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La reconquête du Nord-Mali,
un échec prévisible ?

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Article cité en référence sur EL PAÍS

Dans un article co-signé du Figaro, Laurent Fabius et Guido Westerwelle, le chef de la diplomatie allemande, préparent l’opinion à la nécessité de « relever le défi malien face au terrorisme et au fanatisme » [1].

On ne peut que souscrire à cet objectif. Mais la reconquête du Nord-Mali dans la configuration annoncée – c’est-à-dire l’armée malienne en tête, appuyée par les forces de la CEDEAO, elles-mêmes bénéficiant du soutien de la France – est une construction politique qui satisfait les susceptibilités des acteurs africains de la crise mais qui ne peut avoir l’efficacité opérationnelle nécessaire. Cette campagne militaire est donc vouée à l’échec si elle s’effectue selon ce dispositif.

Pourquoi ?

Historiquement, comme les guerres du Tchad l’ont amplement démontré, jamais les armées sudistes n’ont réussi à battre les combattants du désert sur leur terrain. Par ailleurs, la déroute de l’Armée malienne au printemps 2012 a révélé que son encadrement ne possédait pas le minimum de valeurs militaires requises pour gagner une bataille : les officiers maliens, à de rares exceptions près, se sont comportés d’une manière particulièrement lâche, abandonnant leurs hommes face à l’ennemi. Or, on ne transforme pas une l’armée battue et mal encadrée en une armée victorieuse simplement en la formant et en l’équipant. C’est un travail de longue haleine qui suppose la sélection et la formation d’un nouvel encadrement.

L’Armée malienne, supposée être l’acteur principal de la reconquête après s’être réorganisée, rééquipée et avoir été entraînée par les instructeurs français venus de Dakar, ne sera donc pas capable de reprendre les villes de la boucle du Niger aux forces terroristes et rebelles Touaregs qui les occupent, sauf si les unités de la CEDEAO prennent le combat à leur compte, appuyées par des frappes aériennes précises.

Celles-ci devront être, en effet, très sélectives c’est-à-dire guidées depuis le sol pour éviter des dommages collatéraux chez les civils. Rappelons que GAO et Tombouctou sont des villes de 50 000 habitants environ. Ce qui conduit de fait à mettre en première ligne des équipes de guidage avancé françaises et une intervention de type libyen dont les Algériens ne veulent pas. La France, en effet, ne peut accepter de voir ses avions guidés par des équipes africaines qui n’ont pas le même souci de protection des civils et prendre ainsi le risque de se rendre complice d’un carnage au sein de la population civile.

Comme l’estiment, à juste titre, les autorités algériennes qui ne veulent pas cautionner une intervention au sol des forces françaises ou américaines dans ce qu’elles considèrent comme leur zone d’influence, seul l’aboutissement d’une négociation avec le MNLA et Ansar Dine [2] concernant un statut particulier de l’Azawad au sein de la République malienne peut conduire à un rétablissement de la sécurité au Mali.

Le Président français et sa diplomatie doivent donc très rapidement de mettre fin aux illusions dont se bercent actuellement les autorités provisoires du Mali et la population de Bamako qui créditent la France et les États-Unis de la volonté de réitérer au Sahel la campagne libyenne. Il faut leur faire comprendre que seule une négociation politique avec les Touaregs du MNLA et d’Ansar Dine peut préserver l’unité du Mali.

En effet, il ne faut pas se tromper d’objectif et d’ennemi. Comme le déclarent Laurent Fabius et Guido Westerwelle dans Le Figaro, nous devons intervenir au Sahel pour éviter la pérennisation d’un sanctuaire terroriste qui menace la stabilité des Etats du Sahel voire, à terme, notre territoire.

Les ennemis ce ne sont donc pas les Touaregs du MNLA et d’Ansar Dine dont les valeurs les rendent peu perméables à un islam radical, mais les deux organisations islamiques radicales et mafieuses de l’AQMI et du MUJAO.

Général (2S) Jean-Bernard PINATEL

[1] « Face au terrorisme et au fanatisme, l’Europe doit relever le défi malien », Le Figaro, 09 Novembre 2012.

[2] Lire mon analyse : La Crise au Mali : la manœuvre diplomatique

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