Emmanuel Macron dispose de cartes importantes pour donner un nouvel élan aux relations franco-chinoises dans un contexte de relations sino-américaines tendues sur le plan stratégique, économique et technologique.

Le contexte sino-américain

Lundi 18 décembre 2017, en dévoilant la nouvelle stratégie de sécurité nationale américaine, Trump a classé la Chine dans la même catégorie que la Russie en qualifiant ces deux pays de «puissances révisionnistes» et de «concurrents hostiles» qui cherchent à «façonner un monde antithétique aux valeurs et intérêts américains». «La Chine et la Russie défient le pouvoir, l’influence et les intérêts américains, en essayant d’éroder sa sécurité et sa prospérité», indique le document.

Sur le plan économique, Trump a été élu sur le slogan «Make America Great Again» par la classe moyenne américaine qui voit son niveau de vie stagner et qui en attribue la cause à l’hémorragie de l’industrie américaine au profit de l’étranger, et principalement la Chine, le Canada ou le Mexique. Devenu le champion du patriotisme économique, il a forcé, dès son investiture, le Canada et le Mexique à renégocier l’accord Aléna. Le 1er juin 2017 à Washington il a annoncé que les États-Unis, deuxième pollueur de la planète, allaient sortir de l’accord sur le climat signé à Paris en décembre 2015 par la quasi-totalité des pays du monde. Le vendredi 10 novembre 2017, au forum annuel de l’APEC qui se tenait au Vietnam, Donald Trump a confirmé sa décision de retrait de l’accord de libre-échange transpacifique TPP pour privilégier le cadre bilatéral. De même le 1er décembre 2017 les États-Unis ont officiellement informé l’Organisation mondiale du Commerce (OMC) qu’ils s’opposaient à l’octroi à la Chine du statut d’économie de marché, ce qui devrait leur permettre de maintenir des barrières douanières élevées sur certains produits chinois.

Sur le plan technologique, Trump a lancé le 14 août une enquête sur les conditions de transferts de technologie américaine et le respect de la propriété intellectuelle en Chine.

Cette pression tous azimuts sur la Chine irrite au plus haut point les dirigeants chinois qui n’ont pas manqué de vilipender devant moi cette politique internationale fondée sur le bilatéralisme et le donnant-donnant. Mais tout en dénonçant le risque de guerre commerciale, ils ont choisi de satisfaire l’ego de Trump en rentrant dans son jeu. Lors de sa première visite en Chine les 8 et 9 novembre derniers, Trump a signé pour 253,4 milliards de dollars d’accords commerciaux.

La Chine a des défis immenses à relever

Inégalités et qualité de vie

Ce pays, le plus peuplé du monde, a connu un développement économique sans précédent dans les 25 dernières années. Le PIB par habitant est passé d’environ 1 000 dollars en 1990 à 15 000 dollars en 2016, d’après la banque mondiale. Sur cette période, 700 millions de Chinois sont sortis de la pauvreté. Le pourcentage de Chinois vivant avec moins de 1,25 dollar par jour est passé de 85 % à 11 % entre 1980 et 2012.

Mais cette fabuleuse amélioration s’est accompagnée d’une pollution insupportable pour les habitants de grandes villes et d’une triple croissance des inégalités:

– entre les plus riches et les plus pauvres ;

– entre les provinces chinoises côtières de l’Est et celles de l’intérieur de l’Ouest ;

– entre les villes et les campagnes.

Les dirigeants chinois ont pris conscience que la persistance de ces nuisances et de ces fortes inégalités freinait la croissance et la rendait instable https://www.imf.org/external/pubs/ft/sdn/2014/sdn1402.pdf Dès son accession au pouvoir, XI Jinping s’est attaqué à réduire la pollution et ces trois inégalités.

La Chine, qui demeure encore le premier émetteur mondial de CO2, est devenue le leader en production d’électricité d’origine renouvelable avec 1 398 TWh en 2015, loin devant les États-Unis (568 TWh), le Brésil et le Canada. Le Président chinois a fixé l’objectif de produire d’ici 2020 au moins 15 % de l’ensemble de l’énergie à partir de sources renouvelables. La Chine essaie encore de réduire plus vite ses besoins en énergie fossile, bien que ceux-ci resteront croissants selon les experts jusque dans les années 2025-2030. Je reviens d’un voyage de 10 jours en Chine en novembre 2017 où j’ai rencontré les responsables impliqués dans les nouvelles routes de la soie à Pékin, Xi’an, Xiamen et Shanghaï. Lorsqu’on visite la Chine en 2017, son engagement à limiter le changement climatique et à maitriser les énergies saute aux yeux et sur ce point fondamental le Président Macron n’aura aucune peine à trouver un terrain d’entente et de coopération avec le Président chinois.

Face aux inégalités entre les riches et les pauvres, le président Xi Jinping s’est attaché à lutter contre la corruption des «mouches», les petits fonctionnaires, qui était perçue par la population comme la première cause d’inégalités. Il n’a cessé de renouveler sa volonté de «bâtir un Parti et un gouvernement propres». Pour le tout-puissant numéro 1 du PCC, il s’agit là d’une «question de vie et de mort pour le Parti et pour la nation».

La «Belt and Road Initiative» (BRI) vise à corriger les deux dernières inégalités en développant l’ouest de la Chine, en l’ouvrant vers l’Asie centrale et l’Europe et en fixant les paysans dans les campagnes.

Pour réussir ce triple défi et dans un contexte de concurrence hostile avec les États-Unis, la Chine doit maîtriser la vulnérabilité que constitue sa dépendance en énergie et en matières premières minérales et agricoles. La «Belt and Road Initiative» (BRI) vise aussi à diversifier ses sources d’importations et à les sécuriser.

La dépendance chinoise en énergie et en matières premières agricoles

La Chine importait en 2015 60% de ses besoins en pétrole, 30% de ceux en gaz naturel et 5,5% de ses besoins en charbon (dont elle est le premier importateur mondial) dont la décroissance est amorcée depuis cette date. 60% du pétrole importé vient encore du Moyen-Orient et d’Afrique.

Par ailleurs, la Chine dispose de moins de 10 % des terres agricoles de la planète alors qu’elle représente plus de 20% de sa population. La Chine est ainsi le premier importateur mondial de produits agricoles. Du fait de la modification de la consommation liée à l’amélioration du niveau de vie (protéines animales) ses besoins ne feront qu’augmenter, posant à la Chine un véritable problème de sécurité alimentaire.

