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Le succès de l’insurrection libyenne
appuyée par la Coalition est proche

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…mais le sort de Kadhafi est loin d’être réglé.

Le bilan des objectifs militaires détruits en 4 mois par l’OTAN (15 avril-15 aout 2011) est considérable.

Il correspond probablement au deux tiers des matériels opérationnels des forces de Kadhafi : 200 chars, 500 véhicules transport de troupe armés et en partie blindés, 300 canons ou lance-roquettes multiples, 300 sites anti-aériens canons ou missiles, 500 dépôts de munitions ou de facilités logistiques, 100 postes de commandement et de contrôle [1].

Ce bilan permet de penser que Kadhafi ne dispose plus d’unités de combat organisées et capables de reprendre l’offensive, sauf de façon limitée à Tripoli.

Les prochaines opérations des insurgés et de l’OTAN se concentreront logiquement sur l’axe Misrata, Zlitan, Al-KHums de façon à faire peser la même menace sur l’Est de Tripoli que celle qui existe à partir des villes récemment libérées à l’Ouest à partir d’Az Zawiyah et au Sud à partir de Bir al-Ghanam et de Garyan. En outre, le volume des matériels détruits au Sud et à l’Ouest de Tripoli donne à penser que l’Etat-Major de Kadhafi a sous-estimé la menace berbère du djebel Nefousa car moins de forces y étaient positionnées comparé à celles qui barraient les routes venant de l’Est, ce qui explique en partie la plus rapide progression des insurgés du Djebel Nefousa.

La libération de la majeure partie de la Libye est donc proche. Cela ne veut pas dire que c’est la fin de Kadhafi car plusieurs scénarios sont envisageables.

Kadhafi résiste à Tripoli. Cette option est la moins probable car Tripoli compte beaucoup d’opposants et compte tenu de la proximité des forces insurgées, une partie de la population peut se soulever et faire basculer la situation très rapidement. Kadhafi sait qu’il peut être pris au piège ce qui serait pour lui l’assurance d’être jugé ou tué.

Kadhafi peut vouloir poursuivre la lutte avec l’appui de sa tribu et des terroristes de l’AQMI (Al Qaïda au Maghreb islamique) qui sont présents dans la région de Sebha, fief de la tribu de Guededfa dont il est issu. Les récents succès des insurgés ont pratiquement encerclé Tripoli mais un axe de fuite vers le Sud-Est par la route Tarhunah –Bani Waled semble pour l’instant ouvert. Elle devrait lui permettre, encore pour quelque temps, de rejoindre Sebha par la route.

Kadhafi quitte la Libye pour un exil africain. Ce scénario est à terme le plus probable mais il peut n’être joué que dans plusieurs mois car Kadhafi peut penser qu’il disposera à Sebha de meilleures cartes qu’à Tripoli pour négocier son départ ou le faire avec ou sans accord de la coalition.

En France, ce succès devra être mis au crédit du Président de la République. Grâce à sa décision courageuse et à l’action exemplaire de nos forces armées, la France retrouvera aux yeux des dirigeants arabes du Maroc à la Syrie son rôle de leader et de protecteur d’un espace méditerranéen démocratique dont les richesses devront à l’avenir profiter plus aux peuples qu’aux dictateurs.

Général (2S) Jean-Bernard PINATEL

[1] Bilan obtenu en compilant les compte rendus quotidiens de l’OTAN.


Afghanistan :
l’irresponsabilité de Martine Aubry

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Au lendemain de la mort d’un 74ème soldat français en Afghanistan, Martine Aubry a affirmé qu’il fallait un changement de stratégie et un retrait plus rapide des troupes. Un discours démagogique ?

« Il faut un retrait militaire rapide d’Afghanistan », a déclaré Madame Aubry à l’occasion de la mort, ce dimanche, 14 août 2011, du 74ème soldat français sur ce théâtre d’opérations où nos forces sont engagées depuis dix ans, utilisant une émotion légitime pour formuler une proposition démagogique et contraire à la sécurité des Français.

Faut-il lui rappeler que François Mitterrand, auquel tous les candidats socialistes font référence, avait eu une attitude autrement plus responsable après la tragédie du Drakkar au Liban où 58 parachutistes avaient trouvé la mort le 23 octobre 1983 ? Dans une déclaration à son retour du Liban, où il s’était rendu au lendemain du drame, François Mitterrand réaffirmait notre engagement en ces termes: « A tous, je dis qu’un pays est grand par sa force d’âme, sa résolution comme par les amitiés et le respect qui les méritent. La France reste et restera fidèle à son histoire et à ses engagements ».

Je voudrais une fois de plus rappeler certaines évidences que les candidats à la présidence de la République ne doivent pas oublier et dont Nicolas Sarkozy a compris toute l’importance durant son premier mandat.

Combattre Al-Qaïda en Afghanistan oblige cette organisation à concentrer ses efforts sur le théâtre AfPak (Afghanistan et Pakistan) au lieu de disposer de tous ses moyens pour nous attaquer sur notre sol. Si par un retrait rapide de nos troupes nous laissons l’Afghanistan redevenir un sanctuaire d’Al-Qaïda nous lui fournissons une base pour entrainer et fanatiser ses combattants. Cela équivaut à accepter à nouveau des morts et des blessés civils en France.

Par ailleurs, l’emploi des forces armées sur des théâtres d’opérations extérieurs reste au XXIe siècle un outil d’autant plus indispensable pour la politique étrangère et pour la sécurité d’un État que les menaces auxquelles nous avons à faire face sont diffuses et dépassent nos frontières.

Rester en Afghanistan : une nécessité pour l’armée française

En outre, une armée qui n’est pas engagée dans des opérations se fonctionnarise et perd de sa valeur opérationnelle. Les chefs qui accèdent aux plus hauts postes sont choisis pour leurs qualités de gestionnaires et non plus sur leur aptitude à commander au combat. En effet, la capacité opérationnelle des forces armées est le résultat de multiples retours d’expérience à tous les niveaux qui ne s’acquièrent qu’en opération. Je suis toutefois conscient que mes propos peuvent choquer les familles des morts et des blessés.

