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La perte d’influence de la France au Moyen-Orient

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Depuis samedi 16 avril et jusqu’au 19 avril, François Hollande est en visite au Moyen-Orient et se rendra au Liban, en Egypte et en Jordanie. Quel sont les enjeux de ce voyage ?

Le Président de la République se rend au Liban puis au Caire pour terminer son voyage en Jordanie. Nous sommes malheureusement dans une gesticulation présidentielle qui va probablement encore couter de l’argent aux contribuables français.

Au Liban, François Hollande veut marquer son soutien à l’Armée libanaise alors que le fameux contrat « Donas » qui prévoyait de fournir pour 3 milliards de dollars d’armement français au Liban, grâce un financement saoudien, a été annulé par Riyad. Il va aussi visiter un camp de réfugiés syriens pour rencontrer une famille syrienne qui sera accueillie en France.
Je rappelle que la France va en accueillir 1000 alors qu’au Liban ils sont environ 2 millions de Syriens soit environ un tiers de sa population. Que peut-il faire sinon encore ouvrir les vannes de l’argent public pour que cette visite ne soit pas un fiasco ?

Car enfin, de par sa politique syrienne de déstabilisation du régime d’Assad, il est en partie la cause de ces millions de réfugiés. En 2010, dans 26 pays européens couverts par Eurostat [1], seulement 955 réfugiés syriens avaient été accueillis pour des raisons autres qu’économiques, alors qu’en 2014 ils étaient 24 961 soit 30 fois plus. C’est donc la politique irresponsable de déstabilisation du régime syrien initialement financée par l’Arabie Saoudite et le Qatar et dans laquelle François Hollande a toujours eu une position en flèche qui est la cause du problème de réfugiés syriens et non, comme on essaie de nous le faire croire, le régime syrien. Tous ceux comme moi qui allaient en Syrie avant les événements voyaient un pays en plein développement où les habitants vivaient en paix, pratiquaient la religion de leur choix et voyaient leur pouvoir d’achat augmenter.

En Egypte, pays avec lequel depuis Bonaparte la France entretient une relation culturelle privilégiée est en prise avec le terrorisme islamique sur sol et dans le pays libyen voisin. Ce voyage permettra certainement un échange d’informations intéressant notamment sur Daech en Libye qui se heurte à une forte résistance des puissantes milices locales [2]. Le chef de l’Etat est accompagné de nombreux chefs d’entreprise et ce sera l’occasion habituelle pour le chef de l’Etat d’essayer de s’approprier le mérite de négociations menées par les industriels et aussi de remercier l’Egypte d’avoir accepté d’acheter, avec l’argent que la France lui a prêté, les Mistrals qu’il a refusé de vendre à la Russie, pliant sous la pression d’Obama.

En Jordanie, le Président y va pour s’habiller en chef des Armées, seule composante de son image qui résiste encore un peu à la critique des français. Il visitera la base aérienne Prince-Hassan, d’où décollent les avions français pour bombarder le groupe Etat islamique en Irak et en Syrie.

La guerre en Syrie mobilisera certainement une grande partie des discussions. Dès le début de la crise en Syrie, la France a pris une position extrêmement ferme à l’égard du régime de Bachar el-Assad et a commis certaines erreurs d’appréciation, considérant notamment que le régime syrien n’avait que quelques semaines ou quelques mois devant lui. Depuis, la position de François Hollande n’a pas évolué. Comment expliquer selon vous, cette intransigeance du président de la République alors même que, quatre ans après le début du conflit, le rapport de force n’est plus le même et le régime d’Assad s’est renforcé ?

François Hollande est d’une autosatisfaction extravagante et est totalement coupé des réalités de terrain comme l’on noté la plus part des observateurs lors de sa dernière apparition sur France 2 où il a déclaré « la France va mieux » et où il n’a fait aucune autocritique sur sa politique économique.

Il se comporte de la même façon sur la Syrie où il s’est trompé à de multiples occasions. La première fois en voulant voir dans les évènements en Syrie un « printemps arabe » alors que nos services l’abreuvaient de mises en garde sur l’action en sous-main de l’Arabie Saoudite et du Qatar. En fait c’est plus probablement une concurrence politicienne qui est la raison principale de son erreur stratégique d’analyse sur la nature de la crise. Comme Sarkozy avait réussi à éliminer Kadhafi il ne voulait pas être de reste et il lui fallait éliminer Assad, un autre dictateur.

Il s’est ensuite trompé sur la capacité de résistance du régime Syrien qui était soutenu par au moins 50% de sa population et qui possédait une armée solide. Il n’a pas non plus compris que la Syrie était un enjeu géopolitique autrement plus important que la Libye pour l’Iran et la Russie.

Jusqu’au 7 janvier 2015 date de l’attentat contre Charlie Hebdo, il s’est trompé encore, comme Obama et les saoudiens, sur la capacité des occidentaux à contrôler la rébellion devenue Califat en juin 2014 où il est apparu que Daech avait des objectifs qui ne se limitaient pas au Moyen-Orient.

Même après les attentats de Paris de novembre 2015, il n’a toujours pas compris que pour battre Daech il faut s’appuyer sur des structures étatiques solides en Syrie et en Irak et que seuls des combats au sol, menés par les armées des pouvoirs locaux appuyés par nous, permettront de reconquérir les villes et les villages occupés par l’Etat Islamique.

La France peut-elle encore faire entendre sa voix sur le dossier syrien ou est-elle définitivement hors-jeu ? Pourquoi ?
La réponse est dans votre question. La France est hors-jeu et c’est désormais la Russie qui est au centre du jeu. La preuve : après les attentats de Bruxelles où croyez-vous que s’est rendu le secrétaire d’État américain John Kerry le 24 mars 2016? A Moscou, rencontrer Vladimir Poutine. Même Angela Merkel a discuté directement avec Erdogan du dossier des réfugiés sans y associer François Hollande. Pourquoi ? Parce que lorsqu’on s’est autant trompé on n’est plus crédible et on perd toute légitimité à l’intérieur et à l’extérieur.

Plus largement, qu’en est-il de la perte d’influence diplomatique de la France au Moyen-Orient ? Quelle est la part de responsabilité de François Hollande dans cette évolution ?

La France avait traditionnellement une position de médiateur au Moyen-Orient que François Hollande a totalement abandonnée en devenant un allié privilégié de l’Arabie Saoudite wahhabite. Quand on n’est pas fort militairement dans un conflit [3] et que l’on a choisi un camp on n’a aucune carte en main pour peser diplomatiquement. En politique étrangère François Hollande aura là aussi affaibli la France et mis en danger la sécurité des français.

Général (2S) Jean-Bernard PINATEL

[1] Dernières statistiques disponibles sur la base de données Eurostat.

[2] Lire mon analyse : Les conditions politiques d’une intervention militaire directe en Libye ne sont pas réunies.

[3] La majorité de nos moyens sont à juste titre consommés dans le Sahel et le reste de nos effectifs terrestres utilisés dans l’opération sentinelle.

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