Le soja et les huiles représentent plus de la moitié de ses achats (40 % des flux de soja mondiaux vont vers la Chine, ou 65 % si on se limite à la graine, car c’est le mode d’achat privilégié). Ses importations augmentent ainsi virtuellement d’environ 50 % la surface cultivée totale dont elle dispose. Tout en modernisant son agriculture pour atteindre l’autosuffisance en céréales, la Chine s’est donc engagée depuis une dizaine d’années dans une vaste politique de rachat et de location de terres arables à travers le monde, surtout aux Philippines, en Indonésie et au Laos et plus de 60 millions d’hectares sur le continent africain.

Pour sécuriser ces approvisionnements vitaux, la Chine même une politique de diversification de ses sources d’approvisionnement et des voies d’acheminement.

La principale route maritime par où transitent actuellement 80% des importations chinoises est vitale mais très vulnérable.

C’est pour cette raison que la Chine s’est attachée à construire un «collier de perles» et moins prosaïquement une ceinture de bases aéronavales. Ses ports pour ceux du Myanmar et du Pakistan sont directement reliés à la Chine et constituent les deux premières routes terrestres de la nouvelle route de la Soie.

Un autre tracé suit le chemin historique de l’ancienne route de la Soie. Cette route part de X’ian, que le Président Macron va visiter et où a été découverte en 1974 «l’Armée de terre cuite» qui protège le mausolée de l’empereur Qin. Elle traverse le Kirghizistan, les villes de Samarcande et de Boukhara en Ouzbékistan et de Merv au Turkménistan d’où une branche s’oriente vers la Turquie et l’Europe et l’autre vers l’Iran et le Moyen-Orient.

Enfin la dernière est dédiée au chemin de fer et à la route. Elle part aussi de Xi’an, traverse le nord du Xinjiang, le Kazakhstan, la Russie, la Pologne et relie le nord de l’Europe à la Chine. Ainsi, le 18 janvier 2016, après 18 jours et 12 000 km traversés et deux ruptures de charge, le premier train de marchandise parti de la ville de Yiwu dans la province du Zhejiang a fait son arrivée à Barking, dans la banlieue de Londres.

Ce gigantesque effort d’infrastructure n’a pas qu’un but stratégique, il est réalisé pour favoriser le développement de tout l’ouest de la Chine en l’ouvrant vers l’Asie centrale, le Moyen-Orient, la Russie et l’Europe. En effet, et les Chinois ne cessent de le rappeler, 1% du PIB investi dans l’infrastructure génère au moins 1,5% de croissance supplémentaire dans les pays et les régions traversés. Par ailleurs, alors que les États-Unis affichent leur volonté de ne passer des accords qu’en bilatéral, la Chine affiche une volonté de coopération multilatérale avec les États et les institutions financières régionales et internationales pour financer ce gigantesque chantier par un «pool» de banques dont le capital a été ouvert à tous les pays traversés.

L’enjeu technologique

Par ailleurs, le Président Macron qui veut relancer la recherche française et favoriser le développement des technologies d’avenir trouvera chez le Président Chinois une oreille attentive. Car la Chine a un besoin immense des technologies occidentales, d’autant plus que la source américaine risque de se tarir prochainement.

Enfin la Chine est confrontée comme la France à l’Islam radical. Le pays comporte entre 60 à 100 millions de musulmans sunnites (selon les données fournies par le Centre international de la population de l’Université d’État de San Diego pour le «U.S. News & World Report», la Chine possède 65,3 millions de musulmans. Le site internet de la BBC «religion et éthique» donne une fourchette de 20 à 100 millions (1,5 à 7,5 % du total) de musulmans en Chine). Ceux-ci se répartissent majoritairement dans les populations du Nord-Ouest (Hui) et occidentales (Ouïgours, Kazakhs, Tadjiks, Dounganes). Depuis 2013 la Chine a eu à déplorer des attentats terroristes de masse provenant essentiellement des populations ouïgours. Les services chinois pointent la Turquie, dont les services auraient facilité l’accès de djihadistes chinois en Syrie. Par ailleurs les trois routes terrestres de la soie qui traversent le Myanmar, le Pakistan et l’Ouzbékistan sont confrontées aussi à l’Islam radical.

Enfin en tant que membre du Conseil de sécurité de l’ONU, comme la France, la Chine est présente financièrement, économiquement et souvent militairement sur tous les théâtres du Moyen-Orient et africains qui intéressent directement notre sécurité et notre développement, notamment à Djibouti où selon Defense News, leur nouvelle base est capable d’héberger une brigade complète (7 à 10 000 hommes).

Le Président Macron va rencontrer un dirigeant très largement impliqué dans les défis posés à son peuple, dans un contexte géopolitique favorable à la France.

Les Présidents Macron et Xi Pinjing ont donc de nombreux points à évoquer qui concernent les deux pays: le défi climatique, les énergies propres et/ou renouvelables, les partenariats scientifiques, technologiques et commerciaux et aussi les dossiers sécuritaires qui nous concernent, notamment face à l’Islam radical au Moyen-Orient et en Afrique.

SOURCE : LE FIGARO


Général (2S) Jean-Bernard PINATEL

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La Chine va-t-elle s’impliquer militairement au Moyen-Orient ?

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Article publié par « Le Figaro », le 01 février 2016.

La guerre contre l’EI en Syrie et en Irak implique désormais, outre les puissances régionales, l’ensemble des grandes puissances membres permanents du conseil de sécurité de l’ONU à l’exception de la Chine. Aussi est-il légitime de se poser la question : la Chine restera-t-elle la grande absente du chaudron irako-syrien ?

Le voyage du président chinois Xi Jinping, du 19 au 23 janvier 2016, en Arabie saoudite, en Égypte et en Iran démontre clairement l’influence géopolitique croissante de Pékin au Moyen-Orient. Il est donc légitime de se demander si la Chine va aussi s’impliquer militairement dans la lutte contre les terroristes de l’Etat Islamique ? La déclaration du Président Xi Jinping, annonçant que son pays entendait faire payer aux «criminels» de Daesh l’«atroce assassinat» d’un ressortissant chinois, en Syrie [1], détenu depuis septembre dernier peut le faire penser d’autant plus que cet assassinat coïncide avec la mort de trois cadres chinois dans l’attaque de l’hôtel Radisson de Bamako le 20/11. Le gouvernement chinois peut-il se contenter de déclarations et ne rien faire pour protéger ses ressortissants à l’extérieur du pays ?