Mais une armée, pour remplir pleinement les missions que lui confient la nation, doit être engagée dans des combats, ce qui entraine nécessairement des morts et des blessés. Ces engagements sont indispensables pour forger jour après jour la force morale des soldats et adapter les modes d’action et les équipements à la réalité du champ de bataille. Refuser cette évidence c’est dépenser beaucoup d’argent pour la Défense sans être assuré de l’efficacité de cet investissement.

Enfin, je ne peux passer sous silence le tribut que payent chaque année les jeunes français qui consomment de la drogue provenant d’Afghanistan, conséquence de l’absence dans ce pays d’un gouvernement responsable et non corrompu, et d’un développement économique qui éradique la pauvreté. Ceux qui prônent un retrait rapide d’Afghanistan font, sans le dire, subir à nos compatriotes la pérennisation des conséquences de la drogue qui y est produite et qui engendre près de 300 morts par an en France.

Comme je l’ai écrit dans un précédent article, le désengagement d’Afghanistan est une manœuvre complexe et délicate qui demande du temps et qui ne doit pas être soumise à une quelconque démagogie électoraliste, en France comme aux États-Unis.

Général (2S) Jean-Bernard PINATEL

Autres sources : Atlantico


Le vrai hommage à nos soldats sera de regarder la situation de l’Afghanistan en face

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La semaine passée, le Président de la République a rendu hommage aux sept soldats morts récemment en Afghanistan. Alors que le retrait des troupes françaises est prévu à l’horizon 2014 et pour que ces soldats ne soient pas morts pour rien, le désengagement doit être accompagné d’une reconstruction politique et étatique du pays avec l’ensemble des acteurs internationaux ainsi que les Talibans. Explications.

Il faut d’abord affirmer que la présence de nos forces dans ce pays depuis 2001 a contribué à éviter des attentats meurtriers en France car la nouvelle forme de guerre à laquelle nous sommes confrontés ignore les frontières.

En 1976, dans « la guerre civile mondiale [1] » je décrivais ainsi la nouvelle forme de guerre à laquelle nous devrions faire face à l’avenir : « à y regarder d’un peu près, le concept d’une guerre civile mondiale cerne assez étroitement la réalité. Il transpose, à l’échelle de la planète désormais ressentie comme un monde fini, l’idée du combat fratricide que se livrent les citoyens d’un même Etat. Et il est bien exact que le système international actuel est le premier à avoir une vocation mondiale, sans échappatoires possibles à ses blocages et à ses conflits. Il implique une guerre sans front, qui déborde les frontières et dépasse les militaires, pour défendre des enjeux vitaux dans un processus qui peut aller jusqu’à la mort.… A force de détournements d’avions et d’actes terroristes, les Palestiniens ont essayé d’impliquer le monde entier dans leur cause, et le monde dans leur ensemble est de venu leur champ de tir. »

En allant combattre en Afghanistan les talibans, qui permettaient à Al Qaïda de disposer d’un sanctuaire pour entrainer et fanatiser ses combattants, nous les avons obligés à se battre sur place, nous leur avons causé des pertes importantes et nous avons réduit ainsi le risque d’attentats sur notre sol. C’est un fait incontestable : aucun attentat majeur n’a eu lieu depuis lors aux États-Unis ou en France malgré une menace toujours présente qui a réclamé, parallèlement à l’action hors de nos frontières, une vigilance constante sur notre sol de nos services spécialisés (DCRI en particulier) et de l’ensemble de la population.

J’affirme que la sécurité dont nous avons profité sur notre territoire depuis 2001 est en partie due au combat qu’ont mené nos soldats à Kaboul.

Ainsi, réussir cette manœuvre suppose de trouver un accord avec toutes les parties prenantes internes et externes de ce conflit

Pour que demain les éternels contempteurs de toute action militaire ne puissent prétendre « qu’ils sont morts pour rien » et pour écarter durablement le risque terroriste venant d’Afghanistan, il est impératif de réussir cette manœuvre de désengagement militaire. Elle doit comprendre une dimension politique et diplomatique qui est essentielle à son succès. Les militaires pakistanais, qui exercent en sous-main le pouvoir effectif dans ce pays, considèrent que l’Afghanistan doit leur offrir la profondeur stratégique qui leur fait défaut face à l’Inde. Ils veulent donc à Kaboul un régime ami qui rejette toutes les ouvertures indiennes de coopération économique ou militaire.

L’Iran où vivent deux millions de Baloutches, a accueilli sur son sol depuis l’invasion de l’URSS, 3 millions de réfugiés Afghans et compte achever le bouclage de ses frontières avec le Pakistan et l’Afghanistan au plus tard en 2015 pour stopper l’infiltration de groupes armés et le trafic de drogue [2], l’Iran a, en effet, entrepris depuis les années 90 la construction d’un mur de 1800 km le long de ces frontières.

La Chine, qui a passé récemment un accord stratégique [3] avec Islamabad, voit dans le Pakistan un pays qui lui permettra de s’affranchir du détroit d’Ormuz pourson approvisionnement pétrolier et gazier et dans l’Afghanistan une source de matières premières [4].

Les talibans afghans seront, d’une manière ou d’une autre, partie prenante du devenir de l’Afghanistan

La Russie, confrontée encore plus que nous au terrorisme islamique, a un intérêt majeur à ce qu’un régime fort, non contrôlé par les islamistes, perdure à Kaboul. Dès janvier 2009, le représentant russe auprès de l’OTAN, Dmitri Rogozine, déclarait [5] que la Russie était prête à reconstruire en Afghanistan les 142 ouvrages industriels que l’URSS avait édifiés. Elle dispose aussi dans les anciens pays de l’empire soviétique de forces et de points d’appui essentiels pour favoriser la stabilisation afghane.

