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Analyse de la situation politique et militaire en Irak - Avril 2016

2 commentaires

Le mois de mars a clarifié la situation politique et militaire en Syrie. Les forces syriennes appuyées par les Russes après avoir repris Alep ont repoussé Daech de Palmyre, rendant incontournable le leader syrien dans le processus de Paix. En revanche, la situation politique et militaire en Irak ne permet pas de percevoir une issue rapide au conflit contre Daech.

En effet, la situation politique en Irak se détériore. A la tension politique entre les Kurdes, Sunnites et les partis shiites majoritaires s’est ajoutée la dissension entre Shiites marquée par le sit-in autour de la zone verte de plusieurs centaines de milliers des partisans du chef religieux chiite Muktada Sadr pour protester contre la corruption et pour exiger du premier ministre des réformes politiques radicales.

Les interférences américaines sur la conduite des opérations militaires retardent le début de l’offensive contre Mossoul. En effet les américains sous la pression de leurs alliés du Golfe veulent écarter l’Iran et les milices shiites de la reprise de Mossoul. Par ailleurs les Peshmergas refusent de prendre part à la délivrance de cette ville sunnite. Sans les milices et les Kurdes, l’armée irakienne qui est encore en reconstruction, est à 80Km de Mossoul et doit d’abord conquérir les villes et les villages qui couvrent les abords Sud de Mossoul. Par ailleurs, le gouvernement irakien maintient beaucoup de forces pour protéger les abords Ouest de Bagdad car les combattants qui tiennent Faluja demeurent une menace aux portes de Bagdad comme l’a montré leur offensive des djihadistes du 28 février qui est arrivée jusqu’à Abu Graih dont qui jouxte l’aéroport international de Bagdad.

Situation politique

Le 18 mars, une foule rassemblant plusieurs centaines de milliers de manifestants indépendants et de partisans de Muktada Sadr a commencé une marche vers le portail de la zone verte qui se situe au quartier de Karadat Mariam, près du pont de Jamhouryia. Les forces de l’ordre qui avaient renforcé leur présence, placé des fils barbelés autour de la zone verte et bloqué tous les ponts y aboutissant avec des blocs en béton n’ont rien fait pour empêcher les manifestants d’atteindre leur but sans incident. Un tel sit-in en face de la zone verte sans que cela se transforme en bataille rangée est une première en Irak. Au cours de sa marche, la foule scandait des slogans contre la corruption et pour des réformes politiques radicales. A l’extérieur de la zone verte, les forces de l’ordre ont perdu tout contrôle de la situation. Les masses de manifestants n’ont cessé d’affluer par milliers. Puis, des tentes ont été dressées autour de la zone verte.
Malgré les interventions de l’Iran qui lui a envoyé, d’abord, le général Qassem Soleimani, commandant en chef de la Force Al-Qods, puis une lettre lui demandant de mettre fin à cette action antigouvernementale du guide de la révolution iranienne l’ayatollah Ali Khamenei portée par le chef religieux chiite irakien Amar Al Hakim, Muktada Sadr semble décidé à mener son combat contre la corruption jusqu’au bout.

Fin mars, le premier Ministre Al Abadi a proposé un nouveau gouvernement composé de 16 ministres indépendants et n’appartenant à aucun des partis politiques représentés au parlement irakien. Néanmoins le parlement a levé sa séance du 31 mars sans voter la confiance au nouveau gouvernement. Son président, Salim Al Joubouri, a déclaré que le parlement s’était donné un délai de dix jours pour débattre des profils des candidats, examiner leurs dossiers et prendre sa décision à leur égard.

Si le parlement irakien ne vote pas la confiance à cette liste, le risque est grand de voir des manifestations violentes se développer dans tout le pays. L’Irak pourrait entrer dans une nouvelle phase de la guerre civile dans les gouvernorats actuellement calmes. En effet, le 31 mars, Muktada Sadr a menacé de retirer sa confiance au gouvernement actuel d’Al Abadi et de cesser d’appeler ses partisans à des manifestations pacifiques. Avant de lever le sit-in autour de la zone verte, Il a demandé à ses partisans de continuer leurs manifestations hebdomadaires les vendredis au centre de Bagdad jusqu’à ce que le parlement vote la confiance au nouveau gouvernement.

Situation militaire

Aucune évolution notable n’est à signaler au mois de mars malgré les communiqués de la coalition dirigée par les américains qui essaient d’amplifier l’importance de chaque petite avancée sur le terrain pour essayer de faire jeu égal avec le retentissement médiatique mondial de la prise de Palmyre par l’armée syrienne. Seules des victoires à Falouja et à Mossoul seraient de nature à modifier le jugement des observateurs impartiaux sur le peu de progrès de la coalition en Irak.

Falluja

Falluja est aujourd’hui encerclé par l’armée irakienne à l’Ouest, les tribus sunnites ralliées au Nord et à l’Est par les milices shiites de l’Organisme de Mobilisation Populaire. Falluja est défendu par 1500 à 2000 djihadistes en majorité étrangers et décidés à mourir sur place. La ville est un gruyère de tunnels reliant les maisons, les quartiers entre eux, il se dit même à Bagdad que dans certains on peut circuler en voiture. Enfin la population qui reste à Falluja est totalement acquise aux djihadistes.

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Mossoul

Les américains n’ont pas réussi à convaincre Mustafa Sayed Kader, ministre des peshmergas, de les engager pour libérer Mossul qui n’est pas une ville Kurde. Les Pechmergas se contenteront vraisemblablement de tenir le front Nord et de conduire des opérations limitées sur des villages où existent des minorités kurdes ou non sunnite.

Comme le montre la carte ci-dessous, la prise de Mossoul n’est pas pour demain car les forces irakiennes sont encore à 80 km la capitale régionale et doivent d’abord conquérir plusieurs villes et franchir les obstacles naturels tenus par les djihadistes qui couvrent le Sud de la capitale du gouvernorat.
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Personne n’espère donc à Bagdad une libération de Mossoul en 2016 car même si les américains ont renforcé le soutien en formation et appui qu’ils apportent à l’Armée irakienne en engageant 3000 parachutistes de la 101ème division aéroportée, aucun observateur n’envisage la participation directe des forces américaines aux combats au sol.

Situation sécuritaire

La situation sécuritaire est liée d’une part aux attentats qui augmentent dans 2 gouvernorats faisant accroitre fortement le nombre des morts par attentats en Irak à 664 morts en mars contre 450 morts en février, 397 morts en janvier et 545 en décembre 2015 et, d’autre part, par aux actes de banditismes (attaques à main armée et enlèvements) qui continuent d’augmenter notamment à Bagdad.

Les attentats sont concentrés à 62% a dans les 2 gouvernorats de Nineveh 221 morts au lieu de 92 en février et d’Al Anbar 176 morts contre 98. Viennent ensuite Babel 67 morts contre aucun en février; Salahuldein 65 contre 78; Bagdad 63 contre 69; Kirkuk 44 contre 77; Diyala 6 contre 36.

Général (2S) Jean-Bernard PINATEL

  1. Bonjour Mr. Pinatel,

    Votre site est fort intérrèssant et je vais l’ajouter de suite à mes favoris.

    Auriez-vous la sympathie de m’indiquer un site internet où nous pourrions suivre au quotidien ce qui se passe en Syrie et Irak ? En terme d’avancée ou de retraite, de victoire ou de défaite … ?

    D’avance merci, je continue à vous lire!

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