La ligne politique chinoise au Moyen-Orient

Dans un document publié à Pékin en janvier 2016, la Chine a réaffirmé sa détermination à développer ses relations avec les pays arabes sur la base des cinq principes : « le respect mutuel de la souveraineté et de l’intégrité territoriale, non-agression mutuelle, non-ingérence mutuelle dans les affaires intérieures, égalité et avantages réciproques et coexistence pacifique. Elle soutient le processus de paix au Moyen-Orient, la création d’un État palestinien indépendant et pleinement souverain sur la base des frontières de 1967 et ayant Jérusalem-Est comme capitale ainsi que les efforts déployés par la Ligue arabe et ses États membres à cette fin. Elle s’en tient au règlement politique des crises régionales et appuie la création d’une zone exempte d’armes nucléaires et d’autres armes de destruction massive au Moyen-Orient. Elle soutient les efforts actifs des pays arabes visant à renforcer l’unité, à contrer la propagation des idées extrémistes et à combattre le terrorisme ».

Conformément à cette ligne politique, la Chine s’est maintenue jusqu’à présent à l’écart de la lutte contre l’Etat islamique. Cette attitude était dictée par le désir de ne pas déplaire à l’Arabie Saoudite et au Qatar, deux de ses principaux fournisseurs de pétrole, ennemis farouches du régime de Bachar el-Assad et qui soutiennent les groupes islamistes, mais aussi pour ne pas fournir d’arguments à tous les prédicateurs salafistes qui veulent embrigader dans le terrorisme la population Ouighour du Xinjiang.

Néanmoins, la position chinoise reste très éloignée de la solution « démocratique à tous prix », que semble défendre hypocritement les Etats-Unis et l’Europe en Syrie quand on connaît le soutien indéfectible qu’ils apportent à des régimes corrompus ou moyenâgeux comme celui en place en Arabie Saoudite.

La position chinoise insiste sur la nécessité d’un compromis, plutôt que la révolution et ses conséquences directes, le désordre et le chaos généralisé.
La Chine a donc conservé naturellement ses relations diplomatiques avec Damas et y maintient un ambassadeur. Pékin soutient diplomatiquement le gouvernement d’Assad [2]. La Chine n’a jusqu’à présent acheminé en Syrie, de manière ouverte, qu’une aide humanitaire au profit du croissant rouge syrien et a promis une aide importante pour la reconstruction du pays.

Fait nouveau, en mai 2015, sur le plan militaire, la Chine a affiché sa coopération navale en Méditerranée orientale avec la Russie à l’occasion de manœuvres navales communes.

Aussi, il apparait légitime de se demander si on ne va pas assister à un changement de cette politique traditionnelle face à la menace que constitue l’Etat islamique, à l’implication plus ou moins directe et ouverte des Etats du Moyen-Orient notamment celle de la Turquie et aux conséquences que cela peut engendrer pour la sécurité dans le Xinjiang.

En effet, la Chine apprécie toujours une situation selon trois points de vue : le droit international et la légitimité, ses intérêts internationaux et sa stratégie globale, et les conséquences sur le plan intérieur c’est-à-dire pour le Moyen-Orient les activités des djihadistes Ouighours de la province extrême orientale du Xinjiang.

Le risque salafiste au Xinjiang

Pékin prend en effet très au sérieux le risque de contamination des Ouighours [3] du Xinjiang [4] par le salafisme djihadiste, même si cette population musulmane n’est pas acquise à priori aux djihadistes. En effet, elle est de tradition soufie et, de ce fait, considérée par les salafistes comme déviante [5] car revendiquant une relation directe avec Dieu et faisant du prophète un simple instrument de la révélation.
Néanmoins, les musulmans chinois sont passés de près de 11 millions en 1951 à plus de 20 millions aujourd’hui. [6] D’autres estimations avancent le chiffre de 40 à 60 millions, avec plus de 30.000 imams et presque 24.000 mosquées répartis principalement dans les provinces musulmanes.
A partir de la fin des années 80, les séparatistes musulmans de la province autonome du Xinjiang sous l’influence d’Al Qaida, ont de plus en plus contesté l’autorité centrale de Beijing. Néanmoins ce conflit est resté peu médiatisé en occident par rapport à la lutte des Tibétains contre le gouvernement central chinois.

Les Ouighours représentent, en effet, l’ethnie la plus nombreuse du Xinjiang soit 46% de la population (13 millions) malgré une « hanisation » galopante depuis l’arrivée au pouvoir de Mao. Il existe par ailleurs une diaspora ouïgoure très active regroupée dans le Congrès mondial des Ouïghours dont le siège est à Munich, l’Allemagne ayant accueilli de nombreux réfugiés politiques ouïghours. Cette organisation est présidée par Rebiya Kadeer, militante des droits de l’homme, libérée des prisons chinoises qui vit aux Etats-Unis où existe une association américaine des Ouïghours: le Uyghur Human Rights Project, forme classique des ONG soutenues par la CIA et le département d’Etat américain [7].

Pékin considère que ces structures sont des organisations terroristes et dénonce des liens avec le Mouvement islamique du Turkestan oriental, classée comme organisation terroriste [8], qui cherche à établir un État islamique Ouighour dans le Xinjiang.

L’implication de la Turquie dans le soutien aux djihadistes Ouighours

L’ethnie ouighour fait partie d’un vaste ensemble turcique et bénéficie ainsi de relais dans les pays voisins où existent des minorités turcophones et en premier lieu dans la Turquie d’Erdogan. Alors qu’il lutte contre le sentiment national Kurde, et nie le génocide arménien, Recep Tayep Erdogan appuie le développement du panturquisme. Ainsi en juillet 2009, depuis le G8 d’Aquila (Italie), il a dénoncé une « forme de génocide» au Xinjiang. La diplomatie turque s’est ensuite employée à modérer ses propos. Mais les services secrets turcs sont à la manœuvre pour aider le Mouvement Islamique de l’Est du Turkestan à acheminer les combattants Ouighours en Syrie.

