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Janvier 2015 : évaluation de la situation politique et militaire en Irak

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Situation politique

La scène politique Irakienne a été dominée par le débat sur la mise en œuvre de l’accord politique avec les sunnites qui a permis la mise sur pied d’un gouvernement d’union nationale, le vote du budget par le parlement et la lutte pour la Présidence de la coalition nationale irakienne.

Les points d’achoppements de l’accord avec les sunnites

Trois points sont l’objet de vifs débats entre les camps Sunnites, Kurdes et Shiites :

  • Abrogation de la loi de débasification
  • L’amnistie générale
  • La constitution de la Garde Nationale.

L’Union des Forces qui regroupe toutes les forces politiques sunnites représentées au parlement irakien a exigé du premier ministre irakien Al Abadi, l’accélération du rythme d’application de l’accord conclu entre les deux parties avant de former le gouvernement actuel, notamment en ce qui concerne la création de la garde nationale, l’amnistie générale et le règlement du dossier de débaasification.

Fouad Massoum

Fouad Massoum

Le président de la République irakienne, le Kurde Fouad Massoum, a indiqué de son côté dans une interview télévisée qu’il était pour l’abrogation de la loi de débaasification et pour remettre ses dossiers à la justice irakienne qui devra juger ceux qui avaient commis des actes et des crimes punissables.

Pour président du groupe parlementaire chiite, Sadikoune, l’accord pour former le gouvernement a prévu seulement de l’amender et non pas de l’abroger.

Les Kurdes, de leur côté, expriment des craintes de voir les habitants des régions sunnites armés car ils estiment que cela comporte des risques d’affrontement communautaire pour les zones litigieuses entre Bagdad et Erbil.

Le vote du budget

Le 12 janvier, le parlement irakien a achevé la deuxième lecture du projet du budget

Le 23 janvier, le représentant du chef religieux chiite Ali Al Sistani a appelé, dans son prêche de vendredi à Karbala, le gouvernement et le parlement irakiens à voter le plus vite possible le budget national de 2015 et selon les cours prévisionnels du pétrole les plus bas possibles.

Le 30 janvier, le parlement a voté un budget national, sur une base de 56 $/b, de 119.585 trillions DI (100 milliards de $) grâce au président du parlement qui est intervenu énergiquement auprès des chefs des groupes parlementaires pour résoudre tous les différends. La moyenne des exportations pétrolières irakiennes, y comprises celles du Kurdistan, serait actuellement de 3.3 millions b/j.

Lutte pour la Présidence de la Coalition Nationale irakienne

Le mois de janvier a également connu une lutte au sein de la Coalition Nationale Irakienne pour le poste de président de la coalition, vacant après la formation du nouveau gouvernement d’Al Abadi, et qui était occupé par l’actuel ministre des affaires étrangères, Ibrahim Al Jaafari. Le Conseil Islamique Suprême a proposé le nom de son chef Amar Al Hakim tandis que l’Etat de Droit de l’ancien premier ministre Nouri Al Maliki s’y est opposé farouchement, disant qu’Al Hakim ne peut être président de la coalition parce qu’il n’est pas membre du parlement irakien. Or la coalition nationale n’a pas de règlement intérieur et rien n’empêche Al Hakim de briguer ce poste. Toutefois, les partisans de Nouri Al Maliki s’acharnent pour garder ce poste parce qu’ils savent très bien que si quelqu’un du Conseil islamique suprême, du Courant Sadriste ou de l’aile d’Al Abadi au parti Dawa l’occupe, ils risquent de perdre ce qui leur reste encore de pouvoir et de ses privilèges et d’être jugés pour corruption, détournement de fonds et meurtres lors des deux mandats de leur chef Al Maliki.

Les opérations contre Daech et la situation sécuritaire

La guerre contre Daech

Bilan après six mois d’opérations

Le 7 janvier, le Pentagone a annoncé que, depuis le début des frappes aériennes, le 8 août 2014, puis en Syrie, depuis le 28 septembre, les appareils de l’alliance occidentale avaient lancé environ 5 000 bombes sur les positions de Daech, touchant plus de 3 000 cibles dont 58 chars.

De son côté, le porte-parole du secrétariat d’Etat américain à la défense, John Kirby, a affirmé, le 24 janvier, que Daech n’a perdu jusqu’à présent que 700 km² de ses territoires en Irak, c’est-à-dire, seulement 1% d’une superficie vaste de 55 000 km², occupés en 2014. Mais les zones libérées, notamment au nord de l’Irak, sont, selon lui, très importantes pour Daech. Pour le porte-parole du Pentagone, Daech, se trouve sur la défensive et a perdu des millions de dollars de ses revenus pétroliers et beaucoup de ses matériels de guerre qui seront difficiles à remplacer.

Le 25 janvier, les deux ministères irakiens de la défense et de l’intérieur ont publié un rapport commun sur les six derniers mois de combats contre Daech. Durant cette période, 4223 combattants du « Rassemblement des milices chiites irakiennes » ainsi que plus d’une soixantaine de « Gardiens de la révolution islamique Iranienne » dont cinq officiers supérieurs et trois combattants du « Hezbollah libanais » ont trouvé la mort dans les combats contre les moudjahidines de l’Etat Islamique. Parallèlement, le commandant du Rassemblement des milices chiites a estimé, dans une déclaration de presse, que Daech serait définitivement vaincu en Irak en quelques mois. Selon lui, la présence du chef des Gardiens de la révolution iranienne, Qassem Suleimani, sur les champs de bataille contre Daech a contribué à élever le moral des troupes des milices chiites. Selon lui le soutien de l’Iran à l’Irak dans la guerre contre Daech, est très supérieur à celui de l’alliance occidentale car ses combattants n’ont reçu d’armes et de munitions que de l’Iran.

La bataille pour isoler Mossoul

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Le 24 janvier, les Peshmergas ont lancé, à l’aube, une offensive sur les positions de Daech du district de Wana, situé à 25 km au nord-est de Mossoul, libérant plusieurs villages avec l’appui des appareils de l’alliance occidentale.

A Mossoul, selon des témoins locaux, les combattants de l’Etat Islamique sont moins nombreux qu’avant aux points de contrôle et on constate une augmentation du nombre de voitures qui transportent les morts et les blessés vers les hôpitaux de la ville. Les appareils occidentaux ont frappé ces derniers jours des positions de Daech au sein même de Mossoul. De sons d’explosions ont été entendus au nord-ouest de la ville. La DCA de Daesh a tiré sur les avions occidentaux.

