RSS: Posts | Comments

Analyse de la situation politique et militaire en Irak, 1er décembre 2015

0 commentaires

Situation politique

Dans un contexte géopolitique profondément modifié par l’intervention Russe en Syrie, en novembre 2015, la situation politique en Irak a continué de se détériorer. Ces tensions accrues se sont manifestées tant à Bagdad qu’à Erbil ainsi que dans les relations entre le Kurdistan et la capitale.

A Bagdad, l’Alliance Nationale chiite, attisée en sous-main par Al Maliki et à laquelle appartient le premier ministre irakien Haider Al Abadi, ne cesse de mettre des bâtons dans les roues du gouvernement. Les députés de sa formation font assaut de critiques contre les réformes promises et lancées par le premier ministre pour répondre à la colère des manifestants qui s’élèvent contre la corruption régnant dans les rouages de l’État irakien [1]. Ces mesures, et notamment celles relatives à l’abrogation des privilèges et des prérogatives des parlementaires et des hauts fonctionnaires de l’État bénéficient d’un soutien populaire très large. Mais la lenteur de leur adoption, du fait du combat retardateur mené par les députés, font perdre à Al Abadi une partie de sa popularité auprès des couches les plus défavorisées de la population. De son côté, le Bloc National qui regroupe les partis sunnites participants au pouvoir en place, s’est lui aussi disloqué, donnant naissance à une formation politique fondée sur des bases strictement sectaires.

Au Kurdistan, le problème du troisième mandat du président sortant de la province autonome, Massoud Barzani, n’est pas encore résolu. Ce dernier s’accroche au pouvoir alors que son mandat est terminé depuis le 20 aout 2015, jour où devait avoir lieu l’élection présidentielle.

En outre, les différends entre Bagdad et Erbil se sont, eux aussi, gravement aggravés à la suite de la libération de Sinjar et les incidents qui ont eu lieu dans la ville de Touz Khourmatou.

En effet, dès la libération de Sinjar réussie, le président de la province du Kurdistan, Massoud Barzani, a déclaré dans une conférence de presse que Sinjar avait été libérée par le sang des combattants kurdes de Peshmergas et qu’elle faisait désormais partie du Kurdistan, affirmant qu’il œuvrerait pour en faire un chef-lieu d’un nouveau gouvernorat irakien, provoquant le mécontentement du gouvernement irakien qui a catégoriquement rejeté cette déclaration.

Quant à Touz Khourmatou, ville à dominante turkmène et chiite des affrontements armés entre les Peshmergas kurdes et les milices chiites de l’Organisme de Mobilisation Populaire.

Ces situations compliquent les rapports entre Bagdad et Erbil et font penser qu’en l’absence d’un homme fort et respecté à Bagdad on se dirige pas à pas vers une séparation de la province autonome kurde. Cette éventualité de séparation du Kurdistan de l’Irak a été publiquement évoquée par Barzani lors d’une récente rencontre avec l’ambassadrice norvégienne en Irak et en Jordanie.

Toutes ces évolutions sont en partie dû à la difficile situation économique du pays, fragilisée par la baisse du baril de pétrole et le coût croissant des dépenses militaires.

Situation militaire et sécuritaire

La situation militaire

Pour la première fois depuis plus de18 mois des succès militaires significatifs ont été remportés contre Daesh au Nord à Sinjar et au Sud à Ramadi.

Le 13 novembre, Sinjar, prise par Daesh depuis un an, a été libérée par les Peshmergas kurdes grâce à appui aérien de la coalition internationale. Les combattants de Daesh s’en sont retirés après des combats qui ont duré trois jours mais opposer la résistance farouche habituelle. Dans un communiqué de presse, le Conseil National Kurde a indiqué que cette opération « Sinjar Libre » visait et à couper les lignes d’approvisionnement de Daesh, la ville se trouvant sur l’axe reliant Mossoul à Raqqa. Des combattants yézidis et d’autres minorités ethniques de la région ont pris part aux combats.

La libération de Sinjar constitue la première défaite importante de Daesh depuis près de six mois.

Depuis septembre 2015, Ramadi constitue l’objectif des forces irakiennes aidées par des milices sunnites entrainées par les américains. L’offensive vise à encercler Ramadi par le Nord et l’Ouest comme la récente prise du pont de Palestine sur l’Euphrate tend à le démontrer. Fin novembre, les forces gouvernementales se sont emparées de l’Ouest de la ville et avançent vers l’Est en ratissant la zone maison par maison. Les forces de Daesh sont concentrées à l’Est de la ville afin de pouvoir se replier si nécessaire sur Falluja qui reste leur point d’appui le plus important de la région. La reconquête de Ramadi, ville de 300 000 habitants, n’est désormais plus qu’une question de temps et marquera certainement un tournant important dans la guerre contre Daesh.

05-12-2015-1-mica

La situation sécuritaire

La situation sécuritaire ne s’améliore que très lentement malgré les mesures drastiques de sécurité prises par le gouvernement. On dénombre ainsi 547 morts par attentats en novembre contre 636 morts en septembre, 760 en aout et 703 en juin soit une diminution de près de 30%.

05-12-2015-2

[1] Certaines réformes d’Al-Abadi comme celle relative à l’abrogation des postes des vice-présidents de la république et du premier ministre, de quatre ministères et des 300 hauts postes font l’objet de critiques constitutionnelles. Al-Maliki à qui ces mesures ont coûté son poste de vice-président de la république et qui possède une base politique plus large que celle d’Al-Abadi au sein du parti chiite Dawa est l’un des plus grands dénigreur de cette mesure.


Les bombardements français en Syrie obtiennent-ils des résultats autres que symboliques ?

1 commentaire

Depuis les attentats de Paris la semaine passée, la France a mené des frappes intensives en Syrie sur les sites contrôlés par l’Etat islamique. Des bombardements qui posent plusieurs interrogations, notamment celle de leur efficacité réelle.

Atlantico : La France a intensifié ses frappes contre le groupe Etat islamique en Syrie, dans son fief de Raqqa. 33 djihadistes auraient été tués ces derniers jours. L’objectif était de toucher des sites opérationnels des combattants de Daesh. Comment jugez-vous ces frappes ? Ont-elles été efficaces ? Cette démonstration de force ne restera-t-elle pas toujours plus symbolique qu’efficace ?

Jean-Bernard Pinatel : Pour évaluer l’efficacité militaire des frappes françaises après le 13/11, il faut se pencher sur l’efficacité de celles de la coalition qui ont débutées le 8 août 2014 en Irak et le 23 septembre 2014 en Syrie.

Le 12 novembre 2015, les Etats-Unis et les membres de la coalition [1] avaient effectué 57301 sorties [2] et 8125 frappes qui ont endommagé ou détruit 5321 objectifs en Irak et 2804 en Syrie.

A noter que 67% des frappes en Irak et 95% en Syrie ont été réalisées par les appareils de l’US Air force. Selon le CENTOM [3] ces frappes ont atteint essentiellement des infrastructures ou des positions qualifiées de combat sans qu’on puisse en évaluer l’impact. Seulement 3% d’entre elles ont détruit ou endommagé des matériels de combat dont 129 chars et 356 véhicules à roues.

Or que constate-t-on sur le terrain en septembre 2015 ? Daesh est contenu au Nord de l’Irak par les Peshmergas Kurdes et à l’Est sur le cours du Tigre par les milices shiites irakiennes et iraniennes. Mais au Sud, l’Etat islamique s’est emparé en Mai 2015 de Ramadi, ville irakienne de 300 000 habitants, chef-lieu du gouvernorat d’Al Anbar et en Syrie de la ville historique de Palmyre. A l’Ouest Al Nostra (Al Qaïda), qui a absorbé depuis 2014 en presque totalité les rebelles dits « modérés », soutenus par la France, progresse vers Lataquié et sur l’axe Alep Damas faisant craindre à la Russie la chute de Damas et le tsunami symbolique qui en résulterait dans le monde musulman [4].

La conclusion s’impose d’elle-même, les frappes aériennes qui ne sont pas utilisées directement en appui de troupes au sol ayant envie de se battre et guidées par elles sont peu efficaces [5]

Le 27 septembre 2015, la France a mené ses premières frappes en Syrie, deux semaines avant le 13/11 car elle avait été avertie que Daesh préparait une attaque majeure contre notre sol. Après le 13/11 ses frappes sur Raqqa sont de la même nature que les frappes de la coalition mais elles ont une valeur symbolique et il fallait les faire.

Les frappes russes ont-elles été plus efficaces ? Pourquoi ?

Les frappes russes sont plus efficaces car elles sont menées pour la grande majorité pour préparer et accompagner une offensive terrestre des forces syriennes. De plus, les actions des avions d’attaque au sol sont complétées par un appui des hélicoptères de combat, les redoutables MI-24 au plus près des combattants.

Les membres de l’Etat islamique sont-ils mieux préparés à ces frappes ? Comment réussissent-ils à les appréhender ?

Les frappes aériennes ont toujours un effet très important au début des interventions car les adversaires ne se sont pas encore adaptés à cette menace. 15 mois après le début des frappes américaines, Daesh se cache au milieu de la population, enterre profondément ses dépôts d’armes et de carburant, ne se déplace plus en convoi sur leurs célèbres Toyotas, drapeau noir au vent mais dans des camions civils bâchés et isolés, et fait stationner ses combattants en petits groupes dans les habitations privées.

Comment la stratégie française pourrait-elle évoluer pour gagner en efficacité ?

Si la France veut contribuer de façon significative à détruire Daesh sans envoyer des troupes au sol, elle n’a que deux options. Soit elle se coordonne directement avec les troupes syriennes ce qui suppose rouvrir notre ambassade à Damas et envoyer des officiers de liaison auprès de l’Etat-Major syrien. Soit elle agit sous contrôle opérationnel des russes qui ont déployé en première ligne des forces spéciales pour guider leurs frappes.

Si nous ne voulons pas dépenser inutilement notre argent sans effet tactique et si nous ne voulons pas aller encore plus loin dans notre chemin de Damas comme le fit Saint Jean, c’est probablement cette deuxième solution que la France choisira, la Russie par la voix de Vladimir Poutine lui ayant déjà proposé cette coopération.

Source : ATLANTICO

[1] Autres membres de la coalition.
En Irak Australie, Belgique, Canada, Danemark ? France ? Jordanie, Pays-Bas et Grande-Bretagne.
En Syrie : Australie, Barhein, Canada, France, Jordanie, Arabie Saoudite, Turquie et Etats Arabes Unis.

[2] 1 sortie = 1 appareil en vol opérationnel.

[3] US CENTREL COMMAND.

[4] Notamment dans les 8 républiques islamiques autonomes et en Russie où vivent 25 millions de musulmans.

[5] Selon le New York Times, qui cite des sources « proches du dossier », une enquête a été ouverte par l’inspecteur général du Pentagone pour vérifier les allégations de cet analyste du renseignement, qui a en outre affirmé que ses accusations étaient fondées sur des preuves. Qui plus est, le journal rapporte que, d’après des responsables ayant eu accès à des évaluations classifiés et récentes de la DIA, l’EI aurait été finalement « peu affaibli » par la campagne aérienne commencée il y a un an, avec des effectifs restés stables.


Les attentats de Paris contraignent Obama à réviser sa stratégie au Moyen-Orient

1 commentaire

Selon le général Jean-Bernard Pinatel, il aura fallu les attentats du 13 novembre pour que les États-Unis arrêtent leur double jeu avec Daech, ouvrant la porte à François Hollande pour fédérer une grande coalition contre l’État islamique.

Le point central de la stratégie américaine visant à maintenir la suprématie mondiale qu’ils ont acquise en 1990 avec l’effondrement de l’URSS est d’empêcher la seule alliance qui peut la leur contester: l’alliance de l’Europe avec la Russie. A cette fin, ils n’ont pas cessé de provoquer la Russie en essayant d’étendre l’OTAN jusqu’à ses frontières, en cherchant même à y incorporer la Géorgie, patrie de Staline et l’Ukraine dont Kiev est la capitale historique des débuts de l’empire Russe. Tant en Géorgie qu’en Ukraine, ils ont provoqué la Russie, via Mikhail Saakachvili, agent de la CIA, devenu chef d’Etat, des Fondations et des soutiens financiers aux partis anti-Russe, dans le but d’installer une guerre froide en Europe. Ils ont presque réussi après la réaction Russe en Crimée et la rébellion du Donbass, entrainant les Européens dans des sanctions économiques contraires à leurs intérêts et réinstallant les prémices d’une guerre froide en Europe.

Mais au Moyen-Orient, porte orientale de l’Europe, les États-Unis de Bush et d’Obama ont commis plusieurs erreurs stratégiques qui risquent de mettre à mal leur objectif principal: empêcher la création de l’«Eurasie».

Ils ont totalement sous-estimé la menace de l’islamisme salafiste que Bush a exacerbé avec la guerre puis l’occupation de l’Irak entre 2003 et 2011 et par leur soutien à Al Maliki, un Premier ministre corrompu et sectaire qu’ils ont installé à la tête de l’Irak en 2006 et soutenu jusqu’en 2014.

