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Les conditions politiques d’une intervention militaire directe en Libye ne sont pas réunies

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La Libye n’est pas la Syrie ou l’Irak. La greffe de Daesh en Libye a rencontré l’opposition de certaines des grandes milices qui se partagent le contrôle du pays depuis 2012. Toute action militaire directe occidentale mobiliserait contre elle toutes ces milices comme l’a montré l’initiative du général Haftar, soutenue par la CIA, qui a fédéré contre elle les diverses milices islamiques qui s’affrontaient jusque-là et qui a précipité en 2014 le pays dans une seconde guerre civile. Le projet d’accord concernant la mise sur pied d’un gouvernement d’Union Nationale négocié par le représentant spécial du secrétaire général des Nations-Unis pour la Libye, Bernardino Léon, n’a pas été approuvé par le parlement de Toubrouk. Washington, Paris et Londres craignent que cet échec donne à l’Etat Islamique le temps nécessaire pour se renforcer et ont décidé d’intervenir de manière indirecte pour en contrôler l’expansion en appuyant les milices qui s’y opposent. A l’orée de 2016, aucun scénario de sortie de crise ne s’impose d’autant plus que la Turquie joue comme en Syrie un rôle perturbateur et que les pays frontaliers, l’Egypte, la Tunisie et l’Algérie, en proie avec leurs propres problèmes, craignent que toute initiative occidentale conduise à faire empirer la situation. Dans ce contexte l’Italie, qui a conservé de forts liens en Libye avec les Maires des principales villes [1], apparait comme le pays occidental le plus capable d’élaborer et de conduire une stratégie de stabilisation.

Mardi 2 février 2016 à Rome, 23 pays se sont réunis pour évaluer les plans de la coalition internationale visant à contrer l’organisation terroriste l’Etat islamique (Daech) en Irak et en Syrie et discuter des moyens d’arrêter l’avancée de l’organisation en Libye.

Il est donc légitime d’analyser la situation politique et militaire en Libye et de s’interroger sur les objectifs et l’urgence d’une intervention militaire directe et d’évaluer si les conditions politiques sont réunies pour qu’elle aboutisse à une amélioration de la situation actuelle.

Historique depuis 2012 avant l’arrivée de l’EI en Libye

Le 6 juillet 2012 est élu à Tripoli le Congrès National Général (CNG). Rapidement après l’élection une opposition se dessine entre trois factions du congrès et qui se radicalise progressivement. Le premier courant, autoproclamé « libéral » ou « nationaliste » et qualifié de « laïque » par les occidentaux est composé d’hommes d’affaires, de cadres de l’ancien régime proches du mouvement « réformiste » amorcé par M. Saïf Al-Islam [2] à partir de 2005 et d’officiers ayant fait défection aux premiers temps de l’insurrection. La seconde faction, qualifiée «d’islamiste » par ses opposants et la presse étrangère, représente un courant politique appelant à l’établissement d’une Constitution dont la source d’inspiration serait la Charia. Il s’agit d’opposants de longue date, de représentants de Misrata [3] et d’autres villes de la côte tripolitaine comme Zaouia et Zouara. Une troisième faction, moins forte militairement est celle des frères musulmans qui contrôle la milice de la salle d’opérations des rebelles de Libye et le conseil militaire de Tripoli. Ces trois factions du CNG et le gouvernement de transition sont sous la pression de formations paramilitaires antagonistes qui occupent des sites stratégiques à Tripoli [4].

Cette ligne de fracture entre les représentants de la Libye se superpose à des divisions plus anciennes qui opposent d’une part les grandes tribus de la Cyrénaïque à celles de la région de Tripoli, et d’autre part les populations d’origine bédouine du Sud aux populations de tradition citadine et marchande de la cote.

