Lettre ouverte au Président de la République
Le Général (2s) de gendarmerie Jean-Louis DREVON
16, rue de Saintes
17340 Chätelaillon-Plage
Châtelaillon-Plage, le 7 septembre 2015
Objet : Accueil des migrants.
Monsieur Le Président de la République,
Nul ne peut rester insensible à la vue du corps d’un enfant Syrien mort noyé gisant sur une plage de Bodrum en Turquie. Il est bien évident que la France se doit d’accueillir certains de ces malheureux qui fuient la guerre et les exactions commises par Daesh qui sont autant de crimes contre l’humanité.
Toutefois, je suis frappé de constater que parmi ces centaines de réfugiés il y a de nombreux jeunes hommes qui ont fait ce choix de s’expatrier.
C’est désormais une certitude, seule une intervention de troupes au sol parviendra à vaincre et à éliminer ces islamistes. C’est une constante de tous les conflits depuis la fin de la deuxième guerre mondiale. La supériorité technologique n’ayant, jusqu’ici, donné aucun résultat probant.
Depuis des décennies, la France a compris que les meilleurs combattants dans ce genre de conflit étaient ceux qui maîtrisaient les traditions, la langue et le terrain. Elle a créé notre prestigieuse Légion Étrangère.
C’est pourquoi il me semblerait souhaitable qu’en contre-partie de l’accueil que nous devons à ces réfugiés, les ressortissants de 20 à 35 ans soient incorporés pour une période restant à définir, dans des régiments de Légion qui constitueront le Corps expéditionnaire français qu’il faudra un jour ou l’autre déployer sur ce théâtre. Libérer sa terre occupée par des hordes sauvages n’est-il pas l’objectif le plus noble que nous a inculqué le Général De Gaulle ? Bien entendu les familles de ces combattants seraient prioritaires dans notre dispositif d’accueil.
En espérant que cette proposition contribuera à trouver des solutions à la crise actuelle, je vous prie d’agréer, Monsieur le Président de la République, l’expression de mes hommages les plus respectueux.
Monsieur François HOLLANDE
Président de la République Française
Palais de l’Elysée
55, rue du Faubourg Saint-Honoré
75008 PARIS
Bilan d’un an de l’opération Barkhane
Le théâtre d’opérations s’étend sur 3,5 millions de km2 soit une étendue représentant 6 fois la France. Plus de 3 000 militaires sont déployés dans le cadre de l’opération Barkhane. A titre de comparaison 4 000 militaires français étaient présents en Afghanistan au plus fort des opérations. Ils étaient placés sous le commandement du général de division Jean-Pierre Palasset qui a conduit l’opération à partir d’un poste de commandement interarmées unique stationné à N’Djamena (au Tchad).Il a été remplacé le 1er aout 2015 par le général de division Patrick Brethous.
L’Armée française intervient en appui :
- des armées du G5 Sahel qui regroupe cinq pays de la bande sahélo-saharienne : le Burkina-Faso, le Mali, la Mauritanie, le Niger et le Tchad;
- la MINUSMA (mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation au Mali), établie par la résolution 2100 du Conseil de sécurité le 25 avril 2013.
Le dispositif français
Le volet terrestre de la force est essentiellement armé par deux groupements tactiques interarmes (GTIA) qui s’articulent autour de deux points d’appui principaux : l’un à N’Djamena (Tchad), l’autre à Gao (Mali). A partir de ces points d’appui permanents, des détachements sont déployés sur des bases avancées temporaires (BAT) comme à Tessalit ou Kidal, au Mali, ou encore à Madama, au Niger. Ces bases avancées permettent à Barkhane d’agir dans les zones les plus reculées, aux côtés des soldats des armées des pays partenaires.
Les moyens aéroterrestres jouent un rôle essentiel dans la conduite des opérations, en conférant à la force la souplesse et les capacités d’élongation indispensables pour prendre l’ascendant sur l’adversaire et s’affranchir des distances :
- un sous groupement aéromobile (SGAM) de l’armée de Terre est stationné à Gao. Il est constitué de 10 hélicoptères : 2 Puma, 2 Gazelle, 2 Tigre, 2 Caïman, 2 Cougar;
- les moyens aériens sont répartis sur deux bases principales : à Niamey au centre du dispositif de Barkhane et à N’Djamena.
Le Bilan après un an d’opérations
Depuis le lancement de l’opération Barkhane, le 1er août 2014, les forces françaises ont à déplorer la mort de 3 sous-officiers : l’Adjudant Thomas Dupuy, le 29 octobre 2014 du Commando parachutiste de l’Air n°10 ; l’ Adjudant Samir Bajja, le 29 novembre 2014 du Service des essences des armées ; l’adjudant Samir Bajja mortellement blessé dans un accident d’hélicoptère le 29 novembre2014.
125 terroristes ont été mis hors de combat lors des affrontements qui les ont opposés à la force, dont 65 ont été capturés et transférés aux forces partenaires.
20 tonnes de munitions saisies et détruites : 2 000 obus ; 680 grenades, roquettes et fusées; 25 EEI et mines; 210 détonateurs et commandes d’EEI; 30 mortiers, mitrailleuses et lance-roquettes; 150 caches fouillées; 3 500 kg de drogue saisis; 25 véhicules; 80 appareils électroniques (GPS, ordinateurs, téléphones et postes radio).
Ce bilan, bien qu’important, est sans commune mesure avec le volume de matériel de guerre qui avait été découvert par la force Serval début 2013 au Nord Mali.
Il confirme qu’il n’existe plus de sanctuaire terroriste au Mali, même si ponctuellement des caches logistiques sont encore découvertes.
Analyse de la situation géopolitique, politique et militaire en Irak - 10 Septembre 2015
Au moment où les gouvernements occidentaux s’interrogent sur leur stratégie militaire, en aout, en Irak, les combats contre Daesh, qui compte dans ses rangs environ 30 000 combattants, ont continué dans les gouvernorats d’Al Anbar et de Salah Dine, causant de nombreux morts et blessés dans les rangs des deux parties. Les troupes pro-gouvernementales ont remporté quelques petites victoires dans les deux gouvernorats. Mais rien de décisif n’apparait possible avant longtemps. La bataille de libération de Mossoul et de Ramadi n’est certainement pas pour demain. Daesh grâce à la complicité d’Erdogan dispose avec 2 millions de dollars de revenus pétroliers par jour ce qui lui donne les moyens de durer contre l’armée irakienne et les milices shiites. Il est clair que l’on ne vaincra pas Daesh en Irak sans une réconciliation nationale entre Shiites et Sunnites. La victoire ne peut pas être que militaire. Elle doit être, d’abord, politique et morale.
Situation politique
C’est ce qu’ont voulu signifier au gouvernement les vastes manifestations pacifiques qui ont eu lieu à partir du 7 août dans la capitale irakienne et dans plusieurs grandes villes du centre et du sud du pays. Ce soulèvement [1] populaire est de nature laïque. Shiites, Sunnites, Kurdes, Chrétiens y participent ensemble. Ils exigent l’amélioration services municipaux et publics, notamment l’électricité [2], une lutte efficace contre la corruption financière et administrative, la mise en chantier de réelles réformes politiques dont la transformation du régime parlementaire actuel en régime présidentiel, la réduction du nombre des postes ministériels et parlementaires et la mise en jugement des responsables corrompus pour des actes commis depuis 2003. Lors de la prière de vendredi du 7 août, le porte-parole du grand chef religieux chiite, Ali Sistani, a exprimé le soutien de Sistani aux revendications des manifestants, demandant au premier ministre irakien, Haider Al Abadi, d’être courageux dans sa lutte contre la corruption [3] et approuvant les réformes politiques déjà annoncées par les gouvernement irakien.
Les victoires de Daesh à Mossoul, Al Anbar, Diyala et Salah Dine sont, selon les irakiens, essentiellement dues à la corruption financière qui gangrène l’institution militaire irakienne avec ses soldats (fantômes) et ses grades militaires vendus au plus offrant et à des personnes incompétentes.
Face à cette colère populaire le premier ministre Haider Al Abadi a pris plusieurs mesures. Il a interdit aux grands responsables irakiens de sortir du pays et a démis de leurs fonctions les trois vice-présidents de la république, Ayad Allawi, Nourri Al Maliki et Oussama Al Nejeifi, ainsi que les trois vices premiers-ministres. Il a aussi fusionné plusieurs ministères et en supprimé plusieurs autres pour alléger le fardeau administratif et réduire les dépenses publiques. Il a également réduit le nombre considérable des gardes du corps des responsables irakiens qui se comptent par milliers et a supprimé les privilèges financiers accordés aux trois présidences des trois pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire. Enfin il se murmure à Bagdad que le précédent premier irakien Nourri Al Maliki serait traduit devant la justice pour la prise de Mossoul par Daesh en juin 2014.
Situation militaire et sécuritaire
Situation militaire
En aout, la situation militaire a très peu évolué malgré des combats intenses contre Daesh qui ont généré des pertes importantes des 2 cotés mais dont les chiffres ne sont pas communiqués. En effet, dès que l’armée irakienne et les milices chiites réalisent une petite avancée à un endroit, Daesh contre-attaque ailleurs. Ainsi, lorsque les troupes irakiennes ont remporté quelques succès tactiques à Al Anbar, Daesh a lancé une attaque à Béji, au nord de Salahuldein. A Faluja, ville de moins de 200 000 habitants, malgré le pilonnage systématique par artillerie et les raids des appareils irakiens et de ceux de la coalition, les troupes pro gouvernementales n’ont pas pu entrer dans la ville. Les combattants de Daesh y sont retranchés, empêchant les populations civiles d’en sortir afin de les utiliser comme boucliers humains. Par ailleurs, Daesh a aussi lancé plusieurs attaques suicides contre les généraux commandant les forces irakiennes de façon à les desorganiser. Le 27 août, le commandant-adjoint des opérations militaires d’Al Anbar, le commandant de la 10e division et le commandant d’une brigade de l’armée irakienne ont été tués ensemble par une attaque suicide à Al Anbar.