Quand l’Etat islamique a été proclamé, les États-Unis ont à nouveau sous-estimé sa nuisance et ont mis en place, à leur habitude, une politique de « containment » à base de frappes aériennes périphériques qui s’est avérée inefficace parce qu’ils n’ont pas voulu prendre les conditions politiques de sa réussite.

Quand l’Etat islamique a été proclamé, les Etats-Unis ont à nouveau sous-estimé sa nuisance et ont mis en place, à leur habitude, une politique de « containment » à base de frappes aériennes périphériques qui s’est avérée inefficace parce qu’ils n’ont pas voulu prendre les conditions politiques de sa réussite. En effet, ils n’ont pas voulu prendre le risque de se fâcher avec leurs alliés régionaux: la Turquie d’Erdogan, membre de l’OTAN, et l’Arabie saoudite qui tous deux soutiennent Daech. Ainsi l’Etat islamique, durant les années 2014 et 2015, a pu continuer en toute impunité à exporter son pétrole en Turquie, s’y réapprovisionner en armes et munitions et y soigner ses blessés ainsi qu’ à recevoir de l’argent via l’Arabie saoudite qui est devenue la première lessiveuse de l’argent sale mondial grâce à l’opacité de ses banques.

Durant l’été 2015, alors que les armées d’Assad reculaient sur tous les fronts, seul Vladimir Poutine a perçu les risques d’une chute prochaine de Damas et les conséquences qui en résulteraient dans la population musulmane de la Fédération de Russie et a décidé d’intervenir massivement début septembre, permettant à l’armée syrienne de reprendre l’offensive.

En un week-end, les attentats de Paris, ont fait prendre conscience aux dirigeants français que continuer à suivre la politique américaine au Moyen-Orient allait conduire à mettre Paris et la France à feu et à sang.

En un week-end, les attentats de Paris, ont fait prendre conscience aux dirigeants français que continuer à suivre la politique américaine au Moyen-Orient allait conduire à mettre Paris et la France à feu et à sang. Un week-end à suffit à François Hollande pour abandonner la stratégie du « ni Assad ni Daech » dont il était le plus ardent promoteur et pour tendre la main à Poutine auquel il avait refusé, il y 6 mois à peine, de livrer les Mistral. Le dirigeant russe, très habilement, a fait comme si aucun nuage n’avait jamais existé entre la France et la Russie et a donné l’ordre à ses forces et à ses services de renseignement d’engager une coopération immédiate et sans réserve avec les Français.

Obama se trouve donc pour la première fois confronté au risque majeur de voir la France et les Français prendre conscience que, face à la menace du terrorisme salafiste, la Russie est leur meilleur allié.

Il se trouve donc devant une option stratégique cruciale:

1) Continuer à ménager l’Arabie saoudite et la Turquie tout en intensifiant ses frappes contre les ressources pétrolières de Daesh en espérant qu’il n’y aura pas d’autres attentats sanglants en France et en Europe durant les 2 ou 3 ans nécessaires pour éradiquer l’EI ;

2) Tordre le bras à Erdogan et à l’Arabie saoudite pour que le premier ferme sa frontière et que le second arrête le robinet financier, au risque se fâcher avec deux alliés déjà très en retrait après le rapprochement d’Obama avec l’Iran. Dans ce cas les efforts coordonnés de la coalition peuvent aboutir à la rapide déroute de l’État islamique.

Dans le premier cas, il risque de mettre en danger le cœur de sa stratégie mondiale: empêcher la création de l’Eurasie. Dans le second, il ne met en danger que sa stratégie régionale, sans conséquence sur son approvisionnement énergétique, les États-Unis approchant de l’autosuffisance avec le pétrole et le gaz de schiste.

François Hollande possède donc toutes les cartes en main pour exiger d’Obama qu’il choisisse de créer les conditions politiques à un succès rapide contre Daech pour ne pas mettre en cause la stratégie mondiale que les États-Unis conduisent depuis 1990.

Source : LE FIGARO


Retour de Syrie par Colonel Jacques Hogard

2 commentaires

J’ai souhaité publier sur mon blog le témoignage du Colonel Hogard que je connais bien. C’est un officier et un chef d’entreprise que j’estime. Aucun média n’a accepté de publier son témoignage probablement à cause de sa critique de la « laïcité républicaine » qu’il estime avoir échouée. Je ne partage pas totalement cette analyse, même si je pense que beaucoup de nos responsables politiques ne veulent pas comprendre que sa légitimité pour la majorité des citoyens français implique d’une part de ne pas renier les racines chrétiennes et l’histoire de la France et d’autre part, qu’il soit appliqué rigoureusement dans l’espace public, sans compromissions guidées par des arrières pensées électoralistes.
J’ai moi-même fait l’objet de refus polis de journaux, comme le Monde et de certains médias audiovisuels qui se comportent en « cireurs de pompes » du pouvoir en place, pour suivre cet exemple sur mon blog.

Général (2S) Jean-Bernard PINATEL

Paris, le 16 novembre 2015

J’étais à Damas vendredi soir avec une importante délégation française composée notamment de cinq députés courageux et de quelques représentants non moins courageux de la « société civile », tous concernés par la situation de la Syrie aux avant-postes de la guerre contre « l’état islamique », quand est tombée la cascade de nouvelles tragiques nous parvenant de Paris où « Daech » venait de déclencher une suite d’attentats terroristes sans précédent contre la France et le peuple français.

Cette attaque terroriste, nous savions tous qu’elle aurait lieu mais nous n’en connaissions bien sûr ni l’heure ni le lieu, ni la forme ni l’ampleur qu’elle prendrait.

Le lendemain matin, la délégation française qui était arrivée en Syrie le mercredi précédent afin de s’informer sur le terrain de la situation, notamment celle des minorités chrétiennes, a été reçue dans un climat de grande franchise par le Président Bachar El Assad en personne.

Avec gravité et simplicité, celui-ci nous a présenté ses condoléances à l’intention des familles éprouvées et du peuple français ; il nous a dit aussi que nul n’était mieux placé que lui pour comprendre le drame que constituaient ces attaques faisant tant de victimes innocentes, tant la Syrie est en effet elle-même confrontée depuis cinq ans à des tragédies quotidiennes de cette nature.

Ce voyage en Syrie nous aura permis de rencontrer la quasi-totalité des autorités religieuses, du grand Mufti de Syrie au représentant du Patriarche syriaque-orthodoxe en passant par le Cheikh Hekmat Al Hajri, chef spirituel des Druzes de Syrie, mais aussi des autorités politiques du pays, du président du Conseil du Peuple syrien (l’équivalent de notre Assemblée nationale) au Président de la République arabe syrienne, en passant par un ou deux ministres ainsi que de nombreux députés, appartenant à toutes les confessions.

Il nous aura aussi permis de rencontrer de nombreux représentants de la société civile (dont de nombreux chrétiens), le président et les membres de la Chambre de commerce syrienne, des dirigeants de sociétés, des médecins et chirurgiens, le directeur des musées de Syrie…etc.

Enfin, nous aurons effectué trois visites très particulières :

– Celle du village martyr de Maaloula, à 60 kilomètres au nord-est de Damas, où les habitants chrétiens ont été attaqués, violentés, chassés par les hordes sauvages du groupe islamiste Al Nosra qui en ont pris le contrôle de longs mois durant, de septembre 2013 à avril 2014, tuant, assassinant, pillant, brûlant, enlevant même des religieuses mais aussi des jeunes chrétiens (Trois d’entre eux, s’ils sont toujours en vie, sont toujours aujourd’hui entre leurs mains). Ce que j’ai vu à Maaloula, les graves dommages causés aux très anciens monastères de Saint Serge – Saint Bacchus et de Sainte Thècle, les icônes volées ou bien dégradées par haine du christianisme, les souffrances infligées aux habitants par ces nouveaux barbares …m’a rappelé étrangement ce que j’ai moi-même vu au Kosovo et Métochie en 1999 où l’UCK persécutait les moines et moniales orthodoxes et brûlaient leurs monastères et leurs églises, tuait, enlevait, torturait les civils serbes, cherchant obstinément à faire du passé table rase. Réaliser, comme nous l’ont rappelé les chrétiens rencontrés sur place, que ce fameux groupe islamiste Al-Nosra n’est autre que celui que le gouvernement français a choisi de soutenir en lui fournissant armes et munitions a de quoi susciter quelques interrogations très fortes !
Comment avons-nous pu, nous la France, nous fourvoyer de cette sorte ? Au nom de quelle cause, au nom de quel principe avons-nous pu ainsi aider ces barbares, ces terroristes qui s’en prennent aux populations innocentes, de préférence d’ailleurs quand elles sont chrétiennes ?
Il faudra bien que des réponses claires soient données un jour.
Pour la vérité de l’Histoire et l’Honneur de la France.

Puis, nous avons visité l’hôpital militaire de Tichrine à Damas. Le plus grand hôpital militaire du pays. Nous y avons vu de nombreux blessés, rescapés des rudes combats que mène l’armée syrienne contre les bandes islamistes, qu’elles se revendiquent d’Al-Nosra ou de Daech, peu importe d’ailleurs, car comment en effet faire la différence « entre bonnet vert et vert bonnet » ?
Nous y avons vu ces jeunes conscrits syriens dont certains sont dans leur cinquième année de service, marqués dans leur chair, devenus infirmes pour certains, mais tous frappés dans leurs âmes et dans leurs esprits par les horreurs auxquelles ils ont été confrontés.

Nous y avons vu aussi le bien triste résultat de l’embargo pratiqué sur les médicaments et autres matériels médicaux indispensables au diagnostic et traitement des blessés de guerre…
Enfin nous nous sommes rendus à l’hôpital français de Damas, l’hôpital Saint Louis, dirigé par une jeune religieuse libanaise à la Foi rayonnante, sœur Lamia, et servi par une équipe exceptionnelle de médecins, de religieuses, d’infirmières et de personnel de soutien.

Cet hôpital est situé à quelques centaines de mètres du réduit islamiste du quartier de Jobar. Il en reçoit régulièrement son quota d’obus. Mais surtout, dans une ambiance de tension extrême, d’où la conscience du danger n’est jamais absente, il fait un travail extraordinaire, avec de quasi bénévoles, dans un état de grand dénuement en médicaments et produits de première nécessité…Il sauve, traite, soigne, en particulier des enfants, de toutes confessions. Mais il faut reconnaître que les enfants chrétiens sont particulièrement nombreux parmi eux. Il faut dire qu’Al-Nosra les vise tout particulièrement, comme ce jeudi dernier 12 novembre où une attaque à la bombe est déclenchée contre un bus scolaire transportant des écoliers quittant leur école. Bilan : 27 enfants morts ou blessés, estropiés à vie, ayant qui perdu deux jambes, qui perdu un œil, du fait des attaques terroristes de ces barbares… mais qui donc cela intéresse-t-il ailleurs qu’en Syrie ?

En remettant en perspective cette visite de quelques jours en Syrie, confrontés à la réalité de sa situation mais aussi de la nôtre aujourd’hui en France, il ressort clairement quelques enseignements élémentaires :

– d’abord que notre politique étrangère, anti-syrienne et antirusse, totalement inféodée aux Etats-Unis et à l’Union Européenne son fidèle vassal, est totalement à revoir. C’est dans le nord de la Syrie et de l’Irak que se situe aujourd’hui « l’empire du Mal ». C’est donc là que nous devons frapper : à la source. Mais jusqu’à présent notre obstination à vouloir frapper Daech (d’ailleurs assez timidement lorsqu’on compte le nombre d’interventions sur un an de notre aviation de chasse : moins de 260, pas même une par jour !) tout en soutenant activement Al-Nosra afin de faire chuter à tout prix le régime syrien, a surtout souligné notre grande incohérence!

– Les Russes depuis le début de leur intervention récente, parce qu’ils sont déterminés et qu’ils y mettent les moyens (40 sorties/ jour en moyenne), mais aussi parce que leur aviation agit en coordination avec les troupes au sol, celles de l’armée syrienne et celles de ses alliés iraniens et du Hezbollah, ont une efficacité de très loin supérieure.

Les faits sont là :

– En un an d’intervention alliée en Syrie et en Irak, Daech a continué à progresser et à s’étendre inexorablement.
– Seule l’intervention russe, en trente jours, a enfin fait reculer pour la première fois les barbares.

Il serait donc temps d’en tirer les leçons et de se décider à rejoindre les Russes et d’apporter sans états d’âme un soutien franc et entier à l’Etat syrien dans sa lutte contre le cancer islamiste. Certes cela nécessitera un certain courage : celui de modifier sensiblement nos alliances en commençant par mettre de la distance entre les monarchies pétrolières du Golfe, Qatar et Arabie Saoudite, fermes soutiens des terroristes et nous. Et en osant dénoncer le double jeu de la Turquie d’Erdogan auquel Daech doit tant.

