L’héritage « Sécurité » de François Hollande : trois dossiers chauds
Le nouveau Président hérite d’un dossier sécurité qui a été traité par François Hollande au coup par coup, sans vision à long terme. Il comporte trois « dossiers chauds » qui seront autant de révélateurs de la détermination du chef de l’État à assurer le rétablissement de l’État de droit dans des zones laissées en déshérence par ses prédécesseurs et à bâtir une stratégie de long terme efficace contre l’Islam radical.
Notre Dame des Landes
C’est le plus grand défi de court terme auquel est confronté le nouveau Président. Interrogé sur le projet de nouvel aéroport à Notre-Dame-des-Lande, le 6 avril 2017 lors de « L’émission politique » sur France 2, Emmanuel Macron avait déclaré : « Il y a eu un vote, mon souhait est de le respecter et de faire l’aéroport. » Sur la méthode, le candidat d’En marche ! a précisé qu’il se donnerait six mois pour convaincre les Zadistes qui occupent les lieux. « Je ne vais pas arriver et envoyer les militaires à Notre-Dame-des-Landes. La nomination d’un médiateur calmera les choses pendant six mois. Si je n’arrive pas à convaincre, je ferai respecter les choses », a expliqué Emmanuel Macron. « Je prendrai mes responsabilités et je ferai évacuer la zone », a-t-il ajouté.
Cette négociation avec les zadistes qui occupent le site n’aboutira à rien car le mouvement des ZAD est un mouvement totalitaire. C’est un modèle d’organisation de la vie quotidienne comme un code de conduite qui doit être imposé à toute la société y compris au moyen de la contrainte. Les zadistes ne sont pas seulement opposés au nouvel aéroport, ils le sont à toute forme de transport aérien qui leur apparait comme un outil du marché au service de sa domination sur les individus. Ils dénoncent la marchandisation de la production et des voyages. La ZAD (zone à défendre) de Notre Dame des Landes a une vocation particulière dans le projet zadiste. Elle constitue une base de formation et d’entrainement des zadistes européens et elle constitue aussi une base de départ pour essaimer vers une dizaine d’autres zones qui ont été reconnues en France et qui seront autant de zones d’expansion ou de repli si l’État se décidait à employer la manière forte pour les déloger de Notre Dame des Landes. Ce que sait ou va savoir le nouveau Président, c’est qu’une partie des zadistes sont armés et décidés à faire de ce site un nouveau fort Chabrol. La gendarmerie estime qu’il faudra engager pour les déloger plusieurs dizaines de véhicules blindés et qu’il y aura des morts de chaque côté.
Délinquance et quartiers sensibles
L’INSEE répertorie 717 Zones Urbaines Sensibles (ZUS) en métropoles et 32 outre-mer. [1] Outre l’insécurité et le mal être qui y règnent, 40% des 4,4 millions de citoyens qui y résident [2] vivent sous le seuil de pauvreté. Ces ZUS sont classées selon certains critères et selon certaines sources en 3 ou 4 catégories [3]. Selon le site europe-israel.org celles de niveau 1, sont des quartiers sensibles de non-droit (QSND) où l’État de droit n’existe pratiquement plus. Ils constituent autant de zones refuges potentielles pour les djihadistes. Dans ces quartiers règnent des bandes et la délinquance avec des faits de violences urbaines, fusillades ou règlements de comptes et trafic en tout genre. Ces zones sensibles existent [4] dans environ 50 villes. La palme de la délinquance revient à Marseille où on recense ainsi près de 500 délits pour 1000 habitants dans les quartiers Nord. L’insécurité ressentie [5] dans leurs quartiers par les résidents des ZUS est 1,5 fois plus élevée comparée à ceux vivant dans la même commune mais en dehors des ZUS et 3 fois plus par rapport à ceux demeurant dans une commune ne comprenant pas de ZUS. Rétablir l’État de droit constitue un vrai défi à moyen terme dans ces quartiers car toute incursion d’un agent public est considérée comme une agression et entraine des manifestations de violence à son encontre. Cette nécessité de considérer ce dossier sécuritaire en priorité réside dans le lien vérifié entre délinquance et terrorisme. 90% des fichés S vivent dans ces quartiers sensibles. Sur les 20 000 [6] fichés S, 12 000 concerneraient la mouvance islamique et 10% des fichés S vivraient en Seine-Saint-Denis [7].
