RSS: Posts | Comments

Analyse de la situation politique et militaire en Irak - Janvier 2016

1 commentaire

Situation militaire

Le fait du mois est la décision de Washington d’accroitre son engagement militaire en Irak. Face au succès de l’intervention Russe en Syrie (les forces d’Assad sont sur le point de prendre Alep) et le déploiement de troupes turques au Kurdistan, Washington [1] a décidé à d’accroitre son effort terrestre en Irak par l’envoi d’éléments de la 101ème division aéroportée pour aider les forces irakiennes et les peshmergas à reprendre Mossoul et Raqqa. Des détachements précurseurs des 17 000 hommes de la 101ème division aéroportée sont en cours de déploiement sur la base aérienne d’Ain Al Assad [2]. Selon le secrétaire américain à la Défense Ashton Carter, 500 soldats du quartier général de la 101e division aéroportée se joindront aux combats en Irak fin février. 1.300 soldats supplémentaires de la 2e brigade vont se déployer en Irak à la fin du printemps pour former et appuyer l’armée irakienne et les peshmergas kurdes. Cette décision a aussi pour but de couper l’herbe sous les pieds de la Turquie qui, sous prétexte de lutter contre Daesh, veut éviter la création d’un Etat Kurde et positionner des forces armées au Kurdistan syrien et irakien.

Ashton Carter [3] dans un discours aux soldats de la 101e Division aéroportée sur le point d’être déployée en Irak, a nommé les deux plus grandes zones urbaines contrôlées par l’EI, Mossoul dans le nord de l’Irak, troisième plus grande ville du pays, et Raqqa, la capitale de fait de l’EI, dans l’est de la Syrie, comme les principales cibles, pour la prochaine période, d’opérations coordonnées aériennes, terrestres et spéciales. Il a ainsi précisé la stratégie d’Obama dans la guerre contre Daesh dans les termes suivants: « Je sais que la 101e a pris Mossoul autrefois et vous pourriez le refaire ». « Nous pourrions déployer de nombreuses brigades sur le terrain et arriver en force, mais cela deviendrait probablement notre combat et seulement notre combat ». Un tel effort « américaniserait le conflit, permettant à l’EI d’appeler ceci une occupation étrangère ». « Plus problématique encore seraient les efforts pour tenir des villes comme Mossoul et Raqqa si elles étaient vaincues par une force d’invasion plutôt que par des alliés locaux de Washington, tels que les forces kurdes et les troupes gouvernementales irakiennes ». Au lieu de cela, a-t-il expliqué, « nous allons permettre à des forces locales motivées et une coalition internationale au plan de campagne clair, avec le leadership américain et toutes nos capacités impressionnantes de frappes aériennes, forces spéciales, outils informatiques, renseignement, équipement, mobilité et logistique; de formation, conseil et assistance de la part de ceux sur le terrain, dont vous, de réussir ».

Cet engagement accru américain suit le succès des forces irakiennes à Ramadi. Avant la libération de Ramadi, peu de monde aurait parié en Irak sur un succès de l’armée irakienne. Mais mieux équipées notamment de missiles antichar Kornet et 4AT, les forces irakiennes ont pu neutraliser à distance les voitures piégées conduites par des kamikazes au cours de ses attaques. Daesh ne peut obtenir des gains de terrain dans ses attaques qu’en lançant simultanément 60-70 voitures piégées à la fois pour comme c’était le cas, ce mois-ci, lors des batailles de Tharthar et de l’est d’Amiria Faluja.

Situation Politique

Malgré le succès de l’Armée Irakienne à Ramadi qui a amélioré l’image internationale de l’Irak, le Premier ministre Haider Al Abadi est toujours dans une situation politique délicate sur le plan intérieur tant vis à vis des Kurdes que des sunnites, communautés qui représentent chacune environ 20% de la population irakienne.

Avec le Kurdistan les rapports continuent de se détériorer pour trois raisons, politique, militaire et économique. Bien que les grands acteurs régionaux, Turquie et Iran, ne soient pas du tout favorables à l’émergence d’un Etat Kurde, les incessantes revendications kurdes d’autodétermination et d’indépendance ne sont pas de nature à détendre les rapports entre Erbil et Bagdad. D’autant plus que des centaines de conseillers et experts américains au Kurdistan ont établi directement des postes de commandement communs avec les Kurdes pour gérer ensemble les opérations et le renseignement contre Daesh. L’attitude des américains qui arment et appuient les Kurdes, et dont ils ont besoin pour reprendre Mossoul, fait craindre à Bagdad qu’il existe une certaine entente américano-kurde sur le statut ultérieur des territoires libérés par les Kurdes et notamment sur la ville de Mossoul. Enfin la chute des cours du pétrole sur le marché mondial a aggravé les difficultés économiques de la province du Kurdistan, notamment parce que Bagdad ne verse plus sa part de budget à la province kurde en représailles aux exportations de pétrole qu’Erbil effectue directement, le Kurdistan ayant augmenté de façon indépendante ses exportations pétrolières en 2015 à plus de 600 000 b/j.

Avec les sunnites ce sont les graves incidents qui ont eu lieu après l’explosion de voitures piégées conduites par des kamikazes à Bakuba, Mugdadyia et Jadidat Al-Shatt, faisant des dizaines de morts et de blessés shiites et provoquant la colère des milices shiites de la région. Des miliciens shiites ont immédiatement attaqué les habitants sunnites de la ville de Mugdadyia, massacrant les populations sunnites et incendiant 10 mosquées sunnites. Suite à ces exactions, L’Union des Forces sunnites qui est la principale formation représentative des sunnites, a décidé de boycotter les séances du parlement et les réunions du gouvernement irakien. 190 députés sur les 328 étant absents, le parlement irakien n’a pu poursuivre ses travaux. L’Union des Forces Sunnites a renouvelé sa demande d’application de la Charte d’Entente Politique en tant garantie de la réconciliation nationale et notamment ses exigences de dissolution des milices shiites, du retrait de toutes leurs armes lourdes, moyennes et légères et de réserver le port d’armes aux seuls agents de l’Etat et à l’armée irakienne auquel il faut ajouter l’aide au retour les expulsés et les déplacés de guerre chez eux et leur dédommagement.

Le représentant spécial du secrétaire général de l’ONU en Irak a été tenu informé de ces exigences sunnites lors d’une réunion tenue avec l’Union des Forces Sunnites. A l’issue de cette réunion, le représentant du secrétaire général de l’ONU a publié un communiqué de presse appelant tout le monde à éviter les violences, les actes de vengeance et le discorde communautariste et à ne pas attaquer les lieux saints pour ne pas provoquer, de nouveau, une guerre communautariste.

De leur côté, les partis shiites accueillent sans enthousiasme le déploiement de forces de la 101ème division aéroportée américaine. L’Alliance Nationale, shiite, a déclaré qu’elle attendait une explication du premier ministre. La Coalition de l’Etat de droit de l’ex-premier ministre Nourri Al Maliki s’est, étonnée du mutisme gouvernemental à l’égard du déploiement de nouvelles troupes américaines en Irak et de la nature de cette nouvelle présence dans le pays. En revanche, le Conseil Islamique Suprême, a déclaré que ce renforcement entrait dans le cadre de l’accord stratégique signé entre l’Irak et les Etats-Unis.

Situation sécuritaire

Dans 12 des gouvernorats du Nord et du Sud, la situation sécuritaire est toujours calme et sous contrôle, et s’est légèrement amélioré dans l’ensemble des 6 gouvernorats dans lesquels Daesh réalise des attentats puisque l’on ne déplore que 397 morts en janvier contre 545 en décembre (-28%).

Ainsi dans le gouvernorat d’Al Anbar on déplore 106 morts contre 182 en décembre ; à Nineveh 86 contre132 ; à Salahuldein 74 contre 86, à Kirkuk 43 contre 73 ; à Diyala 32 stable et à Bagdad 56/contre 60.

En revanche à Bagdad on doit souligner aussi l’augmentation considérable des cas d’enlèvement. Environ une vingtaine de personnes sont enlevées chaque jour auxquels s’ajoutent des cambriolages, d’assassinats, de vols à main armée et de chantages. Dans la plupart des cas, les groupes des malfaiteurs portent des uniformes militaires. Il y a deux semaines, cinq policiers ont été enlevés au centre de Bagdad, à la rue Sadoune où se trouve l’ambassade française. Pendant la même période, trois soldats américains se trouvant dans un appartement situé au sud de Bagdad ont été, eux aussi, enlevés. Même un vice-ministre de la justice a été enlevé.

