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Opération Barkhane : la France financièrement à la peine au Sahel

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La France va rendre hommage lundi aux treize soldats français qui ont trouvé la mort dans un double accident d’hélicoptères au Mali. Emmanuel Macron prononcera leur éloge funèbre lors de la cérémonie aux Invalides.

Atlantico.fr : Au vu des événements qui se sont déroulés au Mali (13 soldats français ont trouvé la mort), la situation semble de plus en plus tendue dans cette zone. Certains partis politiques, comme LFI, en profitent pour appeler à une discussion « pour envisager les voies de sortie » de l’opération lancée en 2014.

Quelle est la situation au Mali (tant sur le plan militaire que géopolitique) ? Le niveau de menace pour les forces françaises a-t-il augmenté ?

Jean-Bernard Pinatel : La situation au Mali doit être examinée non seulement au niveau des cinq pays du G5 Sahel mais aussi au regard des 4 pays riverains de la méditerranée et en particulier de la Lybie et de la Tunisie.

La zone d’opération Barkane couvre cinq pays du Sahel (Mauritanie, Mali, Burkina, Niger et Tchad) où vivent 93 millions d’habitants sur 5 000 000 de km2, près de 8 fois la superficie de la France.

Une chronologie sommaire est en effet nécessaire pour comprendre la situation actuelle :

• Aout 2011 mort de Kadhafi

• Novembre 2011 le gouvernement s’inquiète du pillage des arsenaux libyens et du retour dans leur pays des militaires originaires du Sahel qui servaient dans l’armée libyenne avec un armement considérable. On parle notamment de 5000 SAM7 disparus.

• 2012 tout le Nord du Mali est en rébellion ; les villes de Tombouctou et de Gao sont aux mains de plusieurs organisations islamistes AQMI et le MUJAO dont les chefs ne sont pas originaires du Mali et qui cohabitent plus ou moins avec les indépendantistes Touaregs du massif des ifhogas

• Le 12 janvier2013 début de l’opération Serval face à la menace des rebelles qui après avoir pris Konna menacent Bamako.

Depuis le 18 janvier 2013 je ne cesse d’écrire que le retour à la stabilité du Mali ne pourra être obtenue seulement par une option militaire ; que notre objectif doit se limiter à casser les katibas et à ramener les bandes à de petits groupes qui seront incapables de contrôler durablement une ville ; que pour faire monter en puissance l’armée malienne comme celle du Burkina et qu’elles soient capables de conduire seules des actions offensives vers le nord, il faudra reconstruise presque complétement le corps des officiers qui a démontré en 2011 sa lâcheté et sa corruption ; qu’il est essentiel de mettre en place une solution d’autonomie pour l’AZAWAD qui ressemble à celle que les espagnols ont consenti aux Basques afin de dissocier les Touaregs des bandes d’islamistes dont l’encadrement est souvent étranger ou qui a servi de longues années en Libye.

Au final l’opération Barkane est un succès car cet engagement limité a permis de garantir un niveau de sécurité acceptable et elle fournit les délais nécessaires à la reconstruction des armées de ces pays. Dans ce domaine on est à peine au milieu du gué. Elle permet aussi, tant bien que mal, de préserver une activité économique minimale notamment grâce à l’exploitation de leurs richesses minières. Cet objectif est atteint avec un surcout financier limité pour notre budget militaire de l’ordre de 1,5 milliard d’€ (moins de 5% de nos dépenses militaires) si on prend en compte l’usure accélérée des matériels. Et aussi avec des pertes humaines très limitées même si elles sont toujours très douloureuses.

Cela dit l’objectif de muscler les forces de ces pays pour leur permettre de mener des actions offensives contre les rebelles du Nord sera un travail de longue haleine. Certains pensent même que c’est illusoire. Le Tchad a connu une stabilité relative à partir du moment où se sont les Toubous ou les Goranes qui ont pris le pouvoir à N’Djamena car les nomades du désert ont un ADN de guerrier ce qui n’est pas le cas des populations sédentaires du Sud.

Enfin sur un plan géographique plus large tant que les milices islamiques continueront de contrôler Misrata en Libye et une partie de Tripoli, Erdogan pourra continuer à ravitailler en armes et en munitions les islamistes du Sahel.

L’armée française peut-elle continuer à combattre dans les conditions actuelles ? En a-t-elle les moyens ? Est-ce qu’une opération européenne par exemple serait plus efficace ?