Mais d’autres rivalités locales compliquent encore l’analyse de la situation libyenne. Au Sud il existe une concurrence et une rivalité entre Toubous et clans Touaregs. De même les chefs de village amazighes du djebel Nefoussa, refusent de prendre parti pour l’une ou l’autre des deux factions rivales de Tripoli. Pourtant ils ne peuvent empêcher de nombreux jeunes de rejoindre la force nationale mobile, puissante milice à dominante amazighe qui soutient la faction dite « islamiste » parce qu’ils sont opposés historiquement à leur voisins arabes de la ville de Zintan.
Ces oppositions conduisent à des confrontations au sein même des villes. A Benghazi par exemple, 40 % de la population est originaire des villes marchandes de Tripolitaine (Misrata, Zaouia, Tripoli). Les 60 % restants se considèrent d’origine bédouine et appartiennent principalement aux tribus historiques de Cyrénaïque. Les habitants, s’identifiant à la tradition bédouine, ont rejoint le courant « nationaliste » par rivalité avec les populations originaires de Misrata, majoritairement favorables au camp « islamiste ».

L’initiative du général Haftar, soutenue par la CIA, a précipité la Libye dans une « seconde guerre civile ».

Ces rivalités, souvent violentes, n’attendaient qu’un catalyseur pour basculer dans une guerre civile. Une fois de plus ce sont les Etats-Unis et la CIA qui vont jeter de l’huile sur la braise libyenne en favorisant le retour en Libye d’un ancien général M. Khalifa Hafta. Cet ancien officier de Kadhafi avait fait défection en 1983 pour s’installer aux Etats-Unis. En mars 2011, âgé de 73 ans, il est revient en Libye, et met sur pied une coalition baptisée « Dignité » (Al-Karama), avec pour objectif affiché d’« éradiquer les islamistes ». Il fédère ainsi, avec l’argent et l’appui de la CIA, le bataillon de forces spéciales de la ville, l’armée de l’air, majoritairement composés de cadres de l’ancien régime ayant fait défection en 2011 et des brigades recrutées dans les grandes tribus saadiennes et des katibas liées aux autonomistes de Cyrénaïque. Le 16 mai 2014 il lance une offensive à Benghazi contre les milices se réclamant de divers courants islamistes. En Tripolitaine, les milices de Zintan rallient l’opération « Dignité » et donnent l’assaut au CNG le 18 mai, mettant à mal le processus politique amorcé deux ans auparavant.

Cette attaque et l’action en sous-main des services turcs ont pour effet immédiat d’unir les milices islamiques dont certaines étaient jusqu’alors rivales. Réagissant à cette attaque, un camp anti-Haftar se structure autour de la faction « islamiste » majoritaire au sein du CNG s’appuyant sur une coalition baptisée « Aube de la Libye » et comprenant principalement les grandes brigades « révolutionnaires » de Benghazi, Tripoli, Zaouia, Ghariane et Zouara.

Au niveau local, les communautés prennent position en fonction de leurs intérêts et de leurs rivalités anciennes. C’est ainsi que la tribu des Machachiya, rivale traditionnelle des Zintan, opte pour Aube de la Libye. D’autres tribus de Tripolitaine qui avaient longtemps constitué des bastions kadhafistes en 2011 (Warshafana, Nawil, Siaan) rejoignent le général Haftar pour des raisons là aussi essentiellement locales. Dans le Sud, une partie des Toubous ayant pris position pour le général Haftar, certains groupes Touaregs rejoignent le camp islamique. A l’exception des grands bastions kadhafistes, les villes de Syrte et de Bani Walid qui refusent de prendre parti, la division fait tache d’huile à l’ensemble du pays.

L’arrivée de l’Etat Islamique en Libye [5]

Les djihadistes de l’EI ne sont pas les premiers à se réclamer d’un islam radical. Le Groupe islamique combattant en Libye (GIGL, Al-Jama’a al-Islamiyyah al-Muqatilah bi-Libya), luttait contre le régime du colonel Kadhafi. Ses dirigeants avaient été formés par la CIA en Afghanistan et jouaient le rôle d’«agent de renseignement » pour le compte de la CIA et du MI6, le service de renseignement britannique. Après la chute de l’URSS, ce groupe islamique s’est émancipé de ses créateurs et a établi des relations de plus en plus étroites avec Al Qaïda dans les années 2000.