Gouvernorat de Diyala

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Les forces armées irakiennes, soutenues par les milices chiites, ont totalement contrôlé, en janvier, le district de Mukdadyia qui était la dernière place forte de Daech dans le gouvernorat de Diyala (en rouge sur la carte ci-dessus). Selon les informations de presse, il y aurait eu, durant les combats de Mukdadyia, 50 morts parmi les forces armées et les milices chiites et 200 blessés. Daech y a perdu 15 hommes. Le vice-président sunnite de la république a lancé un appel au premier ministre et au président du parlement irakien pour faire stopper les exactions commises par les miliciens chiites qui accompagnaient les forces armées irakiennes à Diyala. Il a indiqué que ces miliciens ont dynamité des mosquées et des maisons dans les régions libérées, soulignant qu’il a reçu à ce propos beaucoup de plaintes de chefs de tribus et de dignitaires de la région.
Gouvernorat d’Al Anbar
Le 26, une opération conjointe comprenant l’armée et la police irakiennes, des combattants tribaux sunnites, des miliciens chiites, l’aviation irakienne et celle de l’alliance occidentale a permis la libération de la région d’Albou Ghanam qui se trouve à l’est de Ramadi. (voir la carte du point de situation de décembre).

Situation sécuritaire

En dehors des 4 gouvernorats où Daech est présent et de Bagdad, la situation est calme dans l’ensemble des 13 autres gouvernorats du Nord et du Sud du pays.

Du fait des opérations aériennes, Daech revient aux modes d’actions traditionnels des terroristes : des actions brutales avec peu d’effectifs et utilisant des voitures piégées et des kamikazes. On assiste donc à une augmentation des attentats dans les gouvernorats dans lesquels Daech déploie ses opérations. Ils ont causé 815 morts en janvier 2015 selon la répartition suivante : Niveneh, 254 ; Diyala, 138 ; Salahuldein, 122 ; Bagdad, 93, Kirkuk, 28.

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Focus sur Bagdad

En janvier, on note une moyenne de 2 attentats par jour faisant heureusement peu de victimes comparé aux grands attentats des mois précédents. Plusieurs gangs de ravisseurs ont été démantelés favorisant la baisse du nombre d’enlèvements. Toutefois, la situation s’est tendue à Bagdad lorsqu’un avion civil de la compagnie aérienne Fly Dubaï a été touché, le 27 janvier, par cinq balles alors qu’il atterrissait à l’aéroport international de Bagdad. Une petite fille, qui était à bord, a été légèrement blessée. Une enquête a été immédiatement ouverte et le ministre du transport s’est rendu sur place. Il a déclaré que les balles avaient été tirées de l’extérieur et non pas de l’intérieur de l’aéroport. Le lendemain, les forces de l’ordre ont lancé une vaste campagne de perquisition autour de l’aéroport, notamment à Abou Ghreb.

Dans sud du pays, la situation sécuritaire a été calme sauf à Bassora où on a observé une tension sectaire entre Sunnites et Chiites à la suite de l’assassinat, début janvier, de trois imams sunnites.


Evaluation de la situation politique et sécuritaire de l’Irak

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Al Maliki n’a pas renoncé au pouvoir et fait tout pour entraver la réussite de son successeur. La partie qui se joue entre l’ancien et le nouveau premier ministre sera décisive pour l’avenir du pays.

Dès la formation du nouveau gouvernement par Al Ebadi, Al Maliki a multiplié ses visites aux gouvernorats chiites du sud, faisant des déclarations politiques violentes et embarrassantes pour Al Ebadi concernant le budget national, les dépenses faites pour les volontaires des force paramilitaires du Regroupement Populaire et les accords pétroliers entre Bagdad et Erbil selon lesquels un demi-milliard de dollars ont été déboursés par Bagdad pour payer les salaires des fonctionnaires dans la province du Kurdistan.

De même, Al Maliki se serait servi de son influence sur l’appareil judiciaire irakien et notamment sur son président Madhat Al Mahmoud pour faire prononcer une peine de mort contre l’ancien député d’Al Anbar alors même qu’Al Ebadi avait contacté le pouvoir judiciaire, lui demandant d’ajourner la sentence parce qu’elle nuirait à ses efforts pour combattre Daesh, étant donné que les membres de la tribu du député Ahmed Al Alwani combattent à Al Anbar aux côtés de l’armée irakienne contre Daesh. Mais en vain, la peine de mort a été prononcée et a compliqué la situation au gouvernorat d’Al Anbar, notamment à Ramadi où des combats féroces se déroulent actuellement entre les membres de la tribu du député condamné à mort et Daesh. Suite à cette dernière action d’Al Maliki qui s’apparente à un crime de haute trahison dans un pays en guerre, Al Ebadi demandé à l’ambassadeur américain l’aide des Etats-Unis pour ouvrir et activer des dossiers inculpant Al Maliki de corruption et de malversation afin de pouvoir le poursuivre et l’emprisonner.

Cette guérilla contre le gouvernement d’Al Abadi ne l’a pas empêché de déployer une activité intérieure et internationale importante.

Al Abadi a lancé, le 12 novembre, une action visant à remplacer plusieurs dizaines de hauts gradés et de commandants des deux ministères de la défense et de l’intérieur. Ainsi, le vice-ministre Adnan Al Assadi qui était l’homme fort du Ministère de l’intérieur a été démis de ses fonctions, le 24 novembre.

Le gouvernement de Bagdad s’est mis d’accord avec celui d’Erbil pour régler toutes les questions en suspens entre les deux parties, notamment en ce qui concerne le pétrole. A cet égard, le ministre du pétrole irakien, Adil Abdul Mahdi, et le premier ministre du gouvernement local du Kurdistan, Nejervan Barazani se sont rencontrés pour trouver des solutions globales à toutes les questions en suspens. Dans un communiqué, les deux parties conviennent que le gouvernement de Bagdad vire 500 millions de dollars au gouvernement du Kurdistan et que le gouvernement du Kurdistan mette 150 000 b/j à la disposition du gouvernement de Bagdad. Il a aussi été indiqué qu’une délégation kurde sous la présidence du premier ministre du Kurdistan viendrait prochainement à Bagdad pour ratifier cet accord et trouver des solutions à long terme et en accord avec la constitution irakienne pour améliorer la gestion des richesses naturelles du pays.
Parallèlement El Abadi a entrepris une action diplomatique vis-à-vis des pays voisins. Le président de la république Fouad Massoum a visité, avec une délégation irakienne importante, l’Arabie Saoudite tandis qu’il se rendait lui-même à Téhéran et que le président du parlement irakien Salim Al Joubouri allait à Amman, en Jordanie. Par ailleurs, le premier ministre turc Ahmed Dawood Oglo est venu à Bagdad dans le cadre d’une visite officielle.

Enfin, le 25 novembre, le président de la république Fouad Massoum a rencontré, à Bagdad, le premier ministre Al Ebadi et le président du parlement irakien Salim Al Joubouri pour discuter des évolutions politiques et sécuritaires dans le pays ainsi que les mesures prises pour appliquer le programme gouvernemental et soumettre le budget national au vote du parlement irakien.