Il serait temps de constituer une seule et même coalition sincère et unie contre l’islamisme, cette forme moderne des grandes invasions barbares. Ensuite, et tous nos interlocuteurs nous l’ont demandé instamment. Il s’agit de mettre un terme, par tous les moyens, aux flux migratoires, qui en submergeant l’Europe, vident la Syrie et l’Irak. Pour cela, il faut bien évidemment éradiquer Daech, afin de ramener la paix et la concorde dans les régions que le califat a dévastées ces dernières années. Mais il faut aussi simultanément fermer nos frontières, refuser le principe même des immigrés clandestins et cesser de vouloir à tout prix en faire des « réfugiés politiques ». Cela nous a été demandé avec insistance par ces responsables conscients des grands troubles que ne manqueront pas de créer le laxisme et les atermoiements actuels .

Enfin, il faut parallèlement mettre un terme à l’islamisation de la France. Et ce n’est pas la soi-disant « laïcité républicaine » qui sera à même de le faire. Celle-ci a en effet d’ores et déjà échoué. Elle a en effet montré combien elle n’est pas neutre mais systématiquement déséquilibrée, en faveur bien entendu de l’islam, sans doute au nom d’une certaine volonté d’accueil, généreuse mais follement utopique et dangereuse. Il n’y a pas de laïcité qui fonctionne sans référence claire à une identité. Or celle de la France est chrétienne, n’en déplaise à certains hiérarques au pouvoir. La France doit donc retrouver et assumer sans complexe son identité et sa culture chrétienne, son héritage judéo-chrétien, ses racines gréco-romaines. La défense de notre civilisation est à ce prix. Elle doit être réaffirmée pour être mieux défendue. La nature a horreur du vide ; du vide spirituel et culturel comme du reste.

Ce sont nos interlocuteurs syriens, les chefs religieux en particulier, qui nous ont recommandé le retour à notre identité comme meilleure garantie face à la décomposition de l’Etat, de la Nation et de la Patrie. Alors halte au prosélytisme islamiste financé par nos pseudo « alliés » saoudiens, qataris ou turcs, halte aux minarets et aux écoles coraniques. Halte à la colonisation de notre pays. Accueillons en nombre raisonnable avec humanité ceux qui souhaitent s’intégrer sans faux semblant et arrière-pensées. Mais raccompagnons sans faiblesse dans leurs pays d’origine ceux qui ne veulent ni ne peuvent s’intégrer. C’est parmi eux que se trouve l’avant-garde du terrorisme islamiste dans notre pays, qui sera bientôt rejointe si nous n’y mettons bon ordre, par les djihadistes infiltrés parmi les flots d’immigrés.
En Syrie comme en France, le combat est même : il s’agit du combat sans merci que livrent les nouveaux barbares au monde civilisé pour le détruire et imposer leur loi infâme. La Syrie de Bachar El Assad n’est certainement pas parfaite. Mais la France de François Hollande l’est-elle seulement ?

L’ennemi est commun, il est un et un seul. Son nom peut changer mais il s’agit du fondamentalisme wahhabite, que j’ai déjà personnellement vu à l’œuvre sur le sol européen au Kosovo il y a quinze ans et qui continue d’y prospérer sous l’œil bienveillant des Etats-Unis et de l’Union Européenne.

Il est temps d’ouvrir les yeux, de prendre conscience des graves dangers qui menacent les générations à venir. Celles de nos enfants et de nos petits-enfants. Un sursaut est encore possible.

Comme l’a écrit récemment Philippe de Villiers, « il n’y a plus ni précaution à prendre ni personne à ménager. Il faut que les Français sachent ».

Je souhaite que le sacrifice de tous ces morts et blessés innocents, de Beyrouth, de Damas ou de Paris, ne soit pas vain. Je souhaite qu’il permette une prise de conscience amenant nos dirigeants à un sursaut salutaire, pour la défense de notre civilisation, de nos libertés, sans laquelle la vie ne vaut rien.


L’URGENCE D’UNE POLITIQUE DE SÉCURITÉ COHÉRENTE

0 commentaires

Les attentats dont la France a été victime vendredi 13 novembre 2015 à Paris constituent la preuve tragique de l’incohérence de notre politique de sécurité nationale. En effet la sécurité est le résultat d’une action systémique qui doit mettre en cohérence 4 composantes que sont la politique étrangère, la politique de Défense nationale, la sécurité intérieure et la politique pénale. Je n’ai cessé de dénoncer depuis 2012 les mauvais choix effectués par François Hollande dans les deux premières. D’autres experts, de leur côté, ont souligné les incohérences des 2 dernières. La situation commande à tous nos responsables politiques de mettre rapidement en cohérence ces 4 composantes pour assurer la sécurité des Français. C’est ce que cette analyse veut démontrer.

Les erreurs et les incohérences de notre politique étrangère

La France depuis 2012 a eu en effet une politique étrangère et militaire en Europe de l’Est et au Moyen-Orient de suivisme des États-Unis alors même que nous n’avions ni les mêmes intérêts dans ces régions qui constituent nos « portes orientales » ni les même moyens pour les défendre.

Pour les États-Unis l’objectif stratégique est de maintenir autant que faire se peut la primauté mondiale qu’ils ont acquise en 1990 grâce à la chute de l’URSS. Pour nous, ces régions qui sont proches de notre territoire concernent directement notre sécurité et notre développement. A son arrivée au pouvoir, François Hollande n’a pas perçu cette différence fondamentale d’intérêts et a engagé la France dans une politique de suivisme de celle des États-Unis.

Rappelons le contexte de la crise en Irak et en Syrie qui, en 2012, n’en était encore qu’à ses prémices. En 2012 lorsque la révolution syrienne a commencé, les Etats-Unis avaient deux alliés de longue date : l’Arabie Saoudite et la Turquie, membre de l’OTAN. En Irak, dont ils avaient évacué toutes leurs forces fin 2011, ils avaient mis en place un premier ministre, Al Maliki, qu’ils contrôlaient de moins en moins et qui menait une politique sectaire en s’appuyant uniquement sur la communauté shiite alors que la constitution élaborée par les américains prévoyait une participation au pouvoir des Kurdes et des sunnites. Tous les ingrédients du drame que nous connaissons aujourd’hui étaient en place. Profitant de ce que l’Occident percevait les rebellions en Syrie comme un printemps arabe, le Roi wahhabite d’Arabie Saoudite, et le frère musulman Erdogan ont, dès l’origine des troubles, financé et armé les rebelles espérant liquider rapidement le pouvoir laïque et alaouite syrien tant pour des raisons politiques que confessionnelles.

L’erreur stratégique que j’ai dénoncée dès 2012 a été, pour la France, de ne pas percevoir trois aspects essentiels de cette crise :

  • 1) la capacité de résistance du régime syrien. En effet, toutes les minorités religieuses, qui vivaient en paix sous la dictature d’Assad, dont les chrétiens d’Orient, et qui représentaient 35% de la population, ont perçu dès le début le caractère confessionnel de cette rébellion et ont compris qu’il s’agissait pour eux résister ou de mourir.

  • 2) l’Iran shiite d’une part, qui historiquement s’oppose à l’Arabie Saoudite et soutient le Hezbollah libanais via la Syrie et d’autre part la Russie, qui possédant depuis les année 50 une base maritime à Tartous, n’auraient jamais laisser tomber le régime syrien.
  • 3) A partir de juin 2014 alors que l’Etat islamique se dévoilait au grand jour en s’emparant de la ville de Mossul, les américains et nous avons cru qu’une intervention aérienne suffirait à le contenir alors même que sans troupes au sol on ne peut gagner une guerre. Et en Syrie les seules forces qui se battaient contre Daesh étaient les forces de l’État syrien et c’est en cela que la stratégie du ni ni de François Hollande constituait une nouvelle erreur.

Tous les experts français de cette région avaient perçu les risques que faisait courir à la France de l’erreur d’évaluation de ces composantes [1]. Alors que nous aurions dû conserver la position de médiatrice et la neutralité qui sont une tradition de la diplomatie française (cf la position de Jacques Chirac sur la guerre d’Irak), nous avons participé modestement aux frappes aériennes américaines en Irak puis plus récemment en Syrie [2], nous désignant aux yeux de Daesh comme une cible beaucoup plus atteignable que les Etats-Unis et cela d’autant plus d’autant que nous avons laissé s’implanter en France le radicalisme des salafistes et des frères musulmans dont les imans distillent la haine dans près d’une centaine de Mosquées.

La réduction de notre effort de Défense ne nous permet pas d’intervenir simultanément en Afrique, au Moyen-Orient et de participer à la sécurité des Français

Depuis plus de 25 ans nous diminuons à la fois notre effort de défense les effectifs de nos forces armées, de la gendarmerie et de la police en croyant que plus de technologie nous permet d’entretenir moins d’hommes. Mais comme le rappelait le Colonel Michel Goya [3] : « Dans un pays qui produit pour plus de 2 000 milliards d’euros de richesse chaque année, moins de 50 sont prélevés pour assurer la défense de la France et des Français, pour environ 850 consacrés aux autres actions publiques et sociales. Pire, cet effort diminue régulièrement depuis vingt-cinq ans. Si, en termes de pourcentage du PIB, la France mondialisée faisait le même effort que la France de 1990, c’est entre 80 et 90 milliards qui seraient consacrés à la sécurité et à la défense ».

Oui, nous avons encore la capacité d’intervenir dans le Sahel et en Afrique où n’existent pas encore des forces d’islamistes radicaux aussi bien organisées qu’au Moyen-Orient et nous le faisons avec efficacité dans le cadre de l’opération Barkane.

Mais s’être engagé au Moyen-Orient aux côtés des États-Unis sans avoir pris la mesure des risques que cette action nous faisait courir sur le plan de la sécurité intérieure est pour moi la plus lourde faute de François Hollande. C’est ce que j’écrivais fin 2013 en conclusion de mon livre: « Je soutiens que cette politique d’alignement sur les Etats-Unis à laquelle le Général de Gaulle s’était toujours opposée, dessert fondamentalement les intérêts de la France et des Français. Elle ne peut qu’accroitre le chaos mondial, pénaliser notre développement économique et mettre en danger la sécurité des Français. Malgré le travail admirable de nos services anti-terroristes nous allons devoir faire face dans les années à venir à des attentats sur notre sol qui seront liés directement à la politique partisane et irresponsable menée par notre gouvernement au Moyen-Orient et en Asie centrale. Elle ne sert que des intérêts particuliers ou étrangers qui ne sont pas ceux de la France ». [4]

Mettre en cohérence la sécurité intérieure et la politique pénale

La sécurité ce n’est pas la protection rapprochée et il ne faut pas confondre sécurité objective et la sécurité subjective destinée à rassurer la population et dont l’opération sentinelle en est le meilleur exemple.

Je viens de traiter plus haut les incohérences entre ces 2 premières composantes.

Pour les deux dernières qui ne sont pas de mon domaine d’expertise je rappellerai que récemment les policiers ont manifesté arguant que plus d’un million d’heures supplémentaires n’étaient pas payées et qu’ils étaient épuisés : « Ce sont des milliers et des milliers d’heures par fonctionnaire qui se sont accumulées, avec des cadences souvent infernales, des récupérations souvent impossibles. Tout ça jusqu’à épuisement du fonctionnaire », indique France Info. Pour arriver à ce chiffre ahurissant, les policiers d’élite dénoncent des cadences infernales, des nuits sans dormir, des semaines sans repos.» [5].

De même, aux yeux de ceux qui luttent au quotidien contre le crime, notre politique pénale apparait totalement inadaptée alors même que le lien entre la petite criminalité et le terrorisme est souligné par tous les experts. Ainsi, un des terroristes des attentats du 12 novembre 2015 à Paris avait été condamné 8 fois pour des petits délits et n’était jamais allé en prison. Bien plus on met au placard ce qui disent la vérité à la représentation nationale. Le 18 décembre dernier, le général Soubelet [6], numéro trois de la gendarmerie, lors de son audition devant la commission parlementaire de lutte contre l’insécurité, a créé un choc en déclarant que la politique pénale était « en décalage» avec les infractions constatées. Il avait poursuivi son raisonnement en expliquant que « le nombre d’incarcérations avait diminué de 33%, alors que, dans le même temps, il y a eu une hausse de 14% de personnes inquiétées par les services de la gendarmerie. Des propos choc, qui ne sont manifestement pas passés » [7].

jbp-15-11

C’est donc a une remise en cause profonde de la cohérence des aspects régaliens de sa politique que François Hollande doit d’urgence s’atteler. La sécurité des Français le lui commande.

Général (2S) Jean-Bernard PINATEL

[1] Moi-même, j’écrivais le 16 aout 2012 une analyse intitulée : « Syrie, une guerre confessionnelle ». Puis, en Mai 2013, un autre article intitulé : « Ce danger que fait courir la diplomatie française en refusant de reconnaitre, contrairement aux américains, la vraie nature de ce conflit », et publiés dans « Carnet de guerre et de crises », Lavauzelle, pages 100 et 103.

[2] Nos interventions représentent moins de 10% des actions aériennes.

[3] Pourquoi limiter les coupes dans le budget de la Défense ne suffira pas à l’armée pour faire face à la guerre en cours.

[4] Op.cit. page 2014.

[5] 1,3 million d’heures supplémentaires non payées pour les policiers d’élite ?

[6] Général SOUBELET mis au placard après avoir critiqué la politique de Taubira ! - Vidéo.

[7] Après avoir critiqué la politique de Taubira, le numéro 3 de la gendarmerie mis au placard.