La chute de Kadhafi a entrainé la création d’Ansar al-Charia entre août et septembre 2011, fondé par Mohammed al-Zahawi, qui était emprisonné à Tripoli. Plusieurs centaines de Libyens se sont entraînés au sein du groupe avant de partir combattre en Syrie. Il a également accueilli des djihadistes de l’Ansar al-Charia tunisien qui ont fui la Tunisie. Ces groupes islamiques se sont régionalisés lors de l’intervention occidentale en Ansar al-Charia Derna et Ansar al-Charia Benghazi. Ces groupes coordonnent plus ou moins leurs actions. Ils ont participé à l’entrainement d’AQMI et lui ont fourni un soutien logistique. Ils ont noué des liens avec Al-Mourabitoun et Ansar al-Shari’a-Tunisie. Entre 2011 et 2014, Ansar al-Charia Benghazi a perpétré un grand nombre d’attaques terroristes et d’assassinats [6].

L’arrivée d’un nouvel acteur va compliquer encore plus la situation. Le 4 avril 2014 se crée le mouvement MCCI (Majilis Choura Chabab al-Islam : conseil consultatif de la jeunesse islamique) par des djihadistes libyens de retour de Syrie. Ce groupe annonce son allégeance à l’État islamique le 31 octobre 2014. Abou Bakr al-Baghdadi l’accepte dans un communiqué du 13 novembre. Le MCCI prend progressivement le contrôle d’une partie de la ville de Derna. La zone de Derna devient alors le premier territoire contrôlé par l’État islamique hors d’Irak et de Syrie.
En février 2015, une partie de la population de Syrte, ville fidèle jusqu’au bout à Kadhafi voit dans l’EI une occasion de prendre sa revanche et fait bon accueil à 400 djihadistes. Ils s‘opposent pendant 2 mois au bataillon 166 que Fajr Libya avait chargé de défendre Syrte. Ils s’emparent fin Mai 2015 de la base aérienne de Ghardabiya au Sud de la ville et prennent progressivement le contrôle d’une grande partie de la ville. A partir de cette date l’expansion de l’État islamique se poursuit en tâche d’huile autour de Syrte.
En fait à l’orée de 2016 le territoire libyen semble être sous le contrôle de 4 organisations qui peuvent s’allier localement pour combattre les autres en fonction de leurs intérêts. Ainsi en juillet 2014, la milice de Misrata s’est alliée avec des combattants islamistes pour tenter de chasser les miliciens de Zintan qui contrôlent l’aéroport de Tripoli.

La situation actuelle des forces en présence

La milice de Misrata

Elle comprend environ 20.000 hommes ce qui en fait la force la plus importante du pays. Les « Misrati » ont pour ambition de contrôler la vaste région centrale autour de Misrata, grande ville portuaire. « Cette zone charnière entre Tripolitaine et Cyrénaïque englobe les terminaux et champs de pétrole du ‘croissant pétrolier’ du golfe de Syrte, actuellement occupés par les fédéralistes de Cyrénaïque » depuis le 27 août 2013, explique Patrick Haimzadeh, ancien diplomate français à Tripoli et auteur de « Au cœur de la Libye de Kadhafi ». Les frères musulmans avec l’aide des services secrets d’Erdogan essaient de l’infiltrer pour la contrôler. De leur côté les services italiens ont conservé des liens étroits avec Misrata et les frères musulmans comme le prouve l’intervention humanitaire que viennent de réaliser les forces spéciales italiennes [7]. Le 11 janvier, ils posent un C-130 à Misrata avec des médecins et des infirmiers pour évacuer 15 Libyens, grièvement blessés, lors du récent attentat du 7 janvier contre le Centre de formation de la police de la côte libyenne. Ces blessés ont ainsi été pris en charge et rapatriés sur l’hôpital militaire de Celio en Italie. C’est la première fois depuis les évènements de 2011, qu’une force occidentale se pose sur le sol libyen.

La milice de Zintan

C’est la seconde milice la plus importante en Tripolitaine. Elle a joué un rôle important pour la libération de Tripoli, lors des batailles dans le Djebel Nefoussa. Elle contrôle une partie des montagnes de l’ouest, des frontières avec l’Algérie et la Tunisie et la Hamada Al-Hamra, vaste étendue désertique qui s’étend jusqu’au grand Sud. Elle tient sous sa coupe le pétrole de la Tripolitaine et détient le fils de Mouammar Kadhafi, Seif al-Islam qu’elle refuse de livrer à la justice nationale et internationale.