Situation sécuritaire

Avec l’appui des frappes aériennes de la coalition, la situation s’est consolidée et Daech a subi des revers et des pertes importantes sur les limites Est et Sud de son avancée en territoire Irakien comme le montre le croquis ci-dessous.

irak

La menace aérienne a contraint Daech à modifier ses modes d’action. On assiste ainsi à un retour à des tactiques de guérilla sur le pourtour de la zone qu’il occupe et à des actions terroristes dans les territoires limitrophes. Ainsi les 3 gouvernorats occupés en tout ou partie par Daech ont subi chacun une cinquantaine d’attaques terroristes qui ont causé de nombreux morts et blessés à Al Anbar (190 morts) , à Nineveh (180), Salah Ad Dein (115). Bagdad a connu de son côté une quarantaine d’attentats qui ont fait 130 morts. Deux autres gouvernorats où se déroulent des combats ont connu des attentats Dyala 36 (90 morts) et Kirkuk 36 (50 morts). Les douze autres gouvernorats du Nord et du Sud, la situation est calme et la sécurité est assurée.


Situation politique et sécuritaire en Irak : Octobre 2014

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Après la nomination du nouveau premier ministre Hayder Al Ebadi le 11 aout, la stabilisation de la situation militaire survenue au mois de septembre notamment grâce aux bombardements américains et à la mobilisation des milices chiites, la situation politique et sécuritaire de l’Irak connaît une inflexion positive même si elle reste limitée et si un long chemin reste à faire pour chasser Daech d’Irak. En effet, cette issue favorable dépend essentiellement des négociations en cours avec les sunnites qui ne font que commencer et dont les exigences légitimes pourront être difficilement acceptées par tous les partis chiites.

Situation politique

Conscient que la victoire dans la guerre contre Daech ne sera pas possible sans une union nationale et est donc de nature politique tout autant que militaire, le premier ministre irakien Hayder Al Ebadi s’est engagé dans une grande négociation avec les sunnites tant à Bagdad qu’avec ceux qui sont réfugiés en Jordanie qu’il est allé rencontrer en octobre à Aman. Il a, par ailleurs, nommé les Ministres de la Défense et de l’Intérieur, fonctions qu’Al Maliki n’avait jamais voulu pourvoir. Ces nominations démontrent sa volonté d’Union Nationale en nommant aux postes clés de Ministre de la Défense un responsable sunnite et aux finances un responsable Kurde [1].

Les nominations politiques

L’événement le plus important d’octobre est, sans aucun doute, la désignation, le 18 octobre, par le premier ministre des deux ministres de l’intérieur et de la défense, respectivement, Mohammed Al Ghadban, du bloc chiite Badr [2], et Khalid Al Oubedi [3], de la coalition sunnite Mitahidoune. Lors de la même séance parlementaire qui a officialisé cette désignation, le parlement irakien a aussi voté la désignation du vice premier ministre irakien Roz Nouri Shawis et du ministre des finances Hoshiar Zibari, tous deux de l’Alliance du Kurdistan.

Les négociations avec les Sunnites

Le premier ministre irakien Hayder Al Ebadi s’est rendu en Octobre à Aman où il a rencontré six grands chefs tribaux du gouvernorat d’Al Anbar. M. Al Ebadi a voulu ainsi élargir les négociations qu’il mène avec les chefs tribaux sunnites présents à Bagdad avec ceux exilés en Jordanie. Il cherche à faire participer les deux groupes au combat contre Daech. Tandis que le groupe de Bagdad affirme qu’il recevrait dans les prochains jours des armes d’une quantité illimitée du gouvernement irakien pour les distribuer à ses volontaires, des proches du groupe d’Amman indiquent, pour leur part, que ce groupe est sur le point de passer un accord avec le gouvernement irakien pour que ses 30 000 combattants sunnites soient mobilisés dans le combat contre Daech.

Par ailleurs, face aux menaces auxquelles les communautés sunnites d’Irak font face à la fois de la part de Daech mais aussi des milices chiites [4], plusieurs chefs religieux et tribaux sunnites et en particulier le grand chef religieux sunnite, Abdul Malik Al Saadi, résidant en Jordanie ont élaboré une initiative et l’ont remise au premier ministre irakien Hayder Al Ebadi lors de sa visite à Amman. Ces chefs religieux et tribaux ont souligné dans cette initiative, leurs doutes sur l’efficacité des frappes aériennes occidentales pour éradiquer Daech, précisant que si ces frappes ne sont pas accompagnées des solutions politiques qu’ils préconisent, elles ne permettraient pas de vaincre Daech et accentueraient encore davantage les violences communautaires en Irak. Ces revendications sont classées en 14 points et comportent notamment l’arrêt des bombardements et des pilonnages aveugles des villes sunnites, le retrait de l’armée irakiennes des régions sunnites, l’amnistie générale, l’abrogation de la loi de « débassification », la réintégration des officiers de l’ancienne armée irakienne et la dissolution des milices chiites comme sunnites.

Situation sécuritaire

La situation sécuritaire en Irak est très différente suivant les gouvernorats.

On ne signale aucun incident sécuritaire important dans 10 gouvernorats sur 18. Au Nord dans les trois gouvernorats kurdes et au Sud du Pays dans les 7 gouvernorats chiites (An Najaf, Al Diwaniyah, Wasit, Maysan, Dhi Qar, al Muthanna et Al Basrah.

Les 8 autres gouvernorats sont dans une situation sécuritaire plus ou moins grave suivant la présence et l’influence de Daech et les affrontements interconfessionnels :

  • Bagdad et les trois gouvernorats contrôlés par Daech ont connu de nombreux attentats : 50 à Bagdad (200 morts environ), 79 à Al Anbar (200 morts environ), 61 à Salahadine (120 morts environ), 51 à Nineveh (90 morts);

  • dans les 3 autres, la situation est moins critique : 36 attentats à Diyala (40 morts), 19 à Babel (70 morts), 5 à Karbala (18 morts).

Les principales opérations militaires d’octobre 2014

Les forces de sécurité irakiennes aidées par les Pechmergas et l’appui aérien de la coalition visent dans un premier temps à repousser et contenir Daech à l’Ouest du Tigre. A cet effet, elles ont mené plusieurs opérations visant à reprendre le contrôle des ponts au Nord de Bagdad et au Nord-ouest de Mosul.
Afin de parfaire ce contrôle, Tikrit devrait être leur prochain objectif. De son côté Daech, en s’emparant de la ville de Hit, s’assure le contrôle l’axe Al Qa’im (ville frontière avec la Syrie), Falluja qui borde le Sud de la zone qu’il occupe.

irak

Les forces de Daech ont pu s’emparer de plusieurs zones et localités à la suite du retrait des troupes gouvernementales. Le 2 octobre, après deux jours de combats faisant de nombreuses victimes, la ville de Hit est tombée entre les mains de Daech. Ce qui a causé un exode des populations civiles. Cette progression de Daech a été rendu possible grâce à l’aide de 3000 combattants venus en renfort de Syrie. Selon l’un des chefs de la tribu d’Albu Nimer, Daech a exécuté 50 membres de cette tribu et assiège actuellement, au nord de Ramadi, 200 autres dont des femmes et des enfants.