Seymour Hersh rapporte dans Military to Military [9] les inquiétudes de l’ambassadeur de Syrie en Chine Imad Moustapha [10] : « Erdogan a transporté des Ouighours vers la Syrie par des moyens de transport spéciaux tandis que son gouvernement s’agitait en faveur de leur combat en Chine. Les terroristes musulmans ouighours et birmans qui s’échappent par la Thaïlande se procurent d’une manière ou d’une autre des passeports turcs puis sont acheminés vers la Turquie d’où ils transitent vers la Syrie. »
L’ambassadeur a ajouté qu’il existe une « ratline » [11] qui achemine les Ouighours – les estimations vont de quelques centaines à quelques milliers – depuis la Chine via le Kazakhstan pour un éventuel transit par la Turquie. « Le fait qu’ils aient été aidés par les services secrets turcs pour se rendre en Syrie depuis la Chine en passant par la Turquie a été à la source de tensions énormes entre services secrets chinois et turcs. La Chine est inquiète du soutien de la Turquie envers les combattants Ouighours en Syrie, qui pourrait très bien s’étendre au Xinjkiang. Nous fournissons déjà des informations concernant ces terroristes et les routes qu’ils empruntent pour rejoindre la Syrie aux services secrets chinois. »
Le journal IHS-Jane’s Defence Weekly a estimé en octobre 2015 qu’au moins 5000 futurs combattants Ouighours étaient arrivés en Turquie depuis 2013, dont peut-être 2000 avaient fait mouvement vers la Syrie. Moustapha a déclaré qu’il détenait des informations selon lesquelles « au moins 860 combattants Ouighours se trouveraient en Syrie. »

Les indices d’une implication militaire accrue de la Chine au Moyen-Orient

La presse officielle chinoise louait le 12 mai 2015 la relation de plus en plus étroite entre Pékin et Moscou, tandis que les deux puissances lançaient conjointement des manœuvres navales inédites en Méditerranée [12]. Ces exercices rassemblent neuf navires de guerre russes et chinois pour une durée prévue de 11 jours, a rapporté le quotidien Global Times.

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La Méditerranée est une partie du monde où les deux pays n’avaient jamais procédé à des exercices militaires communs, ont précisé les médias à Pékin. « Cela montre clairement que les deux pays vont œuvrer ensemble au maintien de la paix et de l’ordre international de l’après-guerre», a commenté l’agence de presse Chine Nouvelle, qui voit dans ce rapprochement la garantie d’une «contribution à un monde meilleur ».

Par ailleurs, en novembre 2015, Pékin a conclu un accord de dix ans avec Djibouti, pour permettre à la Chine d’y construire une plateforme qui abritera des infrastructures logistiques militaires. «Il s’agira de leur premier emplacement militaire en Afrique». Cette base sera tournée d’une part vers l’Océan Indien pour sécuriser la route maritime d’acheminement du pétrole du Golfe Persique et vers l’Afrique. C’est la première base chinoise située aussi à l’Ouest. Elle pourrait constituer un relais et un point d’appui précieux si Pékin décidait d’engager des troupes ou de fournir des équipements militaires à la Syrie.

Pour l’instant, l’action ouverte de la Chine se borne à un soutien diplomatique de l’Etat syrien, à une aide humanitaire et à une promesse de 30 milliards après la guerre pour aider à la reconstruction du pays. Le 2 novembre 2015 l’ambassadeur de Chine à Damas, Wang Qi Jian, recevant une délégation syrienne une délégation de religieux et de tribus, a réitéré le soutien de son pays « au règlement politique de la crise en Syrie pour préserver la souveraineté du pays et l’unité de ses territoires ».

On peut donc affirmer sans crainte que la Chine ne restera pas à l’écart d’un règlement politique de la crise syrienne. De plus, si la guerre contre Daesh s’éternise, il est certain que les menaces pour la sécurité de ses ressortissants au Xinjiang ou de ses expatriés augmentera et qu’il sera de plus en plus difficile au gouvernement chinois de se borner à des déclarations comme en 2015 sans rien faire pour venger les victimes chinoises des terroristes.

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Général (2S) Jean-Bernard PINATEL

[1] Fan Jinghui a été enlevé le 10 septembre ; exécution Annoncée le 19/11/2015 par Daesh.

[2] Elle a joint son véto en 2014 à une résolution du Conseil de sécurité de l’Onu présentée par la France qui devait renvoyer le « dossier syrien » devant la Cour pénale internationale (CPI pour ses violations monumentales des droits de l’homme et du droit humanitaire international.

[3] Les Ouïghours font partie d’un vaste ensemble de groupes ethniques et culturels turco-mongole dont les Kirghizes, les Ouzbeks et les Kazakhs que l’on trouve aussi au Xinjiang qui composent la majorité des populations de l’Asie Centrale. Les peuples turcs regroupent 22 groupes ethniques couvrant le Caucase (Azerbaïdjan, Crimée, Daguestan, la Moldavie), l’Iran, l’Asie centrale (d’Ouest en Est : le Turkménistan, l’Ouzbékistan, le Kirghizstan, le Kazakhstan, Karakalpakie), la Mongolie, la Chine (le Xinjian), la Russie (la Sibérie, la Iakoutie) Tous des groupes parlent des langues turciques apparentées, de la famille ouralo-altaïque, qui sont des langues agglutinantes.

[4] Cette province chinoise vaste comme 3 fois la France est frontalière de 8 Etats– la Mongolie, la Russie, le Kazakhstan, le Kyrgyzstan, le Tajikistan, l’Afghanistan, le Pakistan et l’Inde.

[5] Ces peuples turciques pratiquent un Islam sunnite hanafite (interprétation la plus ouverte des 4 tendances du sunnisme qui laisse une forte marge de manœuvre dans l’interprétation de la charia). Aux quatre écoles juridiques, s’ajoutent quatre écoles théologiques qui sont relativement en état de conflit. Les tribus turques d’Asie Centrale adhérent au maturidisme, une école relativement marginale. De plus, l’Islam des Ouïghours a été fortement influencé par le soufisme, qui est la voie mystique et ésotérique de l’Islam. Par la pratique de l’ascèse et de la méditation, le soufi atteint un état mystique où il fusionne avec Dieu, lui procurant une connaissance intuitive de Dieu au-dessus du Prophète, simple instrument de la révélation.

[6] Statistiques officielles du Gouvernement chinois.

[7] Depuis le début des années 2000, des dizaines d’organisations avec un programme démocratique ont vu le jour, principalement en Amérique du Nord et en Europe à Munich qui est la ville d’Europe qui possède la plus grande population ouïghoure et qui accueille le plus d’organisations. Aujourd’hui, par l’intermédiaire de la National Endowment for Democracy, le Département d’État des États-Unis finance la plupart des organisations indépendantistes ouïghoures militant pour un État démocratique.

