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Retour sur trois années d’analyses géopolitiques

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Le contexte international des années 2011-2013 a été marqué par un début de désengagement américain en Asie centrale, au Moyen-Orient et en Afrique.

Profitant de ce repli, la Chine a accentué son effort de pénétration économique dans ces régions et en particulier en Asie centrale (Pakistan) et au Moyen-Orient (Iran, Irak) où elle recherche, à moyen terme, la sécurisation d’une partie de son approvisionnement énergétique par voie terrestre pour éviter les détroits d’Ormutz et de Malacca.

En Asie, la tension s’est accrue entre la Chine et ses voisins (Japon, Philippines, Vietnam), soutenus par les États-Unis à propos du partage des zones économiques maritimes et notamment de l’archipel inhabité dénommé Diaoyu par la Chine et appelé Senkaku par le Japon qui commande l’accès des SNLE [1] chinois aux eaux profondes du Pacifique.

L’incapacité des leaders européens à définir une position commune au Moyen-Orient avec la Russie concernant la Syrie, l’Iran et le conflit israélo-palestinien a contribué à aggraver la guerre civile confessionnelle en Syrie, à la diffuser en Irak et à maintenir ouverte la plaie israélo-palestinienne, source et prétexte du terrorisme contemporain.

En Afrique, la France, confrontée aux réticences d’Obama, prix Nobel de la Paix, à engager ses forces armées dans un nouveau conflit et à une diplomatie européenne lente ou rendue impuissante par l’absence de vision commune sur les menaces et les moyens d’y faire face, a été, comme dans les années 70 sous la Présidence du Président Carter , en première ligne face à la montée des périls sur ce continent, caractérisé par la déstabilisation islamique dans le Sahel et les crises politiques et ethniques en Côte-D’ivoire et en Centre-Afrique.

Malheureusement, au Moyen-Orient, par manque de culture géopolitique ou sous l’influence d’intérêts particuliers, François Hollande et Laurent Fabius ont pris des positions partisanes qui ont écarté la France d’un règlement de la crise syrienne et du dossier du nucléaire iranien. Bien plus, ils ont permis à la Russie de Poutine de prendre notre place traditionnelle de médiateur dans cette région et de nous ôter la possibilité de peser sur le règlement de ces crises par une négociation directe avec les États-Unis d’Obama.

2011

L’année 2011 est une année de transition entre la décennie 2000-2010, dominée par l’interventionnisme américain et les erreurs stratégiques qui l’ont accompagné, et la décennie 2011-2020, dont les premières années se caractérisent par un désengagement américain en Afghanistan et en Irak et un recentrage sur leurs problèmes internes économiques et sociaux.

Le contexte mondial, a été marqué par l’accroissement de l’influence chinoise en Asie centrale, la mort de Ben Laden et de Kadhafi et, en partie liés à cette modification des rapports de force, deux événements nous concernant : la promesse de vente des Rafales français en Inde ainsi que par un début de coopération stratégique de la France avec la Russie.

Libye

Le Président Nicolas Sarkozy, qui n’avait pas vu venir la révolution tunisienne, engage la France en collaboration avec la Grande-Bretagne pour soutenir les rebelles libyens. Cette action bilatérale met en relief l’absence de politique de défense européenne.
La chute de Kadhafi après six mois d’attrition du potentiel libyen par des frappes aériennes (avions et hélicoptères armés de l’Armée de Terre) quotidiennes guidées au sol par les forces spéciales, installe à Tripoli un Conseil National de Transition qui, restant sous la menace des chefs de guerre, ne parvient pas à organiser les élections de l’Assemblée constituante et à empécher la dispersion d’une grande partie de l’arsenal libyen dans le Sahel.

2012

La Chine inquiète ses voisins par sa puissance économique et les accès de fièvre nationaliste de ses dirigeants et s’oppose au Japon en mer de Chine. Ainsi, en Birmanie, les généraux de la junte au pouvoir, désireux de contrebalancer la colonisation rampante de leur territoire par la Chine, ouvrent la porte à une démocratisation de leur pays pour bénéficier de l’appui des occidentaux. La réélection de Poutine accélère le retour de la Russie sur la scène internationale.

En France, François Hollande, confronté dès son élection au piège de la défense anti balistique que les américains proposent de déployer en Europe de l’Est et à la provocation qu’elle constitue pour la Russie, en perçoit la menace pour nos intérêts grâce au rapport Védrine. Mais, mal préparé aux réalités internationales et intoxiqué par divers lobbies, il surestime, comme son prédécesseur, le risque iranien, ne perçoit pas la nature confessionnelle qui sous-tend la crise syrienne et commet une faute stratégique lors d’un discours à l’ONU sur le Mali en annonçant que la France limitera son intervention dans ce pays à un soutien logistique et de formation.