Situation sécuritaire
Le niveau de morts par attentat demeure à un niveau très élevé en Irak où l’on enregistre, en aout, 760 morts contre 815 en juillet 2015.
Alors que dans 12 gouvernorats du Nord et du Sud la situation sécuritaire est sous contrôle et calme, elle reste toujours aussi précaire dans les 6 gouvernorats [4] dans lesquels Daesh dispose du soutien de populations sunnites notamment ceux qui possèdent une frontière avec la Syrie (Al Anbar et Nineveh).
Deux attentats très meurtriers ont contribué à tirer vers le haut le bilan sécuritaire de Bagdad et de Diayla. L’attentat le plus meurtrier a eu lieu, jeudi le 13 août, dans un marché bondé de fruits et légumes, situé à l’est de Bagdad, au quartier de Jameela. Il a fait 76 morts et plus de 200 blessés [5]. A Diyala, un attentat par voiture piégée a eu lieu le 10 août dans un marché populaire situé au village de Hoeder, à 8 km de la ville de Bakuba, faisant 50 morts et 60 blessés.
Par ordre décroissant on note la répartition suivante : Bagdad, 187 morts. AL Anbar, 181 morts. Nineveh, 177 morts. Salahuldein, 79 morts. Diyala, 70 morts. Kirkuk, 68 morts.
Général (2S) Jean-Bernard PINATEL, auteur de « Carnet de guerres et de crises 2011-2013 », Lavauzelle, Mai 2014 et de « Russie, alliance vitale », Choiseul, 2011.
[1] La Place Tahrir qui est actuellement le théâtre des manifestations à Bagdad avait déjà connu des manifestations identiques en 2011. Les Kurdes avaient déjà, eux aussi, manifesté en 2012 et en 2013. Ils ont aussi manifesté le 12 août, à Soulymanyia et à Erbil pour revendiquer l’amélioration des services publics mais aussi pour s’opposer, dans leur grande majorité, à un troisième mandat présidentiel du président sortant du Kurdistan, Massoud Barzani et pour exiger des réformes politiques dans la province autonome. Le 14 août, une grande manifestation a éclaté à Kirkuk pour revendiquer des réformes politiques et la mise à la porte de certains membres corrompus du conseil municipal du gouvernorat. Plus tard, des manifestations ont eu lieu aussi dans des localités du gouvernorat de Diyala comme Bakuba et Khalis, pour demander aussi des réformes politiques.
[2] Tout au long de toute cette période, le citoyen irakien n’a vu aucune amélioration dans le service de l’électricité. Plus de 60 milliards de dollars y ont été dépensés depuis 2003 sans amélioration notable. Même constat pour les réseaux de transport et d’eau potable. Quant au chômage, il est à un niveau catastrophique.
[3] La corruption financière et administrative est, en effet, endémique au nouvel Etat irakien mis en place par les Etats-Unis et jusqu’aux niveaux les plus élevés. L’Organisation Mondiale de la Transparence de l’ONU considère l’Irak comme l’un des pays du monde les plus corrompus (170ème rang sur 174) . Le mécanisme de corruption en Irak commence par le gouvernement et le parlement irakiens qui se sont accordés des privilèges et des salaires très élevés et ont votés des milliards de dollars pour des projets de reconstructions qui n’ont jamais vu le jour. De nombreuses commissions d’enquête ont été constituées mais jusqu’à présent, aucun responsable irakien n’a été inquiété.
[4] Al Anbar (chef lieu Ramadi), Nineveh (chef lieu Mossul), Bagdad, Salah al Din (chef lieu Samara), Kirkuk et Diyala (chef lieu Baqubah).
[5] Selon un rapport confidentiel, le gouvernement irakien savait qu’il y aurait un attentat dans ce marché mais il n’a rien fait pour l’empêcher. A cet égard, le 14 août, le président de la commission parlementaire Sécurité et Défense au parlement irakien a déclaré que cet attentat de Jameela ferait tomber des têtes.
Syrie: « La France doit aider Assad à combattre Daesh »
Interview avec le général Jean-Bernard PINATEL, publiée par « Le Figaro », le 06 Septembre 2015 : interview publiée par « Le Figaro » avec Jean-Bernard PINATEL.
A visualiser, au même sujet, l’interview accordée, le 07 Septembre 2015, à la chaîne TV LCI : interview télévisée pour la chaîne LCI avec Jean-Bernard PINATEL.
Pour le général Jean-Bernard PINATEL, la France ne doit pas intervenir au sol en Syrie mais devrait aider financièrement et logistiquement l’Iran, l’Irak et l’armée d’Assad pour combattre au mieux Daesh.
Le Figaro - Selon Le Monde, François Hollande réfléchirait à frapper Daesh en Syrie, et selon un sondage Odoxa pour Le Parisien, 61% des Français sont favorable à une intervention de nos troupes au sol. La France doit-elle intervenir militairement en Syrie ?
Jean-Bernard PINATEL* - La France ne doit pas intervenir au sol en Syrie. Nous devons en revanche fournir un appui logistique, technique et financier à ceux qui combattent déjà Daesh sur le terrain, comme le font les Russes. Il faut aider les trois pays en première ligne: l’armée syrienne loyaliste, l’Iran et l’Irak. Oui, il s’agit de dictateurs ou de milices mais ils représentent un moindre mal par rapport au mal absolu qu’incarne Daesh. D’ailleurs, en laissant entendre qu’il veut combattre Daesh en Syrie, c’est le revirement politique auquel Hollande s’est résolu.
Jusqu’alors la France avait choisi de déstabiliser Assad tout en combattant Daesh via des frappes aériennes en Irak. Or on ne peut pas jouer sur ces deux tableaux. Il est temps d’abandonner le rêve du Printemps arabe, le rêve d’imposer la démocratie par les armes en faisant tomber Assad. Il doit être notre ami provisoire car il est aussi l’ennemi de notre ennemi absolu. Sur le terrain, les militaires connaissent leur travail. La France doit aider les États syriens et irakiens en leur fournissant les systèmes d’armes, le renseignement, la logistique et la formation dont ils ont besoin. Il faut également améliorer l’efficacité des frappes aèriennes en envoyant en première ligne des forces spéciales pour guider les tirs et éviter autant que faire se peut de tuer les civils dont Daesh se sert comme bouclier. Évidemment, cette action doit être coordonnée avec tous les acteurs intervenant sur ce théâtre d’opérations y compris l’Iran et la Russie. De plus, il faut empêcher Daesh de renouveler ses ressources.
Comment affaiblir les ressources de Daesh ?
Le président turc Erdogan se livre à un double jeu qui doit cesser. Officiellement, la Turquie fait partie de la coalition opposée à l’État islamique. Dans les faits, le pays lui ouvre sa frontière et lui permet de réaliser toute sortes de trafics d’armes et de pétrole. Le trafic de pétrole de contrebande représente pour Daesh 50 millions de dollars de recettes par mois. En empêchant la Turquie de jouer ce double jeu et en fermant réellement la frontière, Daesh serait déjà fortement affaibli. L’État islamique ne pourrait plus non plus se réapprovisionner en armes. Il faut tordre le bras à Erdogan. Là, on créerait les conditions politiques nécessaires à la réussite de l’opération militaire.
Une intervention militaire aurait-elle un impact positif sur la crise des migrants ? Aiderait-elle les populations en exil à pouvoir rentrer chez elles ?
Évidemment ! Il ne faut pas prendre les Syriens pour des attardés. Ils n’aspirent qu’à vivre chez eux. Et ce sont les bourreaux barbares de Daesh qu’ils fuient en masse. Quand ils vivent dans des zones sous le contrôle d’Assad, ce sont surtout quelques opposants politiques qui cherchent à fuir le pays. C’est ce qui me fait penser qu’il vaut mieux un dictateur éclairé que des millions de morts et des millions d’exilés. Ce n’est peut-être pas d’une grande morale politique mais c’est pragmatique. Quand De Gaulle s’était allie à l’URSS pour combattre les nazis il n’était pas pour autant devenu un communiste convaincu, mais avait identifié les nazis comme l’ennemi à abattre absolument. Il est temps de faire pareil avec Daesh.
*Jean-Bernard PINATEL est un général de II° section.
Auteur du blog Géopolitique et géostratégie, il est aussi l’auteur de nombreux ouvrages, dont « Carnets de guerres et de crises » aux Editions Lavauzelle, 2014.
Les conditions politiques à remplir pour vaincre Daesh
L’afflux de migrants venant du Moyen Orient et les drames humains qui en sont la conséquence incite à répondre à deux questions : qu’est-ce qui permet l’enracinement de Daesh au Moyen-Orient ? Comment vaincre cette organisation terroriste ?
Répondre à ces questions c’est mettre en lumière les facteurs déterminants de la stratégie victorieuse de Daesh face à l’indétermination stratégique occidentale écartelée entre des objectifs inconciliables.
En effet, le califat, un an après sa proclamation par Abou Bakr al-Baghdadi, révèle un quadruple échec.