Les forces irakiennes ont mené trois opérations majeures.

Au nord du gouvernorat de Babel, soutenues par des milices chiites ont pu libérer le district stratégique de Jurf Al Sakhar qui se trouve à mi-chemin entre Bagdad, Karbala, Babel et Al Anbar. Mais cette victoire a été très coûteuse en vies humaines. La localité est presque vidée de ses 80 000 habitants. A la suite de quatre mois de combats et de pilonnages systématiques de l’aviation et de l’artillerie, environ 10 000 miliciens chiites pro-gouvernementaux sont entrés dans la ville où ne résidaient plus qu’environ 400 familles en majorité sunnite. On a rapporté que des actes de vengeance ont été perpétrés contre les membres de ces familles par les miliciens chiites.

Au gouvernorat de Salah Dine, selon une source de l’armée irakienne, les troupes irakiennes soutenues par des milices chiites se sont emparées, après plusieurs mois de combats violents avec les hommes de Daech, des deux quartiers de Tamim et de Naft de la ville de Béji qui se trouve à 40 km au nord de Tikrit et à 170 km au nord de Bagdad.
Pour sa part, le président Fouad Massoum a déclaré lors d’une réunion tenue avec une délégation de la mairie de Mossoul que les préparatifs de la libération de Mossoul étaient en cours.

Au nord du pays, les forces irakiennes ont progressé à l’intérieur de la localité de Zemar. Selon une source, la police locale de Zemar a repris son travail habituel. A cette opération qui a duré trois jours sous une couverture aérienne des appareils irakiens ont pris part des Pechmergas, des milices chiites et des membres des tribus locales.

Général (2S) Jean-Bernard PINATEL

[1] Avec les Kurdes les différends portent surtout sur des questions économiques (budget, pétrole).

[2] Pro iranien.

[3] Originaire de Mosul et en charge de cette base aérienne où étaient stationnés les Mirages achetés à la France par Saddam Hussein.

[4] Utiles pour la lutte contre Daech, les milices chiites se livrent à des exactions contre les populations sunnites qu’ils sont sensés libérés. Leur contrôle par le pouvoir et ultérieurement leur désarmement une fois Daech refoulé hors d’Irak constitueront le facteur essentiel de la normalisation de la situation politique en Irak.


Demain, l’Irak libéré de l’EI ?

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Contrairement à ce que pensent tous les observateurs, le destin de l’Irak ne dépend pas de la coalition internationale initiée par Obama qui ne fera qu’appuyer un sursaut intérieur que l’Etat islamique (IE) a provoqué en Irak et au Moyen-Orient.

En effet, les succès spectaculaires des djihadistes n’ont été possibles que parce que trois gouvernorats à dominante sunnite [1] étaient déjà depuis plus d’un an en rébellion ouverte contre le pouvoir shiite sectaire d’Al Maliki. Peu d’observateurs ou d’« experts » ont pris en compte ce que j’écrivais dès juin 2013 [2] et qui explique le succès éclair de l’EI: « Après plusieurs mois de manifestations et de désobéissance civile des minorités sunnites dans les gouvernorats de l’Est et du Nord de l’Irak contre la politique du gouvernement Maliki, la répression sanglante par les forces de l’ordre, le 23 avril dernier, des manifestations de la place de Hawija a constitué le facteur générateur de crise qui a fait basculer les régions sunnites d’un état de protestation à celui de révolte armée. Début mai, de petites révoltes menées par des tribus sunnites ont éclaté un peu partout dans les zones sunnites irakiennes. Des localités situées dans les gouvernorats de Salah Dine, Diyala et Mossoul ont été attaquées et sont tombées seulement en quelques heures entre leurs mains. Les tribus d’Al Anbar ont annoncé la formation d’une armée tribale pour défendre le gouvernorat à la fois contre des groupes armés et l’armée irakienne. Les événements de Hawija ont mis en lumière plusieurs facteurs qui sous-tendent la situation sécuritaire actuelle en Irak : la fragilité des forces de l’ordre locales dans les zones de combats (elles n’ont résisté que quelques heures dans certaines localités); l’émergence au grand jour de l’Organisation des Hommes de Nakshbandyia qui est une émanation armée du parti Baas interdit. Elle s’est opposée aux forces de l’ordre dans les zones de Slimane Baig, Kara Taba et Mossoul; beaucoup des villes qui sont tombées entre les mains des membres des tribus sunnites se trouvent sur la bande frontalière avec le Kurdistan. Ce qui peut faire penser que les Kurdes jouent un certain rôle dans l’instabilité de ces zones ou bien ne sont pas mécontents de montrer à Maliki que sans leur aide il sera incapable de maintenir l’ordre dans le Nord ».

Le sursaut irakien

La situation politique

Son parti étant arrivé en tête aux élections législatives d’Avril 2014, le premier Ministre Al Maliki souhaitait briguer un 3ème mandat. Mais les deux autres formations shiites dont il avait besoin pour avoir la majorité à l’Assemblée voulaient bien former une coalition avec son parti à condition qu’il n’en prenne pas la tête, refusant de cautionner plus longtemps sa politique sectaire. La situation était ainsi bloquée et plongeait davantage l’Irak dans une crise de régime. Et c’est paradoxalement l’offensive de l’Etat islamique qui a permis le sursaut irakien. Il a été d’abord était rendu possible par le refus du chef spirituel shiite, l’ayatollah chiite Ali Sistani, d’approuver ce troisième mandat. Al Maliki a tout essayé pour le convaincre mais en vain. L’Ayatollah Sistani a refusé de rencontrer une délégation qu’il avait envoyée pour obtenir sa bénédiction pour le troisième mandat. Ses milices l’ont ensuite abandonné en se servant du prétexte qu’elles ne voulaient pas désobéir au grand chef religieux de Najaf.

Lâché aussi par Obama qui a bien compris que sans son départ et la création d’un gouvernement d’union nationale, il n’y aurait pas de victoire possible contre l’EI. Nouri Al Maliki, a finalement renoncé au pouvoir le 14 aout, après avoir essayé de s’y accrocher pendant 5 jours. En effet, le nouveau président de la république, Fouad Massoum, avait désigné dès le 9 aout, Hayder Al Ebadi [3] pour former le nouveau gouvernement irakien.

Dès sa nomination comme premier ministre, Al Ebadi a fait savoir qu’il élaborerait un programme gouvernemental prenant en compte toutes les propositions faites par les autres formations politiques, susceptibles d’aider à résoudre les crises politique, sécuritaire et économique du pays. Il a aussi indiqué qu’il choisirait des ministres compétents et technocrates.
En réponse à ces intentions, les principaux blocs politiques Sunnites et Kurdes, qui étaient exclus jusqu’à présent du pouvoir, ont publié chacun un programme de respectivement 17 [4] et 19 points. Les décisions, que le nouveau gouvernement irakien prendra par rapport à ces revendications, conditionneront le ralliement des tribus sunnites dont la rébellion a été en partie financée par le Qatar et l’Arabie Saoudite. Parallèlement, craignant pour leur propre sécurité depuis que leurs anciens affidés djihadistes se sont affranchis de leur tutelle, ces monarchies du golfe se sont engagés désormais à faire pression pour amener les tributs sunnites à se rallier au nouveau gouvernement irakien. Or, sans leur soutien les djihadistes ne pourront se maintenir que marginalement en Irak.