A noter qu’une partie de ces actes criminels ont un caractère sectaire. Ils visent les Kurdes habitant dans les quartiers de Bagdad à majorité shiite. Les Kurdes de Bagdad sont menacés de mort par des hommes cagoulés se présentant à leur domicile comme des membres des milices shiites connues. Ils leur demandent de quitter Bagdad. Le président irakien Fouad Massoum qui est lui-même kurde a accueilli plusieurs chefs de tribus kurdes résidant à Bagdad venus pour se plaindre de cette situation. Il s’est engagé à punir les coupables mais le gouvernement irakien semble dans l’incapacité totale d’y faire face.

Général (2S) Jean-Bernard PINATEL

[1] Actuellement 200 membres des forces d’opérations spéciales qu’il avait envoyés en Irak en décembre 2015 sont sur le terrain et engagés dans des actions secrètes contre l’EI. Ceci n’inclut pas les 50 membres des opérations spéciales collaborant actuellement dans le nord-ouest de la Syrie avec des forces insurgées, en particulier le PYD kurde. Cette « Force expéditionnaire de ciblage spécialisée » va « commencer la chasse aux combattants et aux chefs de l’EI, les tuer ou les capturer où qu’ils soient, eux et d’autres cibles clés ».

[2] La base aérienne Al-Asad est une base aérienne irakienne, située à environ 180 kilomètres à l’ouest de Bagdad, dans la province d’Al-Anbar.

[3] World Socialist Web Site.


Analyse de la situation politique et militaire en Irak

0 commentaires

Mois de décembre 2015

Situation politique

La bonne nouvelle en ce début d’année est que contrairement à ce que souhaitent nombre de puissances régionales et notamment la Turquie et même une partie des leaders politiques américains, le dépeçage de l’IRAK et sa division en trois entités chiites, sunnites et Kurdes s’éloigne quelque peu.

Plusieurs faits tendent à le prouver :

1) La provocation turque. Lorsque des troupes turques sont intervenues, le 3 décembre 2015, au nord du pays, près de Mossoul, à Bachika, sans la permission ou la connaissance du gouvernement irakien et sous prétexte de combattre Daesh, le gouvernement irakien a réagi vivement appuyé par l’opinion publique. Le premier ministre irakien Haider Al Abadi a alors lancé un ultimatum sommant Ankara de retirer ses troupes sous deux jours sinon l’Irak aurait recours à toutes les options disponibles pour y parvenir. La force de l’air irakienne a été enjointe de se tenir prête pour défendre « la patrie et protéger sa souveraineté ».

2) Symétriquement, conscientes du danger que représente le poids croissant de l’aide iranienne et des forces pro-iraniennes en Irak, une certaine coordination entre le premier ministre Al Abadi, le grand chef religieux de Najaf Ali Sistani et des partis politiques chiites comme le Courant Sadriste et le Conseil Islamique Suprême semble exister afin de réduire l’influence des courants chiites pro iraniens, fidèles au guide de la révolution iranienne, Ali Khamenei.

3) C’est l’Armée irakienne qui a libéré la ville Ramadi, chef-lieu du gouvernorat d’Al Anbar tombée aux mains de Daesh le 17 Mai. A l’offensive finale, ont pris part, aux côtés de l’armée irakienne, des combattants tribaux sunnites entrainés par les américains (voir nos précédentes évaluations) pour libérer les quartiers de Tamim, JamÏa et Hamira au sud de la ville. La bataille pour le centre-ville a été lancée le 22 décembre à partir du Sud-Ouest. Les forces irakiennes ont traversé la rivière Warar sur des ponts lancés par le génie. Loffensive a ainsi bénéficié d’un effet de surprise car Daesh avait orienté sa défense face au Nord où étaient massées la majorité des troupes irakiennes. Pour la première fois, l’armée irakienne y a utilisé des hélicoptères Apache pour frapper l’ennemi. Des images vidéo ont montré des habitants de la ville accueillant les soldats irakiens par des slogans disant : Sunnites et Chiites, tous ensembles. Le nettoyage de la partie Est de la ville se poursuivait début janvier car quelques centaines de combattants de Daesh, dont une majorité de kamikazes étrangers, s’y trouvaient retranchés avec une grande partie des habitants dont ils se servaient comme boucliers humains.

4) Alors que sur le terrain, les forces Kurdes ont remporté deux victoires importantes à Sinjar en Irak et dans la région Hol en Syrie [1], Massoud Barzani s’accroche à son poste ce qui paralyse la vie politique du pays et gèle en quelque sorte les différends avec Bagdad.

Cette situation et le fait que les manifestations de rues n’ont dégagé aucun leader nouveau fournissent quelques délais supplémentaires au premier ministre Haider Al Abadi pour réaliser les réformes attendues par les irakiens. Mais cette accalmie reste très fragile car, avec la baisse du pétrole et l’effort de guerre, le clivage social entre riches et pauvres ne cesse de s’approfondir. Si le projet réformiste du premier ministre n’aboutit à rien, l’Irak peut-être dans un avenir proche aux prises avec des évolutions violentes et dramatiques initiées, cette fois, par les Chiites et non pas les Sunnites.

Situation sécuritaire

En décembre, la situation sécuritaire évaluée par le nombre de morts par attentat est restée stable par rapport à novembre 2015 qui avait connu une décroissance importante par rapport aux mois précédents. Le bilan s’établit à 545 morts par attentat, chiffre identique à celui de novembre. On note toutefois une nette amélioration à Bagdad et dans le gouvernorat de Diyala (12 morts).

A Bagdad, le nombre de morts par attentats a diminué de 40% et s’établit à 60 morts. En effet, il n’y a eu aucun attentat à la voiture piégée. C’est un succès à mettre au compte des services irakiens qui ont pu identifier et interdire toutes les routes par lesquelles passaient ces voitures pour venir jusqu’à Bagdad. En revanche en raison de la dégradation de la situation économique et de la montée en flèche du chômage, le nombre de vols à main armée et d’enlèvement a fortement augmenté. Ce sont surtout les médecins, les bureaux de change, les salaires des fonctionnaires et les joailleries qui sont visés.

Dans le gouvernorat d’Al Anbar on recense 182 morts par attentat ce qui le maintien en tête des régions les plus dangereuses et cette situation risque de perdurer. Selon les autorités locales, Ramadi est détruite à 80% à cause de bombardements et parce qu’avant son retrait du centre-ville, Daesh a dynamité la plupart des bâtiments gouvernementaux publics et beaucoup de maisons résidentielles. En outre, tous les ponts sont détruits. Il faudra, dans ce contexte économique dégradé, beaucoup de temps à la municipalité pour nettoyer la ville, la reconstruire et remettre en état ses infrastructures et ses services municipaux.

Le gouvernorat de Nineveh avec 132 morts dont le chef-lieu est Mossul reste une région où les affrontements ne peuvent que s’accroitre car l’emprise des forces irakiennes et des peshmergas se resserre autour de la ville.

La situation est stable à Salahuldein (86 morts) et à Kirkuk (73 morts).

Au sud du pays, la situation sécuritaire continue d’être relativement calme. Des mesures de sécurité très fermes ont été appliquées au cours des célébrations chiites qui ont eu lieu, à Najaf, les 11-12 décembre. Néanmoins à Bassora, comme à Bagdad, le taux de criminalité a augmenté en décembre. Il y a eu beaucoup de vols à main armée et d’enlèvements.

[1] Ce qui est probablement une raison de l’envoi de forces Turques en Irak.


Analyse de la situation politique et militaire en Irak, 1er décembre 2015

0 commentaires

Situation politique

Dans un contexte géopolitique profondément modifié par l’intervention Russe en Syrie, en novembre 2015, la situation politique en Irak a continué de se détériorer. Ces tensions accrues se sont manifestées tant à Bagdad qu’à Erbil ainsi que dans les relations entre le Kurdistan et la capitale.

