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Afghanistan : faut-il modifier le calendrier de retrait de nos soldats ?

2 commentaires
Article cité en référence sur : France Info
La mort de 4 de nos soldats en Afghanistan a relancé le débat du calendrier de retrait de nos forces.

Que doit-on en penser ?

Sur le plan politique, on peut être d’accord ou pas d’accord sur le bienfondé de notre présence qui peut s’analyser en considérant les objectifs politiques que nous poursuivons rapporté au coût économique et humain de l’engagement. En cette période électorale, où les démagogues s’en donnent à cœur joie, je laisse à chacun le soin d’évaluer les conséquences pour nos intérêts dans le monde, notamment en termes de crédibilité, si la France laissait tomber ses alliés parce que 4 soldats sont morts au champ d’honneur.

Sur un plan militaire, l’analyse doit être faite en prenant en compte le coût humain de l’intervention en le comparant au retour d’expérience que nos armées en tirent en termes de capacités opérationnelles et de définition des besoins en matériels.

Sur un plan strictement militaire, le bénéfice l’emporte nettement sur le prix humain à payer.

Pourquoi ?

Le coût humain de cette présence est relativement faible, même si la mort d’un soldat est toujours une mort de trop. En effet, nous avons enregistré, en 90 mois de présence, des pertes très faibles comparées à celle subies lors de la guerre d’Algérie, pour une durée égale [1]. En effet, entre novembre 1954 et juillet 1962, 24 614 militaires ont été tués en Algérie soit 273 militaires tués par mois contre moins d’un par mois en Afghanistan (82 soldats tués en 90 mois entre aout août 2004 – janvier 2012).

Face à ce coût humain relativement peu élevé, le bénéfice en termes de défense et de sécurité nationale est considérable. En effet, une armée qui n’est pas confrontée à la dure réalité du combat, perd ses valeurs militaires, sa capacité opérationnelle s’étiole et la formation de ses chefs et de ses hommes reste théorique, tandis que dans les choix en matière d’équipement [2], les impératifs économiques (plan de charge des industries de défense) s’imposent aux impératifs opérationnels.

En outre, l’Armée française se retirera d’Afghanistan avec une expérience considérable face à la menace que nous allons rencontrer hors de nos frontières et probablement sur notre territoire national dans les années à venir. Cette menace est multiforme car elle met en jeu des forces qui poursuivent des objectifs religieux, ou politiques ou mafieux et qui s’associent tactiquement ou stratégiquement pour les atteindre. Ainsi, en Afghanistan, il s’agit pour les chefs talibans d’instaurer un ordre «  islamique et vertueux  » pour remplacer l’ordre « païen et corrompu », mis en place par les forces occidentales. Néanmoins, les Talibans ne représentent qu’une minorité des combattants (environ 15%). Lorsqu’ils étaient au pouvoir, ils punissaient de mort les trafiquants d’opium. Aujourd’hui, confrontés à la nécessité de financer leur guerre, ils sont devenus, comme les FARC en Colombie, les compagnons de route des producteurs et des trafiquants de pavot dont la culture est bien souvent une question de survie pour l’agriculteur afghan, en l’absence de développement économique et de culture de substitution. Les intérêts des trafiquants qui bénéficient de ce désordre sont aujourd’hui proches de ceux des terroristes qui ont besoin de cet argent pour mener leur combat. Notons au passage que chaque année 300 Français meurent d’overdose de cocaïne [3] provenant à plus de 90% d’Afghanistan à comparer avec ceux qui perdent leur vie au champ d’honneur.

Enfin, nous sommes en Afghanistan dans le cadre de l’OTAN, structure qui préfigure, je le souhaite, le cadre d’une défense européenne, organisation que nous devons européaniser au maximum. Alors que la politique de la chaise vide, pratiquée depuis le retrait en 1966 de l’organisation militaire, n’avait servi à rien et n’a surtout pas permis de faire avancer la défense européenne, nous nous confrontons quotidiennement aux autres armées européennes et nous exerçons une influence par notre présence, nos résultats et la qualité de nos soldats. Abandonner la coalition parce que nous avons eu 4 morts enverrait à nos alliés et à nos adversaires un signal dont nous subirions longtemps les conséquences négatives pour nos intérêts partout dans le monde.

Général (2S) Jean-Bernard PINATEL

[1] Algérie, novembre 1954 – avril 1962; Afghanistan, août 2004 – janvier 2012.

[2] Il serait trop long de raconter ici tout ce qui a manqué en 2004 aux premiers contingents envoyés en Afghanistan.

[3] www.drogues.gouv.fr

Autres sources : Atlantico

  1. Es ce que ce général en retraite qui n’a jamais fait la guerre en dehors de son bureau enverrait ses enfants se faire tuer pour rien.
    Ce fin stratège oublie que les russes qui pourtant étaient a coté ont quitté le pays la queue entre les jambes et qu’ils ne sont actuellement ni mieux ni moins bien considérés qu’avant.
    Nous n’avions rein a faire en Afghanistan si non faire plaisir a Bush et nous n’avons toujours rien a y faire puisque de toute façon des que les troupes étrangères auront quitté le pays tout redeviendra comme avant, nous aurons eu des morts pour rien et dépensé l’argent que nous n’avons pas pour rien.
    « Le coût humain de cette présence est relativement faible » ce général a beaucoup de mauvais humour!!!

    • Jean-Bernard PINATEL says:

      Cher Monsieur,

      Désolé, j’ai fait la guerre d’Algérie où j’ai obtenu trois titres de guerre dont une citation à l’ordre de l’Armée et une blessure qui m’a valu une pension d’invalidité définitive.

      J’ai eu le même jour, le 25 février 1961, au Djebel Refaa (Aurès), dans ma section, deux morts et 7 blessés sur 25 combattants face à 120 ennemis. Blessé à 9h30 du matin, j’ai combattu toute la journée et n’ai pu être évacué qu’à minuit.

      Je parle donc en connaissance de cause.

      Je ne n’approuve ni défends cette guerre, c’est une décision politique prise par un Président démocratiquement élu. Je me place sur un plan strictement militaire dont le métier est justement d’accepter le sacrifice de la vie pour que vous puissiez librement et en toute impunité faire ce type de commentaire sans vous renseigner auparavant.

      Bien à vous,
      Général (2S) Jean-Bernard Pinatel

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