L’évolution de la situation sécuritaire

Dès la désignation de Hayder Al Ebadi pour former le nouveau gouvernement irakien, la situation sécuritaire s’est sensiblement améliorée, notamment à Bagdad et dans les gouvernorats rebelles sunnites comme le montre l’évolution du nombre d’attentats au cours du mois d’aout.

Armes à feu Engins explosifs Attaques suicidaires Total des attentats
S1 124 89 24 237
S2 88 67 4 159
S3 56 43 8 107
S4 14 22 16 52

L’intervention de forces étrangères dans la bataille contre l’Etat Islamique a permis de modifier le rapport de forces au Nord et à l’Est. Les avions américains et les forces kurdes du PKK turc, du PYD syrien et du PJAK iranien ont pris part aux combats aux côtés des Peshmergas irakiens, au nord de Ninive. Le 18 août, les forces de Peshmergas, grâce à un appui aérien américain et à un soutien des forces armées irakiennes, ont pu stopper la progression des Jihadistes de l’Etat Islamique, les obligeant même battre en retraite. Quelques jours plus tard, le barrage de Mossoul a été libéré ainsi que plusieurs localités et villages chrétiens comme Tel Skuf, Sharifia et Batinia.
Il est important de comprendre que l’Etat Islamique compense sa faiblesse numérique (probablement pas plus de 10 000 djihadistes introduits en Irak contre 180 000 Peshmergas et plusieurs centaines de milliers de forces de sécurité irakiennes) par une grande mobilité (ce qui leur permet de renverser localement en leur faveur le rapport de forces), un aguerrissement supérieur à leurs adversaires et l’utilisation de moyens d’actions non conventionnels dans leurs offensives comme des attaques de kamikazes et de camions piégés. Ainsi dans le gouvernorat de Diyala, le 10 août, lorsque les Jihadistes de l’EI ont attaqué Jalawla, ils ont utilisé 3 voitures piégées et une vingtaine de kamikazes portant des uniformes de Peshmergas et des ceintures d’explosifs qui se sont infiltrés dans les positions des Peshmergas avant de se faire exploser, les obligeant à reculer vers Khanaqin. Simultanément, un kamikaze conduisant un camion-citerne d’hydrocarbures s’est fait exploser contre un point de contrôle des peshmergas situé sur un pont reliant Jalawla à Khanaqin pour empêcher l’arrivée des renforts.

Aujourd’hui, les combats continuent toujours dans plusieurs régions d’Al Anbar, Diyala, Salah Dine, du nord de Bagdad et de Babel. Face à la menace aérienne, les Jihadistes se retranchent dans des villes au milieu des civils où l’appui aérien ne peut être que limité. Ils contrôlent toujours fermement une zone à l’Ouest et a Nord de l’Irak et mènent des incursions dans le reste des gouvernorats sunnites comme l’indique la carte ci-dessous :
situation

En conclusion

L’existence de l’Etat irakien n’est plus menacée. L’EI sera incapable de s’implanter durablement en Irak et son élimination ne demandera pas plus de 6 mois à 1an en fonction du ralliement des tribus sunnites, lui-même conditionné par les décisions d’apaisement qui seront prises par le nouveau gouvernement irakien. Le problème le plus délicat à régler à moyen terme pour le nouveau pouvoir irakien sera la négociation avec le Kurdistan sur certains acquis territoriaux et économiques réalisés à l’occasion de la guerre avec IE (notamment Kirkuk et son bassin pétrolier, vente direct du pétrole « Kurde » à la Turquie.)

Général (2S) Jean-Bernard PINATEL, auteur de Carnet de guerres et de crises 2011-2013, Lavauzelle, Mai 2014.

[1] Al-Anbar, Dyala, Salu Uddin

[2] La guerre civile confessionnelle gagne l’Irak, 9 juin 2013

[3] Ingénieur électricien de formation, il a vécu une vingtaine d’années en exil, en Grande-Bretagne. II occupait la fonction de vice-président du parlement irakien, et était considéré comme modéré et homme qui recherche des solutions consensuelles bien qu’il appartienne au même parti chiite Dawa de Nouri Al Maliki.

[4] « Réaliser un équilibre communautaire dans toutes les institutions de l’État. Assurer l’indépendance de la justice et l’épargner de toute influence politique. Faire preuve d’une bonne volonté en libérant les prisonniers et en décrétant le plus rapidement possible la loi d’amnistie générale. Restituer les avoirs et les biens fonciers confisqués illégalement à l’Organisme de Mainmorte sunnite et à certains citoyens. Appliquer le deuxième amendement de la loi 21, relatif à l’élargissement des pouvoirs et compétences des maires et des conseils municipaux. Lancer des projets stratégiques de transport aux gouvernorats d’Al Anbar, Mossoul, Salah Dine et Diyala, surtout les projets de chemins de fer et d’aéroports. Dissoudre les commandements des opérations des gouvernorats et charger la police locale et les gardes-frontière de la mission de gestion du dossier sécuritaire. Légiférer la loi de service militaire obligatoire. Prendre part à la prise de décision sécuritaire et militaire de manière à exprimer la diversité de la société irakienne. Poursuivre toutes les forces de terrorisme et les milices, quel que soient leurs origines ou dénominations. Interdire l’utilisation des mots et des surnoms à connotation sectaire ou ethnique dans toutes les institutions de l’Etat, notamment dans les écoles et les universités. Elaborer un plan de reconstruction pour les gouvernorats délaissés et touchés par les opérations militaires. Arrêter les opérations militaires et le bombardement par avion des gouvernorats de Ninive, Al Anbar, Salah Dine, Diyala, Kirkuk et les environs de Bagdad. Rapatrier les déplacés chez eux. Garantir la liberté d’expression comme c’est stipulé dans la constitution. Abroger la loi d’Inquisition et Justice parce qu’elle n’est plus nécessaire et accorder le poste de vice président de la république aux Forces Nationales. Faire preuve de bonne volonté en libérant les dirigeants de l’ancienne armée irakienne.


Situation Militaire en Irak : 24 et 25 juin 2014

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La Province d’Al ANBAR est presque entièrement contrôlée par les insurgés sunnites et ISIL. Néanmoins certains points d’importance stratégique et économique en limite de zone sont fernement tenus par les forces de sécurité irakiennes qui ont repoussé les assauts de l’ISIL.

Les combattants d’ ISIL ont notamment essayé de s’emparer du contrôle du barrage d’Hadhidta sur l’Euphrate mais il ont été repoussés par les forces de sécurité irakiennes. Les environs de Bagdad sont fortement protégés et une ceinture de sécurité a été établie au Sud de la province d’Al Anbar pour empêcher tout débordement par le Sud.