A Bagdad, l’Alliance Nationale chiite, attisée en sous-main par Al Maliki et à laquelle appartient le premier ministre irakien Haider Al Abadi, ne cesse de mettre des bâtons dans les roues du gouvernement. Les députés de sa formation font assaut de critiques contre les réformes promises et lancées par le premier ministre pour répondre à la colère des manifestants qui s’élèvent contre la corruption régnant dans les rouages de l’État irakien [1]. Ces mesures, et notamment celles relatives à l’abrogation des privilèges et des prérogatives des parlementaires et des hauts fonctionnaires de l’État bénéficient d’un soutien populaire très large. Mais la lenteur de leur adoption, du fait du combat retardateur mené par les députés, font perdre à Al Abadi une partie de sa popularité auprès des couches les plus défavorisées de la population. De son côté, le Bloc National qui regroupe les partis sunnites participants au pouvoir en place, s’est lui aussi disloqué, donnant naissance à une formation politique fondée sur des bases strictement sectaires.

Au Kurdistan, le problème du troisième mandat du président sortant de la province autonome, Massoud Barzani, n’est pas encore résolu. Ce dernier s’accroche au pouvoir alors que son mandat est terminé depuis le 20 aout 2015, jour où devait avoir lieu l’élection présidentielle.

En outre, les différends entre Bagdad et Erbil se sont, eux aussi, gravement aggravés à la suite de la libération de Sinjar et les incidents qui ont eu lieu dans la ville de Touz Khourmatou.

En effet, dès la libération de Sinjar réussie, le président de la province du Kurdistan, Massoud Barzani, a déclaré dans une conférence de presse que Sinjar avait été libérée par le sang des combattants kurdes de Peshmergas et qu’elle faisait désormais partie du Kurdistan, affirmant qu’il œuvrerait pour en faire un chef-lieu d’un nouveau gouvernorat irakien, provoquant le mécontentement du gouvernement irakien qui a catégoriquement rejeté cette déclaration.

Quant à Touz Khourmatou, ville à dominante turkmène et chiite des affrontements armés entre les Peshmergas kurdes et les milices chiites de l’Organisme de Mobilisation Populaire.

Ces situations compliquent les rapports entre Bagdad et Erbil et font penser qu’en l’absence d’un homme fort et respecté à Bagdad on se dirige pas à pas vers une séparation de la province autonome kurde. Cette éventualité de séparation du Kurdistan de l’Irak a été publiquement évoquée par Barzani lors d’une récente rencontre avec l’ambassadrice norvégienne en Irak et en Jordanie.

Toutes ces évolutions sont en partie dû à la difficile situation économique du pays, fragilisée par la baisse du baril de pétrole et le coût croissant des dépenses militaires.

Situation militaire et sécuritaire

La situation militaire

Pour la première fois depuis plus de18 mois des succès militaires significatifs ont été remportés contre Daesh au Nord à Sinjar et au Sud à Ramadi.

Le 13 novembre, Sinjar, prise par Daesh depuis un an, a été libérée par les Peshmergas kurdes grâce à appui aérien de la coalition internationale. Les combattants de Daesh s’en sont retirés après des combats qui ont duré trois jours mais opposer la résistance farouche habituelle. Dans un communiqué de presse, le Conseil National Kurde a indiqué que cette opération « Sinjar Libre » visait et à couper les lignes d’approvisionnement de Daesh, la ville se trouvant sur l’axe reliant Mossoul à Raqqa. Des combattants yézidis et d’autres minorités ethniques de la région ont pris part aux combats.

La libération de Sinjar constitue la première défaite importante de Daesh depuis près de six mois.

Depuis septembre 2015, Ramadi constitue l’objectif des forces irakiennes aidées par des milices sunnites entrainées par les américains. L’offensive vise à encercler Ramadi par le Nord et l’Ouest comme la récente prise du pont de Palestine sur l’Euphrate tend à le démontrer. Fin novembre, les forces gouvernementales se sont emparées de l’Ouest de la ville et avançent vers l’Est en ratissant la zone maison par maison. Les forces de Daesh sont concentrées à l’Est de la ville afin de pouvoir se replier si nécessaire sur Falluja qui reste leur point d’appui le plus important de la région. La reconquête de Ramadi, ville de 300 000 habitants, n’est désormais plus qu’une question de temps et marquera certainement un tournant important dans la guerre contre Daesh.

05-12-2015-1-mica

La situation sécuritaire

La situation sécuritaire ne s’améliore que très lentement malgré les mesures drastiques de sécurité prises par le gouvernement. On dénombre ainsi 547 morts par attentats en novembre contre 636 morts en septembre, 760 en aout et 703 en juin soit une diminution de près de 30%.

05-12-2015-2

[1] Certaines réformes d’Al-Abadi comme celle relative à l’abrogation des postes des vice-présidents de la république et du premier ministre, de quatre ministères et des 300 hauts postes font l’objet de critiques constitutionnelles. Al-Maliki à qui ces mesures ont coûté son poste de vice-président de la république et qui possède une base politique plus large que celle d’Al-Abadi au sein du parti chiite Dawa est l’un des plus grands dénigreur de cette mesure.


Analyse de la situation géopolitique, politique et militaire en Irak – Début Octobre 2015

0 commentaires

La fin du mois de septembre et ce début d’octobre est marqué par l’intervention militaire Russe en Syrie et les propositions de Vladimir Poutine de constituer un front uni contre Daesh. Pour ce faire, les Russes, selon des sources irakiennes, auraient commencé à déployer à Bagdad un état-major politique et militaire, car coalition ou pas, une coordination des opérations sur le terrain et dans l’espace aérien s’impose.
Alors que la situation politique en Irak reste confuse tant à Bagdad qu’à Erbil, les Etats-Unis continuent de se comporter en pays conquis et mettent en place en Irak, sans un aval formel du gouvernement et des partis irakiens, une stratégie opérationnelle identique à celle des Russes en Syrie qui elle s’appuie sur une demande formelle du gouvernement Assad.
Malgré tous les démentis, des troupes terrestres américaines venant de la Jordanie sont entrées, en septembre, dans les territoires irakiens d’Al Anbar par le poste frontière de Trébil pour former, entrainer les tribus sunnites et les équiper par un pont aérien sur l’aéroport militaire de Habbaniyya. La stratégie américaine est vraisemblablement, dans un premier temps, de concentrer leurs efforts sur le gouvernorat d’Al ANBAR pour deux raisons. Ils bénéficient de l’appui de certaines tribus sunnites avec lesquelles ils ont conservé d’étroits contacts depuis le « Surge » et ils veulent protéger leur allié saoudien qui possède 420 km de frontières avec ce gouvernorat. Il semble aussi que le premier objectif des Etats-Unis soit de libérer la ville de Ramadi, chef-lieu du gouvernorat (300 000 h mais dont 1/3 ont fui lorsque Daesh s’est emparé de la ville), plutôt que la ville de Faluja (200 000h), plus proche de Bagdad mais dont la population reste acquise à Daesh.
La situation sécuritaire est toujours très mauvaise dans 4 gouvernorats sur 18 : 4 gouvernorats totalisent 92% des attentats au mois de septembre : Nineveh (173 morts) ; Salah Dine (160) ; Al Anbar (155) et Bagdad (96). La situation est meilleure à Kikuk (44 morts) et à Diyala (8).

Situation politique

En septembre, les appels à diviser l’Irak en mini-Etats selon ses composantes communautaires ont continué de se faire entendre à l’extérieur comme à l’intérieur de l’Irak. Les partis politiques au pouvoir ont rejeté ces appels. Le Conseil Islamique Suprême, à l’unisson des partis au pouvoir, a condamné les déclarations du directeur de la Defense Intelligence Agency, le Général [1] Vincent Stewart, sur le démembrement de l’Irak, estimant « qu’elles visent le tissu national de la société irakienne et qu’elles approfondiront davantage les différends qui existent actuellement entre les différentes composantes ethniques et religieuses du pays ». De même la Coalition des Forces Irakiennes qui représente les Sunnites au parlement irakien a accusé la politique américaine d’être à l’origine des projets tendant à morceler la patrie arabe, considérant que l’évocation par de hauts responsables américains l’idée du démembrement de l’Irak et de la Syrie « n’est pas une simple hypothèse mais il s’agit plutôt d’un énième tentative pour l’imposer sous prétexte de la politique du fait accompli [2] ».