[8] Le Mouvement islamique du Turkestan oriental est placé sur la liste officielle des groupes terroristes de la République populaire de Chine, des États-Unis et du Kazakhstan. En 2002, les Nations unies ont classé le mouvement comme étant proche d’Al-Qaida.

[9] Military to Military

[10] Imad Moustapha, actuel ambassadeur de Syrie en Chine, était le doyen de la faculté des sciences de l’Université de Damas, et un proche collaborateur d’Assad, lorsqu’il fut nommé en 2004 ambassadeur de Syrie à Washington, poste qu’il occupa pendant 7 ans.

[11] Route secrète.

[12] Manœuvres navales inédites en Méditerranée pour Pékin et Moscou et Des navires de guerre chinois et russes arrivent en Méditerranée pour des exercices conjoints (RT)


Relations Chine – Occident : de simples représailles ou un véritable durcissement diplomatique ?

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Début août, deux Canadiens qui vivaient en Chine depuis 1984 ont été arrêtés pour espionnage. Un peu plus tôt, le Conseil National des recherches du Canada était victime d’une cyber-attaque identifiée comme d’origine chinoise. Faut-il y voir de simples représailles pour une accusation qui a déplu à Pekin ou un véritable durcissement des relations entre la Chine et l’Occident ?

Il y a rien de neuf sous le soleil levant. L’espionnage industriel comme politique et militaire a été pratiqué de tous temps par les États. Les États-Unis, comme l’a révélé Wikileaks avec la NSA, et les moyens colossaux dont cette agence dispose, en sont et de loin les champions, espionnant même leurs plus fidèles soutiens comme Angela Merkel. En rétorsion, le 10 juillet dernier, l’Allemagne a expulsé le chef local de la CIA du territoire allemand.

La Chine de son côté a aussi institutionnalisé l’espionnage industriel dans le cadre d’un plan quindécennal (2005-2020) qui se fixe pour objectif : « d’obtenir une indépendance technologique complète de son outil industriel d’ici 15 ans par “l’importation, l’absorption, l’assimilation et la ré-innovation du savoir-faire étranger ».

Pour ce faire la Chine utilise des moyens légaux et illégaux. L’acquisition du savoir-faire étranger se fait d’abord par le biais des appels d’offres internationaux. Les entreprises qui soumissionnent doivent le faire avec un partenaire local… Depuis 2009, les autorités chinoises ont conditionné l’entrée sur le marché chinois par une obligation de transfert technologique (ou des codes sources pour les logiciels) pour les entreprises étrangères. Ainsi le partenaire chinois du groupe Volkswagen en Chine est soupçonné de s’être livré à un transfert de technologie illégal au détriment du constructeur automobile allemand, écrit le quotidien allemand Handelsblatt dans son édition du vendredi 27 juillet. Parmi les moyens en marge de l’illégalité, la Chine utilise son très vaste réseau d’étudiants chinois à l’étranger pour tenter de récupérer des données. Les étudiants chinois ne choisissent pas eux-mêmes le lieu et la nature de leurs stages. Chaque thématique répond en fait aux directives et aux objectifs définis par les autorités en fonctions des priorités de l’industrie chinoise et chaque étudiant est suivi de très près par les ambassades de tutelle dans les pays de résidence. Ainsi, les cyber attaques et la cyber sécurité qui en découle ne sont que le prolongement de l’espionnage classique lié au développement du patrimoine immatériel et des réseaux.

Dans l’affaire d’Ukraine, la Chine a d’avantage pris le parti de la Russie que celui de l’Occident. Dans quelle mesure assiste-t-on à la création d’un axe de pensée sino-russe, en opposition avec l’Occident ?

Je récuse totalement ce terme d’Occident qui induit que les intérêts de l’Europe et des Etats-Unis sont les mêmes, ce qui n’est pas le cas dans la crise ukrainienne (voir un précèdent interview pour Atlantico, 21/07/2014). Les Etats-Unis exercent sans partage la suprématie mondiale et veulent la conserver par tous les moyens, militaire, économique et financier. Les dirigeants européens n’ont plus aucune conscience des intérêts stratégiques de l’Europe. Depuis le plan Marshall et à l’exception du Général de Gaulle ils ont été totalement vassalisés aux intérêts américains par une « soft corruption ». En effet, leur carrière est très souvent financée par les think tanks, instituts stratégiques ou fondations américains. Le salaire des militaires en poste à l’OTAN est très supérieur à celui qu’ils perçoivent dans leur armée nationale. Des analystes stratégiques comme François Hesbourg, qui se répand dans les médias pour soutenir une position dure contre la Russie dans la crise ukrainienne, leur doivent leur carrière et leur niveau de vie.

En revanche, la Chine qui conteste cette suprématie américaine et qui a besoin de l’énergie et des matières premières russes a tout intérêt à soutenir Moscou, d’autant plus que Pékin a aussi des revendications territoriales en mer de Chine. En revanche, il n’y a pas d’axe Moscou-Pékin mais des intérêts communs à un moment et sur un dossier donnés comme celui de la contestation de la suprématie américaine car la Russie a une méfiance viscérale de la Chine avec laquelle elle possède 4195 km de frontières. Du côté russe de la frontière, un immense territoire riche et pratiquement vide avec ses 17 millions d’habitants dont 80% sont concentrés dans des grandes villes comme Krasnoïarsk ou Irkoutsk. Au sud 80 fois plus de chinois ! Je suis devenu un ami du Général parachutiste Alexandre Lebed quand il était gouverneur du Kraï de Krasnoïarsk (1998-2002) et j’ai pu mesurer avec quelle application il faisait la chasse aux clandestins chinois.

La Chine a-t-elle véritablement les capacités de durcir ses relations à notre égard ? Quelles en seraient les conséquences, tant pour elle que pour l’Occident ?

La Chine n’a aucune envie de durcir actuellement ses relations ni avec les Etats-Unis ni avec l’Europe. En effet, ses dirigeants estiment qu’ils n’en ont pas encore les capacités ni sur le plan militaire ni sur le plan technologique. Par exemple, les chinois n’ont pas encore de porte-avion en service. Le premier ne sera opérationnel que dans 5 ans estiment les experts militaires [1]. En revanche cette question aura un sens dans dix ans!

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Si jamais la Chine se décide à assumer un axe en opposition à celui de l’Occident, de quelles alternatives disposons-nous, concrètement ?