Les milices du général Khalifa Haftar

Il a su attirer et obtenir l’appui de la milice de Zintan. Le général a regroupé sous sa bannière des éléments de l’armée régulière libyenne, dont les forces de l’armée de l’air. Leur PC se trouve à Al-Abyar (à l’est de Benghazi). Un grand nombre de conseils municipaux de l’Est – dont celui de Benghazi – se sont ralliés à sa cause, tout comme la Chambre des représentants de Tobrouk. Cette milice est clairement soutenue par les Etats-Unis, la Grande-Bretagne et par la France. Khalifa Haftar mène actuellement une offensive à Benghazi pour en chasser définitivement les islamistes. Cette offensive est perçue par le négociateur de l’ONU comme mettant en cause le projet de formation d’une armée « nationale » liée au « gouvernement d’union nationale » de Fayez Sarraj et adoubée par l’ONU [8].

Les milices islamiques et Daesh[9]

Un grand nombre de Libyens avaient déjà combattu avec Daesh en Iraq et Syrie [10]. Ces combattants sont rentrés récemment en Libye tout en conservant des relations étroites avec leurs contacts en Iraq et en Syrie. Ils se sont initialement établis à Derna et se sont nommés « Wilaya Barqa » sous le commandement d’Abou al-Mughirah Al-Qahtani, décrit comme le « chef délégué pour la Wilaya libyenne ». L’apport de combattants de Tunisie et d’Algérie et de transfuges d’autres groupes islamistes libyens est à l’origine de son expansion relativement rapide. Daesh s’est organisé en 3 Wilayas [11] et compterait 2 000 à 3 000 djihadistes.

En effet, depuis que l’Etat Islamique s’est implanté en Libye, Ansar al-Charia Derna et Ansar al-Charia Benghazi ont été affaiblis par la perte de combattants qui ont rallié les rangs de l’EI ou ont été tués lors d’affrontements avec lui. Une des factions Ansar al-Charia Derna a publiquement prêté allégeance à l’EI et été absorbée par lui. A contrario, une autre faction d’Ansar al-Charia Derna a rejoint une coalition anti Daesh sous la bannière de la « Choura des moudjahidin de Derna ». De même, Ansar al-Charia Benghazi a été affaiblie par la mort de son fondateur et chef, Mohamed Zahawi [12], tué à la fin de 2014 lors d’un affrontement avec les troupes gouvernementales.

La Willaya de Daesh à Syrte a été formée par d’anciens membres d’Ansar al-Charia et par des membres venant de Derna. La willaya de Daesh à Syrte est dirigée par Abou Abdellah Al Ouerfalli. Le commandement opérationnel revient à un Tunisien connu sous le nom de guerre d’Abou Mohamed Sefaxi. Son adjoint est Ali Mohamed El Qarqai (alias Abou Tourab Attounsi). Cette cellule compte un grand nombre de combattants terroristes étrangers de Tunisie, du Soudan et de la région sahélo-saharienne [13].

Néanmoins Daesh est perçu par les autres organisations islamistes comme extérieur à la Libye. Ainsi les combattants de Daesh ont été chassés de Derna non pas par le général Haftar mais par une coalition de milices islamiques locales qui se sont unies dans le « Conseil de la Choura des moujahidines de Derna » dont Ansar al-Charia, la branche libyenne d’Al-Qaeda. De même, Daesh qui s’est implanté à Syrte en février 2015 à l’issue de combats contre les forces du Bouclier de la Libye, se heurte toujours à une résistance d’habitants armés et des affrontements sporadiques mais violents se poursuivent dans Syrte.

Daesh n’est donc pas actuellement dans une position comparable à celle qu’il occupe en Syrie et en Irak ni sur le plan de la force militaire ni sur celui des ressources économiques. Comme le montre son échec récent, il n’a pas actuellement les moyens de s’emparer de champs pétrolifères et d’infrastructures pétrolières en Libye [14], de les conserver et de les exploiter. Même s’il s’emparait de terminaux, il ne pourrait exporter le brut ni par mer à cause du blocus maritime occidental ni par terre car les distances entre les terminaux pétroliers (région de Raz Lanouf) et les frontières terrestres du pays avec l’Egypte et la Tunisie sont très grandes (600 km) alors qu’en Syrie et en Iraq le territoire contrôlé par Daesh jouxte les pays voisins. De plus, il ne pourrait pas bénéficier de complicités de la part des autorités égyptiennes et tunisiennes comme celles dont il dispose dans la Turquie d’Erdogan.