En effet, la Russie reste de fait la puissance tutélaire du Tadjikistan [6], avec la présence de la 201ème division de fusiliers motorisés (l’une des plus importantes sur un territoire étranger avec 5 000 hommes) et le site d’observation de l’espace « Okno » près de Nourek. Le président d’Ouzbékistan [7], Islom Karinov leur a cédé la base aérienne de Ghissar, situé à l’Ouest de la capitale Douchanbé. D’ores et déjà, les forces spéciales russes coopèrent avec les forces de sécurité de l’Ouzbékistan pour faire face aux menaces du parti clandestin Hizb ut-Tahrir (le Parti de libération islamique) qui a étendu son influence sur les pays limitrophes de l’Ouzbékistan et de la Russie.

Pour la seconde année, en août 2010, le président Dmitri Medvedev a tenu une réunion avec les présidents du Tadjikistan, de l’Afghanistan et du Pakistan à Sotchi pour discuter de la coopération sur les questions régionales. Les entretiens ont abordé notamment la lutte contre le terrorisme, l’extrémisme et le trafic de drogue ainsi que la reconstruction de l’Afghanistan.

C’est à l’Europe qu’il revient de réunir cette vaste conférence internationale et de mettre autour d’une table toutes ces parties prenantes car les américains n’en veulent pas. Ils ne souhaitent pas, en effet, se lier les mains par des accords internationaux et ne veulent pas siéger à la même table que l’Iran et probablement que la Russie dont pourtant dépendent une partie de stabilité future de l’Etat Afghan.

Le sacrifice de nos soldats constitue une ardente obligation pour le Président de la République. Il lui commande de tout tenter pour réussir ce désengagement, au risque de déplaire à notre allié américain.

Général (2S) Jean-Bernard PINATEL

Autres sources : Atlantico

[1] « La guerre civile mondiale », co-écrit avec Jacqueline Grapin, Calmann-Lévy, 1976.

[2] Les autorités iraniennes ont saisi, entre mars 2010 et mars 2011, quelque 420 tonnes de drogues, représentant 80% de l’opium et 40% de l’héroïne saisis dans le monde, selon des chiffres officiels.

[3] Lire l’article : « La Chine derrière la mort de Ben Laden ».

[4] Ainsi, en avril 2009, l’entreprise d’État China Metallurgical Construction Corporation a payé 3,5 milliards de dollars – plus du double de la somme escomptée – pour acquérir la mine de cuivre d’Aynak, à 50 km au sud de Kaboul, dans la province du Logar contrôlée par les Talibans.

[5] RIA Novosti, M. Fomichev, 27 janvier 2010.

[6] Les Tadjiks représentent 25% de la population afghane.

[7] Les Ouzbeks représentent 6% de la population afghane.


Réussir le désengagement en Afghanistan pour que nos soldats ne soient pas morts pour rien

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Il faut d’abord affirmer que la présence de nos forces dans ce pays depuis 2001 a contribué à éviter des attentats meurtriers en France car la nouvelle forme de guerre à laquelle nous sommes confrontés ignore les frontières.

En 1976, dans « La guerre civile mondiale » [1] je décrivais ainsi la nouvelle forme de guerre à laquelle nous devrions faire face à l’avenir : « à y regarder d’un peu près, le concept d’une guerre civile mondiale cerne assez étroitement la réalité. Il transpose, à l’échelle de la planète désormais ressentie comme un monde fini, l’idée du combat fratricide que se livrent les citoyens d’un même État. Et il est bien exact que le système international actuel est le premier à avoir une vocation mondiale, sans échappatoires possibles à ses blocages et à ses conflits. Il implique une guerre sans front, qui déborde les frontières et dépasse les militaires, pour défendre des enjeux vitaux dans un processus qui peut aller jusqu’à la mort. …A force de détournements d’avions et d’actes terroristes, les Palestiniens ont essayé d’impliquer le monde entier dans leur cause, et le monde dans leur ensemble est de venu leur champ de tir. »

En allant combattre en Afghanistan, les Talibans – qui permettaient à Al Qaïda de disposer d’un sanctuaire pour entrainer et fanatiser ses combattants – nous les avons obligés à se battre sur place, nous leur avons causé des pertes importantes et nous avons réduit ainsi le risque d’attentats sur notre sol. C’est un fait incontestable : aucun attentat majeur n’a eu lieu depuis lors aux États-Unis ou en France malgré une menace toujours présente qui a réclamé, parallèlement à l’action hors de nos frontières, une vigilance constante sur notre sol de nos services spécialisés (DCRI en particulier) et de l’ensemble de la population.

J’affirme que la sécurité dont nous avons profité sur notre territoire depuis 2001 est en partie due au combat qu’ont mené nos soldats à Kaboul.

Pour que demain les éternels contempteurs de toute action militaire ne puissent prétendre « qu’ils sont morts pour rien » et pour écarter durablement le risque terroriste venant d’Afghanistan, il est impératif de réussir cette manœuvre de désengagement militaire. Elle doit comprendre une dimension politique et diplomatique qui est essentielle à son succès. L’objectif durant cette période est de continuer à réduire au maximum les extrémistes « internationalistes » d’Al Qaïda et de les dissocier des talibans afghans qui ont des objectifs majoritairement « nationaux » et qui seront, d’une manière ou d’une autre, partie prenante du devenir de l’Afghanistan.

Ainsi, réussir cette manœuvre suppose donc de trouver un accord avec toutes les parties prenantes internes et externes de ce conflit. Doivent donc être intégrés dans ce processus d’une part les pays qui ont une frontière commune avec l’Afghanistan : le Pakistan, la Chine, l’Iran et les anciens pays de l’empire soviétique que sont le Turkménistan, l’Ouzbékistan et le Tadjikistan et d’autre part les grandes puissances qui ont un intérêt à ce que ce désengagement ne permette pas aux islamistes radicaux de se renforcer, au premier chef la Russie et les grands pays occidentaux qui ont envoyé des troupes sur place.