Bagdad est calme et sous haute surveillance des forces de sécurité. L’aéroport est congestionné par le nombre de passagers voulant quitter le pays.

Les derniers dix jours montrent que conformément à leur stratégie les insurgés et ISIL contrôlent la province d’Al ANBAR excepté certains points à haute valeur stratégique et économique. Ils contrôlent notamment toute la frontière syrienne et ses points de passage routiers sur presque toute sa longueur ce qui leur permet de recevoir par voie terrestre des approvisionnements de la Turquie et de l’Arabie saoudite via la Syrie.

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Général (2S) Jean-Bernard PINATEL


L’évolution de la situation militaire en Irak les 20 et 21 juin

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La situation militaire a peu évoluée ces dernières 48 heures à l’exception de la prise de contrôle par ISIL:

  • du poste frontière AL Qa’im avec la Syrie
  • de 5 villages dans le district de Al Moqdad

Les forces de sécurité irakiennes contrôlent toujours la raffinerie de Baiji.

Les faits à suivre : y aura-t-il une suite aux combats qui ont opposé ISIL et le JRTN au Sud-Ouest de Mossul ? Comment les divergences qui s’expriment entre sunnites de Mossul sur le soutien à apporter à ISIL vont-elles évoluer à la lumière de ces combats ?

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Général (2S) Jean-Bernard PINATEL


Evolution de la situation militaire en Irak : bilan des 18 et 19 juin 2014

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Durant ces dernières quarante-huit heures tant à l’Ouest et au Sud du Kurdistan les Peshmergas ont conforté leurs positions, tandis qu’à l’Ouest et au Nord de Bagdad les forces de sécurité irakiennes ont repris l’offensive enregistrant des premiers succès. Les djihadistes s’efforcent de couper toute continuité géographique entre les forces de sécurité irakienne et les Peshmergas.
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Gouvernorat de Kirkuk

Des violents combats ont eu lieu en différents endroits de la périphérie de Kirkuk après plusieurs salves de roquettes « Katioucha » tirées par les Peshmergas contre les insurgés dans la région de Mulla Abdulla 10 km à l’Ouest de Kirkuk ; Ces combats n’ont permis aucun progrès des insurgés vers la ville contrôlée entièrement par les Peshmergas appuyées par des miliciens turkmènes.

Néanmoins les djihadistes essaient de contourner Kirkuk par le Sud afin de contrôler la route Bagdad Kirkuk où 7 Peshmergas ont été tués par l’explosion d’un IED.

Gouvernorat de Salah Uddin

Les combats autour de la raffinerie de Baiji se sont poursuivis. Les attaques des djihadistes d’ISIL ont été repoussées. Au cours de ces combats le chef Djihadiste saoudien nommé Abu Yamama al-Dosari a été tué. Les 200 employés qui restaient encore dans la raffinerie ont pu être évacués.

Des violents combats ont opposé les forces de sécurités irakiennes et les insurgés à Al Alam au 5 km Nord de Tikrit.

Les Peschmergas, sous la pression des insurgés et des djihadistes se sont retirés du district de Tuz Khurma qui est un important carrefour à 50Km au Sud de Kirkuk.

Gouvernorat de Diyala

Le gouverneur de Diyala a échappé à un attentat alors qu’il visitait à Baqubah la prison où 40 prisonniers appartenant à Al-Qaida ont été exécutés il y a quatre jours.

Des combats ont opposés les Peshmergas et les insurgés dans le district de Jalawla. La ville de Qarah Tappah est contrôlée par les Peshmergas.

Les forces de sécurités irakiennes contrôlent 6 villes dans le Sud du gouvernorat, les peshmergas le Nord et les djihadistes et insurgés 9 villes dans le centre

Gouvernorat d’Al Anbar

Les forces de sécurité irakiennes ont repris l’offensive dans ce gouvernorat.

Les combats se poursuivent dans le district d’Al Qaem à proximité de la frontière Syrienne qui contrôle la route directe Alep Bagdad. Les Forces de sécurité irakienne ont repris les contrôle de la ville de Nahr as Saqlawiyah qui couvre l’axe principal (N1) Bagdad Bassora et du village Abu Taiban au Sud de la ville de Ramadi. Par ailleurs, elles ont repoussé une attaque contre le poste de police de Haditha au Nord-Ouest de Ramadi.

Bagdad

Bagdat totalement quadrillé par les forces de l’ordre Est calme seuls deux attentats ont été signalés qui ont blessé 5 civils.

Gouvernorat de Karbala

Une grande manifestation organisée par le gouverneur de la Province s’est tenue hier au cours de laquelle 5000 volontaires réservistes de l’Armée ont été mobilisés pour sécuriser la province.

Général (2S) Jean-Bernard PINATEL


Situation militaire en Irak, le 17 juin 2014

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Voici la situation militaire en Irak, hier 17 juin telle que j’ai pu la reconstituer avec l’aide de plusieurs messages de mes amis irakiens. On voit que les djihadistes n’ont pas pu déboucher hors des zones à dominante sunnite. Les Peshmergas ont avancé et contrôlent toutes les zones à dominante de peuplement Kurde. Bagdad est calme. Le rétablissement de la situation dans ces zones prendra du temps et passe par la négociation avec les tribus sunnites. Sinon la ligne de front actuelle marque le tracé de la partition de l’Irak où son évolution en trois États fédérés.

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Gouvernorat de Kirkuk

La ville et une grande partie du gouvernorat est sous le contrôle des Peshmergas. Néanmoins le District de Daqooq et la ville d’Al Hawija sont sous le contrôle des djihadistes.

Gouvernorat de Salu Uddin et ville de Tikrit

Les villes de TIkrit, Albu, Seniya, Eoainat, Sulaiman, Bek et les faubourgs d’Awja sont contrôlés par les djihadistes et les insurgés sunnites. Les combats se déroulent autour de Samara et de la raffinerie de Baiji dont la production a été stoppée et le personnel évacué.

Gouvernorat de Diyala

La population est mélangée d’Arabes et de Kurdes majoritairement sunnites. Au Nord les Peshmergas ont occupé les zones à majorité Kurdes : Jalawla, Khanaqin and KaraTaba. Les Faubourgs de Al Uthaim et Saadiya sontcontrôlés par les insurgés sunnites. Baquba, le chef-lieu de la province est l’objet d’attaques d’insurgés sunnites.

Gouvernorat d’Al Anbar

Faludja et pratiquement tout le gouvernorat est contrôlé par les insurgés sunnites notamment la ville frontière de Trebil, Kubaisa, Ana, Rawa, Rutba, Heet et Haditha sont contrôlées par les insurgés sunnites et les djihadistes. Néanmoins les forces de sécurité irakiennes contrôlent toujours le district d’Al Khalidiya.