Jean-Bernard Pinatel : L’armée française a les moyens d’empêcher la reconstitution de katibas qui pourraient à nouveau contrôler durablement une ville et des villages dans ces pays. Elle tire de cette mission un bénéfice considérable en capacité opérationnelle car une armée qui ne se bat pas ne vaut rien. Quant aux européens, ils nous aident logistiquement et prennent en compte des actions de formation et notre Ministre des armées se bat quotidiennement pour leur faire accroître cet effort. Mais tant que l’Allemagne ne changera pas sa Constitution, elle ne pourra pas engager ses forces dans des opérations militaires. Quant à l’Italie elle a des intérêts considérables en Libye et joue un jeu qui va dans le sens de ses propres intérêts et pas nécessairement dans celui d’une stabilisation de la Libye.

Quelles seraient les conséquences d’un retrait du Mali ?

Jean-Bernard Pinatel : Les conséquences seraient des vagues d’immigration vers la France. Je rappelle que 93 millions de personnes vivent dans ces 5 pays, beaucoup ont des parents qui vivent et travaillent France. Stabiliser la situation sécuritaire et aider ces pays dans leur développement est la seule option sérieuse.

Certains observateurs estiment que la France défend non seulement des intérêts politiques mais aussi économiques au Sahel, notamment sur les questions liées à l’uranium. Est-ce crédible ?

Jean-Bernard Pinatel : Non, l’uranium est une ressource abondante et bien répartie sur l’ensemble de la planète : 44 % des réserves se trouvent dans les pays de l’OCDE – l’Australie est le premier producteur -, 22 % dans les BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud) et 34 % dans le reste du monde. Nous ne sommes absolument pas dépendants du Niger.

Ces opérations sont certes nécessaires mais lorsqu’elle déploie ses forces armées, la France est souvent accusée de néocolonialisme. Comment sortir de ce cercle vicieux ?

Jean-Bernard Pinatel : La France est au Sahel à la demande express et en coordination permanente avec les gouvernements légaux. Pour mémoire l’or du Burkina et du Mali est presque exclusivement exploité par des compagnies qui sont canadiennes, australiennes, turques, russes, etc.. Et pas françaises !

On n’empêchera pas les islamo-gauchistes, compagnons de route de l’Islam radical, de reprendre la chanson du néocolonialisme.

Source : ATLANTICO


Bilan d’un an de l’opération Barkhane

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Le théâtre d’opérations s’étend sur 3,5 millions de km2 soit une étendue représentant 6 fois la France. Plus de 3 000 militaires sont déployés dans le cadre de l’opération Barkhane. A titre de comparaison 4 000 militaires français étaient présents en Afghanistan au plus fort des opérations. Ils étaient placés sous le commandement du général de division Jean-Pierre Palasset qui a conduit l’opération à partir d’un poste de commandement interarmées unique stationné à N’Djamena (au Tchad).Il a été remplacé le 1er aout 2015 par le général de division Patrick Brethous.

L’Armée française intervient en appui :

  • des armées du G5 Sahel qui regroupe cinq pays de la bande sahélo-saharienne : le Burkina-Faso, le Mali, la Mauritanie, le Niger et le Tchad;
  • la MINUSMA (mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation au Mali), établie par la résolution 2100 du Conseil de sécurité le 25 avril 2013.

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Le dispositif français

Le volet terrestre de la force est essentiellement armé par deux groupements tactiques interarmes (GTIA) qui s’articulent autour de deux points d’appui principaux : l’un à N’Djamena (Tchad), l’autre à Gao (Mali). A partir de ces points d’appui permanents, des détachements sont déployés sur des bases avancées temporaires (BAT) comme à Tessalit ou Kidal, au Mali, ou encore à Madama, au Niger. Ces bases avancées permettent à Barkhane d’agir dans les zones les plus reculées, aux côtés des soldats des armées des pays partenaires.

Les moyens aéroterrestres jouent un rôle essentiel dans la conduite des opérations, en conférant à la force la souplesse et les capacités d’élongation indispensables pour prendre l’ascendant sur l’adversaire et s’affranchir des distances :

  • un sous groupement aéromobile (SGAM) de l’armée de Terre est stationné à Gao. Il est constitué de 10 hélicoptères : 2 Puma, 2 Gazelle, 2 Tigre, 2 Caïman, 2 Cougar;
  • les moyens aériens sont répartis sur deux bases principales : à Niamey au centre du dispositif de Barkhane et à N’Djamena.

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Le Bilan après un an d’opérations

Depuis le lancement de l’opération Barkhane, le 1er août 2014, les forces françaises ont à déplorer la mort de 3 sous-officiers : l’Adjudant Thomas Dupuy, le 29 octobre 2014 du Commando parachutiste de l’Air n°10 ; l’ Adjudant Samir Bajja, le 29 novembre 2014 du Service des essences des armées ; l’adjudant Samir Bajja mortellement blessé dans un accident d’hélicoptère le 29 novembre2014.