La Chine s’opposera un jour avec les États-Unis [2]. Les historiens observent que les guerres recommencent souvent là où elles se sont terminées. Les prémices de cette confrontation sont déjà visibles. Après leur retrait total d’Irak et progressif d’Afghanistan, les États-Unis ont redéployé les deux tiers de leur flotte dans le Pacifique pour soutenir leurs alliés confrontés aux revendications territoriales chinoises. En mer de Chine, par où transitent les deux tiers du trafic maritime international, Pékin mène depuis 30 ans une politique de tension permanente pour affirmer sa souveraineté sur des archipels et ilots qui sont éparpillés sur plus d’un million et demi de km2 [3]. Ainsi la Chine s’oppose au Japon et à Taïwan pour le contrôle des ilots Senkaku/Diaoyu [4]; au Vietnam, aux Philippines et à la Malaisie pour les iles Spratleys, Paracels, Pratas, le récif de Scaborough et le banc de Macclesfield qui recèlent d’importantes ressources énergétiques naturelles et halieutiques.

Là encore c’est la suprématie maritime des États-Unis, avec ses 10 porte-avions nucléaires et son budget militaire de 640 milliards de dollars [5], qui lui permet de dominer le Rimland [6]. Pour les stratèges américains, le maintien d’une Europe vassalisée à l’Ouest est essentiel. Il leur permet de concentrer leurs forces pour contrer la montée en puissance de la Chine et maintenir ainsi leur suprématie mondiale qui s’exprime sur tous les plans militaire, technologique et financier (le rôle de réserve du dollar qui leur permet de s’endetter sans risque, de la bourse de New-York et des agences de notation).

Si la France et l’Europe ont encore la volonté de maitriser notre destin sécuritaire, politique et économique, nous devons nous extraire du joug américain et développer une alliance stratégique avec la Russie. Sur le plan sécuritaire, l’Europe et la Russie ont chacune sur leur sol 25 millions de musulmans dont la démographie est galopante. Déjà, à nos portes et sur nos sol, nous devons faire face au terrorisme islamique de plus en plus pressant et qui constitue la seule vraie menace contre la démocratie et style de vie auxquels nous sommes attachés. Sur le plan économique nous avons besoin des ressources énergétiques et des matières premières russes et ils sont demandeurs de nos ressources humaines et de nos technologies. Sur le plan culturel nos racines religieuses communes sont chrétiennes et nous partageons les mêmes passions pour les livres, la musique et les arts.

Ce serait un crime contre l’avenir de nos enfants de rejeter l’alliance russe et de repousser ce peuple intelligent et courageux dans les bras de la Chine.

[1] Le Point. Le nom de ce navire est d’ailleurs explicite : l’amiral Shi Lang (1621-1696) était le commandant de la flotte mandchoue qui a conquis l’île de Taïwan en 1681.

[2] Consulter mon livre « Russie, Alliance vitale », Choiseul 2011, pages 23 à 42.

[3] Dès 1988 un combat entre les marines chinoises et vietnamiennes cause la perte de trois navires de guerres vietnamiens et 70 victimes.

[4] Situés à 300km au Sud Ouest d’Okinawa et au Sud –Est des côtes chinoises et à 100km au Nord Est de Taïwan.

[5] Le budget de Défense américain représentait en 2013 640 milliards de dollars autant que le Budget réuni des 9 pays suivants : Chine 188, Russie 88, Arabie Saoudite 67, France 61, Grande-Bretagne 58, Allemagne 49, Japon 49, Inde 48, Corée du Sud 33. Source : SIPRI.

[6] L’américain Nicolas Spykman (1893-1943) refuse de considérer l’Eurasie (l’Heartland de Mackinder) comme « la position stratégique invulnérable et vouée à la victoire sur le maître des mers ». Il défend l’idée que l’expansion de l’URSS peut être stoppée par le contrôle des frontières maritimes de l’Heartland (en clair l’Europe de l’Ouest d’un côté le Japon et les pays Iles ou presqu’iles comme les Philippines, Indonésie, la Birmanie, le Vietnam, la Thaïlande.


Pourquoi les tensions entre la Chine et le Japon sont loin de se résumer à une querelle autour de quelques cailloux

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Nouveau round dans les tensions entre Pékin et Tokyo en mer de Chine orientale : huit navires chinois ont approché les iles de Senkaku, revendiquées par les deux pays. Pourquoi, alors que le ton continue de monter, se bagarrer pour ces petits morceaux de terre au milieu des eaux ?

Selon les garde-côtes japonais, huit navires de surveillance maritime chinois ont pénétré lundi 22 avril à 23H00 GMT dans la zone de 12 milles (22 km) entourant les îlots Senkaku de mer de Chine orientale, revendiqués par Pékin sous le nom de Diaoyu. Ces navires étaient toujours sur zone mardi vers 08H30 GMT. C’est la première fois qu’autant de bateaux chinois pénètrent ensemble dans les eaux territoriales de cet archipel. «Nous protestons vigoureusement auprès de la Chine», a réagi le porte-parole du gouvernement nippon, Yoshihide Suga. L’ambassadeur de Chine à Tokyo a d’ailleurs été convoqué. Au parlement japonais, le Premier ministre Shinzo Abe a été interrogé sur sa réponse à un éventuel débarquement chinois. «Il serait normal que nous les repoussions par la force si d’aventure ils débarquaient», a-t-il prévenu.

Les îles Senkaku / Diaoyu sont constituées de cinq îles inhabitées, dont la plus grande fait seulement 3,5 km2 et les autres quelques dizaines d’hectares. Ce groupe d’îles inhabitées est situé à 200 km au nord-est de Taïwan qui les réclame également ; à 400 km au Sud-Est des côtes chinoises et à 400 km au Sud-Ouest de l’île d’Okinawa (située elle-même à 600 km au Sud-Ouest du Japon).

Japon-Chine

Historiquement le Japon a annexé les Senkaku en 1895 après la première guerre sino-japonaise. A la fin de la Seconde Guerre mondiale, les îles ont été, avec Okinawa, placées sous administration américaine avant d’être restituées au Japon en 1972, au terme d’un accord qui ne les mentionne toutefois pas explicitement. Depuis 1971, Taïwan (territoire indépendant de fait, mais dont la Chine revendique la souveraineté) et la République populaire de Chine revendiquent leur souveraineté sur ces îles.

Ce différend territorial s’est aggravé en septembre 2012 après l’achat par le gouvernement Japonais de trois de ces cinq îles à leur propriétaire privé nippon1.

