Mali : le Conseil de sécurité adopte une feuille de route proche de la position algérienne [1]
« Jugeant que la situation qui règne au Mali constitue une menace pour la paix et la sécurité internationales » Le Conseil de sécurité des Nations unies a adopté jeudi, à l’unanimité de ses 15 membres, une résolution (2085) [2] « autorisant pour une période initiale d’un an » le déploiement de la Mission internationale de soutien au Mali, sous conduite africaine (MISMA), « afin de rétablir la souveraineté malienne sur l’ensemble du territoire ».
Cette phrase est saluée comme une victoire par les autorités de transition maliennes qui semblent ne pas vouloir entendre que, pour la première fois, la résolution 2085 distingue explicitement les rebelles touaregs maliens du MNLA et de Ansar Eddine des groupes terroristes de l’AQMI et du MUJAO dans la phrase suivante : « le Conseil de sécurité exige que les groupes rebelles maliens rompent tout lien avec des organisations terroristes, en particulier avec Al-Qaida au Maghreb islamique (AQMI) et les groupes qui lui sont affiliés. »
La stratégie onusienne exprimée par la lettre du secrétaire Général est proche de la position algérienne qui avait été clairement définie [3] en novembre par le ministre algérien de l’Intérieur et des collectivités locales, Monsieur Daho Ould Kablia. Les dirigeants français semblent avoir compris que le dispositif militaire [4] envisagé n’avait aucune chance de reconquérir le Nord-Mali sans un ralliement et l’appui des mouvements touaregs maliens (MNLA et Ansar Dine ou Eddine) et cela d’autant plus que les états du Sahel qui disposent de forces composées de combattants du désert, le Tchad et la Mauritanie ne semblaient pas prêts à s’engager dans cette aventure.
Le voyage de François Hollande à Alger aura permis d’entériner une évolution de la position française que l’on voyait se dessiner ces derniers mois.
Le contenu de la lettre du secrétaire général
Elle s’articule ainsi autour de deux points fondamentaux : le processus politique et le dispositif de sécurité (formation des forces maliennes, déploiement de la MISMA sous conduite africaine, appui international, droits de l’homme, financement). Ainsi, le projet de résolution qui l’accompagne : « engage instamment les autorités maliennes à achever d’établir en tenant un dialogue politique large et ouvert un plan de route pour la transition, et à rétablir pleinement l’ordre constitutionnel et l’unité nationale, notamment en tenant dans des conditions pacifiques des élections présidentielles et législatives crédibles et sans exclusive » et « demande instamment aux autorités de transition maliennes de mettre en place rapidement un cadre de référence crédible pour les négociations avec toutes les parties se trouvant dans le nord du pays qui ont rompu tout lien avec une organisation terroriste, tout particulièrement avec AQMI et avec les groupes y affiliés, dont le MUJAO, et qui acceptent sans conditions l’unité et l’intégrité territoriale de l’État malien, dans le but de répondre aux préoccupations de longue date des populations du nord du pays ».
Sur le plan militaire
Le texte du Conseil de sécurité laisse transparaître ses doutes sur la capacité de la CEDEAO et du Mali à réaliser un dispositif militaire efficace : « l’Union africaine devra faire rapport au Conseil tous les deux mois sur le déploiement et les activités de la MISMA, y compris avant le lancement de l’offensive dans le nord du pays. Le Conseil souligne que « la planification militaire devra continuer d’être affinée avant le lancement des offensives ». Il prie le Secrétaire général de continuer d’apporter son concours à l’établissement des plans et aux préparatifs du déploiement de la MISMA; il le prie également de « confirmer à l’avance que l’offensive prévue est à sa satisfaction ».
Celui du secrétaire général est encore plus explicite car il fixe des points précis qui devront être traités dans les rapports bimestriels [5].
Les perspectives
Reste à faire le plus difficile : faire admettre aux autorités de transition maliennes que l’appui international à la reconquête de l’intégrité territoriale du Mali dépend de leur volonté et de leur capacité à trouver un accord politique avec les touaregs maliens, accord qui passera probablement par l’acceptation d’une large autonomie de l’Azewad dans le cadre de la République malienne.
L’année 2013 sera donc décisive pour l’avenir du Mali.
Général (2S) Jean-Bernard PINATEL
[1] Cette résolution est la suite donnée par le Conseil de sécurité à la lettre datée du 13 décembre 2012, adressée au Président du Conseil de sécurité par le Secrétaire général (S/2012/926) comportant un Texte du projet de résolution S/2012/946 et annexée à la résolution.
[2] La France à l’ONU.
[3] « Vouloir reconstituer l’unité du territoire malien par la force est une aventure qui ne pourra jamais réussir. Ce n’est pas en envoyant 3.000 ou 5.000 hommes de l’Afrique de l’Ouest pour engager une confrontation avec les habitants de ces régions du Nord du Mali de natures différentes que l’on pourra les ramener à la raison et rentrer dans les rangs pour l’unité de ce pays ». Selon le ministre, la solution est la voie pacifique : « il faut amener les gens du Nord malien notamment les touareg du MNLA et d’Ansar Eddine à négocier librement avec les autorités centrales du Mali pour aboutir à une solution qui permettra la réunification de ce pays. »
[4] Dispositif militaire analysé le 12 novembre 2012 dans un article titré : « La reconquête du Nord Mali, un échec prévisible ».
[5] « i) Progrès accompli dans le déroulement du processus politique au Mali, en particulier dans l’élaboration de la feuille de route pour le rétablissement de l’ordre constitutionnel et dans les négociations entre les autorités maliennes et l’ensemble des parties dans le nord du Mali qui ont rompu tout lien avec les organisations terroristes;
ii) formation effective des unités militaires et de police, tant celles de la MISMA que celles des Forces de défense et de sécurité maliennes, sur les obligations que leur imposent le droit international humanitaire, des droits de l’homme et des réfugiés;
iii) l’état de préparation opérationnelle de la MISMA, y compris le niveau de ses effectifs, sa direction et l’équipement de ses unités, leur adaptation opérationnelle au climat et au terrain d’opérations, la capacité de réaliser des opérations armées conjointes avec un soutien logistique et un appui-feu aérien et terrestre;
iv) l’efficacité de la chaîne de commandement de la MISMA, notamment en ce qui concerne ses rapports avec les Forces de défense et de sécurité maliennes, et se déclare à nouveau disposé à surveiller ces paramètres de près avant le lancement d’offensives dans le nord du Mali ».