Le Pakistan est, en effet, le premier intéressé par le devenir de l’Afghanistan. Les militaires pakistanais, qui exercent en sous-main le pouvoir effectif dans ce pays, considèrent que l’Afghanistan doit leur offrir la profondeur stratégique qui leur fait défaut face à l’Inde. Ils veulent donc à Kaboul un régime ami qui rejette toutes les ouvertures indiennes de coopération économique ou militaire.

L’Iran où vivent 2 millions de Baloutches, a accueilli sur son sol depuis l’invasion de l’URSS, 3 millions de réfugiés Afghans et compte achever le bouclage de ses frontières avec le Pakistan et l’Afghanistan au plus tard en 2015 pour stopper l’infiltration de groupes armés et le trafic de drogue [2], l’Iran a, en effet, entrepris depuis les années 90 la construction d’un mur de 1800 km le long de ces frontières.

La Chine, qui a passé récemment un accord stratégique [3] avec Islamabad, voit dans le Pakistan un pays qui lui permettra de s’affranchir du détroit d’Ormuz pour son approvisionnement pétrolier et gazier et dans l’Afghanistan une source de matières premières [4].

La Russie, confrontée encore plus que nous au terrorisme islamique, a un intérêt majeur à ce qu’un régime fort, non contrôlé par les islamistes, perdure à Kaboul. Dès janvier 2009, le représentant russe auprès de l’OTAN, Dmitri Rogozine [5], déclarait que la Russie était prête à reconstruire en Afghanistan les 142 ouvrages industriels que l’URSS avait édifiés. Elle dispose aussi dans les anciens pays de l’empire soviétique de forces et de points d’appui essentiels pour favoriser la stabilisation afghane.

En effet, la Russie reste de fait la puissance tutélaire du Tadjikistan [6], avec la présence de la 201e division de fusiliers motorisés (l’une des plus importantes sur un territoire étranger avec 5 000 hommes) et le site d’observation de l’espace « Okno » près de Nourek. Le président d’Ouzbékistan [7], Islom Karinov leur a cédé la base aérienne de Ghissar, situé à l’Ouest de la capitale Douchanbé. . D’ores et déjà, les forces spéciales russes coopèrent avec les forces de sécurité de l’Ouzbékistan pour faire face aux menaces du parti clandestin Hizb ut-Tahrir (le Parti de libération islamique) qui a étendu son influence sur les pays limitrophes de l’Ouzbékistan et de la Russie.

Pour la seconde année, en août 2010, le président Dmitri Medvedev a tenu une réunion avec les présidents du Tadjikistan, de l’Afghanistan et du Pakistan à Sotchi pour discuter de la coopération sur les questions régionales. Les entretiens ont abordé notamment la lutte contre le terrorisme, l’extrémisme et le trafic de drogue ainsi que la reconstruction de l’Afghanistan.

C’est à l’Europe qu’il revient de réunir cette vaste conférence internationale et de mettre autour d’une table toutes ces parties prenantes car les américains n’en veulent pas. Ils ne souhaitent pas, en effet, se lier les mains par des accords internationaux et ne veulent pas siéger à la même table que l’Iran et probablement que la Russie dont pourtant dépendent une partie de stabilité future de l’Etat Afghan.

Le sacrifice de nos soldats constitue une ardente obligation pour le Président de la République. Il lui commande de tout tenter pour réussir ce désengagement, au risque de déplaire à notre allié américain.

Général (2S) Jean-Bernard PINATEL

[1] « La guerre civile mondiale », co-écrit avec Jacqueline Grapin, Calmann-Lévy, 1976.

[2] Les autorités iraniennes ont saisi, entre mars 2010 et mars 2011, quelque 420 tonnes de drogues, représentant 80% de l’opium et 40% de l’héroïne saisis dans le monde, selon des chiffres officiels.

[3] Lire l’article : « La Chine derrière la mort de Ben Laden ».

[4] Ainsi, en avril 2009, l’entreprise d’État China Metallurgical Construction Corporation a payé 3,5 milliards de dollars – plus du double de la somme escomptée – pour acquérir la mine de cuivre d’Aynak, à 50 km au sud de Kaboul, dans la province du Logar contrôlée par les Talibans.

[5] RIA Novosti, M. Fomichev, 27 janvier 2010.

[6] Les Tadjiks représentent 25 % de la population afghane.

[7] Les Ouzbeks représentent 6 % de la population afghane.


La mission du Général Irastorza : pourquoi ? pourquoi faire ? quelles mesures pour mieux protéger nos soldats ?

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Pourquoi une telle mission ?

Si l’on se réfère aux déclarations des autorités militaires françaises, cet attentat marque une évolution dans les modes d’actions des Talibans qui ont eu recours à un mode opératoire de leur fraction extrémiste, lié à Al Qaida. Les tactiques de guérilla qu’ils utilisaient contre nos forces, harcèlement, embuscades, n’ont pas empêché nos soldats de sécuriser les deux zones qui leurs étaient confiées, d’y mener des actions destinées à impliquer la population dans les actions de développement et de sécurité et de créer ainsi les conditions pour transférer, petit à petit, les responsabilités de la sécurité aux forces afghanes.

Cet attentat est perçu comme un aveu d’impuissance militaire des Talibans et, pour nos forces, implique d’ajouter à nos actions de contre-guérilla, un mode d’action d’anti-terrorisme.

Que va faire sur place le Général Irastorza ?