En septembre
, les manifestations qui avaient commencé dans les principales villes irakiennes en aout, ont durci le ton. Au lieu d’appeler à soutenir le premier ministre dans ses réformes, les manifestants lui demandent d’agir vite en mettant en chantier de véritables réformes ou de partir. Les irakiens sont aujourd’hui en majorité convaincus qu’Hayder Al Abadi sera incapable de mener de réelles réformes en raison du système politique des quotas communautaires et partisans qui répartit les postes clés de l’Etat, sans parler de la guerre contre Daesh et de son coût très élevé.

De son côté, le chef de la Coalition Nationale, Ayad Allawi, a appelé, dans un communiqué de presse, à changer le premier ministre et à désigner à sa place un homme capable de mener les réformes, un homme non autoritaire, rassembleur et respectueux de la concordance nationale, de la constitution et des lois en vigueur afin de sauver le pays en ne marginalisant aucune force politique.

Au Kurdistan, la fin prochaine du deuxième mandat présidentiel de Massoud Barzani, qui a déjà été prolongé de deux ans, entraine une situation de blocage entre le PDK et l’UPK. Les partisans de Massoud Barzani qui occupent des postes importants au Kurdistan et à Bagdad essaient de prolonger son mandat. Barzani a appelé à organiser des élections présidentielles directes afin de passer outre le Parlement du Kurdistan. Mais le parti Goran et les autres partis islamiques qui dominent le Parlement du Kurdistan ainsi que l’UPK [3] insistent pour régler l’affaire au Parlement du Kurdistan [4].

Ce qui est paradoxal dans cette situation c’est que les Etats-Unis l’Iran et la Turquie souhaitent le maintien de Barzani à la tête du Kurdistan afin de ne pas courir le risque d’une mise en cause de la stabilité qui y règne jusqu’à présent. Washington s’agite en coulisse pour trouver des solutions pour ses deux alliés en difficulté, Al Abadi et Barzani, afin qu’ils puissent poursuivre le combat contre Daesh.

Situation sécuritaire

Le fait marquant du mois de septembre est le renforcement des forces américaines stationnées en Irak et la mise en place d’une stratégie opérationnelle que Washington veut imposer au gouvernement irakien et à l’Iran. Cette stratégie militaire s’appuie sur les tribus sunnites, les Peshmergas kurdes et une partie des forces armées irakiennes. Ils sont, pour Washington, les clefs de la crise irakienne.

Selon ces sources, les troupes américaines essaient depuis presque un mois, de prendre en main le dossier sécuritaire d’Al Anbar, en gelant, d’abord, les opérations de l’armée irakienne, puis faisant pression pour retirer les milices chiites des environs de la ville de Ramadi, chef lieu d’Al Anbar, tout en les empêchant de s’approcher de la ville de Faluja. Parallèlement, dans les districts de Khalidyia et dans le camp de Habbaniyya, à 20 km à l’est de Ramadi, les troupes américaines équipent d’armes et de matériels les forces des tribus sunnites grâce à des avions cargos qui atterrissent tous les jours à l’aéroport militaire de Habbaniyya.

La mise en place unilatérale de cette stratégie génère des interrogations et des critiques à Bagdad. Un analyste irakien soutient que Washington utilise les hommes des tribus d’Al Anbar pour faire pression sur le gouvernement irakien pour écarter les milices chiites des opérations militaires de ratissage des territoires libérés des mains de Daesh à Al Anbar. Selon lui, les forces des Etats-Unis jouent un rôle négatif dans ce gouvernorat car elles ne participent pas directement aux combats. A cet égard, l’un des chefs des milices chiites, Karim Nourri, a déclaré que « les Etats-Unis ne sacrifieront même pas un seul soldat pour l’Irak et que leurs interventions dans les affaires intérieures de l’Irak visaient à le disloquer » ; ajoutant que « l’Organisme de Rassemblement Populaire n’a pas besoin de l’autorisation de quiconque pour poursuivre son combat contre Daesh ». De son côté, la commission Sécurité et Défense du parlement irakien a affirmé que Washington n’avait pas le droit de geler les opérations militaires de l’armée irakienne contre Daesh à Al Anbar, soulignant que les milices chiites de l’Organisme de Rassemblement Populaire continueront leurs opérations militaires contre Daesh à Al Anbar. La commission tiendra en octobre une réunion extraordinaire pour répondre à cette action unilatérale américaine. Pour sa part, la présidence du parlement irakien a exclu que les forces américaines arrêtent les opérations militaires de l’armée irakienne et des milices de l’organisation de rassemblement populaire à Al Anbar, affirmant que ces dernières continueront leurs opérations à Al Anbar. De son coté, le porte-parole de la milice chiite Bader, les forces du Rassemblement Populaire se trouveront là où se trouvera Daesh et rien ne les empêchera de l’être d’autant qu’elles sont soutenues par les grands chefs religieux chiites et par le peuple irakien, affirmant qu’il n’y a aucune raison pour qu’elles se retirent d’Al Anbar ou de tout autre gouvernorat irakien.

Dans le gouvernorat de Salah Dine, Daesh s’est à nouveau emparé de la localité de Béji après le retrait de l’armée irakienne et des milices chiites. Le gouvernement irakien a lancé, le 19 septembre, une nouvelle campagne militaire pour reprendre Béji en passant par la localité de Sinyia. Selon les informations de presse, les combattants des milices chiites seraient sur le point d’entrer dans les quartiers résidentiels des deux villes.

A Bagdad, la situation sécuritaire continue d’être détériorée. Le nombre des attentats à l’explosif et des enlèvements a augmenté, multipliant le mécontentement de la rue irakienne vis-à-vis du gouvernement irakien à cause de son incapacité à assurer la sécurité pour les citoyens irakiens. A signaler notamment deux attentats très meurtriers : le 17 septembre deux kamikazes se sont fait exploser au sein de la foule au centre de Bagdad, tuant plus de 30 personnes et blessant 120 autres. Le 20 septembre, une voiture piégée a explosé près d’un marché populaire situé au quartier d’Amni, au sud-est de Bagdad faisant des dizaines de morts et de blessés.

Au Nord et au sud du pays, il n’y avait aucun attentat à signaler en septembre.

Néanmoins, septembre avec 636 morts par attentats est moins sanglant qu’aout (760), et juin (703).

4 gouvernorats totalisent 92% des attentats au mois de septembre
: Nineveh (173 morts) ; Salah Dine (160) ; Al Anbar (155) et Bagdad (96). La situation est meilleure à Kikuk (44 morts) et à Diyala (8).

[1] Lieutenant General Vincent R. Stewart became the 20th Director of the Defense Intelligence Agency and the Commander, Joint Functional Component Command for Intelligence, Surveillance and Reconnaissance.

[2] Pour cette coalition, les Etats-Unis sont directement responsables de la détérioration de la situation dans les pays arabes, du déchirement de leurs entités, du pillage de leurs richesses naturelles et de la provocation des guerres civiles afin de dessiner une nouvelle carte pour le Moyen-Orient.

[3] Dans un communiqué de presse publié, le 10 septembre, par le bureau politique du PDK à l’occasion du 54e anniversaire de la révolution de 1961 de Mustapha Barzani a affirmé que s’il n’y avait les actuels différends politiques, le peuple du Kurdistan n’aurait jamais été aussi proche de son autodétermination et il aurait fait des pas importants vers la réalisation des aspirations du mouvement de libération du Kurdistan. Toutefois, il a annoncé qu’il était prêt à agir dans un esprit national irakien pour créer une concordance nationale et résoudre tous les problèmes politique et juridique de l’Irak et pour garder le bercail du Kurdistan unifié.

[4] Les difficultés de Massoud Barzani viennent du fait que le Kurdistan n’a pas sa propre constitution. C’est la constitution irakienne qui y est valable. Elle autorise à beaucoup de mécanismes de pouvoir kurdes qui étaient en cours avant 2005 d’être encore applicables. De ce fait les deux principaux partis politiques du Kurdistan, le PDK et l’UPK, se partagent le pouvoir et les postes importants à Erbil et Soulymanyia où se trouvent leurs fiefs respectifs.