En premier lieu l’échec de la stratégie politique et militaire américaine en Irak. Politique d’abord, avec le choix d’un premier Ministre, Al Maliki, qu’ils ont mis en place en 2006 et ont soutenu jusqu’en 2014, le laissant exercer un pouvoir sans partage et fondé exclusivement sur la communauté chiite. Ils ont ainsi fermé les yeux lorsqu’il a bafoué la constitution de son pays, pourtant inspiré par eux, en n’attribuant pas les ministères importants (intérieur et défense) qui devaient être dévolus aux Sunnites et aux Kurdes. Militaire ensuite. En effet, depuis sa reformation par les américains, la nouvelle armée irakienne, dont Al Maliki se méfiait, était mal équipée, gangrenée par la corruption, le népotisme, la formation insuffisante, l’absence de moral et la volonté de se battre. Ces sont les milices shiites, (dirigées, encadrées, formées et équipées par l’Iran et appuyées par des Iraniens et des libanais du Hezbollah avec le général Qasem Soleimani [1] à leurs têtes) qui ont sauvé Bagdad, repoussé Daesh à l’Ouest du Tigre et qui ont représenté plus des 2/3 des forces engagées dans la reconquête de Tikrit. Enfin, si les frappes de la coalition ont un certain effet d’attrition sur les forces de Daesh, sans forces terrestres en état de se battre, cet effet reste limité et est obtenu au prix de dégâts collatéraux importants sur civils, les habitations et les infrastructures, engendrant la colère des populations sunnites locales.
Échec également des monarchies gériatriques du Golfe Persique qui ont contribué à l’émergence de Daesh dans le but de renverser le régime bassiste et alaouite d’Assad et de le remplacer par un pouvoir sunnite ami. Aujourd’hui Daesh, en contrôlant le gouvernorat d’Al Anbar et les 420 km de frontière commune avec l’Arabie Saoudite, menace ce royaume qui se méfie de son armée, de sa minorité chiite, de la moitié de sa population étrangère et qui est en guerre sur ses frontières Sud avec les rebelles Hutis.
Échec de la Turquie qui considère les kurdes dont 15 millions sont turcs comme sa première menace et qui laisse sa frontière ouverte, offrant une base arrière aux djihadistes pour vendre leur pétrole, se ravitailler en armes et munitions et soigner leurs combattants [2]. Erdogan a espéré ainsi renverser Assad et restaurer l’influence séculaire de la Turquie sur la Syrie.
Échec de l’Europe et, au premier lieu de la France, qui ont cru à un printemps arabe et qui, diabolisant le régime d’Assad, sont co-responsables du départ de plusieurs milliers de jeunes européens en Syrie, générant, par un effet boomerang, une menace sur leur propre territoire.
Les seuls gagnant à l’heure actuelle sont les Kurdes et l’Iran
Vainqueurs en Irak dès lors qu’ils étaient correctement équipés, les Peshmergas ont clairement démontré leur valeur militaire. Vainqueurs en Syrie où, malgré l’attentisme Turc, et avec l’aide des frappes américaines, ils ont repris Kobané. Vainqueurs en Turquie où, pour la première fois, ils rentrent en masse au Parlement et deviennent désormais une force politique avec laquelle Erdogan devra compter.
C’est l’engagement des milices iraniennes sur le sol irakien qui ont sauvé Bagdad. Confrontés à la déroute de l’armée irakienne à Ramadi, capitale du gouvernorat d’Al Anbar, par Daesh, les américains, pragmatiques, ont compris que sans l’appui terrestre iranien ils n’arriveraient pas à vaincre Daesh. Alors qu’il se refuse toujours à engager des troupes au sol, l’accord préliminaire sur le nucléaire iranien témoigne d’une modification de la stratégie d’Obama confronté au risque de perdre son investissement irakien [3] et de voir son allié saoudien directement menacé.
A partir de ce constat combattre Daesh demandera du temps car les frappes aériennes sont relativement inefficaces contre un ennemi totalement imbriqué dans la population.
Les conditions nécessaires à la mise en œuvre d’une stratégie gagnante contre Daesh sont :
- exiger de la Turquie, membre de l’OTAN, qu’elle ferme sa frontière à Daesh, mette fin à tous ses trafics qu’elle autorise sur son territoire et cesse ses frappes contre les Kurdes ;
- stopper toutes les actions de déstabilisation du régime d’Assad jusqu’à l’éradication du califat ;
- faire pression auprès du gouvernement irakien pour une mise en œuvre effective du programme de réconciliation nationale [4];
- mettre en place auprès des Peschmergas et des milices iraniennes et irakiennes des contrôleurs aériens avancés pour optimiser l’efficacité des frappes aériennes durant les offensives ;
- ne pas trop compter sur une reconstruction rapide de l’armée irakienne tant que ne seront pas votées les deux lois d’amnistie générale et de fin de la débassification.
Tant que ces conditions politiques ne seront pas réunies l’engagement de troupes au sol occidentales contre Daesh serait faire tuer nos soldats pour un résultat aléatoire.
Général (2S) Jean-Bernard PINATEL, auteur de « Carnet de guerres et de crises 2011-2013 », Lavauzelle, Mai 2014 et de « Russie, alliance vitale », Choiseul, 2011.
[1] Le major général Soleimani, 58 ans dirige depuis 1998 Al-Qods, force d’intervention extérieure (à l’image de nos forces spéciales) de l’Iran. Chef brillant tacticien et charismatique, sa force est destinée à soutenir les chiites au Moyen-Orient. C’est lui qui contribue à bâtir la branche armée du Hezbollah libanais. En 2012, il engage les forces armées d’Al-Qods dans le conflit syrien et en 2015 au Yémen.
[3] « Globalement les américains ont dépensé davantage à ce jour en Irak depuis mars 20 que pour l’ensemble du deuxième conflit mondial », Général Vincent Desportes, « La guerre probable », Economica, octobre 2009, page 12.
[4] Lire : http://www.geopolitique-geostrategie.fr/jean-bernard-pinatel/analyses/irak
Analyse de la situation géopolitique, politique et militaire en Irak - 15 juillet 2015
Contexte géopolitique
Le fait du mois : Obama contraint de modifier sa stratégie au Moyen Orient
A la suite, à la mi-Mai, à la prise par Daech de capitale du gouvernorat d’Al Anbar, évacuée pratiquement sans combat par l’armée irakienne, force est de constater que, désormais, Daech menace directement Bagdad, que l’armée irakienne n’est pas en état de défendre la capitale et que les frappes aériennes de la coalition occidentale n’ont que peu d’effet sur les capacités offensives de Daech.
Face à cette situation le Président américain, avec pragmatisme semble avoir tiré la leçon de l’échec de sa stratégie pour combattre Daech.
Après 9 mois de frappes aériennes, il devenait clair que Daech avait non seulement la capacité de s’enraciner en Syrie et en Irak mais aussi de s’emparer de Bagdad et de menacer l’Arabie Saoudite. Et puisque Obama se refusait à renvoyer dans le bourbier du Moyen-Orient des troupes au sol, la seule option possible qui lui restait pour contenir la progression de Daech et à fortiori de le battre était de modifier sa position vis-à-vis des milices chiites et de leurs soutiens iraniens [1]. Cela s’est traduit concrètement sur le terrain par : 1) la mise en veilleuse des critiques américaines vis-à-vis des milices chiites et de leur soutien par les forces iraniennes; 2) la décision de fournir un appui appui aérien aux miliciens chiites, notamment celles de Bader, d’ Assab Ahl Al Hak, au hezbollah irakien et aux brigades de paix qui combattent Daesh à Al Anbar; 3) une cohabitation des forces soutenues par l’Iran et des soldats américains a été observée sur La base aérienne Al-Taqaddum (OACI : ORAT, Taqaddum signifiant progrès en arabe) située dans le gouvernorat d’Al Anbar, à environ 74 kilomètres à l’ouest de Bagdad [2]; 4) dans la deuxième quinzaine de juillet, le porte-parole officiel de l’Organisme de Mobilisation Populaire qui regroupe toutes les milices chiites en Irak, Ahmad Al Assadi [3], effectuera une visite aux États-Unis [4]. Enfin comment ne pas envisager que la nécessité de s’appuyer sur l’Iran pour combattre Daech ait facilité l’accord sur le nucléaire iranien, signé le 14 juillet à Vienne malgré l’opposition des républicains et d’Israël.
Une situation politique figée
Alors que le contexte international a connu une évolution marquante, la situation politique en Irak n’a guère évoluée durant le mois de juin et début juillet.
L’incapacité du premier ministre Hayder Al Abadi à faire adopter par les députés les projets de loi concernant la garde nationale, l’amnistie générale et la débaassification témoigne du fossé de méfiance qui s’est creusé entre les trois communautés chiites, kurdes et sunnites.
Concernant la garde nationale, la Commission Sécurité et Défense du parlement irakien a confirmé l’existence de ces divergences entre l’Alliance Nationale (chiite), l’Union des Forces (sunnite) et l’Alliance du Kurdistan. Elles sont relatives au rattachement de la garde nationale et à son niveau d’armement. l’Alliance Nationale (chiite) veut que la garde nationale soit rattachée au commandant en chef des forces armées irakiennes, c’est-à-dire au premier ministre (chiite) tandis que l’Alliance de Forces (sunnite) veut qu’elle soit rattachée et gérée par les gouvernorats ou par le ministère irakien de la défense qui est dirigé par un sunnite. De plus, l’Union des Forces (sunnite) ne veut pas que la garde intervienne dans d’autres gouvernorats tandis que l’Alliance Nationale (chiite) veut permettre ces interventions dans d’autres gouvernorats sous le commandement du commandant en chef des forces armées irakiennes. L’armement de la garde est également l’objet d’une opposition. Les parlementaires sunnites veulent qu’il soit lourd tandis que les Chiites veulent qu’il soit léger et moyen. Quant aux Kurdes, ils refusent la présence de la garde dans les zones litigieuses du Nord.