Premier bilan militaire et géopolitique de l’intervention russe en Syrie

0 commentaires

L’intervention de la Russie en Syrie est l’expression d’une stratégie cohérente qui s’appuie sur des composantes historiques, culturelles, religieuses et civilisationnelles. Elle a été rendue acceptable aux yeux de l’opinion internationale par l’émotion suscitée par la barbarie des exécutions perpétrées par Daesh et la destruction du patrimoine historique de Palmyre. Elle vient à point nommé pour pallier l’inefficacité de la stratégie américaine qui n’a pas réussi à stopper la progression de Daech en Irak et en Syrie malgré 15 mois de frappes aériennes.

Vladimir Poutine a compris ce que François Hollande a été incapable de percevoir : si Damas devenait capitale islamique aux mains de l’Armée de la conquête (Al Nosra et consorts) ou de l’Etat Islamique, ou des deux, « l’islamisme aurait prouvé sa force. Et alors, que rien ne pourrait arrêter la vague d’enthousiasme populaire mondiale qui s’ensuivra et aucune armée ne sera lancée à l’assaut de cette ville de deux millions d’habitants. Le monde basculera comme il a basculé symboliquement à la chute du Mur de Berlin » [1].

1. Premier bilan militaire

En un mois et demi les forces syriennes appuyées par les frappes russes ont repris presque complétement le contrôle de l’axe stratégique Damas Hama Alep et dégagé l’aéroport international situé à l’Est d’Alep. Cette offensive a été menée essentiellement contre les forces d’Al Nostra (Al Qaida) qui contrôlaient la région entre Alep et Lataquié après avoir pratiquement éliminé les rebelles dit modérés depuis 2014.

1-mica

Cette efficacité tient à plusieurs facteurs :

  • 1) l’armée d’Assad qui cédait du terrain a été remobilisée et renforcée par des détachements du Hezbollah et des forces spéciales iraniennes et rééquipée de matériel moderne russe;
  • 2) les Russes ont déployé toute une panoplie de moyens aériens, terrestres et navals à l’efficacité complémentaire [2]. Situés à proximité immédiate du théâtre d’opération, les appareils russes peuvent effectuer plusieurs sorties par jour;
  • 3) Les Russes auraient également mis en place en Syrie tout un dispositif de contre-mesures électronique et de brouillage qui rend aveugle et les djihadistes et les forces américaines [3].

2-mica

2. Facteurs géopolitiques sous-jacents à l’intervention Russe

Rappel historique

La Russie au début du XXème jouxte l’empire Ottoman, la Perse et l’Afghanistan (carte ci-dessous).

3-mica

L’influence Russe en Perse est reconnue par la signature de la convention anglo-russe du 31 août 1907. Elle divise l’Iran en 2 zones d’influence: les provinces du Nord deviennent une zone d’influence russe, celles du Sud une zone d’influence britannique, la région de Téhéran étant déclarée « neutre ».

Vladimir Poutine dès son accession au pouvoir a renforcé les liens avec l’Iran [4], ce qui s’est traduit en 2015 par une reprise de la coopération en matière de systèmes de Défense. Avec les autres pays riverains un accord de septembre 2014 [5] met fin à plusieurs différends sur le partage des ressources.

Au Moyen-Orient, durant la guerre froide, L’Union soviétique a soutenu les mouvements de libération. Cette coopération avec des partis politiques non-marxistes s’est concrétisée par l’appui au parti nassérien : l’Egypte de Nasser devient l’un des principaux alliés de Moscou jusqu’au revirement de Sadate en 1972. Avec la Syrie les relations ont été ouvertes à la même époque (1955) et se sont traduites par un échange d’ambassadeurs et la signature d’accords commerciaux. L’URSS est devenue un véritable allié de la Syrie qu’après l’attentat de Munich (1972). C’est à cette époque que Damas a concédé à l’URSS la base maritime de Tartous.

Aspects culturels, religieux et « civilisationnel »

Depuis le XIXème siècle, il existe dans les élites russes un courant de pensée orientaliste dont la concrétisation théorique la plus influente est l’eurasisme. Le premier mouvement eurasiste avait été fondé dans les années 1920 par des intellectuels russes de l’émigration [6]. Pour ces intellectuels l’identité russe est née d’une fusion originale entre les éléments slave et turco-musulman. La Russie constitue un « troisième continent » situé entre l’Occident dénoncé comme matérialiste et décadent et l’Asie.

Après la chute de l’URSS et durant le chaos des années 90, Alexandre Guelievitch Douguine reprend ces idées et les intègre dans la théorie géopolitique de Mackinder qui oppose dans la lutte pour la suprématie mondiale « l’île mondiale » (l’Amérique) et « terre mondiale » (l’Eurasie). La civilisation anglo-saxonne, protestante, individualiste et dirigée par le profit et la finance, serait irréductiblement opposée à la civilisation continentale, russe-eurasienne, orthodoxe et musulmane et plus solidaire et dans laquelle les secteurs stratégiques seraient détenus par l’Etat. Le but déclaré du mouvement néo-eurasiste est de constituer un grand bloc continental eurasien pour lutter à armes égales contre la puissance maritime « atlantiste » qui entraîne le monde vers le chaos.

Ce courant de pensée intègre les musulmans dans une vision civilisationnelle commune et, à la différence de l’Occident, ne confond pas islam et islamisme.

La lutte contre le salafisme en Syrie est ainsi pour les Russes une guerre civilisationnelle alors que les salafistes sont pour les américains qu’un ennemi de plus qu’il faut contenir plutôt que détruire [7], mis presqu’au même rang que la Russie, dans le cadre de leur stratégie de domination mondiale.

3. Vers une sortie de crise en Syrie : les atouts de la diplomatie Russe au Moyen-Orient

La Russie, après une éclipse de 25 ans qui a suivi la chute de l’URSS, revient ainsi au centre du jeu diplomatique au Moyen-Orient et tient dans ses mains les clés d’un règlement négocié alors que la France, par la politique à courte vue de F Hollande [8] et de L. Fabius, s’en est exclu durablement.

La Russie est le seul pays qui peut parler à tous les pays musulmans quels que soient leur obédience, sunnite ou chiite.

Elle dispose d’une élite et de cadres diplomates et militaires parlant l’arabe dont Evgueni Primakov, décédé 25 juin 2015 à Moscou était le représentant le plus éminent. Celui que l’on dénommait le « Laurence russe », avant sa carrière politique qui a débuté avec la fin de l’URSS, avait acquis une connaissance approfondie du Moyen-Orient [9] grâce à 35 ans de présence et d’études comme journaliste sur place puis comme universitaire.

Vladimir Poutine, grâce à ces diplomates, a réussi la performance, en octobre 2003, d’être le premier chef d’un État à majorité non musulmane à prendre la parole au sommet de l’Organisation de la conférence islamique (OCI), qui regroupe cinquante-sept États musulmans. Faisant valoir que les 8 républiques autonomes [10] portent le nom de peuples musulmans, il a obtenu pour la Russie le statut de membre observateur de cette organisation internationale, appuyé dans cette demande par l’Arabie Saoudite, dépositaire des lieux saints et par l’Iran chiite.
La Russie a donc les mains libres en Syrie car la campagne des primaires pour les élections présidentielles de 2016 bat son plein aux Etats-Unis et se focalise comme d’habitude sur les questions de politique de sécurité intérieure, d’économie et de social.

Obama, poussé par le camp démocrate, fera tout pour finir son mandat avec un succès contre Daesh sans toutefois prendre le risque qu’un seul soldat américain soit fait prisonnier par l’EI. Il est donc obligé de laisser faire Poutine en espérant au final partager avec lui les marrons que le leader russe aura retiré du feu islamiste.

Général (2S) Jean-Bernard PINATEL

[1] Général Jean-Claude Allard : Quatre remarques sur la stratégie française contre l’État Islamique

[2] A ce jour, différentes sources ouvertes font état : 1) d’un groupement naval avec deux croiseurs intervenant depuis la Méditerranée et une flottille de quatre navires opérant depuis la Caspienne qui ont frappé avec des missiles de croisière des cibles à Rakka, Idlib et Alep. 2) d’une trentaine d’avions de combats guidés au sol par des forces spéciales russes qui ont réalisé au 11/11 plus de 2000 frappes. 3) De 5 000 militaires, essentiellement issus de la 810ème brigade d’infanterie de marine de la Mer Noire, qui assurent la sécurité des infrastructures militaires russes à Tartous et Lattaquié, apportent un soutien logistique aux troupes du gouvernement central, tandis qu’un bataillon de chars (3 compagnies de 10 chars) et une vingtaine d’hélicoptères MI24 appuyent au plus près les forces syriennes.

[3] Les moyens de guerre électronique terrestres, navals et aériens que la Russie a déployés permettent de surveiller l’intégralité du spectre électromagnétique pour localiser les émetteurs de l’ennemi et les brouiller. La guerre électronique s’étend aujourd’hui au brouillage des communications, des radars et des surveillances électro-optiques. Les équipements modernes générateurs de contre-mesures, y compris dans le spectre visible, infrarouge ou laser, utilisent des moyens de surveillance électro-optiques aériens et spatiaux (IMINT) pour contrecarrer les Russes dans l’anéantissement de l’EI. Pour protéger le dispositif contre les moyens de recherche de l’OTAN, les Russes ont déployé en Syrie, plusieurs Krasukha-4. Les avions russe Su-24, Su-25, Su-34 sont équipés de conteneur de brouillage SAP-518/ SPS-171, et les hélicoptères Mi-8AMTSh avec des Richag-AV. A cela s’ajoute le navire Priazovye (de classe Vishnya), appartenant à la flotte russe de la mer Noire, qui a été déployé en mer Méditerranée, près de la côte syrienne. Ce navire est spécialisé dans le brouillage et la collecte des informations de type SIGINT et COMINT (interception de tous les réseaux de communications). Source : L’arme ultrasecrète qui permet à Poutine d’assoir sa suprématie dans la guerre radio électronique en Syrie ?

[4] En avril 2015, le président russe Vladimir Poutine a signé un décret permettant de reprendre les livraisons de systèmes missiles antiaériens S-300 en République islamique.

[5] Ce quatrième sommet de la Caspienne a rassemblé la Russie, l’Iran, l’Azerbaïdjan, le Kazakhstan et le Turkménistan. Ces pays ont trouvé un accord sur les questions de « « sécurité et de stabilité dans la région ».

[6] Tournant vers l’Orient, Petr Savitski, 1921

[7] Il n’est pas impossible qu’un Daesh affaibli serve mieux les intérêts stratégiques américains qu’un Daesh détruit complétement.

[8] Il s’est ridiculisé auprès de Poutine avec l’affaire des Mistrals. Les Russes méprisent les lâches et les vassaux. Il a été incapable de comprendre que sans troupes au sol, les frappes aériennes ne permettraient pas de vaincre Daesh. Il n’a pas pris la mesure du risque que si l’EI s’emparait de Damas, l’évènement soulèverait les foules arabes et ferait basculer des millions de musulmans dans le Djihad. Il n’a rien compris à la nature de la crise syrienne et aux risques en retour que sa politique faisait courir aux Français.

[9] 1956 à 1970, il a été journaliste pour la radio soviétique et correspondant au Moyen-Orient pour la Pravda. De 1970 à 1977, il est directeur adjoint de l’Institut d’économie et de relations internationales de l’Académie des sciences. Parlant couramment l’arabe, il est directeur de l’Institut d’études orientales de l’Académie des sciences de 1977 à 1985. Durant cette période, il a dirigé la rédaction de nombreuses thèses universitaires, dont celle de Mahmoud Abbas (Président de l’Autorité palestinienne depuis 2005). De 1985 à 1989, il retourne à l’Institut d’économie et de relations internationales en tant que directeur.

[10] Outre la Tchétchénie, ce sont l’Ingouchie, le Daghestan, les Adyghés, la Kabardino-Balkarie, la Karatchaevo-Tcherkessie, le Bachkortostan et le Tatarstan. Les plus importantes et les plus peuplées sont le Tatarstan et le Bachkortostan. Plus de la moitié des Tatars vivent à l’extérieur du Tatarstan ; à elle seule, la région de Moscou compterait un peu plus de musulmans que le Bachkortostan.


L’intervention française en Syrie

1 commentaire

Exemple de l’utilisation systématique de nos forces armées à des fins politiques

La décision de François Hollande de déclencher des frappes contre les camps d’entrainement de djihadistes en Syrie est une démonstration de l’utilisation politique de nos forces armées sans légalité internationale, sans stratégie et sans but militaire. Elle contribue à affaiblir la capacité opérationnelle de nos forces et au final la sécurité de nos concitoyens.

DROIT INTERNATIONAL

Cette intervention se place totalement en dehors du droit international. A la différence de l’intervention Russe elle n’a pas été sollicitée par le gouvernement Syrien. François Hollande qui conteste la légitimité du Président Assad aurait dû demander le vote d’une résolution du Conseil de Sécurité d’autant plus que la France, membre permanent du Conseil de Sécurité devrait être soucieux de la légalité internationale. Cela faisait des mois que cette option stratégique était sur la table et François Hollande aurait dû anticiper et donner un cadre légal à cette intervention.