Général (2S) Jean-Bernard PINATEL


La situation en Irak et perspectives

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Écoutez également l’interview accordée par Jean-Bernard PINATEL à FRANCE CULTURE, lors du journal du 12 Juin 2014, à 22h :

Irak : les jihadistes s’approchent de Bagdad, Barack Obama n’exclut aucune option

Les faits

Mossoul, la deuxième ville d’Irak, bordée de champs pétroliers, est tombée, mardi 10 juin, aux mains de l’Etat islamique en Irak et au Levant (EIIL). Mercredi matin, cinq cent mille civils fuyaient la ville, selon l’Organisation internationale pour les migrations.

Après le gouvernorat Al-Anbar avec la ville de Falloujah (200 000 habitants 15ème ville d’Irak), mythique pour les Marines américains qui est aux mains des djihadistes qui ont trouvé appui ou neutralité auprès des tribus sunnites écœurées par le sectarisme du Premier Ministre Maliki, voici Mossoul (2 000 000 habitants-3ème ville d’Irak) qui est aux mains des Djihadistes. Ils contrôlent désormais une zone à cheval sur le Nord Est de la SYRIE et le Nord Ouest de l’Irak.
groupes

Analyse de la situation

Cette offensive Djihadistes tombe au plus mauvais moment pour le Premier Ministre sortant Al Maliki. Certes sa liste “coalition pour l’État de droit” est arrive en tête aux dernières élections législatives de fin Avril 2014 mais avec 92 députés il a besoin de nouer des alliances pour atteindre la majorité de 165 sièges. Or les deux autres grands partis shiites, la coalition libérale de Moktar Al Sahr (34 députés) et la Coalition des citoyens de Ammar Al Hakimi (27 députés) ont déclaré être prêts à s’allier avec la coalition de l’État de droit pour gouverner à condition que ce parti désigne un autre chef de file que Maliki. Est-ce l’urgence de la situation militaire nouvelle va infléchir leur position et voter l’État d’urgence et les pleins pouvoirs que réclame Maliki.

A-t-il d’autres solutions alternatives ? Une alliance avec les Kurdes qui ont 62 députés [1] n’est réalisable qu’à deux conditions : qu’il cède sur le statut de Mossoul et de Kirkuk et des champs pétroliers qui les entourent. Les Kurdes en revendiquent le contrôle. Et, de plus, qu’il autorise le Kurdistan à attribuer des concessions et à exporter directement son pétrole via la Turquie sans autorisation préalable de Bagdad. A ce prix politique que Maliki a toujours refusé de payer jusqu’à présent, les peshmergas qui disposent d’une force de plus de 150 000 hommes bien entrainée et équipée sont en mesure de chasser les islamiques des positions qu’ils viennent de conquérir. Ce n’est malheureusement pas le cas de l’Armée irakienne qui a été dissoute par les américains et a été reconstituée à partir de 2009 en incorporant notamment des milices sans tradition ni valeur militaire. De plus Maliki s’est toujours méfiée de l’Armée et elle est donc mal équipée et mal entrainée.

Perspectives

Les djihadistes contrôlent aujourd’hui en Irak toutes les zones à forte implantation sunnite qui sont situées essentiellement à l’Ouest de l’Irak, créant un continuum avec le Nord Syrien où ils règnent aussi par la terreur. Mais aujourd’hui Ils ont atteint le point ultime de leur conquête. Et ils ne pourront pas conserver ces zones bien longtemps soit du fait de l’alliance de Maliki avec les Kurdes qui serait une solution irakienne et dont la mise en œuvre peut être rapide soit à moyen terme du fait de l’intervention des Turcs et des iraniens qui ne peuvent accepter de voir se constituer à leurs frontières un nouvel sanctuaire djihadiste. Notons que si l’Arabie Saoudite et le Qatar, les États-Unis voire la France de François Hollande ne les avaient pas aidés à fonds perdus en Syrie en croyant pouvoir es utiliser pour atteindre leurs objectifs stratégiques on n’en serait pas là. Mais les terroristes se sont émancipés de la tutelle de leurs sponsors grâce à des trafics de tout ordre dont la contrebande du pétrole extrait des champs pétroliers de Syrie qu’ils contrôlent. Au final ce sont toujours les populations civiles qui sont les victimes des erreurs de jugement de leurs dirigeants au Moyen-Orient aujourd’hui et demain en Europe.

Général (2S) Jean-Bernard PINATEL

Auteur de Carnet de guerres et de crises 2011-2013, Lavauzelle, Mai 2014

[1] Les autres formations sont la coalition Sunnite avec 55 députés qui restera plus que jamais dans l’opposition et les listes laïques (26 députes) et divers (11 députés) qui ne peuvent être qu’une force d’appoint.


La guerre civile confessionnelle gagne l’Irak

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Débordant de Syrie, la guerre civile confessionnelle gagne l’Irak tandis que l’activisme verbal de la diplomatie française n’a pour seul effet que de mettre en danger nos ressortissants travaillant ou voyageant dans le Sahel et au Moyen-Orient.

La situation en Syrie, où règne depuis deux ans une guerre civile confessionnelle dans un pays autre fois laïc où toutes les religions vivaient en paix, influe sur la situation sécuritaire en Irak. En effet, en mai 2013, la violence y a franchi un niveau que l’on n’avait plus connu depuis 2006 mais aujourd’hui elle ne s’exerce plus contre l’occupation américaine mais oppose les Chiites et les Sunnites.

Après plusieurs mois de manifestations et de désobéissance civile des minorités sunnites dans les gouvernorats de l’Est et du Nord de l’Irak contre la politique du gouvernement Maliki, la répression sanglante par les forces de l’ordre, le 23 avril dernier, des manifestations de la place de Hawija [1] a constitué le facteur générateur de crise qui a fait basculer les régions sunnites d’un état de protestation à celui de révolte armée.

Début mai, de petites révoltes menées par des tribus sunnites ont éclaté un peu partout dans les zones sunnites irakiennes. Des localités situées dans les gouvernorats de Salah Dine, Diyala et Mossoul ont été attaquées et sont tombées seulement en quelques heures entre leurs mains. Les tribus d’Al Anbar ont annoncé la formation d’une armée tribale pour défendre le gouvernorat à la fois des groupes armés et de l’armée irakienne.

Par contrecoup, Bagdad, où cohabitent Sunnites et Chiites, a connu une vague d’attentats, sans précèdent depuis 2006. En mai, 684 attentats ont été recensés, réalisés à l’engin explosif, à la bombe magnétique, à la voiture piégée ou par ceintures d’explosifs. Ils ont fait, selon nos sources, 341 morts et 636 blessés [2]. Comme d’habitude, les militaires, les membres des forces de l’ordre et de Sahwa [3], les parlementaires, les hommes politiques et les fonctionnaires publics étaient ciblés par ces attentats. Mais ils ont aussi visé des rassemblements ordinaires de simples citoyens irakiens dans des gares routières, des marchés de fruits et légumes ou des restaurants.