Mali

Le discours à l’ONU de François Hollande, est perçu par les islamiques d’AQMI et du MUJAO comme une garantie de la non intervention française en première ligne et constitue probablement un des éléments déclencheurs de leur offensive vers Bamako.
Heureusement, pragmatique dans l’urgence, François Hollande décide l’intervention des forces françaises au Mali qui font la démonstration renouvelée de leur réactivité et de leur exceptionnelle efficacité dans la conception et l’exécution opérationnelle de leurs actions.

2013

Le contexte international est clairement dominé par le repli des Etats-Unis hors de l’Asie centrale et du Moyen-Orient voulu par le Président Obama, réélu et soucieux de relancer l’économie américaine et de corriger un modèle social qui écrase les plus faibles.
La montée en puissance de la Chine en Asie face au Japon et en Afrique se confirme ainsi que le retour en force de la Russie de Poutine sur la scène internationale.

En France, François Hollande endosse le costume africain de ses prédécesseurs et défend l’influence de la France en Afrique, continent où le français reste une langue en expansion et dont les richesses en énergie et matières premières perspectives de développement attirent tous les acteurs internationaux.

Néanmoins toujours enfermé dans une vision idéologique et superficiellement émotive des relations internationales, François Hollande ne perçoit pas les vrais intérêts de la France au Moyen-Orient notamment en Syrie, en Irak et en Iran et se fait lâcher en rase campagne d’une part par les États-Unis qui s’entendent sur son dos directement avec les Russes en Syrie et sur le dossier nucléaire iranien et, d’autre part, par l’Europe sur le dossier centrafricain, notamment du fait du véto anglais qui voit d’un mauvais œil la France intervenir dans un pays où l’Afrique du Sud, membre du Commonwealth, essaye de nous remplacer militairement et économiquement en soutenant le Président Bozizé.

Centre-Afrique

L’intervention de la France en Centrafrique procède plus de la lutte d’influence que se livrent les grands acteurs mondiaux et régionaux dans ce continent en plein développement que d’une action pour éviter que le Centrafrique ne devienne, comme la Somalie, un repère djihadiste ou d’une intervention à but humanitaire pour éviter un affrontement de type confessionnel, même si cette dimension est nouvelle dans ce pays et doit être prise sérieusement en compte. La réussite de cette intervention dépend plus de ses volets politique, économique et humanitaire que de sa dimension militaire qui ne présente que des risques limités pour nos soldats mais des risques médiatiques pour l’image de nos forces engagées dans une mission d’interposition et de désarmement des milices.

En effet, malgré un mandat de la communauté internationale et les massacres interreligieux à Bangui, l’intervention française en Centre-Afrique commence dans un contexte international et national mitigé. L e soutien logistique et financier limité apporté par les Américains et les Européens à notre action, les déclarations contradictoires de François Hollande sur le maintien au pouvoir du Président centrafricain autoproclamé, Michel Djotodia, l’absence d’ennemi clairement identifié, les Sélékas étant un nom générique qui regroupe des formations seulement connues de quelques spécialistes, la mission même d’interposition entre des communautés qui rappelle les mauvais souvenirs du Rwanda ou du Liban, les moyens limités engagés dans un territoire plus grand que la France, la nouvelle réduction des effectifs militaires, annoncée au moment même où nous ouvrons un nouveau théâtre d’opérations, créent une toile de fond peu favorable à un soutien de l’opinion à cette intervention perçue, à tort, par les commentateurs comme un probable guêpier.

En conclusion

Ces trois années ont vu le maintien de l’influence de la France dans le Monde grâce à l’efficacité de son outil militaire démontrée en Afrique (Lybie, Mali) et cela malgré les erreurs diplomatiques des Président Sarkozy et Hollande au Moyen-Orient qui, surestimant les risques du nucléaire iranien et sous estimant la nature confessionnelle de la guerre en Syrie, n’ont pas permis à la France de conserver son positionnement traditionnel de médiateur et nous ont mis hors-jeu, ouvrant la porte à la Russie de Poutine qui a su trouver les voies pour un accord direct avec les Etats-Unis (le nucléaire Iranien et désarmement chimique de Al-Assad).

Général (2S) Jean-Bernard PINATEL

[1] Sous-marins Nucléaires Lanceurs d’Engins.

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