EFFICACITÉ MILITAIRE OU COMMUNICATION POLITIQUE ?

Il semble donc évident que plusieurs enjeux de politique extérieure et intérieure ont motivé cette décision contestable au regard du droit international.

Enjeu international

La position extrémiste de François Hollande concernant la Syrie et Bachar el Assad a entrainé son isolement sur la scène internationale. Après plus d’un an de frappes en Irak qui ont causé des dégâts collatéraux aux populations et aux infrastructures mais ont peu affaibli Daesh, les américains ont compris que sans troupes au sol, il n’y aurait pas de victoire contre Daesh. Or en Syrie les seules forces à se battre au sol contre Daesh sont les forces syriennes aidées de l’Iran. François Hollande a été incapable de percevoir que si Damas devenait capitale islamique aux mains de l’Armée de la conquête (Al Nosra et consorts) ou de l’Etat Islamique, ou des deux, « l’islamisme aurait prouvé sa force. Et alors, que rien ne pourrait arrêter la vague d’enthousiasme populaire mondiale qui s’ensuivra et aucune armée ne sera lancée à l’assaut de cette ville de deux millions d’habitants. Le monde basculera comme il a basculé symboliquement à la chute du Mur de Berlin » [1].

La décision de frapper les camps de djihadistes français qui s’entrainent en Syrie doit être perçue comme une tentative désespérée de François Hollande de se réintroduire à la table de négociation sans pour autant avouer qu’il s’est trompé depuis le début sur le dossier syrien.

C’est pourquoi cette décision a donné lieu a une communication gouvernementale inhabituelle [2] car elle a été entièrement pilotée dans ses moindres détails depuis l’Elysée: les frappes ont été annoncées deux semaines à l’avance par le chef de l’Etat lui-même. Le 27 septembre à 7h56, un communiqué de la présidence a annoncé les premières frappes [3], au moment même où François Hollande arrivait à New-York pour participer à l’Assemblée générale des Nations unies, au cours de laquelle les principaux dirigeants de la planète - dont Vladimir Poutine et Barack Obama - allaient aborder la question syrienne.

Enjeu intérieur

L’émotion suscitée par le flot des migrants et les informations de nos services sur les risques d’infiltration qui y sont liés ainsi que sur la préparation d’un grand attentat commis par des équipes de djihadistes étrangers est la seconde motivation de cette décision. Le choix de l’objectif - les camps d’entrainement des djihadistes européens - permettra à François Hollande de déclarer, avec sa compassion habituelle aux français victimes du terrorisme : « moi Président j’ai essayé d’anticiper cette menace ».

Le Général Jean-Claude Allard, chercheur à l’IRIS ne pense pas autrement lorsqu’il écrit: « L’intention manifeste était de montrer aux Français que l’État s’activait pour leur sécurité, sans se demander d’ailleurs qui allait croire que deux sorties de Rafale pouvaient garantir définitivement leur sécurité. Il y a donc ici une action militaire destinée à porter un discours de politique interne, alors qu’il devrait y avoir un discours solide et cohérent de politique étrangère soutenu par une action militaire. Une inversion des rôles qui tourne finalement à la confusion » [4].

LES RISQUES LIES A CETTE UTILISATION POLITIQUE DE NOS FORCES ARMÉES

La France, du fait de la politique de Défense menée depuis plus d’une décennie, n’a plus les moyens militaires adaptés à la politique étrangère de François Hollande fondée sur la défense de nos intérêts en Afrique et sur le suivisme des États-Unis en Europe et au Moyen-Orient.

La multiplication des missions sous le quinquennat de François Hollande dont le but unique est de palier en France une politique de sécurité intérieure déficiente et d’appuyer en Europe et au Moyen-Orient une politique étrangère de suivisme des États-Unis conduit à la baisse du moral de nos soldats, à la diminution de l’entrainement de nos forces et à la chute du potentiel de nos Forces Armées. Par voie de conséquence cette politique fragilise la sécurité des Français.

Ainsi pas un seul expert ne pense que l’opération « sentinelle » qui mobilise 7000 hommes à faire du gardiennage apporte une réelle contribution à la sécurité objective (objectif militaire) de nos concitoyens, même si elle contribue à la sécurité subjective (objectif politique : rassurer).

Les interventions aériennes en Irak et en Syrie aident les États-Unis à donner le change d’une coalition et soutiennent la politique d’exportations d’armement dans le golfe mais ne contribuent que très marginalement à l’affaiblissement de Daesh. En revanche, elles diminuent directement la sécurité de nos concitoyens en nous faisant désigner par l’Etat Islamique comme leur objectif prioritaire en Europe.

Que dire du déploiement de nos forces en Pologne à la demande de l’OTAN face à la menace Russe en Ukraine, menace aussi inexistante que les armes de destruction massives en Irak, prétexte à l’intervention américaine de 2003.

Cette utilisation intensive de nos forces sur le théâtre sahélien (chaleur + sable), au Moyen-Orient et en Europe combinée à l’ancienneté moyenne très élevée de nos matériels et à des dépenses insuffisantes dans le renouvellement des équipements et dans leur maintien en condition opérationnelle (MCO) conduit à taux de disponibilité moyen des armements de nos armées semblable à ceux de pays en voie de développement.

Ce constat provient d’une étude menée par le député UMP de Haute-Marne, François Cornut-Gentille, qui a cherché à évaluer le coût du vieillissement des équipements militaires et, à ce titre, a demandé au ministère de la Défense qu’on lui fournisse le coût du maintien en condition opérationnelle (MCO), le taux de disponibilité et l’âge moyen des véhicules et équipements de l’armée française.

Le député avait posé ces questions le 7 janvier 2014. Le ministère y a répondu au goutte à goutte jusqu’à l’été 2014. Les chiffres sont accablants : le taux de disponibilité moyen des armements de l’armée de terre est de 50% [5]. Pour l’armée de l’air il est de l’ordre de 40% [6] pour les avions et de 20% pour les hélicoptères.

Malheureusement, la plupart de nos chefs militaires, nommés aux plus hautes fonctions par le pouvoir politique sont choisis pour leur échine souple et font au mieux avec ce qu’on leur donne.

Mais comme le rappelait le Colonel Michel Goya [7] : « Dans un pays qui produit pour plus de 2 000 milliards d’euros de richesse chaque année, moins de 50 sont prélevés pour assurer la défense de la France et des Français, pour environ 850 consacrés aux autres actions publiques et sociales. Pire, cet effort diminue régulièrement depuis vingt-cinq ans. Si, en termes de pourcentage du PIB, la France mondialisée faisait le même effort que la France de 1990, c’est entre 80 et 90 milliards qui seraient consacrés à la sécurité et à la défense ».

A défaut de pouvoir augmenter massivement l’effort de défense du pays, face à l’accroissement des menaces il est essentiel que nos responsables politiques mettent en cohérence les intérêts stratégiques de long terme de la France, la sécurité objective des français et les moyens consacrés à nos forces armées.

Général (2S) Jean-Bernard PINATEL

[1] Général Jean-Claude Allard : Quatre remarques sur la stratégie française contre l’État Islamique

[2] Le 7 septembre, lors de sa conférence de presse, François Hollande avait indiqué que des vols de reconnaissance auraient désormais lieu au-dessus de la Syrie, en vue de trouver des objectifs, puis de les frapper.

[3] Il a fallu plus de dix heures pour que l’état-major des armées puisse s’exprimer sur le sujet par un communiqué mis en ligne vers 18h30…

[4] Jean-Claude Allad op.cit.

[5] Armée de terre : Le taux de disponibilité des véhicules blindés légers (VBL/VB2L vieux en moyenne de 15 ans) est nettement supérieur à celui des petits véhicules protégés (PVP, vieux de 4 ans) : 65 % contre 46,3 % (56 contre 50 en 2012). Les seconds ne sont pourtant vieux que de quatre ans contre quinze aux VBL. L’armée de terre ne compte plus que 254 chars Leclerc, âgés de neuf ans, pour un taux de disponibilité de 58,1 % en 2013. Les 3052 VAB et les 254 AMX 10 RCR, âgés de 30 ans en moyenne ont une disponibilité de 43,9 et 43,1. Le VBCI, âgé de 4 ans en moyenne à 77,5 % de disponibilité. Pour la logistique, les 1203 camions TRM10000 ont 22 ans de moyenne d’âge avec un taux de disponibilité de 40,43 %. Pour le génie de l’armée de terre, les 14 VBHP vieux de quatre ans, ont eu en 2013 un taux de disponibilité moyen de 11,3 %. Source : http://defense.blogs.lavoixdunord.fr/

[6] Les 83 Rafales (45,6 % de dispo). Les 33 Transall C-160 36 ans de moyenne d’âge ont une dispo de 43,2 %.Les 137 Gazelle moyenne d’âge 27 ans ont une disponibilité de 58 % (54,9 M€ d’entretien). Les 19 EC725 Caracal venant d’entrer en service ont 35 % de disponibilité. Les 40 Tigres cinq ans de moyenne d’âge ont une disponibilité de 22 % de dispo pour 98,5 M€ de MCO.

[7] Pourquoi limiter les coupes dans le budget de la Défense ne suffira pas à l’armée pour faire face à la guerre en cours


Genève, Octobre 2015: Mon intervention au « Forum des gestionnaires de patrimoines »

2 commentaires
Get the Flash Player to see the wordTube Media Player.

Je voudrais avant d’essayer de répondre aux deux questions qui m’ont été posées, vous dire quelques mots supplémentaires sur le parcours que j’ai accompli avant de m’intéresser à la géopolitique.

Après plusieurs années sur le terrain dans les parachutistes, j’ai été envoyé par l’Armée faire une maitrise de physique nucléaire et je me suis ensuite occupé de la sécurité radiologique des essais nucléaires. N’étant vraiment occupé que de juin à septembre, j’en ai profité pour faire un doctorat de sciences politiques à Paris 1 Sorbonne. Mes états de service m’ont fait admettre sur titres à l’école de guerre en 1973. Durant l’école de guerre que j’ai écrit mon premier livre qui soutenait la thèse que la dissuasion nucléaire interdisait toute guerre-Est-Ouest et qu’au contraire nous serions dans le futur, pour de multiples raisons, confrontés à des guerres Nord Sud qui prendraient la forme du terrorisme, d’où le titre de mon livre « la guerre civile mondiale ». Ce livre m’a fait remarquer par l’entourage du Président de la République de l’époque Monsieur Giscard D’Estaing et j’ai été chargé en 1976 avec trois autres personnes de créer le Groupe permanent d’évaluation des situations, GPES, qui a reçu comme mission d’évaluer le renseignement français concernant les crises dans lesquelles nos forces étaient engagées et de présenter des options stratégiques au Président de la République.

Depuis lors, je me passionne pour la géopolitique et j’ai écrit depuis lors trois autres livres dont le dernier « Carnet de crises et de guerres » est paru en Mai 2014. Il reprend tous mes écrits et interviews publiés sur mon blog.

La Russie représente-t-elle une menace pour la stabilité mondiale ?

Le fait que l’on m’ait posé cette question est très significatif car cela reflète la vision que les leaders d’opinion et les médias influencés par les États-Unis ont réussi à nous imposer et que le Général de Gaulle décrivait ainsi en 1962 : « Le grand problème, maintenant que l’affaire d’Algérie est réglée, c’est l’impérialisme américain. Le problème est en nous, parmi nos couches dirigeantes, parmi celles des pays voisins. Il est dans les têtes. » [1]

Une observation objective des faits démontre que depuis la chute du mur de Berlin, c’est la politique extérieure américaine et la vision que le complexe militaro-industriel a des intérêts des États-Unis qui menace la stabilité de l’Europe et du Moyen-Orient.

Pour défendre cette thèse si contraire au point de vue dominant, il est essentiel de rappeler l’intervention américaine dans les trois conflits qui ont eu lieu depuis 1990 en Europe et au Moyen-Orient et qui ont contribué à générer et à développer les menaces islamiques actuelles.

Ces rappels historiques permettent de relativiser le rôle de la Russie. Dans cette perspective, le rattachement de la Crimée à la Russie apparait comme une riposte d’une Russie directement visée par les agissements américains qui cherchent à élargir l’OTAN jusqu’à ses frontières, contrairement aux engagements du secrétaire d’Etat américain James Baker envers le Président Mikhaïl Gorbatchev en février 1990 [2].

Pour mémoire la Russie avait enlevé la Crimée à l’empire Ottoman en 1848 (date du rattachement de la Corse à la France, Corse qui appartenait à la principauté de Gènes).
Parcourons rapidement ensemble les 70 dernières années qui ont vu le système international évoluer d’un duopole soviéto-américain à une primauté sans partage des États-Unis depuis 1990.

Le 6 août 1945, il y a exactement soixante-dix ans, les États-Unis utilisaient pour la première fois l’arme nucléaire contre les populations civiles d’Hiroshima, accélérant la victoire contre le Japon dont ils avaient été les principaux artisans.