Selon moi, il va sur place pour faire trois choses :

  • vérifier que ce diagnostic est le bon;
  • évaluer que les mesures immédiatement prises après l’attentat par les militaires sur place sont pertinentes et suffisantes;
  • étudier avec les responsables militaires locaux des mesures de sureté et de protection nouvelles qui doivent répondre au double objectif :
  • mieux protéger nos soldats;
  • ne pas mettre en cause leur mission, à savoir gagner le cœur de la population.

Quels sont ces mesures ?

Elles sont de deux types, défensives et offensives :

Défensives : elles sont du même type que celles que nous connaissons dans nos aéroports : contrôle strict et fouille de toute personne devant avoir accès à des lieux ou des locaux qui peuvent être un objectifs : rassemblement de notables ou de population, par exemple;

Offensives : renseignement sur les groupes locaux qui projettent des attentats de type Kamikaze, infiltration et neutralisation avant action; c’est ce que réalise en France la DCRI.

Il ne faut pas s’attendre, à la suite de cette mission, à ce que le détail de ce qui sera fait soit communiqué. Il ne peut être question de dévoiler à nos adversaires les mesures prises.

Que faisons-nous en Afghanistan et pourquoi ne pas accélérer notre retrait ?

Il ne faut pas oublier que la présence de nos forces comme de celles de la Coalition est liée au fait que les Talibans [1] ont accepté la présence de Ben Laden et des camps d’entrainement d’Al Qaida, leur permettant ainsi de mener des actions terroristes dans le monde entier dont la plus spectaculaire fut celle du 11 septembre 2001 à New York.

Tout l’enjeu pour les puissances occidentales mais aussi pour la Russie et pour la Chine, qui subissent aussi sur leur sol ces actes terroristes, est de liquider cette minorité extrémiste. Cela ne peut se faire qu’avec l’appui du Pakistan dont les militaires semblent avoir compris que cette minorité leur causait plus de soucis qu’ils n’en tiraient de bénéfices. Le lâchage de Ben Laden et de plusieurs autres responsables d’Al Qaida qu’ils abritaient sur leur territoire en est la preuve. C’est tout l’enjeu de la transition en cours qui ne réussira qu’avec l’appui d’Islamabad.

Général (2S) Jean-Bernard PINATEL

[1] dont la très grande majorité n’a pour objectif que la prise du pouvoir à Kaboul et y imposer un système islamiste radical.


La France n’a plus les moyens militaires de ses ambitions politiques : une fausse affirmation ?

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Le journal Le Monde titrait en première page de son édition du mercredi 13 juillet : « La France n’a plus les moyens militaires de ses ambitions politiques ».

Cette affirmation est discutable si l’on regarde les forces militaires mises sur pied au regard des besoins opérationnels actuels. Elle est fausse si l’on compare les moyens financiers investis par la France pour sa Défense, soit un budget annuel de 66 milliards de dollars qui nous place dans le top 5 mondial.

Que se passe-t-il donc dans la boite noire (Armées, DGA, Industries de Défense) qui reçoit des inputs financiers importants et fournit des outputs insuffisants en matière de capacités militaires face aux besoins réels du moment ? Répondre à cette question c’est analyser la chaine des décisions qui partant de la définition des menaces à l’expression des besoins militaires passe par le lancement des projets de développement des systèmes d’armes, pour aboutir à la mise sur pied et au maintien opérationnel des forces.

C’est à ce débat et à cette analyse qu’il faut s’attacher avant de demander à la Nation des efforts financiers supplémentaires. Depuis que je m’intéresse à ces questions [1] jamais une évaluation prospective des menaces n’a été réalisée en indépendance totale avec les lobbyistes des industries d’armement qui sont présents au sein même des partis politiques. Il en découle bien souvent le lancement de programmes inadaptés aux menaces réelles ou à notre stratégie de Défense.

Ce serait le cas, s’il était adopté, du système de Défense anti-missiles que les américains nous poussent à déployer et qui couterait, selon une estimation provisoire, probablement sous-évaluée à dessein, plusieurs milliards d’euros à la France. Ce système, sur le plan de la théorie stratégique, affaiblirait notre dissuasion, sur un plan opérationnel ne servirait à rien face aux menaces actuelles et serait probablement inefficace face à la menace potentielle qu’il est chargé de contrer : un missile lancé par un État voyou. Aucun spécialiste sérieux ne croit qu’il assurerait un taux d’interception proche de 100%. L’expérience du système Patriot, déployé lors de la guerre du Golfe, montre que l’on en est loin. Autre exemple : on peut se demander si une partie des sommes dépensées à la modernisation de notre force de dissuasion nucléaire n’aurait pas mieux été investie dans le développement d’un système français de drones dont les opérations en Afghanistan et en Libye ont démontré l’utilité.

La cause première de cette perte en ligne est à rechercher dans le  manque d’investissement sur les questions de Défense des responsables politiques de droite ou de gauche quand ils sont dans l’opposition. Quand ils arrivent au pouvoir, sans bagage militaire suffisant, ils sont prisonniers des choix biaisés que leur présentent les commissions et groupes de travail réunis à cet effet. Incapables de concevoir et d’imposer les choix drastiques qui s’imposent, les gestionnaires des budgets de la Défense sont condamnés à faire de l’échenillage. Le résultat est toujours le même depuis le départ du Général de Gaulle. A force de couper un peu partout, il manque un peu de tout. Cela est vrai pour les forces qui sont mises sur pied et qui répondent aux besoins réels mais aussi pour celles inscrites dans la programmation militaire pour satisfaire les lobbies. Et une fois de plus c’est aux chefs militaires sur le terrain de faire avec… et, pour l’honneur des armes de la France, ils y réussissent souvent. C’est ce qui explique le mauvais moral  permanent des personnels de l’administration centrale et au contraire le moral excellent des forces combattantes.