Quel est l’intérêt stratégique qui justifie une grave crise entre ces deux pays qui possèdent entre eux des intérêts économiques majeurs ?

La Chine est le premier partenaire commercial du Japon, lui-même premier fournisseur de son grand voisin.

Certes les tensions de la Chine avec ses voisins sont récurrentes et proviennent du fait que la Chine a une vision extensive pour ne pas dire impérialiste de sa zone d’exclusivité économique (ZEE). Mais les enjeux économiques de la ZEE chinoise sont plus au Sud avec les iles Spratly dont l’environnement recèle d’importantes ressources d’hydrocarbures.

Le vrai enjeu pour les Senkaku/Diaoyu est militaire. La profondeur moyenne de la Mer de Chine, inférieure à 200m, est insuffisante pour assurer l’indétectabilité des SNLE Chinois2. Ces derniers doivent gagner les eaux profondes du Pacifique pour assurer leur invulnérabilité mais ils ne peuvent le faire qu’en passant par des détroits sous-marins situés d’une part entre le Japon, Okinawa et Taïwan (1000km) et d’autre part entre Taïwan et les Philippines (400Km). Ces détroits sont entièrement surveillés par des pays amis des Etats-Unis qui les ont truffées de bouées d’écoute. D’où l’importance pour la Chine de contrôler de l’archipel Senkaku/Diaoyu ce qui lui permettrait de « nettoyer » une zone sous-marine de 200 miles de part et d’autre de ces iles, ouvrant ainsi un passage discret pour ces SNLE vers le Pacifique.

  • Dès que cette décision a été communiquée, le 14 septembre 2012, six navires appartenant au ministère du Territoire et des ressources naturelles chinois se soient approchés à 22 km de l’archipel inhabité, déclenchant une première crise des relations sino-nipponnes.
  • La Marine de l’armée populaire de libération disposerait de trois sous-marins nucléaires lanceurs d’engins : un premier de la classe Daqingyu (Xia en terminologie Otan) et deux de la classe Jin type 094. Ils auraient été vus sur la base navale de Jianggezhuang, située près de Qindao, siège de la flotte du Nord, ou sur la base de Xiaopingdao, près de Dalian. Ces deux bases sont situées sur la mer Jaune. Selon ce même rapport, la Chine serait aujourd’hui engagée dans la réalisation de quatre à cinq SNLE type 094, de classe Jin, appelés à être rattachés à la nouvelle base de Sanya, construite à l’extrême sud du pays, sur l’île de Haïnan. Ces SNLE, dont les premiers exemplaires seraient en cours d’admission au service actif, seront dotés de 12 missiles balistiques Julang-2.

Autres sources : ATLANTICO


Mer de Chine :
le développement de la puissance chinoise se heurte à la résistance des États riverains :
Japon, Philippines, Malaisie, Vietnam et Taïwan

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Article cité en référence sur : Wikipédia

Il a suffi que le 14 septembre 2012, six navires appartenant au ministère du Territoire et des ressources naturelles chinois se soient approchés à 22km de l’archipel inhabité, dénommé Diaoyu par la Chine et appelé Senkaku par le Japon, pour déclencher une grave crise des relations sino-japonaises dont les médias ont abondamment rendu compte.

Ce groupe d’îles inhabitées, mais dont les fonds marins pourraient receler du pétrole et du gaz, est situé à 400km au Sud-Est des côtes chinoises et du Sud-Ouest de l’Île d’Okinawa (située elle-même à 600km au Sud-Ouest du Japon) et à 200km au nord-est de Taïwan qui les réclame également [1].

Les tensions de la Chine avec ses voisins sont récurrentes et proviennent du fait que la Chine a une vision extensive, pour ne pas dire impérialiste, de sa zone d’exclusivité économique (ZEE).

Si le différend concernant les îles Senkaku/Diaoyu met aux prises les deux premières puissances régionales, c’est le différend territorial en mer de Chine méridionale qui est pour la Chine l’enjeu stratégique capital. Il concerne, en effet, différents archipels et îles de la mer de Chine méridionale, revendiqués en totalité ou en partie par la Chine, Taïwan, le Viêt Nam, les Philippines, la Malaisie et Brunei. Il s’agit des îles Spratleys, des îles Paracels, des îles Pratas, du récif de Scarborough et du banc Macclesfield.

Mais c’est le différend concernant l’archipel Spratly qui recèle le plus de risques de crises graves entre la Chine et ses voisins, du fait de l’intérêt en termes économique et stratégique pour la Chine mais aussi de son éloignement géographique du territoire chinois (environ 1000km) alors qu’il est 5 à 10 fois plus proche des Philippines, de l’Indonésie, du Brunei et du Vietnam, ce qui rend ses revendications plus difficilement acceptables pour ses voisins.

L’histoire des archipels contestés

La carte ci-dessous situe ces poussières d’îles dont la superficie totale n’excède pas 15km². Elles n’étaient pas habitées jusqu’à une époque récente car elles n’ont pas d’eau douce. Selon le droit maritime international, elles sont donc considérées comme des écueils et non des îles et, à ce titre, les revendications de souveraineté sur les parties émergées ne peuvent pas s’appliquer aux eaux territoriales. Selon la limite des 200 milles marins, le quart Ouest de l’archipel se trouve dans la Zone Économique Exclusive (ZEE) vietnamienne, le quart Sud dans la ZEE de Malaisie et du Brunei, le quart Est dans celle des Philippines et le quart Nord au-delà de ces zones. Or, chacun des pays riverains de la Mer de Chine méridionale revendique l’ensemble de l’archipel et les eaux afférentes et refuse tout plan de partage.

En 1974, c’est la Chine qui a pris la décision de modifier à son profit cette situation bloquée par des actions militaires au service d’une politique systématique d’appropriation de ces archipels. Profitant de division du Vietnam et de la faiblesse des Sud Vietnamiens à qui le traité de paix de Paris avait attribué l’archipel Paracel, la Chine le conquiert par la force : les combats firent 71 morts.

En 1975, le Vietnam est unifié, en rétorsion Hanoï occupe, en avril, 7 des îles des Spratleys sur les 37 que compte l’archipel. Puis, chacun des états riverains de la mer de Chine du Sud s’empare par surprise d’îles ou de récifs de l’archipel des Spratleys.