A l’Ouest ce sont les soviétiques et les anglais qui supportèrent l’essentiel du poids de la guerre contre l’Allemagne même si les commémorations du débarquement veulent en projeter une image différente. Les français furent associés aux deux capitulations du Japon et de l’Allemagne grâce à l’habileté politique du Général de Gaulle qui avait su se faire deux alliés de Churchill et de Staline et cela malgré l’opposition de Roosevelt qui avait tout fait pour écarter la France qu’il souhaitait placer sous administration américaine [3].

Je voudrais vous rappeler que le Général de Gaulle n’a jamais voulu commémorer le 6 juin.

44 ans plus tard, le 9 novembre 1989, le mur de Berlin s’écroulait et annonçait, avec la chute du régime soviétique, la fin du condominium soviéto-américain sur le monde.
A partir de cette date et jusqu’à aujourd’hui, le système international est dominé par une seule superpuissance, les Etats-Unis, qui mènent une stratégie globale pour conserver sans partage cette primauté en utilisant tous les moyens de la puissance à leur disposition et en premier lieu la puissance militaire et le renseignement.

Quelques chiffres permettent de concrétiser cette domination [4] : le budget américain de la Défense était de 640 milliards de dollars en 2013, supérieur au total des 9 autres budgets des pays suivants dont ceux de la Chine 188 milliards, de la Russie 88 milliards et la France 61 milliards (parité euros dollars de 2013). Quant au budget des 16 agences de renseignement américain, il est équivalent au total du budget militaire de la Russie soit 76 milliards de dollars [5] en 1973.

Quels ont été les actions des États-Unis qui ont porté atteinte à la stabilité mondiale depuis la chute de l’empire soviétique ?

La première concerne directement la menace djihadiste actuelle en Europe. Elle a pour origine le candidat Bill Clinton et son entourage qui croyaient possible de construire une société pluriethnique en Bosnie-Herzégovine s’il s’établissait un rapport de forces équilibré entre les différentes communautés ethniques et religieuses. Al Gore, lors de leur campagne électorale de 1992, s’était engagé à lever l’embargo décrété par l’ONU, pour les armes à destination de la Bosnie-Herzégovine. Une fois au pouvoir, entre 1993-1994, les hommes du Président Clinton ont organisé au profit des bosniaques, et à l’insu des forces l’ONU déployées sur place, des livraisons d’armes en provenance de l’Arabie Saoudite, de l’Iran et du Soudan par l’entremise d’une ONG bosniaque, la TWRA [6], puis directement par la CIA lorsqu’ils eurent remplacé son directeur, Robert James Woolsey, qui n’y était pas favorable.

L’OTAN par laquelle transitaient les rapports des observateurs de l’ONU, a désinformé l’opinion européenne sur la réalité de ce conflit en faisant pression sur les chefs des casques bleus dont le Général Français Bertrand de Lapresle pour qu’ils réécrivent leurs rapports qui rendaient compte de l’action illicite des services américains.

Cette désinformation organisée par Washington a permis d’engager l’OTAN dans la guerre contre la Serbie, sans aucun mandat de l’ONU [8] et avec l’appui des populations européennes. Ce conflit a permis l’éclosion d’un djihadisme bosniaque qui a ensuite essaimé en Europe, en Tchétchénie et au Moyen-Orient (ainsi les pilotes de l’avion du 9/11 qui s’est écrasé sur le Pentagone étaient d’origine bosniaque et 4 membres des 6 membres du « gang de Roubaix » qui étaient liés au réseau islamique Kamel avaient combattu en Bosnie).

La deuxième atteinte à la stabilité mondiale a pour origine la décision de Bush d’envahir l’Irak en 2003 en trompant ses alliés sur la présence d’armes de destruction massives . Bush et son entourage ont menti publiquement à 532 occasions séparées ont recensé 2 journalistes américains. Entre mars 2003, et l’été 2006, cette guerre injustifiée a coûté la vie à environ 600 000 civils irakiens et 1,6 millions sont devenus des réfugiés4. C’est en Irak que l’Etat islamique (Daesh) est apparu, c’est structuré en bénéficiant de l’apport de cadres sunnites des services de renseignement et de la garde républicaine de Saddam Hussein. Et a forgé ses modes d’action en luttant contre l’occupation américaine.

La troisième atteinte à la stabilité mondiale est toujours en cours aujourd’hui avec la crise Ukrainienne. En effet, les stratèges américains depuis la chute du mur en 1989 n’ont qu’une seule crainte : la création d’un grand ensemble européen incluant la Russie qui leur contesterait le leadership mondial. L’ancien conseiller national à la sécurité des Etats-Unis, Zbigniew Brzezinski, publia en 1997 sous le titre « Le grand échiquier » un livre où il soutenait la thèse que« Pour l’Amérique l’enjeu géopolitique principal est l’Eurasie ». Il explicitait ainsi sa pensée [9] : «Si l’Ukraine tombait, écrivait-il, cela réduirait fortement les options géopolitiques de la Russie. Sans l’Ukraine et ses 52 millions de frères et sœurs slaves, toute tentative de Moscou de reconstruire l’empire eurasien menace d’entraîner la Russie dans de longs conflits avec des non slaves aux motivations nationales et religieuses.»

Entre 2002 et 2009, grâce aux cables diplomatiques américains que Wikileaks a dévoilé, nous savons aujourd’hui que les États-Unis ont ainsi dépensé des millions de dollars afin d’aider l’opposition ukrainienne à accéder au pouvoir [10]. Ils témoignent aussi de l’effort constant et de la volonté continue des États-Unis d’étendre leur sphère d’influence sur l’Europe de l’Est et notamment en Ukraine via l’OTAN.

Mais ces désinformations souvent grossières ont fini par irriter en 2014 et 2015 plusieurs généraux européens et un ambassadeur français qui ont exprimé publiquement leurs doutes sur les informations publiées par les américains, l’OTAN et les autorités ukrainiennes.

Le Général français Christophe Gomart, directeur du renseignement militaire [11], le général Polonais Skrzypczak, conseiller du ministre de la Défense [12], le Général Allemand Harald Kujat [13] ancien chairman du comité militaire de l’OTAN et l’ancien ambassadeur de France à Moscou Jean de Glinasty [14] ont dénoncé en 2014 et 2015 les désinformations des Etats-Unis via l’OTAN et celles du gouvernement ukrainien sur la réalité de ce qui se passe sur le terrain.

Last but not least, grâce à Wikileaks, il est devenu de notoriété publique que les Etats-Unis s’arrogent le droit d’espionner les dirigeants de leurs meilleurs alliés comme François Hollande et Angela Merkel. Comment ne pas penser que la connaissance des conversations les plus intimes de ces dirigeants ne donne pas au dirigeants américains un pouvoir de pression efficace sur eux ?

Aujourd’hui, tant en Allemagne qu’en France de nombreux dirigeants politiques prennent de plus en plus conscience que nous ne partageons pas toujours les mêmes intérêts que les Etats-Unis sur des dossiers qui intéressent directement notre sécurité. Ils sont convaincus que si l’Europe n’envisage pas de manière autonome la résolution des conflits qui menace sa sécurité elle en subira les terribles conséquences alors que les Etats-Unis, plus éloignés, en titreront bénéfice.

Quel avenir pour les relations entre l’Europe et la Russie ?

Avec la Russie, outre un intérêt économique commun, l’Europe a à résoudre la même difficile équation que la Russie : éviter que les 40 millions de musulmans (15 millions en Europe ; 25 millions en Russie) qui vivent en paix sur les sols européens et russes ne deviennent les victimes de la radicalisation islamique.

Ce risque est aujourd’hui totalement d’actualité avec l’enracinement de l’Etat Islamique rn Syrie et en Irak et cela nous amène à la deuxième question à laquelle je vais essayer de répondre.

Qu’est-ce qui permet l’enracinement de Daech au Moyen-Orient ? Comment vaincre cette organisation terroriste ?

Répondre à cette question c’est mettre en lumière les facteurs déterminants de la stratégie victorieuse de Daech face à l’indétermination stratégique occidentale écartelée entre des objectifs inconciliables.

En effet, le califat, un an après sa proclamation par Abou Bakr al-Baghdadi, révèle un quadruple échec.

En premier lieu l’échec de la stratégie politique et militaire américaine en Irak.

Politique d’abord, avec le choix d’un premier Ministre, Al Maliki, qu’ils ont mis en place en 2006 et ont soutenu jusqu’en 2014, le laissant exercer un pouvoir sans partage et fondé exclusivement sur la communauté chiite. Ils ont ainsi fermé les yeux lorsqu’il a bafoué la constitution de son pays, pourtant inspiré par eux, en n’attribuant pas les ministères importants (intérieur et défense) qui devaient être dévolus constitutionnellement aux Sunnites et aux Kurdes. Militaire ensuite. En effet, depuis sa reformation par les américains, la nouvelle armée irakienne, dont Al Maliki se méfiait, était mal équipée, gangrenée par la corruption, le népotisme, la formation insuffisante, l’absence de moral et la volonté de se battre.

Militaire ensuite, ce n’est pas l’aviation américaine mais les milices shiites, (dirigées, encadrées, formées et équipées par l’Iran et appuyées par des Iraniens et des libanais du Hezbollah avec le général iranien Soleimani [15] à leurs têtes) qui ont sauvé Bagdad, repoussé Daech à l’Ouest du Tigre et qui ont représenté plus des 2/3 des forces engagées dans la reconquête de Tikrit.

Enfin, si les frappes de la coalition ont un certain effet d’attrition sur les forces de Daech, sans forces terrestres en état de se battre, cet effet reste limité et est obtenu au prix de dégâts collatéraux importants sur civils, les habitations et les infrastructures, engendrant la colère des populations sunnites locales.

Echec également des monarchies gériatriques du Golfe Persique qui ont contribué à l’émergence de Daesh dans le but de renverser le régime bassiste et alaouite d’Assad et de le remplacer par un pouvoir sunnite ami. Aujourd’hui Daesh, en contrôlant le gouvernorat d’Al Anbar et les 420 km de frontière commune avec l’Arabie Saoudite, menace ce royaume qui se méfie de son armée, de sa minorité chiite (d’où la condamnation à la décapitation et à la crucifixion du jeune Mnir, un shiite à qui il est seulement reproché d’avoir manifesté contre le régime à 17 ans), méfiance aussi de la moitié de sa population qui est étrangère et enfin Royaume qui est en guerre sur ses frontières Sud avec les rebelles Hutis, d’obédience shiite.

Echec de la Turquie qui considère les kurdes dont 15 millions sont citoyens turcs comme sa première menace et qui laisse sa frontière ouverte à Daesh, offrant une base arrière aux djihadistes pour vendre leur pétrole, se ravitailler en armes et munitions et soigner leurs combattants [16]. Erdogan a espéré ainsi renverser Assad et restaurer l’influence séculaire de la Turquie sur la Syrie.

Echec de l’Europe et, au premier lieu Francois Hollande, qui a cru à un printemps arabe alors que je soutenais dans mes écrits des 2012 qu’il s’agissait en Syrie des prémices d’une guerre civile confessionnelle initiée et financée par l’Arabie Saoudite, le Qatar et la Turquie. Et la guerre civile comme l’a très bien dit Corneille « est le règne du crime » des 2 cotés.Is’est trompé sur la capacité de durer du régime d’Assad et en le diabolisant il est pour moi co-responsable du départ de plusieurs milliers de jeunes djihadistes français en Syrie et du flux de migrants actuel, générant, par effet boomerang, une menace terroriste sur notre territoire qui va faire que s’accroitre . Il a encore persisté dans son erreur il y a 2 jours à l’ONU, isolant la France et fournissant une preuve de plus de sa morale à géométrie variable, défenseur ardent des droits de l’homme en Syrie et pratiquement silencieux quand il s’agit de ses amis saoudiens.

Les seuls gagnant à l’heure actuelle sont les Kurdes, l’Iran et la Russie.

Vainqueurs en Irak dès lors qu’ils étaient correctement équipés, les Peshmergas ont clairement démontré leur valeur militaire. Vainqueurs en Syrie où, malgré l’attentisme Turc, et avec l’aide des frappes américaines, ils ont repris Kobané. Vainqueurs en Turquie où, pour la première fois, ils rentrent en masse au Parlement et deviennent désormais une force politique avec laquelle Erdogan devra compter même s’il essaie par des élections anticipées et en relançant la guerre contre le PKK, de diaboliser les Kurdes et obtenir ainsi la majorité qu’il souhaite pour instaurer en Turquie un régime présidentiel.

L’Iran ensuite. C’est l’engagement des milices iraniennes sur le sol irakien qui ont sauvé Bagdad. Confrontés à la déroute de l’armée irakienne à Ramadi, capitale du gouvernorat d’Al Anbar, les américains, pragmatiques, ont compris que sans l’appui terrestre iranien ils n’arriveraient pas à vaincre Daesh.

Alors qu’il se refuse toujours à engager des troupes au sol, l’accord préliminaire sur le nucléaire iranien témoigne d’une modification de la stratégie d’Obama confronté au risque de perdre son investissement irakien [17] et de voir son allié saoudien directement menacé.

La Russie, enfin. C’est le pays qui connait le Moyen-Orient et la radicalisation islamique bien mieux que les Etats-Unis et les Européens grâce, notamment à toute génération de responsables formés par Evgueni Primakov, le Laurence Russe.