Les événements de Hawija ont mis en lumière plusieurs facteurs qui sous-tendent la situation sécuritaire actuelle en Irak :

  • la fragilité des forces de l’ordre locales dans les zones de combats. Elles n’ont résisté que quelques heures dans certaines localités;
  • l’émergence au grand jour de l’Organisation des Hommes de Nakshbandyia qui est une émanation armée du parti Baas interdit. Elle s’est opposée aux forces de l’ordre dans les zones de Slimane Baig, Kara Taba et Mossoul;
  • les groupes armés, proches d’Al-Qaida, ont exploité l’incident de Hawija pour essayer de faire basculer l’Irak dans la guerre civile confessionnelle à l’image de la Syrie. La preuve en est les multiples attentats et attaques qui ont visé les mosquées sunnites et chiites à Bagdad et à Diyala;
  • beaucoup des villes qui sont tombées entre les mains des membres des tribus sunnites se trouvent sur la bande frontalière avec le Kurdistan. Ce qui peut faire penser que les Kurdes jouent un certain rôle dans l’instabilité dans ces zones ou bien ne sont pas mécontents de montrer à Maliki que sans leur aide il sera incapable de maintenir l’ordre dans le Nord. Pour la première fois, cette situation sécuritaire a contraint le Premier Ministre à négocier sur le fond avec les Kurdes. L’accord signé entre Maliki et le Kurdistan, s’il est appliqué, apportera satisfaction à la majorité des revendications kurdes [4].

Devant ce qui se passe en Libye, en Syrie et aujourd’hui en Irak, on mesure tous les risques que fait courir aux citoyens français dans ces régions notre diplomatie qui soutient pour des raisons idéologiques tout fauteur de trouble dès lors qu’il se déclare révolutionnaire en sous-estimant la dimension confessionnelle qui sous-tend tous ces conflits à plus ou moins long terme.

En Lybie [5], où faute d’un pouvoir fort et organisé, les djihadistes de tous bords disposent d’un sanctuaire pour déstabiliser tout le Sahel. En Syrie où les laïcs et les musulmans modérés en résistance contre le pouvoir à Damas sont progressivement supplantés par des islamistes radicaux, mieux organisés, plus entrainés et plus fanatiques. Le 9 avril dernier, en Syrie, les masques sont enfin tombés. Abou Bakr Al-Baghdadi, chef de la branche irakienne d’Al-Qaida, a annoncé dans un message audio la fusion de son groupe avec le Jabhat Al-Nosra (Front du soutien), principale organisation djihadiste armée en Syrie [6]. Le nouvel ensemble s’appelle Al-Qaida en Irak et au Levant. Cette annonce intervient juste après l’appel lancé par le successeur de Ben Laden, Ayman Al-Zawahiri à l’instauration d’un régime islamique en Syrie, après la chute du régime de Bachar Al-Assad.

Au lieu de défendre comme les Allemands nos intérêts stratégiques et économiques dans l’Iran et l’Irak Chiite qui seront les puissances régionales de demain, notre diplomatie, à l’écoute de nos révolutionnaires en chaise longue, joue aujourd’hui les harkis des intérêts sunnites les plus radicaux, frères musulmans sponsorisés par le Qatar, salafistes par l’Arabie Saoudite et met en danger nos citoyens dans le Monde et demain en France.

Car en multipliant les déclarations de soutient à ces révolutionnaires qui sont aujourd’hui débordés par les groupes islamistes radicaux, François Hollande et Laurent Fabius ne satisfont aucun des camps du conflit syrien où la dimension confessionnelle, qui déchire le monde musulman depuis des siècles, devient chaque jour un facteur de plus en plus déterminant. Les uns nous reprochent de ne pas assez les aider, les autres de soutenir les terroristes. Et, au final, nous exposons tous nos expatriés et nos voyageurs à la vindicte des groupes armés radicaux qui sévissent au Sahel et au Moyen-Orient et, de plus, nous perdons des opportunités économiques immenses en Irak et en Iran.

Il est grand temps que nous arrêtions de nous conduire en donneurs de leçons au Monde entier alors que notre pays sombre un peu plus chaque jour dans la récession économique par la faute d’une classe politique de gauche qui n’a toujours pas compris que la puissance économique est plus que jamais la condition nécessaire de toute politique d’influence.

Général (2S) Jean-Bernard PINATEL

[1] Elle a causé plus de 50 morts et d’une centaine de blessés dans la population civile de cette petite ville au Sud-Ouest de Kirkuk. A la suite de cette malheureuse affaire, Maliki a remplacé plusieurs hauts responsables des forces de l’ordre.

[2] 68% des victimes de ce mois de mai sanglant se sont produites dans la seconde moitié du mois lors de 4 journées et nuits d’attentats coordonnés à la voiture piégées et à l’engin explosif : le jeudi 16 mai, une dizaine de voitures piégées frappe Bagdad dans la soirée faisant 137 victimes; le vendredi 17 mai, 4 attentats à l’engin explosif font 42 morts et 95 blessés; le dimanche 26 mai, huit voitures piégées et des engins explosifs font 60 morts et plus de 150 blessés à Bagdad; le jeudi 30 mai, neuf voitures piégées et plusieurs engins explosifs ont causé 185 morts et blessés.

[3] Milice armée.

[4]

  • A. Élaborer une loi spéciale de dédommagement des victimes des attaques par armes chimiques d’Anfal et des fosses communes. Le gouvernement central doit consacrer à cet égard une somme adéquate pour venir en aide aux réfugiés et aux déplacés présents actuellement au Kurdistan.

  • B. Former un Haut Comité Sécuritaire pour améliorer la coopération en matière de sécurité entre les deux parties. Former une Commission d’enquête mixte pour enquêter sur la gestion de la sécurité dans les zones litigieuses, faite par les commandements des opérations, notamment par celui de Dijla.

  • C. Œuvrer en commun pour rédiger une loi de tracé de frontières administratives des gouvernorats telle qu’elle a été présentée par la présidence de la république au parlement irakien et une autre loi abrogeant les décisions du Conseil de Commandement de la Révolution de l’ancien régime telle qu’elle a été présentée par le conseil des ministres irakien.

  • D. Former une commission d’enquête mixte pour enquêter sur les problèmes de loi, de douanes, de voyage, de postes-frontières, etc. qui existent entre les deux gouvernements.

  • E. Demander au parlement irakien de bien réexaminer la loi du budget national de 2013 et de ses annexes.

  • F. Former une Commission technique mixte pour conclure un accord sur la loi Pétrole et Gaz et sur celle de partage de revenus.

  • [5] Où notre diplomatie soutient des dirigeants provisoires sans pouvoir et ignore ceux qui comptent car ils ont avec eux la force des armes.

    [6] Le Front Al-Nostra a été fondé par des combattant d’Al-Qaida qui avaient combattu l’occupation américaine en Irak entre 2003 et 2009 et qui étaient venus soutenir la « révolution syrienne ».


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