Concernant le projet de loi d’amnistie générale, les députés sunnites ont appelé le premier ministre Hayder Al Abadi, dans un communiqué publié le 22 juin, à retirer son texte, soulignant le non-respect par le gouvernement des accords politiques passés lors de sa formation. Selon eux, le projet de loi est vidé de son réel sens par le texte du gouvernement et ne fait qu’accentuer et consacrer les injustices vis-à-vis des milliers de sunnites qui ont été torturés pour leur extirper de faux aveux [5] et qui ont été jugés selon l’article de loi 4 sur le terrorisme.
Pour ce qui concerne le projet de loi de débaasification, l’Alliance Nationale (chiite) a appelé à respecter les engagements pris et les accords politiques conclus entre les forces politiques du pays mais a, en même temps, affirmé qu’elle s’abstiendrait à voter le projet de loi de débaasification, liant son vote au vote d’une loi interdisant et criminalisant le parti Baas. Ce que rejette l’Union de Forces (sunnite).
Enfin, la Commission d’Équilibre gouvernementale composée de 7 personnes représentatives des différentes communautés irakiennes, qui figurait dans l’accord sur lequel est fondé le gouvernement d’Al Abadi, a été formée et a commencé son travail pour choisir les noms des candidats aux postes de vice-ministre [6]. Là encore l’opposition et la méfiance entre les communautés freine ses travaux.
Situation militaire et sécuritaire
Une situation militaire sans changement
Les offensives de libération de Ramadi et des autres localités d’Al Anbar qui devaient être lancées en juin, ont été reportées sine die. Toutefois, le pilonnage des positions de Daech par l’aviation et par l’artillerie n’ont pas cessé à Garma, à 62 km à l’ouest de Bagdad et à l’est de Faluja. Bagdad ne parle que d’une grande offensive sur Faluja qui serait lancée après la fin du ramadan.
Une situation sécuritaire toujours aussi dégradée dans les 5 gouvernorats sunnites
Au Nord de l’Irak. Au Kurdistan, la situation sécuritaire était calme au mois de juin. Les Peshmergas ont mené des actions limitées dans certaines régions contrôlées par Daesh à Kirkuk et Salah Dine. A Diyala, la conséquence du Limogeage du maire sunnite de Diyala et la nomination à sa place d’un Chiite, membre de la milice Badr, ne s’est pas fait attendre : les attentats à la voiture piégée ont augmenté en juin par rapport aux mois précédents. Le mois de juillet s’annonce encore bien plus sanglant [7]. Au gouvernorat de Salah Dine, à Béji, les combats entre Daesh et les milices chiites font toujours rage.
A Bagdad, le nombre des attentats à la voiture piégée a beaucoup diminué pendant la deuxième moitié de juin [8].
Au Centre et au Sud de l’Irak, la situation était calme en juin. Aucun attentat n’y a été perpétré. C’est également le cas à Karbala et à Najaf où plusieurs voitures piégées venant d’Al Anbar ont été saisies.
Le nombre de morts par attentats en Irak au mois de juin reste très élevé et s’établit à 703. Ils se répartissent ainsi: Niveneh 104 attentats ont fait 229 morts ; Al Anbar 117 attentats ont fait 202 morts ; Salahuldein 80 attentats ont fait 120 morts; Bagdad 68 attentats ont fait 79 morts ; Kirkuk 35 attentats ont fait 49 morts ; Diyala 29 attentats ont fait 24 morts.
Général (2S) Jean-Bernard PINATEL, auteur de « Carnet de guerres et de crises 2011-2013 », Lavauzelle, Mai 2014 et de « Russie, alliance vitale », Choiseul, 2011.
[1] Un responsable irakien proche du premier ministre Hayder Al Abadi qui l’a accompagné récemment pendant la tenue de la conférence de Paris pour discuter de la stratégie internationale contre Daesh a déclaré que la coalition occidentale conduite par Washington avait commencé à changer son avis vis-à-vis de l’Organisme de Mobilisation Populaire des milices chiites.
[2] Le porte-parole du Pentagone, le colonel Steven Warn, a dit qu’il n’y avait aucune interaction entre les 450 soldats américains se trouvant dans cette base et les miliciens chiites qui y sont stationnés.
[3] Ahmad Al Assadi est, d’ailleurs, le chef de la milice chiite Kataib Jund Il Imam (Brigades des Soldats de l’Imam).
[4] Cette visite est,de facto, une reconnaissance par Washington qu’elles sont devenues la force militaire la plus efficace d’Irak.
[5] Pour sa part, la Commission Juridique du parlement irakien a souligné l’importance de la loi d’amnistie générale, surtout dans les circonstances actuelles du pays. C’est l’avis également de l’Alliance du Kurdistan qui a affirmé que cette loi était l’une des lois importantes du document de base du programme politique de la formation de l’actuel gouvernement irakien.
[6] Correspond aux directeurs généraux de l’administration française.
[7] On vient d’apprendre que vendredi 17 juillet, dans le gouvernorat de Diyala la communauté chiite irakienne a été la cible d’un terrible attentat-suicide par camion piégé, alors qu’elle s’apprêtait à célébrer la fin du Ramadan. Le bilan provisoire s’élève à 90 morts, 17 disparus et plus de 120 blessés.
[8] Le 17 juin, les forces de l’ordre de Karbala ont découvert au point de passage entre Al Anbar et Karbala 7 voitures piégées. Ce qui a incité le commandant en chef des forces armées irakiennes à le fermer. Cette fermeture est à l’origine de la diminution des attentats à Bagdad car la plupart des voitures piégées qui entraient à Bagdad passaient par ce point.
« Menace russe » : on cherche midi à quatorze heures ?
Le think tank américain Pew Research a récemment effectué un sondage sur la «menace russe» auprès des populations des pays faisant partie de l’Otan.
La question principale a été rédigée ainsi: « Si la Russie attaque l’un de vos voisins membres de l’Otan, pensez-vous que vos pays doivent utiliser la force militaire pour le défendre? ». Les résultats du sondage témoignent d’une méfiance grandissante des Européens vis-à-vis de l’Alliance. La majorité des habitants des pays de l’OTAN en Europe (52 pour cent) ne croient pas que leurs pays doivent faire la guerre à la Russie au cas où celle-là s’en prend à l’un des membres de l’Otan. Seules les populations des USA et du Canada (à 56% et 53% respectivement) sont persuadées qu’une opération militaire contre « l’agresseur russe » est nécessaire. Sans surprise, en Europe les partisans les plus acharnés de l’Otan sont les Anglais (49 %) et les Polonais (48%). Mais le couple franco-allemand se montre moins belliqueux. 53 % des Français et 58% des Allemands pensent que leurs pays ne doivent pas utiliser la force militaire pour défendre un voisin en danger. Cela contredit le majeur principe, le but même de l’Alliance qui consiste à unir les forces pour défendre ne serait-ce qu’un membre attaqué.
N’en déplaise aux Américains, l’idée même d’une éventuelle attaque russe véhiculée par la propagande outre-Atlantique semble peu crédible. Général Jean-Bernard Pinatel livre son explication dans une interview accordée à la radio Sputnik: « Pour beaucoup d’Européens qui connaissent la Russie la menace russe n’est pas crédible. En France, on sait que le général qui dirige le renseignement militaire a témoigné devant l’Assemblée nationale en disant que l’Otan a essayé de désinformer les Européens sur une « agression imminente » russe au moment de la crise avec l’Ukraine et avant les accords de Minsk-2. Heureusement, nos renseignements notamment satellites français ont démontré que c’est faux, c’était de la désinformation ». Le contre-amiral et essayiste François Jourdier, quant à lui, considère que le temps de la guerre froide est révolu. Les Européens ne considèrent plus la Russie comme une menace pareille à celle que représentait l’Union soviétique. Puisqu’aujourd’hui la Russie est un partenaire idéal de l’Europe face aux menaces réelles, telles que le terrorisme…
Les responsables russes ont à plusieurs reprises démenti la possibilité d’une attaque contre l’Otan. Mais à chaque fois que Barack Obama évoque des principales menaces mondiales, la « menace russe » se met à côté du terrorisme djihadiste et de l’Ebola, déclarations relayées par les autorités européennes. D’après les informations de l’Associated Press, les experts militaires américains vont encore plus loin en proposant d’effectuer des frappes nucléaires contre la Russie pour la punir de prétendues violations du traité de 1987 sur les Forces nucléaires à portée intermédiaire et cela dans le contexte des discussions que les USA mènent avec leurs partenaires européens concernant le déploiement des armes nucléaires en Europe. Lors du Salon du Bourget-2015, la ministre de l’armée de l’air des Etats-Unis Deborah Lee James a assuré qu’il est nécessaire de déployer les avions de chasses Lockheed Martin F-22 Raptor en Europe parce que la Russie est la principale menace militaire des USA. Mais pourquoi entraîner les Européens dans leur provocation?