La Russie, riverain de la Caspienne est l’allié naturel de l’Iran shiite et donc du régime alaouite syrien. Sa seule base navale en méditerranée est à Tartous.

La Russie n’a jamais cru à un printemps arabe et savait comme moi que le régime Assad était solide car pour les minorités religieuses 35% de la population syrienne qui vivaient en Paix, l’arrivée au pouvoir des salafistes financés par l’Arabie Saoudite, le Qatar et aidés par la Turquie c’était l’exil ou la mort. Poutine a compris qu’un an après l’échec de la stratégie du ni ni occidental (ni Daesh ni Assad) et d’une intervention strictement aérienne c’est l’heure de la Russie.

Nous sommes donc face à 2 options stratégiques

Soit la Russie se borne à une action défensive d’aide à l’armée syrienne c’est-à-dire interdire la progression de Daesh au Sud d’une ligne Tartous Homs Palmyre et obtient une coordination des efforts de toutes les parties prenantes au moins au niveau opérationnel. Alors battre Daech est possible et demandera encore du temps car tant que les conditions politiques d’une victoire ne sont pas remplies, les frappes aériennes sont relativement inefficaces contre un ennemi totalement imbriqué dans la population.

Quelles sont donc les conditions politiques nécessaires à la mise en œuvre d’une stratégie gagnante contre Daech sont :

1) exiger de la Turquie, membre de l’OTAN, qu’elle ferme sa frontière à Daech et cesse ses frappes contre les Kurdes.
2) stopper les actions de déstabilisation du régime d’Assad jusqu’à l’éradication du califat et notamment arrêter le soutien occidental aux résidus d’Al Nostra et de l’Armée Syrienne libre.
3) faire pression auprès du gouvernement irakien pour une mise en œuvre effective du programme de réconciliation nationale [18].
4) mettre en place auprès des Peschmergas et des milices iraniennes et irakiennes des contrôleurs aériens avancés pour optimiser l’efficacité des frappes aériennes durant les offensives.
5) ne pas trop compter sur une reconstruction rapide de l’armée irakienne tant que ne seront pas votées les deux lois d’amnistie générale et de fin de la débassification.

Autre option : Poutine estime que les conditions politiques sont réunies pour lui permettre d’adopter une attitude offensive et engage des troupes au sol. Alors tout peut aller plus vite.

Affaire à suivre et essentielle pour notre sécurité car éradiquer Daesh au Moyen-Orient permettrait d’éviter l’amplification du terrorisme chez nous.

Général (2S) Jean-Bernard PINATEL, auteur de « Carnet de guerres et de crises 2011-2013 », Lavauzelle, Mai 2014 et de « Russie, alliance vitale », Choiseul, 2011.

[1] Tiré du tome 2 de l’ouvrage C’était de Gaulle, d’Alain Peyrefitte, paru en 1997 chez Fayard (Editions de Fallois), page 17.

[2] Cette promesse se situe au cours de l’échange qui a lieu au Kremlin le 9 février 1990 entre le secrétaire d’Etat américain, James Baker, et le dirigeant soviétique, Mikhaïl Gorbatchev. Après une large discussion sur le futur statut d’une Allemagne unifiée, Gorbatchev promet de «réfléchir à tout ça» en ajoutant: «Il est entendu, c’est clair que l’élargissement de la zone de l’OTAN est inacceptable.» Et Baker de conclure: «Nous sommes d’accord avec cela.»

[3] De Gaulle n’a jamais célébré le débarquement du 6 juin. Pourquoi? Il déclarait à Peyrefitte en 1964: « La France a été traitée comme un paillasson! Churchill m’a convoqué d’Alger à Londres, le 4 juin, il m’a fait venir dans un train où il avait établi son quartier général, comme un châtelain sonne son maître d’hôtel. Et il m’a annoncé le débarquement, sans qu’aucune unité française n’ait été prévue pour y participer. Nous nous sommes affrontés rudement. Je lui ai reproché de se mettre aux ordres de Roosevelt, au lieu de lui imposer une volonté européenne ».

[4] Le budget de Défense américain représentait en 2013 640 milliards de dollars autant que le Budget réuni des 9 pays suivants : Chine 188, Russie 88, Arabie Saoudite 67, France 61, Grande-Bretagne 58, Allemagne 49, Japon 49, Inde 48, Corée du Sud 33. Source SIPRI.

[5] En savoir plus sur « Le Monde ».

[6] Son directeur, Irfan Ljevakovic, est un ancien dirigeant de la Third World Relief Agency (TWRA), une structure «humanitaire» créée en 1987 par un Soudanais, Fatih al-Hassanain. Outre Irfan Ljevakovic, on trouve parmi les dirigeants de TWRA plusieurs compagnons de longue date de l’ancien Président Izetbegovic, comme Hasan Cengic. L’homme était durant la guerre mufti de Zagreb, un carrefour essentiel pour l’approvisionnement de la Bosnie en armes et en combattants. Après la guerre, il fut d’ailleurs durant quelques mois, ministre de l’Armement.

[7] Lire à ce sujet « Comment le Djihad est arrivé en Europe », Jürgen Elsässer, Xenia, 2006, pages 105 à 110.

[8] Sur le point précis de la possession d’armes de destruction massives par l’Irak, en au moins 532 occasions séparées (discours, briefings, interviews, conférence de presse), Bush et trois de ses proches collaborateurs Colin Powell, secrétaire d’Etat, Paul Wolfowitz, secrétaire d’Etat à la Défense et les responsables presse de la Maison Blanche Ari Fleischer et Scott McClellan ont affirmé que « l’Irak en possédait ou était en train d’essayer de les produire ou de les obtenir en liaison ou non avec Al Qaeda » False Pretenses, by Charles Lewis and Mark Reading-Smith, January 23, 2008, Center for public Integrity et du Fund for independence in journalism. http://projects.publicintegrity.org/WarCard/.

[9] Traduit de : Zbigniew Brzezinski: « Die einzige Weltmacht – Amerikas Strategie der Vorherrschaft », Fischer Taschenbuch Verlag, pp.15/16

[10] Le National Endowment for Democracy (NED) (en français, Fondation nationale pour la démocratie) est une fondation privée à but non lucratif des États-Unis dont l’objectif déclaré est le renforcement et le progrès des institutions démocratiques à travers le monde[1]. La plus grande part de ses fonds provient du département d’État des États-Unis, avec approbation du Congrès. L’ancien directeur de la CIA, William Colby, déclarait en 1982, dans le Washington Post, à propos du programme de la NED : « Il n’est pas nécessaire de faire appel à des méthodes clandestines. Nombre des programmes qui […] étaient menés en sous-main, peuvent désormais l’être au grand jour, et par voie de conséquence, sans controverse ». William I. Robinson, Promoting Polyarchy: Globalization, US Intervention, and Hegemony [archive], Cambridge university Press, 1996, 466 p., pp. 87-88.

[11] Devant la commission des AE et de la défense de l’Assemblée Nationale mars 2015,le général Gomart déclare « L’OTAN avait annoncé que les Russes allaient envahir l’Ukraine alors que, selon les renseignements de la DRM, rien ne venait étayer cette hypothèse – nous avions en effet constaté que les Russes n’avaient pas déployé de commandement ni de moyens logistiques, notamment d’hôpitaux de campagne, permettant d’envisager une invasion militaire et les unités de deuxième échelon n’avaient effectué aucun mouvement. La suite a montré que nous avions raison car, si des soldats russes ont effectivement été vus en Ukraine, il s’agissait plus d’une manœuvre destinée à faire pression sur le président ukrainien Porochenko que d’une tentative d’invasion ».

[12] Theorisk.

[13] Fort Russ.

[14] « Le Figaro ».

[15] Le major général Soleimani, 58 ans dirige depuis 1998 Al-Qods, force d’intervention extérieure (à l’image de nos forces spéciales) de l’Iran. Chef brillant tacticien et charismatique, sa force est destinée à soutenir les chiites au Moyen-Orient. C’est lui qui contribue à bâtir la branche armée du Hezbollah libanais. En 2012, il engage les forces armées d’Al-Qods dans le conflit syrien et en 2015 au Yémen.

[16] Alahed.

[17] « Globalement les américains ont dépensé davantage à ce jour en Irak depuis mars 20 que pour l’ensemble du deuxième conflit mondial » Général Vincent Desportes, La guerre probable, Economica, octobre 2009 page 12.

[18] Lire : Irak.


Analyse de la situation géopolitique, politique et militaire en Irak – Début Octobre 2015

0 commentaires

La fin du mois de septembre et ce début d’octobre est marqué par l’intervention militaire Russe en Syrie et les propositions de Vladimir Poutine de constituer un front uni contre Daesh. Pour ce faire, les Russes, selon des sources irakiennes, auraient commencé à déployer à Bagdad un état-major politique et militaire, car coalition ou pas, une coordination des opérations sur le terrain et dans l’espace aérien s’impose.
Alors que la situation politique en Irak reste confuse tant à Bagdad qu’à Erbil, les Etats-Unis continuent de se comporter en pays conquis et mettent en place en Irak, sans un aval formel du gouvernement et des partis irakiens, une stratégie opérationnelle identique à celle des Russes en Syrie qui elle s’appuie sur une demande formelle du gouvernement Assad.
Malgré tous les démentis, des troupes terrestres américaines venant de la Jordanie sont entrées, en septembre, dans les territoires irakiens d’Al Anbar par le poste frontière de Trébil pour former, entrainer les tribus sunnites et les équiper par un pont aérien sur l’aéroport militaire de Habbaniyya. La stratégie américaine est vraisemblablement, dans un premier temps, de concentrer leurs efforts sur le gouvernorat d’Al ANBAR pour deux raisons. Ils bénéficient de l’appui de certaines tribus sunnites avec lesquelles ils ont conservé d’étroits contacts depuis le « Surge » et ils veulent protéger leur allié saoudien qui possède 420 km de frontières avec ce gouvernorat. Il semble aussi que le premier objectif des Etats-Unis soit de libérer la ville de Ramadi, chef-lieu du gouvernorat (300 000 h mais dont 1/3 ont fui lorsque Daesh s’est emparé de la ville), plutôt que la ville de Faluja (200 000h), plus proche de Bagdad mais dont la population reste acquise à Daesh.
La situation sécuritaire est toujours très mauvaise dans 4 gouvernorats sur 18 : 4 gouvernorats totalisent 92% des attentats au mois de septembre : Nineveh (173 morts) ; Salah Dine (160) ; Al Anbar (155) et Bagdad (96). La situation est meilleure à Kikuk (44 morts) et à Diyala (8).

Situation politique

En septembre, les appels à diviser l’Irak en mini-Etats selon ses composantes communautaires ont continué de se faire entendre à l’extérieur comme à l’intérieur de l’Irak. Les partis politiques au pouvoir ont rejeté ces appels. Le Conseil Islamique Suprême, à l’unisson des partis au pouvoir, a condamné les déclarations du directeur de la Defense Intelligence Agency, le Général [1] Vincent Stewart, sur le démembrement de l’Irak, estimant « qu’elles visent le tissu national de la société irakienne et qu’elles approfondiront davantage les différends qui existent actuellement entre les différentes composantes ethniques et religieuses du pays ». De même la Coalition des Forces Irakiennes qui représente les Sunnites au parlement irakien a accusé la politique américaine d’être à l’origine des projets tendant à morceler la patrie arabe, considérant que l’évocation par de hauts responsables américains l’idée du démembrement de l’Irak et de la Syrie « n’est pas une simple hypothèse mais il s’agit plutôt d’un énième tentative pour l’imposer sous prétexte de la politique du fait accompli [2] ».

En septembre
, les manifestations qui avaient commencé dans les principales villes irakiennes en aout, ont durci le ton. Au lieu d’appeler à soutenir le premier ministre dans ses réformes, les manifestants lui demandent d’agir vite en mettant en chantier de véritables réformes ou de partir. Les irakiens sont aujourd’hui en majorité convaincus qu’Hayder Al Abadi sera incapable de mener de réelles réformes en raison du système politique des quotas communautaires et partisans qui répartit les postes clés de l’Etat, sans parler de la guerre contre Daesh et de son coût très élevé.

De son côté, le chef de la Coalition Nationale, Ayad Allawi, a appelé, dans un communiqué de presse, à changer le premier ministre et à désigner à sa place un homme capable de mener les réformes, un homme non autoritaire, rassembleur et respectueux de la concordance nationale, de la constitution et des lois en vigueur afin de sauver le pays en ne marginalisant aucune force politique.

Au Kurdistan, la fin prochaine du deuxième mandat présidentiel de Massoud Barzani, qui a déjà été prolongé de deux ans, entraine une situation de blocage entre le PDK et l’UPK. Les partisans de Massoud Barzani qui occupent des postes importants au Kurdistan et à Bagdad essaient de prolonger son mandat. Barzani a appelé à organiser des élections présidentielles directes afin de passer outre le Parlement du Kurdistan. Mais le parti Goran et les autres partis islamiques qui dominent le Parlement du Kurdistan ainsi que l’UPK [3] insistent pour régler l’affaire au Parlement du Kurdistan [4].