Général (2S) Jean-Bernard PINATEL

[1] 1973 – Ma thèse, soutenue à l’UER de Sciences politiques de Paris 1, était consacrée à : « Les effets de la politique et des dépenses militaires sur la croissance économique (le cas français : 1945-1973) », à la suite de la quelle j’ai publié, en 1976, deux livres : l’un consacré à l’évolution des menaces : « La guerre civile mondiale », Calmann-Lévy et l’autre : « L’économie des forces », Fondation pour les études de Défense, qui traitait de la cohérence dans les choix des systèmes d’armes.


La France paye à Bagdad
son activisme dans le dossier iranien

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Jean-Bernard PINATEL - Président de LP Conseil et de Tiger Corporate Security – Fondée en 2009 avec deux associés, un Français, d’origine irakienne, et un Irakien, résidant à Bagdad, cette société réalise des études de sûreté générale, d’intelligence économique et mène des missions de protection et d’intermédiation.

Un convoi de l’ambassade de France à Bagdad a été visé, lundi matin, le 20 juin 2011, à 08h17, par un attentat terroriste à la voiture piégée dans le quartier d’El Masbah, au sud de Bagdad, non loin de la résidence de l’ambassadeur de France à Bagdad, faisant sept blessés irakiens dont quatre gardes irakiens de l’ambassade. Les trois autres sont des passants qui se trouvaient là par hasard. Aucun membre du personnel diplomatique français ni du personnel français de sécurité n’a été touché, d’après le porte-parole de l’ambassade. L’attentat a eu lieu sur le trajet habituel emprunté par les convois de l’ambassade entre la résidence de l’ambassadeur et les bâtiments de l’ambassade. C’est le second attentat de ce genre dont l’ambassade est victime en trois semaines. Le premier attentat a eu lieu également sur le même trajet.

Le mode d’action choisi et le quartier de Bagdad où il s’est déroulé fait penser que la main de l’Iran est derrière cet attentat.

Quels messages sont-ils ainsi lancés par les iraniens vers les responsables politiques français ? Deux dossiers irritent fortement les iraniens.

La France a toujours suivi voire précédé inutilement la position américaine de diabolisation de l’Iran sur le dossier nucléaire alors que tout laisse à penser qu’il s’agit, une fois de plus, d’une désinformation du lobby militaro-industriel américain [1].

Bien plus, la veille de l’attentat, elle a accueilli le 19 juin à Villepinte, le rassemblement européen de plusieurs dizaines de milliers d’exilés et opposants iraniens. Cette manifestation aurait notamment réuni autour de Maryam Radjavi, présidente élue de la Résistance iranienne, plusieurs personnalités américaines très en pointe sur la dénonciation du régime iranien comme Rudy Giuliani, ancien maire de New York et candidat à la présidence des États-Unis (2008),Tom Ridge, premier secrétaire à la Sécurité intérieure des États-Unis (2003-2005) ou Bob Filner, membre du congrès et Président du Comité de la Chambre sur les affaires des anciens combattants depuis 2007. Tous les orateurs ont dénoncé avec vigueur la répression menée par le régime iranien notamment contre la principale organisation d’opposition irakienne, celle des Moudjahiddines du Peuple.

Autant il est légitime de fustiger le régime autoritaire du Président Mahmoud Ahmadinejad, autant il est contreproductif de suivre les États-Unis dans la dénonciation d’une menace inexistante. Par ailleurs, il serait utile que des leaders politiques français expriment leur souhait d’un retrait total des forces américaines d’Irak, selon le calendrier prévu (décembre 2011). Une évolution de la position française sur le dossier nucléaire iranien et une affirmation du souhait de voir l’Irak retrouver en décembre sa pleine souveraineté seraient de nature à tarir une source inutile de risques contre nos ressortissants en Irak.

Général (2S) Jean-Bernard PINATEL

[1] Lire mon précédent article du 10 juin 2011 : « L’arme nucléaire de l’Iran : une autre désinformation américaine qui se dégonfle ».


La France ouvre la voie à une alliance stratégique de l’Europe avec la Russie

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La France ouvre la voie à une alliance stratégique de l’Europe avec la Russie en vendant deux bâtiments de Projection et de Commandement (BPC) de type Mistral à la Russie. Cette vente s’est conclue le 17 juin à Saint-Pétersbourg, pour un montant de 1,2 milliards d’euros. Elle amplifie, de façon spectaculaire, la coopération française et européenne avec la Russie dans les domaines aéronautique et spatial [1], deux secteurs considérés comme stratégiques car les technologies qu’ils mobilisent sont duales (civiles et militaires).

Ces deux bâtiments seront fabriqués en France. La Russie pourra commander ultérieurement d’autres navires qui seront alors produits dans ses arsenaux.

Le BPC Mistral est un concept nouveau et original car il combine trois capacités : porte-hélicoptère, bâtiment porte engins amphibies et poste de commandement et d’appui logistique.

Porte-hélicoptère, le Mistral peut transporter 16 hélicoptères de type NH 90 (pour le transport de troupes et de matériels) et des Tigres (pour l’appui des troupes au sol). Les appareils sont abrités dans un vaste hangar de 1800 m² desservi par deux ascenseurs. D’une capacité de 13 tonnes, ces élévateurs sont situés à l’arrière du bâtiment et derrière l’îlot. Le pont d’envol (5200 m²) permet la mise en œuvre simultanée de 6 hélicoptères et l’appontage d’hélicoptère de 30 tonnes.

C’est également un navire amphibie, équipé d’un radier de 57,5 mètres de long, 15,4 mètres de large et 8,2 mètres de haut, il est conçu pour accueillir des engins sur coussins d’air et des chalands de transport de matériel (CTM) classiques. Le radier communique directement avec un hangar à véhicules de 2650 m² sur deux ponts pouvant stocker 70 engins dont 13 chars Leclerc. Des ateliers adjacents permettent l’entretien des blindés et camions dont l’embarquement s’effectue par une porte rampe latérale et une porte rampe radier.