125 terroristes ont été mis hors de combat lors des affrontements qui les ont opposés à la force, dont 65 ont été capturés et transférés aux forces partenaires.

20 tonnes de munitions saisies et détruites : 2 000 obus ; 680 grenades, roquettes et fusées; 25 EEI et mines; 210 détonateurs et commandes d’EEI; 30 mortiers, mitrailleuses et lance-roquettes; 150 caches fouillées; 3 500 kg de drogue saisis; 25 véhicules; 80 appareils électroniques (GPS, ordinateurs, téléphones et postes radio).

Ce bilan, bien qu’important, est sans commune mesure avec le volume de matériel de guerre qui avait été découvert par la force Serval début 2013 au Nord Mali.
Il confirme qu’il n’existe plus de sanctuaire terroriste au Mali, même si ponctuellement des caches logistiques sont encore découvertes.


L’intervention au Sahel :
stratégie militaire et diplomatique

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Une analyse géopolitique et stratégique s’impose à l’heure où une intervention militaire dans le Sahel des forces de la CEDEAO [1] est imminente. Ces forces terrestres de 3000 hommes mises à la disposition par plusieurs États africains seront entrainées et appuyées par les forces spéciales françaises, ainsi que par des drones français et américains et bénéficieront de tout l’appui aérien feu et logistique nécessaire.

Nous la réaliserons en deux articles.
Le premier traitera des caractéristiques du milieu où cette action se déroulera et desquelles découle une manœuvre militaire envisageable.
Le second étudiera les mouvements terroristes qui contrôlent le Nord-Mali, ainsi que leur proximité plus ou moins grande ou supposée avec les états qui bordent ce théâtre d’opérations, en particulier le Maroc et l’Algérie. Cette analyse nous permettra de tracer certaines options envisageables pour la manœuvre diplomatique qui accompagnera la manœuvre militaire.

Les caractéristiques de la zone d’opération

La zone des opérations à venir se déploiera probablement sur une surface d’environ
2 millions de km² (près de 4 fois la superficie de la France). Elle s’étend du Nord au Sud sur environ 1000 km, depuis le 20ème parallèle au sud de Tamanrasset à une région du Sahel qui englobe l’Est mauritanien, le Nord-Mali et le Nord-Niger.
D’Ouest en Est, elle s’étend sur 2000 km de large, depuis la région frontalière mauritanienne de Nema - Adel Bagrou [2] - Bassiknou jusqu’à la région d’Arlit [3] - Agadès - Nakoro [4] au Niger, comprenant la boucle du Niger où se situent les villes de Gao et Tombouctou.

Sahel
Cette zone d’opérations est, pour les trois quart, désertique et relativement plate. Les principaux reliefs de la zone sont situés à l’est du Mali, dans le district de Kidal (10 000 habitants), lieu d’origine des Touaregs de la tribu des Ifoghas qui culmine à 890 m. Ce massif cristallin, extension du Sahara central, est longé à l’Ouest par la vallée du Tilemsi, axe Sud-Nord permettant d’atteindre la frontière algérienne et qui traverse les bourgades de d’Aguelhok (8000 habitants) et de Tessalit (5000 habitants). Cette zone a été conquise début 2012 par les rebelles du MNLA et est désormais contrôlée par les islamistes d’Ansar Dine qui est en partie un « spin off » du MNLA.

Au nord du fleuve Niger on débouche rapidement sur un ensemble de plaines ensablées avec des altitudes comprises entre 250 et 350 m. Elles sont traversées par une seconde piste Nord-Sud, itinéraire traditionnel des caravanes de sel. Elle permet, à partir de Tombouctou, de rejoindre la frontière algérienne en passant par le point d’eau d’Arouane (260 km Nord de Toumbouctou) et par l’ancien bagne de Taoudenni (750 km Nord de Tombouctou) où les Touaregs exploitent depuis toujours le sel gemme, puis elle passe par Téghasa aux confins Nord-Ouest du Mali pour rejoindre Tindouf en Algérie.

D’Est en Ouest, en dehors du fleuve Niger, il n’existait traditionnellement au Nord-Mali qu’une seule piste qui reliait Tamanrasset (Algérie) à Tessalit - Taoudenni, via le poste frontière algérien de Tinzaouaten.

Les spécificités de la guerre en zone sahélienne

Le contrôle des villes et bourgades, qui n’existent que parce qu’il y a des points d’eau, est l’enjeu déterminant de la guerre en zone semi-désertique et désertique.