Les scénarios de sortie de crise

Le scénario ONU

L’ONU a essayé de mettre sur pied un accord politique entre les factions qui s’opposent en Libye (hors Daesh) en vue de former un gouvernement d’union nationale qui serait dirigé par Fayez Sarraj. Un projet d’accord avait été signé le 17 décembre 2015 à Skhirat (Maroc) entre divers représentants auto-proclamé des assemblées. Selon certaines sources ce document aurait été approuvé par 80 des 188 membres du Parlement de Tobrouk et environ 50 des 136 députés du CGN. L’accord prévoyait la mise en place d’un gouvernement d’union nationale et d’un conseil présidentiel, au début d’une période de transition de deux ans qui devait s’achever par des élections législatives. Mais cet accord a été rejeté, lundi 25 janvier 2016 par l’Assemblée de Tobrouk.

Le scénario militaire

Les Etats-Unis, la France, la Grande-Bretagne ne veulent pas courir le risque d’attendre la mise en place d’un accord politique supervisé par l’ONU et se sont engagés dans des actions clandestines destinées à identifier, localiser et frapper les chefs de l’EI en Libye afin de ralentir son développement. Ainsi l’irakien Abou Nadil a été tué par un bombardement de l’US Air Force sur un renseignement français (le Monde 24/02/2016 la guerre secrète de la France en Libye). Par ailleurs des forces spéciales de ces trois pays formeraient et appuieraient les forces du général Haftar afin de l’aider à réduire les factions islamistes dans l’Est du pays et pour les forces spéciales françaises [15] probablement à l’Ouest de Tripoli dans le Djebel Nefoussa où elles étaient intervenues en 2011. De leur côté, les italiens conservent des liens avec la milice de Misrata et les frères musulmans à Tripoli et à Misrata.

Conclusion

Cette analyse a souligné la complexité de la situation libyenne et démontre sans équivoque qu’une action occidentale directe ajouterait la guerre à la guerre.

C’est donc un mode d’action indirect qu’il faut préférencier en appuyant les milices anti-Daesh, tout en dosant cet appui en fonction de leur distance avec l’islam salafiste. Une attention particulière doit être portée aux frères musulmans qui déploient leurs réseaux en Libye et en Tunisie et qui ne doivent pas être renforcés. C’est notamment le cas avec la milice de Misrata sur laquelle Erdogan a jeté son dévolu et dont il arme et finance les frères musulmans qui sont fortement implantés dans cette ville. A l’orée de 2016, aucun scénario de sortie de crise ne s’impose d’autant plus que la Turquie joue comme en Syrie un rôle perturbateur et que les pays frontaliers l’Egypte, la Tunisie et l’Algérie en proie avec leurs propres problèmes craignent que toute initiative occidentale conduisent à faire empirer la situation. Dans ce contexte l’Italie qui a conservé de forts liens en Libye avec les Maires des principales villes [16] et les frères musulmans apparait comme le pays occidental le plus capable d’élaborer et de conduire une stratégie de stabilisation qui demandera du temps et de la finesse pour finir par s’imposer.

Général (2S) Jean-Bernard PINATEL

[1] Comme l’a montré la récente opération humanitaire conduite par les forces Rome à Misrata : http://www.bruxelles2.eu.

[2] Deuxième fils de Kadhafi.

[3] Les autorités grecques ont annoncé mercredi 9 septembre 2015 avoir arraisonné et saisi mardi le cargo Haddad 1, battant pavillon bolivien et transportant des armes en provenance de Turquie à destination de la Libye. Ces armes étaient destinées pour les Frères musulmans qui luttent contre le gouvernement libyen de Tobrouk, reconnu par la communauté internationale. D’après Athènes, ce navire a quitté le port turc d’Iskenderun et se dirigeait vers le port de Misrata en Libye.