C’est, enfin, un poste de commandement interarmées et interallié. A cet effet, le Mistral dispose sous le pont d’envol d’un vaste PC modulaire de 850 m². Ce local rend possible la conduite d’une opération interarmées, nationale ou multinationale. Un réseau de communication intégré permet aux États-majors de gérer au mieux le flux d’informations.

Cette décision confirme que le Président de la République a évolué dans sa réflexion stratégique. Il a pris conscience que les intérêts de l’Europe ne coïncidaient pas toujours avec ceux des États-Unis. [2] Il est passé outre les réserves émises par les États-Unis dont l’intérêt géostratégique permanent est de maintenir divisés les trois grands acteurs qui dominent l’Eurasie : l’Union européenne, la Russie et la Chine.

Général (2S) Jean-Bernard PINATEL

[1] La France entretient des relations avec la Russie dans le domaine aérospatial depuis 1966. La coopération franco-russe dans le spatial se développe dans le cadre de l’accord intergouvernemental du 26 novembre 1996.
Lire à ce sujet : La coopération franco-russe en matière de recherche et développement technologique et industriel.

[2] La vente de deux porte-hélicoptères de type Mistral à la Russie constitue une menace pour les intérêts des États-Unis dans la région, a déclaré vendredi la républicaine Ileana Ros-Lehtinen, présidente du comité des affaires étrangères au Congrès.


Robert Gates
met les pieds dans le plat de l’OTAN

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Et les commentateurs en tirent des conclusions erronées concernant les opérations en Libye

Le secrétaire américain à la Défense, Robert Gates, de George Bush et maintenu par Obama qui quitte ses fonctions à la fin de mois de juin. En guise de testament politique il a dit avec force, vendredi 10 juin, ce que les américains pensent de leurs alliés européens.

Il les a mis en garde contre « une alliance à deux vitesses », résultat du manque d’investissements militaires et de volonté politique.

Prenant en exemple le cas libyen, Gates a souligné avec raison que seulement 8 des 28 pays de l’OTAN - Belgique, Canada, Danemark, États-Unis, France, Italie, Norvège et Royaume-Uni - participent aux frappes aériennes en Libye. La moitié des États membres de l’Alliance atlantique n’apportent aucune contribution. Gates attribue cet absence de soutien à une insuffisance de capacités militaires : « Franchement, bon nombre de ces alliés restent à l’écart, non pas parce qu’ils ne veulent pas participer, mais simplement parce qu’ils ne peuvent pas. Les moyens militaires ne sont tout simplement pas là », a déploré M. Gates.

Il n’épargne pas pour autant ceux qui agissent : « onze semaines seulement après le début de l’opération, certains alliés commencent à manquer de munitions et exigent, une fois de plus, que les États-Unis compensent la différence ».

Cette vigoureuse mise en garde a conduit de nombreux commentateurs à faire plusieurs confusions qu’il importe de rectifier.

La première est sur la nature même de l’OTAN. L’OTAN n’est qu’une structure de commandement qui possède peu de moyens en propre. [1] C’est moins de 10 000 hommes et un budget de 2 Milliards de dollars. [2] En comparaison le budget militaire de la France est de 66 milliards de dollars. Ce sont les États membres de l’Alliance qui décident souverainement de leurs budgets militaires et qui mettent à disposition de l’OTAN des contingents plus ou moins importants, en fonction des opérations décidées au niveau du conseil de l’Atlantique Nord qui regroupe les représentants des chefs d’États membres de l’Alliance, sous la direction du secrétaire général de l’OTAN. Robert Gates a ainsi déploré que l’OTAN, « l’alliance militaire la plus puissante de l’histoire », qui peut revendiquer deux millions de personnes en uniforme, ait dû « lutter, parfois désespérément, (avec ses États membres) pour maintenir un déploiement de 25.000 à 45.000 soldats », en Afghanistan.

La seconde confusion a été d’en tirer comme conséquence que l’OTAN n’a pas les moyens d’une victoire en Libye, car elle n’a pas la capacité de durer. Cette conclusion hâtive fait fi des plusieurs faits importants.

Le premier fait est la décision prise par l’OTAN et annoncée récemment par son Secrétaire Général le norvégien Anders Fogh Rasmussen de prolonger de 90 jours la mission en Libye, tandis que le chef des opérations pour la Libye, le général canadien Charles Bouchard, a estimé cette semaine que la mission de l’OTAN pouvait être accomplie sans avoir recours à des troupes au sol.

Le second fait est d’ordre diplomatique. De plus en plus de pays ont reconnu ces derniers jours le Conseil national de transition (CNT) de Benghazi. Ils vont être probablement suivis dans les prochains jours par la Tunisie et l’Algérie où Alain Juppé s’est rendu cette semaine, ce qui terminera l’isolement géographique de Kadhafi et donc ses possibilités de ravitaillement terrestre.

Enfin, et c’est un fait indiscutable, le temps joue contre Kadhafi. Pourquoi ? Car plus le temps passe, plus ses moyens militaires subissent une attrition quotidienne importante. Si on en croit les communiqués de l’OTAN en 7 jours, du 9 au 15 juin, ce sont 21 chars, 10 véhicules de combat, 17 canons ou lance missile sol-sol et 18 lance missile ou canon anti-aérien qui ont été détruits. Plus le temps passe, plus les défections dans le camp de Kadhafi se multiplient. Plus le temps passe, plus les forces des insurgés se renforcent, s’organisent et acquièrent une expérience du combat. Les avancées de ces derniers jours en sont la preuve sur le terrain.

Il ne faut donc pas être sorti de Polytechnique pour comprendre que les jours de Kadhafi sont comptés, malgré la volonté farouche et la capacité de résistance de son clan.

La chute inéluctable de Kadhafi, qui interviendra probablement au cours de l’été, laissera néanmoins sans réponses les graves lacunes européennes en matière de Défense pointées du doigt par Robert Gates.