En zone désertique, il est très difficile lorsqu’on se déplace de déjouer le repérage aérien qui est facilité par l’absence de végétation. L’intervention française de 1977-1978 contre le Polisario [5] le démontre clairement. Ce mouvement sahraoui, créé et soutenu par Alger, voulait asphyxier la Mauritanie en s’attaquant au chemin de fer minéralier reliant Zouerate à Nouadhibou, pour supprimer sa seule ressource exportable : le fer de Zouerate.

Le dispositif, qui permit de sécuriser l’acheminement du fer, comprenait des « Breguets Atlantics » de la Marine pour le repérage des colonnes du Polisario et des « Jaguars » de l’Armée de l’Air, basés au Sénégal et ravitaillés en vol, pour les détruire. C’est aussi cette pression exercée contre le Polisario, créée par Alger, pour contester l’annexion d’une partie du Sahara occidental par le Maroc, qui permit la libération des otages de Zouérate. Boumediene accepta de les remettre aux autorités françaises, espérant par ce geste éviter la destruction complète du potentiel du Polisario. C’est cette expérience qui fait espérer que les groupes terroristes n’exécuteront pas leurs otages en cas d’intervention militaire car c’est leur meilleure carte dans une ultime négociation.

La stratégie militaire envisageable

Compte tenu du milieu géographique et humain, la campagne militaire envisageable contre les organisations terroristes pourrait se déployer suivant un plan en trois phases :

  • renforcement et entrainement des Forces Armées Maliennes (FAM) dans le cadre de l’accord de coopération militaire [6]. Les Forces françaises présentes au Sénégal devraient s’acquitter de cette mission. Pour ménager toutes les susceptibilités africaines ce seront vraisemblablement les FAM réorganisées, formées et ré-équipées qui reprendront l’offensive, soutenues par les 3000 hommes des forces de la CEDEAO, elles-mêmes appuyées par la France (Armée de l’Air et Forces Spéciales).
    Parallèlement, dès que possible on assistera à une amplification des actions de renseignement [7], voire des frappes aériennes sur les axes reliant les villes et les bourgades occupées par les forces terroristes;
  • reconquête des villes de la boucle du Niger et notamment de Gao et de Tombouctou, en priorité;
La grande mosquée de Tombouctou

La grande mosquée de Tombouctou

  • reprise du contrôle de l’Adrar des Ifoghas dont les localités de Kigal, d’Aguelhok (8000 habitants) et de Tessalit.
Les montagnes du Tigharghar, de l’Oued Tessalit

Les montagnes du Tigharghar, de l’Oued Tessalit

Le top départ de cette action de reconquête dépendra du temps nécessaire à la réorganisation et à la formation des forces maliennes.

Parallèlement, une négociation politique devrait se développer englobant les pays riverains (Algérie, Maroc, Mauritanie, Niger, Sénégal), le gouvernement malien et incluant les Touaregs du MNLA et d’Ansar Diné.

C’est l’analyse de cette manœuvre diplomatique envisageable, fondée sur le parcours des leaders de ces mouvements terroristes et l’origine de leurs combattants que nous présenterons dans un prochain article.

Général (2S) Jean-Bernard PINATEL

[1] Communauté Économique des États de l’Afrique de l’Ouest.

[2] Où un gendarme mauritanien a été enlevé, fin décembre 2011.

[3] Où cinq Français salariés d’Areva et de Satom, ainsi qu’un Togolais et un Malgache ont été enlevés le jeudi 16 septembre par AQMI.

[4] 300 km sud d’Agadès où, dans la nuit du 14 au 15 octobre 2012, 6 travailleurs humanitaires africains, travaillant pour une ONG nigérienne, ont été enlevés.

[5] Le radar des « Atlantics », optimisé pour repérer les périscopes de sous-marins, a fait merveille sur la mer de sable mauritanien.

[6] La France a décidé de reprendre sa coopération militaire avec le Mali, interrompue depuis un coup d’État en mars, alors que se prépare l’envoi d’une force étrangère pour reconquérir le nord du pays occupé par des islamistes armés, a annoncé un diplomate français. « En ce qui concerne la question militaire, le gouvernement français a marqué sa disponibilité à coopérer avec le Mali dans ce domaine », a déclaré Jean Félix-Paganon, envoyé spécial de la France au Sahel, avant son départ de Bamako dimanche soir. Ouest-France , lundi 22 octobre 2012.

[7] Selon Intelligence Online, l’Armée de l’air française déploiera, pour le compte de la Direction du renseignement militaire (DRM), deux de ses drones MALE Harfang sur une base en cours d’aménagement au Niger. Ces engins sont rapatriés d’Afghanistan. Ces équipements viendront compléter la flottille d’avions à long rayon d’action Atlantic 2 qui assurent déjà la surveillance régulière des zones tenues par AQMI et par les autres groupes salafistes présents entre la Mauritanie, le Mali et le Niger.