[4] Comme l’aéroport, les carrefours du centre-ville ainsi que les abords des bâtiments officiels et des grands hôtels.

[5] www.un.org

[6] Une partie des djihadistes de l’attaque du site gazier de Tiguentourine (In Amenas, Algérie) par Al-Mourabitoun et Al Mouakaoune Biddam en janvier 2013, ont été formés durant l’été 2012 dans des camps d’Ansar al-Charia Benghazi, comme les deux groupes ont pris part à l’attaque du consulat des États-Unis à Benghazi, le 11 septembre 2012. Ansar al-Charia Benghazi et Ansar al-Charia Derna gèrent également des camps d’entraînement terroristes pour combattants terroristes étrangers opérant en République arabe syrienne, en Iraq ou au Mali.

[7] www.bruxelles2.eu

[8] Source intelligence on-line : Martin Kobler. S’exprimant à huis clos devant le Comité politique et de sécurité de l’Union européenne, le 23 février, dans le bâtiment Justus Lipsius (siège du Conseil européen), celui-ci a vivement critiqué l’offensive.

[9] L’importance de la Libye pour l’Etat Islamique (Daesh) ressort aussi de la nomination par Abou Bakr al-Baghdadi et de 8 de ses proches collaborateurs à la tête de Daesh en Libye, notamment Wissam Al Zubaidi (alias Abou Nabil Al Anbari), Turki Moubarak Al Binali (alias Abou Sufian) et Abou Habib al-Jazrawi. En septembre 2014, la déclaration d’allégeance à Daesh s’est déroulée en présence d’émissaires d’Al-Bahgdadi. Abu al-Bara al-Azdi, un yéménite, et Al-Jazrawi, un saoudien, se sont rendus à Derna pour l’occasion. Al-Baghdadi a en outre envoyé en Libye, en 2015, le prédicateur bahreïnien Turki Al-Binali, membre du conseil religieux de Daesh.

[10] Environ 800 qui avaient formé la Brigade Al-Battar.

[11] Tripolitaine (avec Tripoli et Syrte), la Wilaya Barqa (Cyrénaïque, avec Derna et Benghazi) et la Wilaya du Fezzan (sud).

[12] Aiman Muhammed rabi al-Zawahiri a fait l’éloge funèbre de Zahawi dans un enregistrement audio intitulé « Le printemps islamique », ce qui montre que Zahawi était considéré comme faisant partie du vaste réseau mondial de groupes affiliés à Al-Qaida.

[13] Leur poste de commandement se trouve au Centre de conférences Ouagadougou à Syrte qui a été le bastion de la résistance des partisans de Kadhafi en 2011.

[14] Elle a été constituée pour faire face aux forces du général controversé Khalifa Élu au Congrès général national en juillet 2012, il siège au sein de cette assemblée pendant deux ans.

[15] Source Wikipédia : Avant d’être élu le 25 juin 2014 à la Chambre des représentants dont il est membre depuis le 4 août de la même année3.Le 17 décembre 2015, un accord est conclu sous l’égide de l’ONU entre les deux autorités rivales libyennes, siégeant respectivement à Tobrouk et à Tripoli, dans le but de mettre fin à la guerre civile4. Sarraj est alors désigné pour prendre la tête du gouvernement d’union nationale dont la composition doit être validée par un vote des deux parlements antagonistes. Le 9 janvier 2016, il est victime d’une tentative d’assassinat sur la route entre Zliten et Misrata. Le 19 janvier, il forme son gouvernement, auquel la Chambre des représentants refuse d’accorder sa confiance le 25 janvier, entraînant par conséquent la démission de Sarraj et de l’ensemble de ses ministres. Le lendemain, il annonce cependant la formation d’un nouveau gouvernement dans les dix jours. Le 2 février 2016, il rencontre le général Khalifa Haftar.Le 9 février 2016, il demande une semaine de plus pour former le gouvernement. Le 14 février 2016, un nouveau gouvernement est proposé. Le 23 février 2016, la séance censée approuver la composition du nouveau gouvernement, est reportée d’une semaine, faute de quorum suffisant.

[16] www.lepoint.fr

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