Analyse de la situation géopolitique, politique et militaire en Irak - 10 Septembre 2015

0 commentaires

Au moment où les gouvernements occidentaux s’interrogent sur leur stratégie militaire, en aout, en Irak, les combats contre Daesh, qui compte dans ses rangs environ 30 000 combattants, ont continué dans les gouvernorats d’Al Anbar et de Salah Dine, causant de nombreux morts et blessés dans les rangs des deux parties. Les troupes pro-gouvernementales ont remporté quelques petites victoires dans les deux gouvernorats. Mais rien de décisif n’apparait possible avant longtemps. La bataille de libération de Mossoul et de Ramadi n’est certainement pas pour demain. Daesh grâce à la complicité d’Erdogan dispose avec 2 millions de dollars de revenus pétroliers par jour ce qui lui donne les moyens de durer contre l’armée irakienne et les milices shiites. Il est clair que l’on ne vaincra pas Daesh en Irak sans une réconciliation nationale entre Shiites et Sunnites. La victoire ne peut pas être que militaire. Elle doit être, d’abord, politique et morale.

Situation politique

C’est ce qu’ont voulu signifier au gouvernement les vastes manifestations pacifiques qui ont eu lieu à partir du 7 août dans la capitale irakienne et dans plusieurs grandes villes du centre et du sud du pays. Ce soulèvement [1] populaire est de nature laïque. Shiites, Sunnites, Kurdes, Chrétiens y participent ensemble. Ils exigent l’amélioration services municipaux et publics, notamment l’électricité [2], une lutte efficace contre la corruption financière et administrative, la mise en chantier de réelles réformes politiques dont la transformation du régime parlementaire actuel en régime présidentiel, la réduction du nombre des postes ministériels et parlementaires et la mise en jugement des responsables corrompus pour des actes commis depuis 2003. Lors de la prière de vendredi du 7 août, le porte-parole du grand chef religieux chiite, Ali Sistani, a exprimé le soutien de Sistani aux revendications des manifestants, demandant au premier ministre irakien, Haider Al Abadi, d’être courageux dans sa lutte contre la corruption [3] et approuvant les réformes politiques déjà annoncées par les gouvernement irakien.

Les victoires de Daesh à Mossoul, Al Anbar, Diyala et Salah Dine sont, selon les irakiens, essentiellement dues à la corruption financière qui gangrène l’institution militaire irakienne avec ses soldats (fantômes) et ses grades militaires vendus au plus offrant et à des personnes incompétentes.

Face à cette colère populaire le premier ministre Haider Al Abadi a pris plusieurs mesures. Il a interdit aux grands responsables irakiens de sortir du pays et a démis de leurs fonctions les trois vice-présidents de la république, Ayad Allawi, Nourri Al Maliki et Oussama Al Nejeifi, ainsi que les trois vices premiers-ministres. Il a aussi fusionné plusieurs ministères et en supprimé plusieurs autres pour alléger le fardeau administratif et réduire les dépenses publiques. Il a également réduit le nombre considérable des gardes du corps des responsables irakiens qui se comptent par milliers et a supprimé les privilèges financiers accordés aux trois présidences des trois pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire. Enfin il se murmure à Bagdad que le précédent premier irakien Nourri Al Maliki serait traduit devant la justice pour la prise de Mossoul par Daesh en juin 2014.

Situation militaire et sécuritaire

Situation militaire

En aout, la situation militaire a très peu évolué malgré des combats intenses contre Daesh qui ont généré des pertes importantes des 2 cotés mais dont les chiffres ne sont pas communiqués. En effet, dès que l’armée irakienne et les milices chiites réalisent une petite avancée à un endroit, Daesh contre-attaque ailleurs. Ainsi, lorsque les troupes irakiennes ont remporté quelques succès tactiques à Al Anbar, Daesh a lancé une attaque à Béji, au nord de Salahuldein. A Faluja, ville de moins de 200 000 habitants, malgré le pilonnage systématique par artillerie et les raids des appareils irakiens et de ceux de la coalition, les troupes pro gouvernementales n’ont pas pu entrer dans la ville. Les combattants de Daesh y sont retranchés, empêchant les populations civiles d’en sortir afin de les utiliser comme boucliers humains. Par ailleurs, Daesh a aussi lancé plusieurs attaques suicides contre les généraux commandant les forces irakiennes de façon à les desorganiser. Le 27 août, le commandant-adjoint des opérations militaires d’Al Anbar, le commandant de la 10e division et le commandant d’une brigade de l’armée irakienne ont été tués ensemble par une attaque suicide à Al Anbar.

Situation sécuritaire

Le niveau de morts par attentat demeure à un niveau très élevé en Irak où l’on enregistre, en aout, 760 morts contre 815 en juillet 2015.

Alors que dans 12 gouvernorats du Nord et du Sud la situation sécuritaire est sous contrôle et calme, elle reste toujours aussi précaire dans les 6 gouvernorats [4] dans lesquels Daesh dispose du soutien de populations sunnites notamment ceux qui possèdent une frontière avec la Syrie (Al Anbar et Nineveh).

Deux attentats très meurtriers ont contribué à tirer vers le haut le bilan sécuritaire de Bagdad et de Diayla. L’attentat le plus meurtrier a eu lieu, jeudi le 13 août, dans un marché bondé de fruits et légumes, situé à l’est de Bagdad, au quartier de Jameela. Il a fait 76 morts et plus de 200 blessés [5]. A Diyala, un attentat par voiture piégée a eu lieu le 10 août dans un marché populaire situé au village de Hoeder, à 8 km de la ville de Bakuba, faisant 50 morts et 60 blessés.

Par ordre décroissant on note la répartition suivante : Bagdad, 187 morts. AL Anbar, 181 morts. Nineveh, 177 morts. Salahuldein, 79 morts. Diyala, 70 morts. Kirkuk, 68 morts.

Général (2S) Jean-Bernard PINATEL, auteur de « Carnet de guerres et de crises 2011-2013 », Lavauzelle, Mai 2014 et de « Russie, alliance vitale », Choiseul, 2011.

[1] La Place Tahrir qui est actuellement le théâtre des manifestations à Bagdad avait déjà connu des manifestations identiques en 2011. Les Kurdes avaient déjà, eux aussi, manifesté en 2012 et en 2013. Ils ont aussi manifesté le 12 août, à Soulymanyia et à Erbil pour revendiquer l’amélioration des services publics mais aussi pour s’opposer, dans leur grande majorité, à un troisième mandat présidentiel du président sortant du Kurdistan, Massoud Barzani et pour exiger des réformes politiques dans la province autonome. Le 14 août, une grande manifestation a éclaté à Kirkuk pour revendiquer des réformes politiques et la mise à la porte de certains membres corrompus du conseil municipal du gouvernorat. Plus tard, des manifestations ont eu lieu aussi dans des localités du gouvernorat de Diyala comme Bakuba et Khalis, pour demander aussi des réformes politiques.

[2] Tout au long de toute cette période, le citoyen irakien n’a vu aucune amélioration dans le service de l’électricité. Plus de 60 milliards de dollars y ont été dépensés depuis 2003 sans amélioration notable. Même constat pour les réseaux de transport et d’eau potable. Quant au chômage, il est à un niveau catastrophique.

[3] La corruption financière et administrative est, en effet, endémique au nouvel Etat irakien mis en place par les Etats-Unis et jusqu’aux niveaux les plus élevés. L’Organisation Mondiale de la Transparence de l’ONU considère l’Irak comme l’un des pays du monde les plus corrompus (170ème rang sur 174) . Le mécanisme de corruption en Irak commence par le gouvernement et le parlement irakiens qui se sont accordés des privilèges et des salaires très élevés et ont votés des milliards de dollars pour des projets de reconstructions qui n’ont jamais vu le jour. De nombreuses commissions d’enquête ont été constituées mais jusqu’à présent, aucun responsable irakien n’a été inquiété.

[4] Al Anbar (chef lieu Ramadi), Nineveh (chef lieu Mossul), Bagdad, Salah al Din (chef lieu Samara), Kirkuk et Diyala (chef lieu Baqubah).

[5] Selon un rapport confidentiel, le gouvernement irakien savait qu’il y aurait un attentat dans ce marché mais il n’a rien fait pour l’empêcher. A cet égard, le 14 août, le président de la commission parlementaire Sécurité et Défense au parlement irakien a déclaré que cet attentat de Jameela ferait tomber des têtes.