Islam radical et terrorisme
Les responsables politiques sont divisés dans leur évaluation de la menace. Trois évaluations s’opposent. La gauche française se refuse à reconnaitre la dimension religieuse de la menace à laquelle nous sommes confrontés. Jean Burnham dans son livre « le silence religieux » en explique clairement la raison. La gauche, encore profondément marquée par Marx, la révolution libertaire de 1968 et Nietzsche, pense que Dieu est mort. Se bouchant les yeux et les oreilles pour ne pas accepter les faits, elle cherche des causes à cette « folie suicidaire » dans l’inadaptation sociale, la pauvreté économique ou une dérive à partir de la petite délinquance. Ses experts abondent dans le sens des déclarations du Président de la République et de son Ministre des Affaires étrangères « quand ils martèlent que les attentats djihadistes n’ont rien à voir avec l’islam. ». Jean Burnham les excuse en partie considérant que « leurs discours part évidemment d’une intention louable. Il traduit la nécessité de briser l’équation mortifère islam=islamisme= terroriste » [8]. Néanmoins, il en condamne avec lucidité les conséquences désastreuses : « affirmer sur tous les tons que les djihadistes n’ont rien à voir avec l’islam, c’est considérer que le monde musulman ne se trouve pas concerné par les fanatiques qui se réclament du Coran » [9]. Cette évaluation erronée de la menace a amené François Hollande à bâtir une stratégie d’action inefficace à long terme. Il a focalisé son action sur tous les lieux de la « radicalisation » : les banlieues sensibles, les prisons, Internet. Il a créé des centres de « dé radicalisation » qu’il a inondé de subventions d’État. Lorsqu’on en fera un premier bilan honnête, on constatera qu’il est aussi affligeant [10] que le bilan qu’ont fait les Américains de leurs centres d’entrainement des rebelles modérés syriens en Turquie. En refusant de considérer les djihadistes comme des convertis à une déviance radicale de l’islam, Hollande et la gauche ont continué d’autoriser les imans salafistes et les Frères Musulmans à poursuivre leur endoctrinement, à condition toutefois qu’ils ne prononcent pas dans les médias des paroles de haine à consonance politique : contre les juifs ou contre l’égalité homme/femme.
De l’autre côté de l’échiquier politique et dans une grande partie de l’opinion, l’horreur des attentats conduit à confondre l’Islam, la religion, et l’islamisme qui en est la déviance politique. Cet amalgame ostracise la communauté musulmane, donnant ainsi raison aux imams radicaux et notamment aux Frères Musulmans pour lesquels l’ennemi est la civilisation occidentale et sa base avancée, Israël, au cœur du Moyen-Orient. Proclamant que l’Islam est incompatible avec la République, leurs leaders prêchent une « Reconquista » musclée des zones de non-droit. Se contenter de vouloir rétablir par la force l’État de droit sans mettre en œuvre une stratégie globale reconnaissant que la communauté musulmane est la première victime de l’Islam c’est accepter de créer un climat de guerre civile.
Heureusement toute une partie des experts et de la droite est porteur d’une autre vision. Il s’agit de reconnaitre la finalité religieuse de ces actes de guerre menés par des Etats islamiques et par les organisations se réclamant d’un Islam radical qui se sont ancrées profondément dans la plupart des pays où une communauté musulmane existe. Et admettre aussi qu’une simple stratégie militaire, policière et pénale ne suffit pas. Depuis trois siècles, l’éradication des Califats et l’écrasement des soldats de Dieu n’ont jamais éteint la daw’a nedjite. Les responsables politiques doivent donc affirmer haut et fort que ce n’est pas l’Islam que nous devons combattre mais la mise en œuvre sur le sol de la République de son interprétation radicale et politique, que nous avons laissé diffuser dans les lieux de culte et les écoles coraniques. C’est affirmer que les imans wahhabites, salafistes et appartenant aux Frères Musulmans propagent un système de valeurs et des pratiques contraires à notre expérience historique, à l’évolution de nos valeurs et de nos mœurs, comme par exemple le port du voile islamique. C’est accepter de reconnaitre le lien qui existe entre le discours et l’acte terroriste. C’est mettre en œuvre au plan mondial, européen et français la stratégie globale que j’ai exposée dans le dernier chapitre de mon dernier livre [11].
Général (2S) Jean-Bernard PINATEL
Mon dernier livre : Histoire de l’Islam radical et de ceux qui s’en servent, Lavauzelle, Mai 2017.
[1] Système d’information géographique de la politique de la ville
[3] Europe Israël news :
Niveau 2 : QSTD: (Quartiers sensibles très difficiles) : des faits de délinquance réguliers et de toute sortes. La plupart de ces quartiers ont été auparavant des zones de non droit.
Niveau 3 : QSD (Quartiers sensibles difficiles) : des faits de délinquance assez réguliers, trafic de drogue et toutes sortent de trafics, des nuits de violences urbaines qui peuvent arriver a la suite d’une petite tension.
Niveau 4 : QSP (Quartiers sensibles problématiques) : petite délinquance qui peut être régulières et qui peut exploser à certains moments mais généralement ces quartiers sont calment et font parler d’eux de temps à autres et posent quelques soucis à la ville mais ne sont pas considérés comme chauds.
[4] Facebook – Les cités les plus chaudes
[5] Au service des territoires
[8] Un silence religieux, Jean Birnbaum, Seuil, 2016.
[9] Ibid, page 42.
[11] « Histoire de l’Islam radical et de ceux qui s’en servent », Lavauzelle, Mai 2017, 320 pages.