Général (2S) Jean-Bernard PINATEL

[1] Essentiellement la Force aéroportée de détection lointaine de l’OTAN (NATO Airborne Early Warning and Control Force) de 3 000 personnes civils et militaires comprenant 17 AWACS Boeing E-3 Sentry et 3 Boeing 707, basés sur la base aérienne en Allemagne et la Heavy Airlift Wing (HAW) créée en 2009, pour le transport aérien stratégique qui dispose de trois McDonnell Douglas C-17 Globemaster III sur la base aérienne de Pápa, en Hongrie.

[2] 6 pays financent à 80% ce budget (chiffres de 2007) approximativement : États-Unis 26%, Allemagne 20%, France 13%, Royaume Uni 11%, Italie 8%.


Les valeurs militaires
dans un monde sans repère

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Article publié dans Le Figaro, début juin 2011

En Afghanistan, en Afrique, partout où je rencontre nos soldats en opérations, je croise de jeunes héros. Ils sont bien de notre temps, mais vous les côtoyez souvent sans les voir, car ils ressemblent banalement à tous ces jeunes de France, qui vivent dans nos villes et nos campagnes. Ni lansquenets, ni bêtes de guerre, ils sont vos enfants, vos voisins, et aussi des jeunes filles et de jeunes mamans que l’on reconnait mal sous le casque et le gilet pare-balle. Beaucoup ont une famille, qui partage ce métier sans l’avoir choisi, au gré des mutations et des absences, sans espérer grand-chose en retour sinon la considération et le soutien de leurs concitoyens, quand un drame survient.

Ils portent les armes de la cité en votre nom, et chaque jour s’en servent, où vous les envoyez. Car leur métier est bien la guerre, même si, pour bien en mesurer le coût, ils chérissent plus que tout la paix…

Ils acceptent de payer le prix du sang, l’épreuve de la blessure. Mais, disent-ils, s’ils deviennent invalides, alors que ce soit « de guerre ». Leur plus grande crainte est d’être un jour regardés comme des victimes, maladroites ou incompétentes, qu’on aurait bernées dans une mauvaise aventure… Car même au fond d’un lit d’hôpital, leur silence et celui de leurs proches ne doivent pas faire oublier qu’ils sont fiers et soucieux de leur honneur. Ils croient que la mission est sacrée et qu’une vie peut lui être consacrée. Ils savent confusément qu’il n’est pas inique que l’individu se donne, corps et âme, à la collectivité. Ils y verraient même une certaine noblesse ou un trait qui les distingue et les grandit et c’est pour cela qu’ils ne sont pas des mercenaires. Mais ils le deviendront quand la cité ne les reconnaitra plus pour cette singularité !

Les soldats ont le tort d’être pudiques, quand il faut se vendre. Celui de ne pas être compris, parce qu’ils s’expliquent trop peu, se réfugiant dans un silence qui préserve les familles et évite les malentendus. Il est si difficile de témoigner de nos épreuves sans le recul du temps ! Mais quand bien même ils parleraient, pourquoi écouterait-on, quand rien n’y oblige, ceux qui finalement incarnent le tragique de la vie ? La mort leur colle à la peau alors que la société l’a rayée de son quotidien.

Pourtant, il n’est de héros sans légende. Et il suffirait ici de dire les faits, dans leur brutale simplicité. De considérer qu’en dehors de toute option politique le sacrifice d’un jeune Français pour les siens est une valeur en soi digne d’intérêt. Qui pourrait le faire, sinon les médias ? A de rares exceptions près - quelques émissions tardives, et d’excellents articles, si l’on cherche bien – c’est plutôt le silence qui règne, toujours moins cruel cependant que les quelques mots qui expédient nos pertes - chaque semaine - entre page judiciaire et météo du lendemain.

Alors quoi, finalement ? Notre société, si évoluée, avide de libertés et de loisirs, a-t-elle encore besoin de héros et de légendes ? Chacun connait la réponse. Les jeunes Français sont capables de donner vingt noms de footballeurs et chanteurs en tous genres devenus icônes de leur quotidien en délivrant le message de la célébrité et de l’enrichissement. Combien, d’individus qui - quel que soit leur métier - ont choisi de consacrer leur vie aux autres ?

Ces gamins de 20 ans, qui offrent leur vie quand la République le demande, mériteraient cette reconnaissance ! Mais ils ne font pas fortune. J’ai la faiblesse de croire qu’ils constituent cependant la plus précieuse de nos richesses, toute d’humanité, de chair et de sang.

Nous aurons toujours besoin de ces jeunes hommes et femmes pour ce métier de soldat, qu’aucune machine ne fera à leur place. Qui peut croire que la guerre devienne un jour l’affaire de robots commandés à distance par les « riches », contre des « pauvres » à la poitrine nue ? Aucune démocratie ne le supporterait. Les hommes sont condamnés à rester l’instrument premier du combat. Mais en trouvera-t-on encore longtemps pour porter nos armes ?

Rien n’est moins sûr si nous continuons à ignorer l’histoire de nos héros, qui est aussi celle de notre pays s’écrivant sous nos yeux. Rien n’est moins sûr si la nation n’y reconnait pas ses fils et persiste à refuser une considération qu’ils n’osent même plus solliciter, dans la cacophonie de ceux qui exigent tout et n’importe quoi. Une société « fabrique » ses défenseurs en leur offrant une place et une reconnaissance particulières. Elle génère, au sens propre, les volontaires qui feront le choix des armes, malgré des contraintes exorbitantes. Un choix rationnel, qui n’est pas seulement la réponse à l’irrésistible appel d’une vocation.

Prenons garde que ces volontaires ne deviennent les victimes silencieuses d’un pays qui ne se rappellerait plus ni leur mérite, ni leur utilité, ni même d’avoir un jour exigé leur sacrifice. Nous ne les trouverions simplement plus.

Général de corps d’armée Hervé Charpentier, Commandant des forces terrestres


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