En 1978, c’est au tour des Philippines d’occuper 7 îles dans le Nord de l’archipel des Spratleys, puis une d’une huitième, Commodore Reef, réclamée par la Malaisie qui de son côté s’empare en 1983 de 3 îlots des Spratleys, dont Swallow Reef, à 60km d’Amboya Cay, contrôlée par le Vietnam, mais revendiquée par Manille et Kuala Lumpur.

En 1980, Itu Aba, la plus grande île, la seule où on trouve de l’eau potable. Envahie par les Japonais qui en firent une base sous-marine, elle a été restituée cette année-là par les Américains à Taïwan. Un aéroport avait été construit en 2007.

De 1978 à 1988, Hanoï s’empare d’une quinzaine d’îlots supplémentaires des Spratleys : le Vietnam en contrôle aujourd’hui 21 dont l’île Spratley et South West Cay.

Ce n’est qu’à partir de 1987 que Pékin commence à s’intéresser vraiment aux Spratleys et à y apparaître physiquement. La Chine occupe ainsi 7 îles, principalement à l’Ouest et au Sud-Ouest.

En 1988, un accrochage sérieux entre les marins vietnamiens et chinois fait 70 nouvelles victimes et cause la perte de trois bateaux vietnamiens, les positions chinoises aux Spratleys en sont renforcées.

En février 1992, le parlement chinois vote une loi sur les eaux territoriales qui réaffirme solennellement la souveraineté de Pékin sur l’ensemble des Spratleys. Immédiatement, Pékin chasse les Vietnamiens d’Eldad Reef portant désormais à 9 le nombre de positions chinoises dans les îles Spratleys. La même année, le Brunei revendique la souveraineté des eaux entourant le récif Louisa, toujours dans l’archipel des Spratleys.

La situation est donc particulièrement complexe et tendue. Pas moins de cinq états y ont placé des garnisons : environ 1 500 Vietnamiens, 450 Chinois, une centaine de Malaisiens, une vingtaine de Brunéiens et une centaine de Philippins. Tous sont ravitaillés à partir du continent.

Pour résumer et conclure sur cet historique, les Paracels sont entièrement sous domination chinoise; quant aux Spratleys, la carte ci-dessous détaille leur occupation par les différents états riverains de la Mer de Chine du Sud.

Les enjeux

Quels sont les enjeux qui justifient cette tension et ces crises entre pays riverains ?

1. L’extension de la ZEE chinoise

Au regard du droit international, la possession d’un territoire côtier par un état justifie ses prérogatives sur une certaine étendue d’eaux territoriales et de Zones Économiques Exclusives (ZEE). La Chine qui possède 18 000 km de frontières maritimes et 2 285 872 km² de (ZEE) répondant aux normes internationalement reconnues. Elle ne se classe qu’au 20ème rang mondial en se basant sur cette évaluation. Mais si elle réussissait à s’approprier les 1 591 147km² de zones de la ZEE de Taïwan (1 149 189 km²) et des îles Spratley (439 820 km²) elle remonterait au 10ème rang mondial [2] avec 3 877 019 km². Cette contestation vise donc à augmenter de plus de 40% la surface maritime de sa ZEE.

2. Les ressources naturelles et halieutiques

Les deux archipels ont d’abondantes ressources naturelles : des réserves de guano évaluées à plusieurs millions de tonnes, des produits marins variés (poissons recherchés, homards, tortues, carets, abalones, mollusques rares…). Le phosphate est présent sur ces îles ainsi que celle de nodules polymétalliques dans leurs fonds marins. Par ailleurs, environ 10% de la pêche mondiale est effectuée en mer de Chine méridionale.

3. Le contrôle du commerce international

La mer de Chine méridionale est un carrefour de routes commerciales d’une importance capitale car c’est la route la plus courte entre le Pacifique Nord et l’océan Indien. Par le détroit de Malacca passe 5 fois plus de pétrole que par le canal de Suez et 15 fois plus que par le canal de Panama. Par la mer de Chine méridionale transitent les 2/3 de l’approvisionnement énergétique de la Corée du Sud, 60% de l’approvisionnement énergétique du Japon et de Taïwan et 80% des importations chinoises en brut, ce qui fait plus de la moitié des importations énergétiques d’Asie du Nord-Est. La mer de Chine méridionale est ainsi bordée par 10 des plus grands ports mondiaux dont Singapour et Hong-Kong, et voit passer 90% du commerce extérieur de la Chine et un tiers du commerce mondial.
La mer de Chine méridionale est donc un lieu de passage très important commandé par quelques détroits faciles à interdire. Posséder les îles Paracels et Spratleys, c’est faciliter le contrôle d’une part non négligeable du commerce maritime mondial qui y transite.

4. Les ressources en gaz

D’après Robert D. Kaplan [3], la mer de Chine méridionale renferme un stock estimé à 25 000 milliards de m³ de gaz naturel (à comparer aux 187 100 milliards de m³ de gaz que comporterait la terre d’après British Petroleum, en 2010, ce qui fait presque 13,4% des réserves mondiales [4].

5. Le déploiement d’une flotte sous-marine

La mer de Chine méridionale est la seule le long des côtes de Chine à posséder des eaux profondes et à permettre un accès relativement aisé au Pacifique ce qui est essentiel pour assurer un déploiement sécurisé de ses SNLE. Le contrôle par une puissance étrangère des îles Paracels et Spratleys serait de nature à mettre en péril ce déploiement.

Général (2S) Jean-Bernard PINATEL

[1] Les îles Senkaku/Diaoyu sont constituées de cinq îles inhabitées, dont la plus grande fait seulement 3,5 km² et les autres quelques dizaines d’hectares. Le Japon a annexé les Senkaku en 1895, après la première guerre sino-japonaise. A la fin de la seconde guerre mondiale, les îles ont été, avec Okinawa, placées sous administration américaine avant d’être restituées au Japon en 1972, au terme d’un accord qui ne les mentionne toutefois pas explicitement. Depuis 1971, Taïwan (territoire indépendant de fait, mais dont la Chine revendique la souveraineté) et la République populaire de Chine revendiquent leur souveraineté sur ces îles.

[2] Derrière les États-Unis (11,35M km²), la France (11,03), l’Australie (8,5), la Russie (7,6), la Nouvelle Zélande (6,9), l’Indonésie (6,2), le Canada (5,6), le Royaume–Uni (5,6), le Japon(4,6).

[3] Is Chief Geopolitical Analyst for Stratfor, a private global intelligence firm, and a non-resident senior fellow at the Center for a New American Security in Washington.

[4] Mais uniquement 0,5% des ressources de pétrole.