Ce qui est paradoxal dans cette situation c’est que les Etats-Unis l’Iran et la Turquie souhaitent le maintien de Barzani à la tête du Kurdistan afin de ne pas courir le risque d’une mise en cause de la stabilité qui y règne jusqu’à présent. Washington s’agite en coulisse pour trouver des solutions pour ses deux alliés en difficulté, Al Abadi et Barzani, afin qu’ils puissent poursuivre le combat contre Daesh.

Situation sécuritaire

Le fait marquant du mois de septembre est le renforcement des forces américaines stationnées en Irak et la mise en place d’une stratégie opérationnelle que Washington veut imposer au gouvernement irakien et à l’Iran. Cette stratégie militaire s’appuie sur les tribus sunnites, les Peshmergas kurdes et une partie des forces armées irakiennes. Ils sont, pour Washington, les clefs de la crise irakienne.

Selon ces sources, les troupes américaines essaient depuis presque un mois, de prendre en main le dossier sécuritaire d’Al Anbar, en gelant, d’abord, les opérations de l’armée irakienne, puis faisant pression pour retirer les milices chiites des environs de la ville de Ramadi, chef lieu d’Al Anbar, tout en les empêchant de s’approcher de la ville de Faluja. Parallèlement, dans les districts de Khalidyia et dans le camp de Habbaniyya, à 20 km à l’est de Ramadi, les troupes américaines équipent d’armes et de matériels les forces des tribus sunnites grâce à des avions cargos qui atterrissent tous les jours à l’aéroport militaire de Habbaniyya.

La mise en place unilatérale de cette stratégie génère des interrogations et des critiques à Bagdad. Un analyste irakien soutient que Washington utilise les hommes des tribus d’Al Anbar pour faire pression sur le gouvernement irakien pour écarter les milices chiites des opérations militaires de ratissage des territoires libérés des mains de Daesh à Al Anbar. Selon lui, les forces des Etats-Unis jouent un rôle négatif dans ce gouvernorat car elles ne participent pas directement aux combats. A cet égard, l’un des chefs des milices chiites, Karim Nourri, a déclaré que « les Etats-Unis ne sacrifieront même pas un seul soldat pour l’Irak et que leurs interventions dans les affaires intérieures de l’Irak visaient à le disloquer » ; ajoutant que « l’Organisme de Rassemblement Populaire n’a pas besoin de l’autorisation de quiconque pour poursuivre son combat contre Daesh ». De son côté, la commission Sécurité et Défense du parlement irakien a affirmé que Washington n’avait pas le droit de geler les opérations militaires de l’armée irakienne contre Daesh à Al Anbar, soulignant que les milices chiites de l’Organisme de Rassemblement Populaire continueront leurs opérations militaires contre Daesh à Al Anbar. La commission tiendra en octobre une réunion extraordinaire pour répondre à cette action unilatérale américaine. Pour sa part, la présidence du parlement irakien a exclu que les forces américaines arrêtent les opérations militaires de l’armée irakienne et des milices de l’organisation de rassemblement populaire à Al Anbar, affirmant que ces dernières continueront leurs opérations à Al Anbar. De son coté, le porte-parole de la milice chiite Bader, les forces du Rassemblement Populaire se trouveront là où se trouvera Daesh et rien ne les empêchera de l’être d’autant qu’elles sont soutenues par les grands chefs religieux chiites et par le peuple irakien, affirmant qu’il n’y a aucune raison pour qu’elles se retirent d’Al Anbar ou de tout autre gouvernorat irakien.

Dans le gouvernorat de Salah Dine, Daesh s’est à nouveau emparé de la localité de Béji après le retrait de l’armée irakienne et des milices chiites. Le gouvernement irakien a lancé, le 19 septembre, une nouvelle campagne militaire pour reprendre Béji en passant par la localité de Sinyia. Selon les informations de presse, les combattants des milices chiites seraient sur le point d’entrer dans les quartiers résidentiels des deux villes.

A Bagdad, la situation sécuritaire continue d’être détériorée. Le nombre des attentats à l’explosif et des enlèvements a augmenté, multipliant le mécontentement de la rue irakienne vis-à-vis du gouvernement irakien à cause de son incapacité à assurer la sécurité pour les citoyens irakiens. A signaler notamment deux attentats très meurtriers : le 17 septembre deux kamikazes se sont fait exploser au sein de la foule au centre de Bagdad, tuant plus de 30 personnes et blessant 120 autres. Le 20 septembre, une voiture piégée a explosé près d’un marché populaire situé au quartier d’Amni, au sud-est de Bagdad faisant des dizaines de morts et de blessés.

Au Nord et au sud du pays, il n’y avait aucun attentat à signaler en septembre.

Néanmoins, septembre avec 636 morts par attentats est moins sanglant qu’aout (760), et juin (703).

4 gouvernorats totalisent 92% des attentats au mois de septembre
: Nineveh (173 morts) ; Salah Dine (160) ; Al Anbar (155) et Bagdad (96). La situation est meilleure à Kikuk (44 morts) et à Diyala (8).

[1] Lieutenant General Vincent R. Stewart became the 20th Director of the Defense Intelligence Agency and the Commander, Joint Functional Component Command for Intelligence, Surveillance and Reconnaissance.

[2] Pour cette coalition, les Etats-Unis sont directement responsables de la détérioration de la situation dans les pays arabes, du déchirement de leurs entités, du pillage de leurs richesses naturelles et de la provocation des guerres civiles afin de dessiner une nouvelle carte pour le Moyen-Orient.

[3] Dans un communiqué de presse publié, le 10 septembre, par le bureau politique du PDK à l’occasion du 54e anniversaire de la révolution de 1961 de Mustapha Barzani a affirmé que s’il n’y avait les actuels différends politiques, le peuple du Kurdistan n’aurait jamais été aussi proche de son autodétermination et il aurait fait des pas importants vers la réalisation des aspirations du mouvement de libération du Kurdistan. Toutefois, il a annoncé qu’il était prêt à agir dans un esprit national irakien pour créer une concordance nationale et résoudre tous les problèmes politique et juridique de l’Irak et pour garder le bercail du Kurdistan unifié.

[4] Les difficultés de Massoud Barzani viennent du fait que le Kurdistan n’a pas sa propre constitution. C’est la constitution irakienne qui y est valable. Elle autorise à beaucoup de mécanismes de pouvoir kurdes qui étaient en cours avant 2005 d’être encore applicables. De ce fait les deux principaux partis politiques du Kurdistan, le PDK et l’UPK, se partagent le pouvoir et les postes importants à Erbil et Soulymanyia où se trouvent leurs fiefs respectifs.


Syrie : «Hollande essaie d’éviter à la France d’être exclue de la table des négociations»

2 commentaires

Interview publiée dans « LE FIGARO », le 27 septembre 2015.

En prenant la décision de frapper l’État islamique en Syrie, François Hollande reconnaît sans le dire que la stratégie du «ni Assad, ni Daesh», dont il était le promoteur, constituait une erreur, estime le général Jean-Bernard PINATEL.

LE FIGARO - François Hollande a confirmé dimanche qu’un camp de l’État islamique a été détruit lors d’un raid aérien impliquant six avions français. Les avions américains évoluant déjà dans la zone syrienne, quelle efficacité peut-on attendre de frappes aériennes françaises ?

Général Jean-Bernard PINATEL - L’efficacité des frappes françaises est un élément tout à fait secondaire de la décision prise par François Hollande. Déjà en Irak, les sorties effectuées par l’aviation française représentent moins de 10% du total des missions.

La décision de François Hollande est l’aveu que la stratégie du «ni Assad, ni Daesh», dont il était le promoteur, était une erreur de plus dans son évaluation de la situation syrienne. En effet, dès le début de l’affaire syrienne, François Hollande s’est trompé sur plusieurs points. Premièrement, par idéologie, il a cru à un printemps arabe en Syrie, alors qu’on assistait aux prémices d’une guerre civile confessionnelle financée par l’Arabie Saoudite, le Qatar et aidée par la Turquie [1]. Il s’est trompé aussi sur la capacité de résistance interne du régime d’Assad, dont j’analysais les raisons en mai 2013 [2], aidé par l’Iran, le Hezbollah libanais et la Russie. Il s’est trompé encore, comme d’ailleurs Barack Obama, sur la capacité de résistance de Daesh aux frappes aériennes américaines. Malgré plus de 3000 sorties, Daech, vaincu par les Kurdes à Kobané et par les milices chiites irakiennes et iraniennes à Tikrit a poursuivi son offensive vers le Sud: prise de Ramadi, chef-lieu du gouvernorat d’al-Anbar en mai 2015, prise de Palmyre en juin 2015.

Les États-Unis, pragmatiques comme toujours, ont compris début 2015 que, sans l’aide de troupes étrangères au sol, Bagdad risquait de tomber et comme Obama se refusait à renvoyer des troupes américaines en première ligne, la seule option était d’accepter, après la chute de Ramadi, de se coordonner avec les forces iraniennes commandées par général Qassem Soleimani [3]. Le préaccord sur le nucléaire iranien est en partie une conséquence de cette réévaluation. De même aujourd’hui où les forces d’Assad plient sous la pression de Daesh, les Américains, du moins à un niveau opérationnel, vont coordonner leur action avec les forces armées russes, ne serait-ce que pour éviter des méprises qui seraient lourdes de conséquences. Les aviateurs français vont aussi devoir procéder de la sorte.

L’Assemblé générale des Nations Unies se tient en ce moment à New York. Dans ce contexte, quelles visées diplomatiques la décision de frapper maintenant Daesh en Syrie sert-elle ?

Malgré ses erreurs et à juste titre, François Hollande essaie d’éviter à la France d’être exclue de la table des négociations qui va rassembler toutes les parties prenantes engagées dans le combat contre Daesh. La France l’avait été, de facto, lors de l’accord Irano-américain sur le nucléaire à cause des positions de Laurent Fabius, alignées sur celles, extrémistes, des israéliens.

«L’Iran et la Russie possèdent les cartes décisives dans cette affaire car ils sont les seuls intervenants extérieurs à ce théâtre d’opération à avoir des troupes au sol.» - Le général Jean-Bernard Pinatel.

Mais ce sont l’Iran et la Russie qui possèdent les cartes décisives dans cette affaire car ils sont les seuls intervenants extérieurs à ce théâtre d’opération à avoir des troupes au sol. Et on ne pèse réellement dans l’issue d’un conflit que de cette façon.

Poutine va certainement essayer d’obtenir une résolution de l’ONU qui légitime son intervention terrestre en Syrie et tout le jeu diplomatique des Occidentaux sera d’essayer d’obtenir que cette intervention, comme la leur, soit coiffée par un commandement onusien afin d’éviter que la Russie et l’Iran ne tirent diplomatiquement et vis à vis de l’opinion mondiale tout le bénéfice d’un succès éventuel contre l’État islamique.

D’après un sondage Odoxa pour «Le Parisien», 61% des Français sont favorables à ce que les troupes françaises participent à une intervention militaire au sol en Syrie contre Daesh. Quel est le poids des considérations électoralistes dans ce type de décision?

Oui, les Français ont raison, et Vladimir Poutine pense la même chose. Il vaut mieux fixer et écraser Daesh en Syrie et en Irak que d’avoir à lutter contre les djihadistes sur notre sol.

Mais il faut le souligner haut et fort, compte tenu des réductions d’effectifs et de budget que les Armées françaises ont subies depuis le début des années 2000, nous n’avons pas les moyens humains et matériels de faire face à un engagement au sol en Syrie même si nous le décidions, excepté de façon limitée avec nos forces spéciales.

En effet l’Armée française, outre les engagements en France (opération Sentinelle: 7000h), dans le Sahel (opération Barkhane > 3000 h) et en Centrafrique (Sangaris [4]), assure le déploiement de 12.000 autres soldats répartis dans le monde: forces de souveraineté dans les DOM-TOM (8000 hommes) ; forces de présence et sous mandat en Afrique et Moyen-Orient (5000 hommes). Et il importe de se souvenir de cette règle: lorsqu’un homme est engagé en opération, cela signifie qu’un autre se remet en condition en fin de mission et qu’un autre s’entraîne pour effectuer la prochaine relève.

[1] Une révolution en Syrie ? Non, une guerre civile confessionnelle.

[2] Syrie : ce danger que fait courir la diplomatie française en refusant de reconnaître, contrairement aux Américains, la vraie nature du conflit. « Cette guerre confessionnelle syrienne dure parce que pour le président syrien, les alaouites et les minorités qui les soutiennent : chrétiens, ismaéliens, druzes, chiites, il s’agit de vaincre ou de mourir ».

[3] Le major général Soleimani, 58 ans dirige depuis 1998 Al-Qods, force d’intervention extérieure (à l’image de nos forces spéciales) de l’Iran. Chef brillant tacticien et charismatique, sa force est destinée à soutenir les chiites au Moyen-Orient. C’est lui qui contribue à bâtir la branche armée du Hezbollah libanais. En 2012, il engage les forces armées d’Al-Qods dans le conflit syrien et en 2015 au Yémen.

[4] Entre le 5 décembre 2013 et le 14 juillet 2015, près de 11 000 militaires français se sont succédé au sein de la force Sangaris.


« Previous Entries Next Entries »