Selon J.-B. Pinatel, l’Otan aura de moins en moins de crédibilité car des menaces imaginaires ont pour but de convaincre la population américaine qu’il faut payer des impôts pour maintenir la suprématie militaire des USA. « Les Américains ont le budget militaire le plus important du monde, 640 milliards de dollars. Le général Eisenhower qui avait été président des USA avait dit que le complexe militaro-industriel des USA menaçait la démocratie aux USA. Aujourd’hui c’est exactement le cas, poursuit Général Pinatel. — Les Américains, pas plus que les Européens, n’ont pas envie de payer les impôts pour une menace qui n’existe pas. Toute administration américaine n’a qu’un but, c’est de créer des menaces fictives ». Le deuxième objectif, c’est d’empêcher l’union russo-européenne qui était en train de naître au cours de la dernière décennie. Le contre-amiral Jourdier le confirme: « Les USA craignent un rapprochement entre l’Europe et la Russie. Ils font tout ce qu’ils peuvent pour l’empêcher. Ils voudraient aboutir à la signature du Traité transatlantique qui, j’espère, ne sera jamais signé. Si on le signe, ça fera de l’Europe un satellite des USA non seulement militaire par l’Otan mais économique par ce traité. Et ils ont indiscutablement manipulé la crise ukrainienne dès le début ».
La formulation de la question posée par Pew Research relève de l’époque de la confrontation entre les blocs soviétique et occidental. Malgré la rhétorique de la guerre froide que les USA essayent de réactiver, les Européens se montrent plus prudents et de bon sens. Les résultats du sondage font foi d’une réévaluation du rôle de l’Otan par les Européens. La moitié des pays membres de l’Alliance ne sont pas prêts à participer à ses opérations militaires. La vocation de cette structure militaire pose de plus en plus de questions. C’est un défi non seulement pour le Bloc atlantiste mais pour les leadeurs des pays européens qui essayent d’éluder les différences existant entre les pays de l’Europe.
Il ne s’agit plus de confrontation idéologique. La Russie se présente comme un partenaire fiable de l’Europe. Mais l’hystérie antirusse est un moyen de convaincre les Européens que l’existence de l’Otan est indispensable dans le monde actuel. Il s’avère que la menace venant de la Russie soit beaucoup moins réelle pour l’Europe que la menace américaine. L’Otan envisageant d’entraîner le continent européen dans plusieurs guerres, le Tafta représentant un vrai danger pour le marché de l’UE et la santé des Européens.
Victoria Issaïeva
Les opinions exprimées dans ce contenu n’engagent que la responsabilité de l’auteur.
Source : Sputnik France
Date de publication : 16/06/2015
Analyse de la situation géopolitique, politique et militaire en Irak - 15 juin 2015
Contexte géopolitique et politique de la situation en Irak
14 ans après l’intervention illégale des États-Unis en Irak à laquelle la France de Jacques Chirac avait refusé de participer et un an après la prise de Mossoul par l’Etat Islamique, la fin du principe de l’intangibilité des frontières issues de la décolonisation constitue le scénario le plus probable de l’avenir du Moyen-Orient.
En effet, 2015 marquera probablement la fin de l’objectif des États-Unis d’implanter par la force une démocratie en Irak dans laquelle les différentes communautés sont associées dans un pouvoir démocratiquement élu.
Face à la menace de l’extrémisme salafiste de Daech, soutenu par une majorité des tribus sunnites, ce sont les shiites extrémistes qui sont en passe de l’emporter. Comme dans toutes les autres minorités shiites du Moyen-Orient ils rêvent de créer ensemble un grand empire shiite dirigé par l’Iran et son Velayat-e faqih (Gouvernement du docte religieux).
En effet, il apparait clairement en ce début du mois de juin 2015 que les partis shiites irakiens au pouvoir ont abandonné l’objectif d’une réconciliation nationale et sont en majorité acquis à l’idée d’un gouvernement identitaire shiite sous l’influence directe de l’Iran [1]. Rien ne semble plus pouvoir faire détourner ces partis de cet objectif stratégique. Ils ont définitivement rangé dans les poubelles de l’histoire les principes et les règles de la démocratie, la constitution irakienne, le partenariat national, les accords politiques visant à respecter les spécificités ethniques et religieuses des irakiens.
En l’absence d’une intervention terrestre occidentale extrêmement improbable, la reconquête des gouvernorats sunnites, dans lesquels Daech a conforté son emprise avec la prise de Ramadi, capitale du gouvernorat d’Al-Anbar, ne pourra pas être le fait d’une armée nationale irakienne. Alors que les Etats-Unis s’efforcent de la reconstruire depuis 9 mois, après l’avoir stupidement dissoute en 2002, les forces irakiennes se sont débandées à Ramadi abandonnant à l’ennemi le matériel moderne qui venait de leur être livré.
Le califat, un an après sa proclamation par Abou Bakr al-Baghdadi, révèle un triple échec : l’échec de la stratégie politique et militaire américaine au Moyen-Orient ; l’échec des monarchies gériatriques du Golfe Persique qui ont contribué à l’émergence de Daech qu’ils espéraient utiliser pour renverser le régime d’Assad et le remplacer par un pouvoir sunnite ami ; l’échec de l’Europe et, au premier lieu de la France, qui ont cru à un printemps arabe et qui, diabolisant le régime d’Assad, sont co-responsables du départ de plusieurs milliers de jeunes européens en Syrie, générant, par un effet boomérang, une menace sur leur propre territoire.
Les seuls gagnant à l’heure actuelle sont les Kurdes. Vainqueurs en Irak dès lors qu’ils étaient correctement équipés les Peschmergas ont clairement démontré leur valeur militaire. Vainqueurs en Syrie où, malgré l’attentisme Turc, et avec l’aide des frappes américaines, ils ont repris Kobané. Vainqueurs en Turquie où, pour la première fois, ils rentrent en masse au Parlement et deviennent désormais une force politique sur laquelle Erdogan devra compter.
C’est aussi grâce aux Kurdes que l’on voit se dessiner une stratégie américaine alternative. En effet, le président de la province autonome du Kurdistan, Massoud Barzani, a déclaré, le 6 mai, devant le Conseil de l’Atlantique Nord et l’Institut Américain pour la Paix que le Kurdistan indépendant était imminent et que ce processus était irréversible, soulignant toutefois qu’il faut l’envisager de façon pacifique. Au cours de ce déplacement à Washington, Barzani a effectué des entretiens avec le président américain Barack Obama et avec le vice-président Joe Biden portant sur la campagne militaire contre Daesh et sur le soutien américain aux Kurdes irakiens. A noter qu’à plusieurs reprises, le vice-président américain Joe Biden a laissé entendre qu’il était partisan d’un projet divisant l’Irak en trois entités autonomes : shiite, sunnite et kurde, projet qui était inscrit en filagramme dans le projet de budget pour la Défense préparé par le Congrès américain [2].
Pour les États-Unis, cette stratégie dont Joé Biden est partisan, aurait l’avantage de les faire sortir de l’ambiguïté actuelle d’un soutien à la fois aux monarchies sunnites et à un Etat irakien qui semble chaque jour un peu plus tourner le dos à une politique de réconciliation nationale avec les sunnites.
Situation militaire et sécuritaire
Le 17 mai, les combattants de Daech ont pris Ramadi à la suite de combats très violents. Selon des témoins oculaires, les combattants de Daech ont attaqué le bâtiment de la mairie de Ramadi, où
étaient retranchés les soldats irakiens, avec plusieurs voitures blindées piégées qui ont explosé à l’entrée de la mairie, tuant et blessant des dizaines de soldats irakiens. Ensuite, tous les autres bâtiments publics de Ramadi sont tombés entre les mains des combattants de Daech qui ont capturé aussi plusieurs soldats irakiens. Face à cette offensive rapide, l’armée irakienne a évacué son QG de Ramadi qui se trouvait sur le bord de l’Euphrate, à un kilomètre du siège du gouvernement local.
Quelques heures avant l’offensive de Daech, les avions américains avaient lancé des raids sur ses positions situées dans la région de Jazzera, tout proche de Ramadi et d’où est partie l’offensive sur Ramadi, démontrant une fois de plus que, sans troupes au sol voulant se battre, l’appui feu aérien ne peut être décisif.
Après cette débâcle, les Irakiens et les Américains ont accusé l’armée irakienne de fuir le combat.
Le 23 mai, l’armée irakienne s’est retirée aussi du poste frontière de Walid qui était le dernier poste-frontière avec la Syrie restant sous le contrôle des forces irakiennes. Désormais, tous les poste-frontières avec la Syrie se trouvent sous le contrôle de Daech, à l’exception d’un seul qui est sous le contrôle des Peshmergas kurdes.
Avant la conquête de Ramadi par Daech, un veto gouvernemental et américain s’opposait à l’envoi des milices shiites à Al-Anbar. Devant l’urgence, cette interdiction est levée. Bien plus, selon la presse irakienne, des armes lourdes iraniennes et des combattants iraniens se trouvent d’ores et déjà sur le territoire d’Al Anbar pour participer aux combats contre Daesh aux côtés des milices irakiennes pro iraniennes avec le soutien américain en renseignements et appui feu.
A la suite de la prise de Ramadi par Daesh, les craintes d’une attaque de Daesh sur Bagdad se sont fortement accrues au sein de la population d’autant plus que la capitale a connu, le 28 mai, une série d’attentats à la voiture piégée frappant les hôtels de Babel et d’Ishtar, au centre de Bagdad, faisant 14 morts et plus de 40 blessés. Deux voitures piégées garées dans les parkings de ces deux hôtels ont explosé quasi simultanément. Une troisième voiture piégée a été désamorcée sur le parking de l’hôtel de Babel.