Analyse de la situation géopolitique, politique et militaire en Irak - 15 juillet 2015

0 commentaires

Contexte géopolitique

Le fait du mois : Obama contraint de modifier sa stratégie au Moyen Orient
A la suite, à la mi-Mai, à la prise par Daech de capitale du gouvernorat d’Al Anbar, évacuée pratiquement sans combat par l’armée irakienne, force est de constater que, désormais, Daech menace directement Bagdad, que l’armée irakienne n’est pas en état de défendre la capitale et que les frappes aériennes de la coalition occidentale n’ont que peu d’effet sur les capacités offensives de Daech.

Face à cette situation le Président américain, avec pragmatisme semble avoir tiré la leçon de l’échec de sa stratégie pour combattre Daech.

Après 9 mois de frappes aériennes, il devenait clair que Daech avait non seulement la capacité de s’enraciner en Syrie et en Irak mais aussi de s’emparer de Bagdad et de menacer l’Arabie Saoudite. Et puisque Obama se refusait à renvoyer dans le bourbier du Moyen-Orient des troupes au sol, la seule option possible qui lui restait pour contenir la progression de Daech et à fortiori de le battre était de modifier sa position vis-à-vis des milices chiites et de leurs soutiens iraniens [1]. Cela s’est traduit concrètement sur le terrain par : 1) la mise en veilleuse des critiques américaines vis-à-vis des milices chiites et de leur soutien par les forces iraniennes; 2) la décision de fournir un appui appui aérien aux miliciens chiites, notamment celles de Bader, d’ Assab Ahl Al Hak, au hezbollah irakien et aux brigades de paix qui combattent Daesh à Al Anbar; 3) une cohabitation des forces soutenues par l’Iran et des soldats américains a été observée sur La base aérienne Al-Taqaddum (OACI : ORAT, Taqaddum signifiant progrès en arabe) située dans le gouvernorat d’Al Anbar, à environ 74 kilomètres à l’ouest de Bagdad [2]; 4) dans la deuxième quinzaine de juillet, le porte-parole officiel de l’Organisme de Mobilisation Populaire qui regroupe toutes les milices chiites en Irak, Ahmad Al Assadi [3], effectuera une visite aux États-Unis [4]. Enfin comment ne pas envisager que la nécessité de s’appuyer sur l’Iran pour combattre Daech ait facilité l’accord sur le nucléaire iranien, signé le 14 juillet à Vienne malgré l’opposition des républicains et d’Israël.

Une situation politique figée

Alors que le contexte international a connu une évolution marquante, la situation politique en Irak n’a guère évoluée durant le mois de juin et début juillet.

L’incapacité du premier ministre Hayder Al Abadi à faire adopter par les députés les projets de loi concernant la garde nationale, l’amnistie générale et la débaassification témoigne du fossé de méfiance qui s’est creusé entre les trois communautés chiites, kurdes et sunnites.

Concernant la garde nationale, la Commission Sécurité et Défense du parlement irakien a confirmé l’existence de ces divergences entre l’Alliance Nationale (chiite), l’Union des Forces (sunnite) et l’Alliance du Kurdistan. Elles sont relatives au rattachement de la garde nationale et à son niveau d’armement. l’Alliance Nationale (chiite) veut que la garde nationale soit rattachée au commandant en chef des forces armées irakiennes, c’est-à-dire au premier ministre (chiite) tandis que l’Alliance de Forces (sunnite) veut qu’elle soit rattachée et gérée par les gouvernorats ou par le ministère irakien de la défense qui est dirigé par un sunnite. De plus, l’Union des Forces (sunnite) ne veut pas que la garde intervienne dans d’autres gouvernorats tandis que l’Alliance Nationale (chiite) veut permettre ces interventions dans d’autres gouvernorats sous le commandement du commandant en chef des forces armées irakiennes. L’armement de la garde est également l’objet d’une opposition. Les parlementaires sunnites veulent qu’il soit lourd tandis que les Chiites veulent qu’il soit léger et moyen. Quant aux Kurdes, ils refusent la présence de la garde dans les zones litigieuses du Nord.

Concernant le projet de loi d’amnistie générale, les députés sunnites ont appelé le premier ministre Hayder Al Abadi, dans un communiqué publié le 22 juin, à retirer son texte, soulignant le non-respect par le gouvernement des accords politiques passés lors de sa formation. Selon eux, le projet de loi est vidé de son réel sens par le texte du gouvernement et ne fait qu’accentuer et consacrer les injustices vis-à-vis des milliers de sunnites qui ont été torturés pour leur extirper de faux aveux [5] et qui ont été jugés selon l’article de loi 4 sur le terrorisme.

Pour ce qui concerne le projet de loi de débaasification, l’Alliance Nationale (chiite) a appelé à respecter les engagements pris et les accords politiques conclus entre les forces politiques du pays mais a, en même temps, affirmé qu’elle s’abstiendrait à voter le projet de loi de débaasification, liant son vote au vote d’une loi interdisant et criminalisant le parti Baas. Ce que rejette l’Union de Forces (sunnite).

Enfin, la Commission d’Équilibre gouvernementale composée de 7 personnes représentatives des différentes communautés irakiennes, qui figurait dans l’accord sur lequel est fondé le gouvernement d’Al Abadi, a été formée et a commencé son travail pour choisir les noms des candidats aux postes de vice-ministre [6]. Là encore l’opposition et la méfiance entre les communautés freine ses travaux.

Situation militaire et sécuritaire

Une situation militaire sans changement

Les offensives de libération de Ramadi et des autres localités d’Al Anbar qui devaient être lancées en juin, ont été reportées sine die. Toutefois, le pilonnage des positions de Daech par l’aviation et par l’artillerie n’ont pas cessé à Garma, à 62 km à l’ouest de Bagdad et à l’est de Faluja. Bagdad ne parle que d’une grande offensive sur Faluja qui serait lancée après la fin du ramadan.

Une situation sécuritaire toujours aussi dégradée dans les 5 gouvernorats sunnites

Au Nord de l’Irak. Au Kurdistan, la situation sécuritaire était calme au mois de juin. Les Peshmergas ont mené des actions limitées dans certaines régions contrôlées par Daesh à Kirkuk et Salah Dine. A Diyala, la conséquence du Limogeage du maire sunnite de Diyala et la nomination à sa place d’un Chiite, membre de la milice Badr, ne s’est pas fait attendre : les attentats à la voiture piégée ont augmenté en juin par rapport aux mois précédents. Le mois de juillet s’annonce encore bien plus sanglant [7]. Au gouvernorat de Salah Dine, à Béji, les combats entre Daesh et les milices chiites font toujours rage.

A Bagdad, le nombre des attentats à la voiture piégée a beaucoup diminué pendant la deuxième moitié de juin [8].

Au Centre et au Sud de l’Irak, la situation était calme en juin. Aucun attentat n’y a été perpétré. C’est également le cas à Karbala et à Najaf où plusieurs voitures piégées venant d’Al Anbar ont été saisies.

Le nombre de morts par attentats en Irak au mois de juin reste très élevé et s’établit à 703. Ils se répartissent ainsi: Niveneh 104 attentats ont fait 229 morts ; Al Anbar 117 attentats ont fait 202 morts ; Salahuldein 80 attentats ont fait 120 morts; Bagdad 68 attentats ont fait 79 morts ; Kirkuk 35 attentats ont fait 49 morts ; Diyala 29 attentats ont fait 24 morts.

Général (2S) Jean-Bernard PINATEL, auteur de « Carnet de guerres et de crises 2011-2013 », Lavauzelle, Mai 2014 et de « Russie, alliance vitale », Choiseul, 2011.

[1] Un responsable irakien proche du premier ministre Hayder Al Abadi qui l’a accompagné récemment pendant la tenue de la conférence de Paris pour discuter de la stratégie internationale contre Daesh a déclaré que la coalition occidentale conduite par Washington avait commencé à changer son avis vis-à-vis de l’Organisme de Mobilisation Populaire des milices chiites.

[2] Le porte-parole du Pentagone, le colonel Steven Warn, a dit qu’il n’y avait aucune interaction entre les 450 soldats américains se trouvant dans cette base et les miliciens chiites qui y sont stationnés.

[3] Ahmad Al Assadi est, d’ailleurs, le chef de la milice chiite Kataib Jund Il Imam (Brigades des Soldats de l’Imam).