Pour rassurer la population le Premier Ministre a déployé des forces armées et des milices shiites supplémentaires ainsi que des chars et des armes lourdes à l’ouest de Bagdad.
A Diyala, la situation sécuritaire est très confuse. Le rythme d’assassinats et d’enlèvements s’est beaucoup accéléré ces derniers jours. Il y avait aussi plusieurs attentats avec des engins explosifs contre des maisons et des mosquées sunnites.
Ces sont toujours les 6 mêmes gouvernorats qui subissent ces attentats [3] alors que dans les 12 autres la sécurité est assurée.
Cette situation sécuritaire n’altère que faiblement la production de pétrole située en majorité dans le Sud du Pays et dans le Kurdistan. Ainsi par les terminaux pétroliers du sud du pays, l’Irak a exporté, en moyenne, 2.55 millions b/j au cours des premiers 21 jours du mois de mai contre 2.63 millions b/j en avril précédent. Les exportations du nord, via le terminal turc de Jehan, et qui comprennent les bruts de Kirkuk et du Kurdistan ont atteint 500 000 b/j depuis le début de mai contre 450 000 b/j au mois d’avril. Au total, début mai, les exportations pétrolières irakiennes sont restées stables par rapport à avril : 3.05millions b/j contre 3.08 millions b/j. Les revenus pétroliers de l’Irak de mai sont estimés à environ 4 milliards de dollars.
Général (2S) Jean-Bernard PINATEL, auteur de « Carnet de guerres et de crises 2011-2013 », Lavauzelle, Mai 2014 et de « Russie, alliance vitale », Choiseul, 2011.
[1] Limogeage du maire sunnite de Diyala et la nomination à sa place d’un Shiite membre de la milice Badr. Pour les Sunnites, il s’agit d’une poursuite de la politique de nettoyage démographique anti sunnite que les autorités shiites cherchent à appliquer en accord avec les Kurdes dans ce gouvernorat à majorité sunnite. Les sunnites sont évincés des postes importants bien qu’ils aient 13 sièges au conseil municipal du gouvernorat qui est composé de 29 sièges. L’Alliance des Forces Irakiennes qui regroupe les députés sunnites au parlement irakien a affirmé, le 27mai, dans un communiqué de presse que ce qui se passe à Diyala était très grave et qu’il constitue une réelle menace pour le partenariat national et une violation des accords politiques passés entre les protagonistes du processus politique. De même, à la demande du premier ministre Hyder Al Abadi, le maire de Ninive a été aussi démis de ses fonctions, le 28 mai, par un vote du parlement irakien, dominé par les Shiites.
[2] Le projet de la loi de défense annuel États-Unis, qui a été publié le 27 Avril par le House Armed Services Committee, exhorte le gouvernement américain à reconnaître les kurdes et les sunnites irakiens comme états séparés et à leur fournir au moins 25 pour cent des 715-millions de dollars d’aide prévue pour le gouvernement irakien au titre de l’aide de la lutte contre le groupe terroriste ISIL. Il propose même d’élever ce chiffre à 60 pour cent de l’aide, soit environ 429 millions de USD. Le texte du projet précise que les Peshmergas kurdes, les forces de sécurité tribales sunnites avec une mission de sécurité nationale, et les sunnites Garde nationale irakienne devraient être considérés comme un pays », ajoutant que cela « permettrait à ces forces de sécurité de recevoir directement de l’aide des États-Unis » : PressTV
[3] Al-Anbar, Dyala, Kirkuk, Niveneh, Salah Ad Din.
Perspectives de la guerre contre Daesh au Moyen-Orient
La conquête par Daesh de Palmyre et de Ramadi, deux villes clés de Syrie et d’Irak, survient un an après la prise de Mossoul (10 juin 2014) qui a révélé au monde la menace l’Etat islamique. Neuf mois après le début de l’intervention américaine, à laquelle la France participe modestement, tous les experts et les dirigeants politiques s’interrogent sur l’efficacité de la stratégie occidentale. L’analyse ci-dessous apporte des éléments de réponse.
Situation militaire actuelle en Irak et en Syrie
La carte ci-dessous montre clairement que les offensives de Daesh ont été contenues en Irak à l’Est sur le Tigre et au Nord le long de la frontière Turque et du Kurkistan. En revanche ils progressent vers le Sud Irakien.
Au Nord les Peshmergas, qui ont reçu d’importants renforts en armement des Etats-Unis et de la France et un appui aérien de la coalition, ont repoussé Daesh hors de Kobané et des villages alentours qui en contrôlent les abords. De même au cours d’une succession de combat victorieux les Peshmergas ont pris le contrôle des sorties Est, Nord et Ouest de la ville de Mossoul mais se refusent à y pénétrer car cette ville de2 millions d’habitants, qui s’étend sur 250 km2, est à majorité sunnite. A l’ouest les milices shiites, encadrées par des Iraniens et des Libanais du Hezbollah avec le général Qasem Soleimani à leur tête, ont repris la ville symbole de Tikrit en avril 2015 après avoir repoussé Daesh de la ville de Baiji et notamment de son importante raffinerie où la situation reste incertaine car les forces irakiennes sont soumises à de violentes contre offensives de l’Etat islamique.
Repoussé au Nord contenu à l’Est, Daesh fait effort vers le Sud irakien (le gouvernorat d’Al Anbar) où ils viennent de s’emparer de la ville de Ramadi, sa capitale, (début mai 2015) et dans le désert Syrien, prise de la ville de Palmyre (20 Mai).
Par ailleurs jusqu’au 19 Mai 2015, l’appui direct de la coalition, dont les Etats-Unis assurent la majeure partie de l’effort, n’a mobilisé que des moyens aériens. Daesh s’est parfaitement adapté à cette menace aérienne en se fondant dans la population des villes, en enterrant ses dépôts logistiques et en ne concentrant ses troupes que pour mener des offensives éclairs où, s’imbriquant à ses adversaires, il rend impossible un appui aérien faute d’éléments de guidage avancé largement déployés dans les unités irakiennes.
Ce constat d’impuissance militaire partagé par tous les experts a, semble-t-il, conduit le Président Obama à infléchir récemment sa position de ne pas engager de forces américaines dans les combats au sol. En effet, le 19 Mai, ses forces spéciales [1] ont mené à partir d’Irak une opération commando à al-Amr, à environ 20 miles (32km) au sud de Deir el Zour (Syrie) et ont tué le « ministre du pétrole » de Daesh.
Les perspectives de la guerre contre Daesh
Rien ne permet d’entrevoir dans les conditions actuelles une défaite militaire de Daesh avant plusieurs années. En effet en un an on ne peut noter aucune évolution significative du contexte géopolitique, de la situation politique en Irak et en Syrie, du rapport des forces militaires, de ses moyens financiers. Cette situation figée ne permet pas d’entretenir l’espoir d’une fin rapide de ce conflit, soit par une défaite de Daesh, soit par l’effondrement des régimes Syriens et Irakiens.
Le contexte géopolitique
Au niveau régional, l‘Arabie Saoudite et le Qatar ont pris conscience du risque d’être les prochaines victimes du monstre qu’ils ont contribué à créer et l’aide financière venant de ces pays à la rébellion syrienne s’est considérablement ralentie.
En revanche, la Turquie, concurrent régional de l’Iran, continue de fermer les yeux sur les trafics de Daesh sur son sol, voire lui donne des coups de mains ponctuels par des interventions aériennes.
L’appui de la Russie reste acquis au régime de Bachar Al Assad.
En revanche on peut se demander s’il en sera de même pour l’Iran. Si le soutien de ce pays restera acquis à l’Irak car il va dans le sens de la stratégie américaine, malgré quelques frictions tactiques, la question se pose néanmoins concernant la Syrie et le Hezbollah. En effet, certains indices laissent à penser que le soutien iranien pourrait être sacrifié, après à un accord sur le nucléaire, sur l’autel de la levée des sanctions économiques [2].
Obama, coincé entre des intérêts contradictoires [3] reste incapable de définir une ligne stratégique claire et efficace. Après l’accord sur le nucléaire iranien qui inquiète l’Arabie Saoudite et Israël, le Congrès, dans son projet de budget pour la Défense accroit encore le brouillard. En projetant d’apporter une aide directe aux tribus sunnites et aux Peshmergas, le projet de Budget pour la Défense américain [4] instille l’idée que les Etats-Unis sont favorables à un éclatement de l’Irak [5].
De plus, l’erreur politique de considérer Daesh et Assad « comme les deux faces d’une même pièce », comme l’ont déclaré au Figaro des diplomates français, ne permet pas d’unir toutes les forces en Syrie contre Daesh qui pourtant est le seul des deux adversaires à menacer la France et les Etats-Unis [6]. Cette erreur a portée stratégique est amplifiée par le fait que les Etats-Unis et l’Europe ne font pas les pressions suffisantes sur Erdogan pour qu’il bloque sa frontière aux trafics du Califat. En effet, Daesh profite de sa perméabilité actuelle pour vendre en Turquie son pétrole et son gaz et se réapprovisionner en armes et munitions auprès de trafiquants qui agissent en toute liberté dans un pays où la corruption est endémique. L’enjeu est de taille car cette situation lui permet de se financer à hauteur de 100 millions de $ par mois [7].
Les situations politiques des principaux Etats au Moyen-Orient
Le régime syrien a montré depuis 4 ans sa capacité de résistance grâce à l’appui d’une grande partie de sa population et de l’aide qu’il reçoit de la Russie, de l’Iran et du Hezbollah libanais.
En Irak, le gouvernement d’Haïder al-Abadi n’arrive pas à mettre en œuvre sa politique de réconciliation nationale du fait de l’opposition d’une partie des partis shiites [8] qui refusent d’accéder aux demandes des leaders sunnites [9].
L’Arabie Saoudite qui a contribué à l’envol de Daech est aujourd’hui inquiète car, contrôlant le gouvernorat d’Al Anbar, Daech n’est plus séparé de l’Arabie Saoudite que par 420 km de frontière alors que les minorités d’obédience shiite s’agitent à ses frontières Sud [10].
Erdogan [11] qui partage l’idéologie des frères musulmans veut imposer son leadership sur l’ancien empire Ottoman. Pour ce faire il doit affaiblir tous les pouvoirs qui constituent un obstacle à ce dessein : la Syrie d’Assad en premier lieu, pouvoir héritier du parti Baas laïque. Mais il veut aussi éviter l’émergence d’un Etat Kurde d’où son refus d’aider les combattants kurdes durant le siège de Kobané. L’Iran shiite ensuite, qui est, par son soutien à l’Irak et à la Syrie, son principal concurrent au Moyen-Orient.
Daesh est donc le « compagnon de route » [12] des visées d’Erdogan car affaiblissant la Syrie et l’Irak, il favorise l’accomplissement de son dessein sans pour autant constituer une menace puisque la Turquie tient le robinet de la seule voie possible pour la vente au marché noir de son pétrole.
Les capacités militaires des acteurs en présence
Daesh ne pouvant concentrer des forces importantes du fait de l’appui aérien américain est incapable de prendre Bagdad. Mais en revanche aucune force en Irak n’est capable de reconquérir l’ensemble du terrain perdu tant qu’une armée nationale ne sera pas en l’état de le faire. En effet, la coalition refuse d’appuyer les actions des milices shiites et une partie des shiites refuse la présence sur le sol irakien des forces américaines. C’est en particulier le cas de Muqtada Al Sahr [13] qui a été le principal opposant qui a conduit au retrait total des forces américaines en décembre 2011. De même, l’Iran ne peut intervenir avec son armée régulière et notamment son aviation sans s’aliéner les Etats-Unis.
En Irak, ce sont aujourd’hui les milices shiites, dirigées, encadrées, formées et équipées par l’Iran et appuyées par des Iraniens et des libanais du Hezbollah avec le général Qasem Soleimani [14] à leurs têtes qui ont sauvé Bagdad, repoussé Daesh à l’Ouest du Tigre et qui ont représenté plus des 2/3 des forces engagées dans la reconquête de Tikrit. L’armée irakienne dont les américains essayent de former actuellement 9 brigades ne possèdent que peu d’officiers compétents du fait de la loi sur la débassification qui a écarté tous les anciens officiers supérieurs de l’armée de Saddam Hussein. Il est de notoriété publique à Bagdad qu’elle est gangrenée par la corruption, le népotisme, la formation insuffisante et l’absence de moral et de volonté de se battre.
Enfin, le pouvoir Syrien, replié sur la Syrie utile, est en capacité de durer tant que la Russie acceptera de lui livrer des armes et des munitions et de lui avancer de quoi payer son armée.
En conclusion
Tous les facteurs analysés jouent dans le sens d’une guerre longue et indécise.
Cette situation fait le jeu des industriels de l’armement américains qui peuvent ainsi présenter à des citoyens ignorants de la complexité du monde, un adversaire dont ils grossissent à l’envie les capacités mais qui est crédible pour une Amérique toujours traumatisée par septembre 2011 car Daesh est le seul « Etat » à avoir déclaré la guerre aux Etats-Unis. Cela leur permet de donner du corps à la fable [15] qu’ils racontent aux américains sur cette menace afin de maintenir les dépenses militaires au niveau sans précédent de 640 milliards de dollars, près de 20 fois le budget militaire français.
L’Europe est la seule qui a un intérêt puissant à l’élimination de Daesh. Mais elle est incapable de définir une politique étrangère et de défense commune. Elle subit cette situation sans rien proposer alors que Daesh menace directement sa sécurité et son développement, le Moyen-Orient constituant avec la Russie des débouchés naturels pour les entreprises européennes.
La seule initiative diplomatique qui pourrait renverser le cours des choses est une initiative commune de la France et de la Russie. Mais cela supposerait que François Hollande se débarrasse de son à priori idéologique qui a mis la France hors-jeu [16] d’un Moyen-Orient où ses prédécesseurs avaient toujours su préserver son influence et sa capacité de médiation.
Général (2S) Jean-Bernard PINATEL, auteur de « Carnet de guerres et de crises 2011-2013 », Lavauzelle, Mai 2014 et de « Russie, alliance vitale », Choiseul, 2011.
[1] Le Pentagone a identifié le haut responsable de l’EI comme un tunisien ayant pris le nom d’Abou Sayyaf (arabe pour « père de l’épée »). Les commandos l’ont tué avec une douzaine d’autres hommes, avant de retourner en Irak avec deux prisonnières, Oumm Sayyaf, l’épouse du chef de file de l’EI et une femme Yazidi de leur ménage. Des hélicoptères américains Huey et des avions à décollage vertical Osprey ont transporté les commandos d’une base en Irak à al-Amr, le plus grand champ de pétrole syrien, à environ 30km au sud de Deir el Zour, dans le désert de l’Est.
[2] Lire à ce sujet : Iran: après l’accord sur le nucléaire, une guerre pour les dollars ?
[3] Soutien aux monarchies sunnites du Golfe, aide à l’Irak shiite, accord nucléaire avec l’Iran, volonté de ménager la Turquie membre de l’OTAN.
[4] Le projet de budget de la Défense se propose de fournir une aide militaire directe aux Peshmergas et aux tribus sunnites ce qui nécessite de leur attribuer la qualité juridique d’Etat.
[5] C’est d’ailleurs ce que pensent certains analystes qui considèrent qu’Exxon-Mobil est derrière cette proposition : Exxon défie Bagdad au Kurdistan.
[6] Néanmoins devant la menace terroriste sur notre sol une inflexion de la politique étrangère de la France est souhaitée par de plus en plus de responsables politiques et d’experts de tous bords qui estiment qu’en guerre de 2 maux, il faut choisir le moindre : Des parlementaires français rencontrent Bachar Al Assad.
[7] Lire à ce sujet : Daesh engrange 90 millions $/mois de la vente du pétrole.
[8] Elles sont manipulées en sous-main par son prédécesseur Al Maliki qui n’a pas abandonné l’espoir de revenir au pouvoir.
[9] Dont les principales sont : le rôle et de la place des milices chiites du Rassemblement Populaire sur l’échiquier tant militaire que politique, la loi de la garde nationale et la surpression de la loi de débaasification.
[10] Entretien : Pour sortir du brasier.
[11] Erdogan et la tentation du retour à l’Empire ottoman.
[12] Ce terme a été utilisé pour les intellectuels français qui soutenaient l’URSS dans les années ’50 et ’60.
[13] Iraqi cleric warns US Congress against sectarian bill.
[14] Le major général Soleimani, 58 ans dirige depuis 1998 Al-Qods, force à l’image de nos forces spéciales. Chef brillant tacticie, sa force est destinée à soutenir les chiites au Moyen-Orient. C’est lui qui contribue à bâtir la branche armée du Hezbollah libanais. En 2012, il engage les forces armées d’Al-Qods dans le conflit syrien et en 2015 au Yémen.
[15] Daesh passe le niveau 1 (sur 3) vers la guerre mondiale.
[16] Lire : Les trois erreurs politiques et stratégiques de François Hollande sur le dossier syrien ont affaibli l’influence de la France dans le monde.
Analyse de la situation géopolitique, politique et militaire en Irak – 14 Mai 2015
Synthèse de la situation politique et sécuritaire de l’Irak
En avril 2015, le contexte géopolitique et sécuritaire de l’Irak a continué de se dégrader sous l’effet de plusieurs facteurs :
- le Gouvernement du premier ministre Hayder Al Abadi est affaibli par son incapacité à mettre en œuvre la politique de réconciliation nationale du fait des initiatives sectaires de son prédécesseur;
- aucune amélioration notable de la situation militaire n’a été réalisée durant ce mois alors que, parallèlement, la situation sécuritaire se dégrade à nouveau dans les 5 gouvernorats où Daech développe ses actions;
- la porosité de la frontière avec la Turquie se confirme. Cette complicité de la Turquie permet à Daech de vendre son pétrole au marché noir en Turquie, de s’y ravitailler en armes et munitions tandis que l’aviation Turque continue ses incursions dans l’espace aérien syrien;
- dans le gouvernorat d’Al Anbar, Daech accentue sa pression profitant de l’opposition des tribus sunnites et des États-Unis à l’intervention des milices Chiites. La solution pourrait venir d’Amman où une délégation irakienne négocie les conditions d’une aide directe de la Jordanie aux tribus sunnites de ce gouvernorat
- le congrès américain, dominé par les conservateurs, a proposé dans le projet de loi sur la Défense de considérer les forces sunnites et Kurdes comme des Etats afin de pouvoir les aider directement [1]. Cette initiative malvenue a été perçue à Bagdad comme une volonté de démembrement de l’Irak [2]. Voté à la quasi-unanimité par la Commission des affaires étrangères de la chambre des représentants du Congrès, ce projet a entrainé une réaction immédiate du gouvernement irakien tandis que Muqtada Al Sahr [3] proférait des menaces contre les intérêts américains en Irak.