[4] Cette visite est,de facto, une reconnaissance par Washington qu’elles sont devenues la force militaire la plus efficace d’Irak.

[5] Pour sa part, la Commission Juridique du parlement irakien a souligné l’importance de la loi d’amnistie générale, surtout dans les circonstances actuelles du pays. C’est l’avis également de l’Alliance du Kurdistan qui a affirmé que cette loi était l’une des lois importantes du document de base du programme politique de la formation de l’actuel gouvernement irakien.

[6] Correspond aux directeurs généraux de l’administration française.

[7] On vient d’apprendre que vendredi 17 juillet, dans le gouvernorat de Diyala la communauté chiite irakienne a été la cible d’un terrible attentat-suicide par camion piégé, alors qu’elle s’apprêtait à célébrer la fin du Ramadan. Le bilan provisoire s’élève à 90 morts, 17 disparus et plus de 120 blessés.

[8] Le 17 juin, les forces de l’ordre de Karbala ont découvert au point de passage entre Al Anbar et Karbala 7 voitures piégées. Ce qui a incité le commandant en chef des forces armées irakiennes à le fermer. Cette fermeture est à l’origine de la diminution des attentats à Bagdad car la plupart des voitures piégées qui entraient à Bagdad passaient par ce point.


Analyse de la situation géopolitique, politique et militaire en Irak - 15 juin 2015

0 commentaires

Contexte géopolitique et politique de la situation en Irak

14 ans après l’intervention illégale des États-Unis en Irak à laquelle la France de Jacques Chirac avait refusé de participer et un an après la prise de Mossoul par l’Etat Islamique, la fin du principe de l’intangibilité des frontières issues de la décolonisation constitue le scénario le plus probable de l’avenir du Moyen-Orient.

En effet, 2015 marquera probablement la fin de l’objectif des États-Unis d’implanter par la force une démocratie en Irak dans laquelle les différentes communautés sont associées dans un pouvoir démocratiquement élu.
Face à la menace de l’extrémisme salafiste de Daech, soutenu par une majorité des tribus sunnites, ce sont les shiites extrémistes qui sont en passe de l’emporter. Comme dans toutes les autres minorités shiites du Moyen-Orient ils rêvent de créer ensemble un grand empire shiite dirigé par l’Iran et son Velayat-e faqih (Gouvernement du docte religieux).

En effet, il apparait clairement en ce début du mois de juin 2015 que les partis shiites irakiens au pouvoir ont abandonné l’objectif d’une réconciliation nationale et sont en majorité acquis à l’idée d’un gouvernement identitaire shiite sous l’influence directe de l’Iran [1]. Rien ne semble plus pouvoir faire détourner ces partis de cet objectif stratégique. Ils ont définitivement rangé dans les poubelles de l’histoire les principes et les règles de la démocratie, la constitution irakienne, le partenariat national, les accords politiques visant à respecter les spécificités ethniques et religieuses des irakiens.

En l’absence d’une intervention terrestre occidentale extrêmement improbable, la reconquête des gouvernorats sunnites, dans lesquels Daech a conforté son emprise avec la prise de Ramadi, capitale du gouvernorat d’Al-Anbar, ne pourra pas être le fait d’une armée nationale irakienne. Alors que les Etats-Unis s’efforcent de la reconstruire depuis 9 mois, après l’avoir stupidement dissoute en 2002, les forces irakiennes se sont débandées à Ramadi abandonnant à l’ennemi le matériel moderne qui venait de leur être livré.

Le califat, un an après sa proclamation par Abou Bakr al-Baghdadi, révèle un triple échec : l’échec de la stratégie politique et militaire américaine au Moyen-Orient ; l’échec des monarchies gériatriques du Golfe Persique qui ont contribué à l’émergence de Daech qu’ils espéraient utiliser pour renverser le régime d’Assad et le remplacer par un pouvoir sunnite ami ; l’échec de l’Europe et, au premier lieu de la France, qui ont cru à un printemps arabe et qui, diabolisant le régime d’Assad, sont co-responsables du départ de plusieurs milliers de jeunes européens en Syrie, générant, par un effet boomérang, une menace sur leur propre territoire.

Les seuls gagnant à l’heure actuelle sont les Kurdes. Vainqueurs en Irak dès lors qu’ils étaient correctement équipés les Peschmergas ont clairement démontré leur valeur militaire. Vainqueurs en Syrie où, malgré l’attentisme Turc, et avec l’aide des frappes américaines, ils ont repris Kobané. Vainqueurs en Turquie où, pour la première fois, ils rentrent en masse au Parlement et deviennent désormais une force politique sur laquelle Erdogan devra compter.

C’est aussi grâce aux Kurdes que l’on voit se dessiner une stratégie américaine alternative. En effet, le président de la province autonome du Kurdistan, Massoud Barzani, a déclaré, le 6 mai, devant le Conseil de l’Atlantique Nord et l’Institut Américain pour la Paix que le Kurdistan indépendant était imminent et que ce processus était irréversible, soulignant toutefois qu’il faut l’envisager de façon pacifique. Au cours de ce déplacement à Washington, Barzani a effectué des entretiens avec le président américain Barack Obama et avec le vice-président Joe Biden portant sur la campagne militaire contre Daesh et sur le soutien américain aux Kurdes irakiens. A noter qu’à plusieurs reprises, le vice-président américain Joe Biden a laissé entendre qu’il était partisan d’un projet divisant l’Irak en trois entités autonomes : shiite, sunnite et kurde, projet qui était inscrit en filagramme dans le projet de budget pour la Défense préparé par le Congrès américain [2].
Pour les États-Unis, cette stratégie dont Joé Biden est partisan, aurait l’avantage de les faire sortir de l’ambiguïté actuelle d’un soutien à la fois aux monarchies sunnites et à un Etat irakien qui semble chaque jour un peu plus tourner le dos à une politique de réconciliation nationale avec les sunnites.

Situation militaire et sécuritaire

Le 17 mai, les combattants de Daech ont pris Ramadi à la suite de combats très violents. Selon des témoins oculaires, les combattants de Daech ont attaqué le bâtiment de la mairie de Ramadi, où
étaient retranchés les soldats irakiens, avec plusieurs voitures blindées piégées qui ont explosé à l’entrée de la mairie, tuant et blessant des dizaines de soldats irakiens. Ensuite, tous les autres bâtiments publics de Ramadi sont tombés entre les mains des combattants de Daech qui ont capturé aussi plusieurs soldats irakiens. Face à cette offensive rapide, l’armée irakienne a évacué son QG de Ramadi qui se trouvait sur le bord de l’Euphrate, à un kilomètre du siège du gouvernement local.

Quelques heures avant l’offensive de Daech, les avions américains avaient lancé des raids sur ses positions situées dans la région de Jazzera, tout proche de Ramadi et d’où est partie l’offensive sur Ramadi, démontrant une fois de plus que, sans troupes au sol voulant se battre, l’appui feu aérien ne peut être décisif.
Après cette débâcle, les Irakiens et les Américains ont accusé l’armée irakienne de fuir le combat.

Le 23 mai, l’armée irakienne s’est retirée aussi du poste frontière de Walid qui était le dernier poste-frontière avec la Syrie restant sous le contrôle des forces irakiennes. Désormais, tous les poste-frontières avec la Syrie se trouvent sous le contrôle de Daech, à l’exception d’un seul qui est sous le contrôle des Peshmergas kurdes.

Avant la conquête de Ramadi par Daech, un veto gouvernemental et américain s’opposait à l’envoi des milices shiites à Al-Anbar. Devant l’urgence, cette interdiction est levée. Bien plus, selon la presse irakienne, des armes lourdes iraniennes et des combattants iraniens se trouvent d’ores et déjà sur le territoire d’Al Anbar pour participer aux combats contre Daesh aux côtés des milices irakiennes pro iraniennes avec le soutien américain en renseignements et appui feu.

A la suite de la prise de Ramadi par Daesh, les craintes d’une attaque de Daesh sur Bagdad se sont fortement accrues au sein de la population d’autant plus que la capitale a connu, le 28 mai, une série d’attentats à la voiture piégée frappant les hôtels de Babel et d’Ishtar, au centre de Bagdad, faisant 14 morts et plus de 40 blessés. Deux voitures piégées garées dans les parkings de ces deux hôtels ont explosé quasi simultanément. Une troisième voiture piégée a été désamorcée sur le parking de l’hôtel de Babel.
Pour rassurer la population le Premier Ministre a déployé des forces armées et des milices shiites supplémentaires ainsi que des chars et des armes lourdes à l’ouest de Bagdad.