Situation politique
Le Gouvernement du premier ministre Hayder Al Abadi est affaibli d’une part par son incapacité à mettre en œuvre la politique de réconciliation nationale notamment du fait des initiatives sectaires de son prédécesseur. Des désaccords profonds persistent, en effet, sur des questions controversées et essentielles comme celle du rôle et de la place des milices chiites du Rassemblement Populaire [4] sur l’échiquier tant militaire que politique, celle de la loi de la garde nationale et celle de la surpression ou le maintien de la loi de débaasification.
Par ailleurs, le projet de loi de la chambre des représentants du Congrès américain prévoie d’attribuer aux Peschmergas et aux forces des tribus sunnites la qualité d’Etat pour pouvoir les aider directement sans passer par le gouvernement irakien dominé par les Chiites. La Commission des affaires étrangères de la chambre des représentants du congrès a déjà voté, presque à l’unanimité, ce projet. Pour relativiser les effets de cette initiative, l’ambassade américaine de Bagdad a tenu à déclarer que le projet n’était fondé sur aucune base juridique et qu’il ne reflétait pas la position officielle des États-Unis.
Néanmoins ce projet a provoqué un tollé dans les rangs des partis pro-gouvernementaux et des milices chiites. Le gouvernement l’a catégoriquement rejeté, le considérant comme une intervention inadmissible dans les affaires intérieures du pays. En revanche l’Alliance des Forces qui regroupe les formations parlementaires sunnites et les Kurdes se sont félicités de la possibilité de recevoir une aide directe en passant sous silence la reconnaissance d’Etat qui est nécessaire pour que cette aide directe soit légale. Bagdad n’a pas manqué de souligner que ce projet de loi américain prévoit aussi d’inviter les milices chiites du Rassemblement populaire à rejoindre les rangs de la garde nationale[5] dont la création n’est pas prête d’aboutir car elle nécessite le vote d’une loi au Parlement et que les partis shiites, majoritaires, n’en veulent pas.
Par ailleurs, l’ex premier ministre irakien Nouri Al Maliki s’oppose désormais ouvertement à son successeur affichant ainsi, aux yeux de tous, sa volonté de revenir au pouvoir. Pour ce faire, il cherche à se faire connaitre comme chef des milices du Rassemblement Populaire dont il a visité les positions à Samara et Tikrït. A cette occasion il leur a suggéré de confisquer les terres et les maisons qui y ont été prises par elles aux sunnites. De plus, le 27 avril, ses partisans ont manifesté devant la zone verte, où siège le gouvernement irakien, pour exiger qu’il soit nommé commandant du Rassemblement Populaire et que les combattants shiites puissent aller combattre Daech dans le gouvernorat d’Al Anbar.
Situation militaire et sécuritaire
Les opérations militaires
Aucune opération d’envergure des forces gouvernementales n’a été entreprise au cours du mois d’Avril. Au contraire Daech, après avoir perdu la bataille de Tikrït, a maintenu la pression dans le gouvernorat de Salah Dine où la situation sécuritaire n’est pas encore totalement sous contrôle des troupes progouvernementales ni dans la ville, elle-même, ni dans ses environs, notamment à la raffinerie stratégique de Béji entre Tikrit et Mossul. Daech a repris, le 26 avril, des parties importantes de cette raffinerie, incendiant des réservoirs pétroliers. Les troupes irakiennes ont lancé une contre-offensive et les combats continuaient toujours fin Avril.
Daech a aussi accentué sa pression dans le gouvernorat d’Al Anbar et dans les zones limitrophes du gouvernorat de Salah Dine. Les terroristes se sont emparés de l’écluse de Tharthar [6] à la suite d’une attaque déclenchée par une voiture piégée qui a fait des dizaines de morts et de blessés parmi les soldats irakiens. Les commandants de la 1ère division et de la 1ère brigade ont été tués au cours de cette attaque. Lors de ces opérations, des dizaines de soldats et de miliciens chiites ont été encerclés au bord du lac de Tharthar et massacrés par les combattants de Daech. Le commandement du Rassemblement Populaire des milices chiites a accusé le ministre de la défense irakien d’être responsable de ce massacre, appelant à une enquête et à sa démission. Les forces pro-gouvernementales ont été obligées de lancer une vaste opération militaire pour reprendre le contrôle de l’écluse et en chasser les combattants de Daech.
Au poste-frontière de Trébil, à la frontière avec la Jordanie, Daech a lancé une série de trois attaques suicidaires par voitures piégées. Dans un communiqué de presse, Daech a fait savoir que ces attaques ont été menées par trois kamikazes de nationalités belge, française et sénégalaise. Egalement à Karbala au Sud de Tikrit, et plus au Sud dans le gouvernorat d’Al Anbar plusieurs actions de Daech ont été signalées. Ainsi le 25 avril, la mairie d’Ain Tamer qui se trouve à l’ouest de Karbala et à 108 km au sud de Bagdad a annoncé que Daech avait coupé la route entre le district de Rahalié et l’est de Faluja en dynamitant un pont important dans cette région d’Al Anbar.
Situation sécuritaire
A Bagdad, la situation sécuritaire s’est à nouveau détériorée. Les attentats, les explosions, les assassinats, les enlèvements et des cadavres inconnus torturés et jetés au bord de la route ont réapparu. Le nombre des a fortement augmenté en avril. Mais le jour le plus sanglant est le 27 avril au cours duquel 8 voitures piégées ont explosé quasi simultanément dans la partie ouest de Bagdad, faisant de très nombreux morts et blessés.
Au Kurdistan, le 17 avril, une voiture piégée a explosé à Erbil, près du consulat américain, au quartier D’Aine Kawa, faisant trois morts et cinq blessés.
En Avril, dans les 6 gouvernorats dans lesquels Daech développe ses actions, on a compté 525 attentats contre 366 en mars soit une augmentation de + 43%. Dans les 12 autres gouvernorats la situation sécuritaire continue d’être maitrisée.
Avant que l’on connaisse le bilan complet des morts des attentats du 27 avril à Bagdad, ces attentats ont fait dans les six gouvernorats 772 morts contre 323 en mars soit + 239% d’augmentation. Le nombre des tués se répartit ainsi : Al Anbar 222 (77) ; Salahuldein : 225 (90) ; Niveneh : 163 (83) ; Kirkuk : 59 (54) ; Dyala : 7 (22) et Bagdad : 96 (48).
Général (2S) Jean-Bernard PINATEL, auteur de « Carnet de guerres et de crises 2011-2013 », Lavauzelle, Mai 2014 et de « Russie, alliance vitale », Choiseul, 2011.
[1] Le projet de la loi de défense annuel États-Unis, qui a été publié le 27 Avril par le House Armed Services Committee, exhorte le gouvernement américain à reconnaître les kurdes et les sunnites irakiens comme états séparés et à leur fournir au moins 25 pour cent des 715-millions de dollars d’aide prévue pour le gouvernement irakien au titre de l’aide de la lutte contre le groupe terroriste ISIL. Il propose même d’élever ce chiffre à 60 pour cent de l’aide, soit environ 429 millions de USD. Le texte du projet précise que les Peshmergas kurdes, les forces de sécurité tribales sunnites avec une mission de sécurité nationale, et les sunnites Garde nationale irakienne devraient être considérés comme un pays », ajoutant que cela «permettrait à ces forces de sécurité de recevoir directement de l’aide des États-Unis »: PRESSTV.
[2] Cette opinion est partagée par Dean Henderson, American columnist and environmental activist, who firmly believes that the ISIL will destabilize Iraq, ending in a new country of Kurdistan where Exxon Mobil (an American multinational oil and gas corporation headquartered in Irving, Texas) awaits the privatization of oil there in the large Kirkuk oilfield: PRESSTV.
[3] Al-Sadr said on Wednesday that if the bill is passed, Iraq will no longer be a safe place for the US, and its interests will become the target of attacks by the Iraqis who will never accept the “division of their country.” »We are obliged to lift the freeze on our military wing … and begin hitting US interests in Iraq and outside it,” said Sadr, who once led the powerful Mahdi Army and still enjoys huge influence among the Shia population: PRESSTV.
[4] Les milices du Rassemblement Populaire ont été formées à la suite d’un appel lancé, le 13 juin 2014 à Karbala, par le porte-parole du grand chef religieux chiite Ali Sistani aux Chiites pour se porter volontaires et porter les armes afin de combattre Daech, considérant cette guerre comme une guerre sainte.
[5] Ce qu’a confirmé, l’ambassadeur américain en Irak, Stewart Jones, dans une déclaration de presse faite le 23 avril soulignant que c’était pour éviter qu’il y ait des pertes humaines amies lors des frappes aériennes occidentales contre Daech. Il a révélé que Washington remettra, l’été prochain, à Bagdad les appareils F16 promis et que le congrès américain avait consacré plus d’un milliard de dollars pour équiper en armes neuf brigades irakiennes. Concernant la bataille de libération de la ville de Mossoul, l’ambassadeur américain a affirmé que les Etats-Unis aideraient les forces armées irakiennes par des frappes aériennes et par des renseignements, précisant que la bataille sera lancée sur cinq axes de combat.
[6] L’importance de l’écluse de Tharthar est stratégique de cette écluse car elle contrôle le débit de l’eau du lac de Tharthar qui pourrait inonder de vastes territoires d’Al Anbar et de Bagdad si le barrage était rompu. Son lac artificiel est considéré comme l’un des plus grands du monde.