A Diyala, la situation sécuritaire est très confuse. Le rythme d’assassinats et d’enlèvements s’est beaucoup accéléré ces derniers jours. Il y avait aussi plusieurs attentats avec des engins explosifs contre des maisons et des mosquées sunnites.
Ces sont toujours les 6 mêmes gouvernorats qui subissent ces attentats [3] alors que dans les 12 autres la sécurité est assurée.

Irak, 15 juin 2015

Cette situation sécuritaire n’altère que faiblement la production de pétrole située en majorité dans le Sud du Pays et dans le Kurdistan. Ainsi par les terminaux pétroliers du sud du pays, l’Irak a exporté, en moyenne, 2.55 millions b/j au cours des premiers 21 jours du mois de mai contre 2.63 millions b/j en avril précédent. Les exportations du nord, via le terminal turc de Jehan, et qui comprennent les bruts de Kirkuk et du Kurdistan ont atteint 500 000 b/j depuis le début de mai contre 450 000 b/j au mois d’avril. Au total, début mai, les exportations pétrolières irakiennes sont restées stables par rapport à avril : 3.05millions b/j contre 3.08 millions b/j. Les revenus pétroliers de l’Irak de mai sont estimés à environ 4 milliards de dollars.

Général (2S) Jean-Bernard PINATEL, auteur de « Carnet de guerres et de crises 2011-2013 », Lavauzelle, Mai 2014 et de « Russie, alliance vitale », Choiseul, 2011.

[1] Limogeage du maire sunnite de Diyala et la nomination à sa place d’un Shiite membre de la milice Badr. Pour les Sunnites, il s’agit d’une poursuite de la politique de nettoyage démographique anti sunnite que les autorités shiites cherchent à appliquer en accord avec les Kurdes dans ce gouvernorat à majorité sunnite. Les sunnites sont évincés des postes importants bien qu’ils aient 13 sièges au conseil municipal du gouvernorat qui est composé de 29 sièges. L’Alliance des Forces Irakiennes qui regroupe les députés sunnites au parlement irakien a affirmé, le 27mai, dans un communiqué de presse que ce qui se passe à Diyala était très grave et qu’il constitue une réelle menace pour le partenariat national et une violation des accords politiques passés entre les protagonistes du processus politique. De même, à la demande du premier ministre Hyder Al Abadi, le maire de Ninive a été aussi démis de ses fonctions, le 28 mai, par un vote du parlement irakien, dominé par les Shiites.

[2] Le projet de la loi de défense annuel États-Unis, qui a été publié le 27 Avril par le House Armed Services Committee, exhorte le gouvernement américain à reconnaître les kurdes et les sunnites irakiens comme états séparés et à leur fournir au moins 25 pour cent des 715-millions de dollars d’aide prévue pour le gouvernement irakien au titre de l’aide de la lutte contre le groupe terroriste ISIL. Il propose même d’élever ce chiffre à 60 pour cent de l’aide, soit environ 429 millions de USD. Le texte du projet précise que les Peshmergas kurdes, les forces de sécurité tribales sunnites avec une mission de sécurité nationale, et les sunnites Garde nationale irakienne devraient être considérés comme un pays », ajoutant que cela « permettrait à ces forces de sécurité de recevoir directement de l’aide des États-Unis » : PressTV

[3] Al-Anbar, Dyala, Kirkuk, Niveneh, Salah Ad Din.


Analyse de la situation géopolitique, politique et militaire en Irak – 14 Mai 2015

0 commentaires

Synthèse de la situation politique et sécuritaire de l’Irak

En avril 2015, le contexte géopolitique et sécuritaire de l’Irak a continué de se dégrader sous l’effet de plusieurs facteurs :

  • le Gouvernement du premier ministre Hayder Al Abadi est affaibli par son incapacité à mettre en œuvre la politique de réconciliation nationale du fait des initiatives sectaires de son prédécesseur;
  • aucune amélioration notable de la situation militaire n’a été réalisée durant ce mois alors que, parallèlement, la situation sécuritaire se dégrade à nouveau dans les 5 gouvernorats où Daech développe ses actions;
  • la porosité de la frontière avec la Turquie se confirme. Cette complicité de la Turquie permet à Daech de vendre son pétrole au marché noir en Turquie, de s’y ravitailler en armes et munitions tandis que l’aviation Turque continue ses incursions dans l’espace aérien syrien;
  • dans le gouvernorat d’Al Anbar, Daech accentue sa pression profitant de l’opposition des tribus sunnites et des États-Unis à l’intervention des milices Chiites. La solution pourrait venir d’Amman où une délégation irakienne négocie les conditions d’une aide directe de la Jordanie aux tribus sunnites de ce gouvernorat
  • le congrès américain, dominé par les conservateurs, a proposé dans le projet de loi sur la Défense de considérer les forces sunnites et Kurdes comme des Etats afin de pouvoir les aider directement [1]. Cette initiative malvenue a été perçue à Bagdad comme une volonté de démembrement de l’Irak [2]. Voté à la quasi-unanimité par la Commission des affaires étrangères de la chambre des représentants du Congrès, ce projet a entrainé une réaction immédiate du gouvernement irakien tandis que Muqtada Al Sahr [3] proférait des menaces contre les intérêts américains en Irak.

Situation politique

Le Gouvernement du premier ministre Hayder Al Abadi est affaibli d’une part par son incapacité à mettre en œuvre la politique de réconciliation nationale notamment du fait des initiatives sectaires de son prédécesseur. Des désaccords profonds persistent, en effet, sur des questions controversées et essentielles comme celle du rôle et de la place des milices chiites du Rassemblement Populaire [4] sur l’échiquier tant militaire que politique, celle de la loi de la garde nationale et celle de la surpression ou le maintien de la loi de débaasification.

Par ailleurs, le projet de loi de la chambre des représentants du Congrès américain prévoie d’attribuer aux Peschmergas et aux forces des tribus sunnites la qualité d’Etat pour pouvoir les aider directement sans passer par le gouvernement irakien dominé par les Chiites. La Commission des affaires étrangères de la chambre des représentants du congrès a déjà voté, presque à l’unanimité, ce projet. Pour relativiser les effets de cette initiative, l’ambassade américaine de Bagdad a tenu à déclarer que le projet n’était fondé sur aucune base juridique et qu’il ne reflétait pas la position officielle des États-Unis.

Néanmoins ce projet a provoqué un tollé dans les rangs des partis pro-gouvernementaux et des milices chiites. Le gouvernement l’a catégoriquement rejeté, le considérant comme une intervention inadmissible dans les affaires intérieures du pays. En revanche l’Alliance des Forces qui regroupe les formations parlementaires sunnites et les Kurdes se sont félicités de la possibilité de recevoir une aide directe en passant sous silence la reconnaissance d’Etat qui est nécessaire pour que cette aide directe soit légale. Bagdad n’a pas manqué de souligner que ce projet de loi américain prévoit aussi d’inviter les milices chiites du Rassemblement populaire à rejoindre les rangs de la garde nationale[5] dont la création n’est pas prête d’aboutir car elle nécessite le vote d’une loi au Parlement et que les partis shiites, majoritaires, n’en veulent pas.

Par ailleurs, l’ex premier ministre irakien Nouri Al Maliki s’oppose désormais ouvertement à son successeur affichant ainsi, aux yeux de tous, sa volonté de revenir au pouvoir. Pour ce faire, il cherche à se faire connaitre comme chef des milices du Rassemblement Populaire dont il a visité les positions à Samara et Tikrït. A cette occasion il leur a suggéré de confisquer les terres et les maisons qui y ont été prises par elles aux sunnites. De plus, le 27 avril, ses partisans ont manifesté devant la zone verte, où siège le gouvernement irakien, pour exiger qu’il soit nommé commandant du Rassemblement Populaire et que les combattants shiites puissent aller combattre Daech dans le gouvernorat d’Al Anbar.

Situation militaire et sécuritaire

Les opérations militaires

Aucune opération d’envergure des forces gouvernementales n’a été entreprise au cours du mois d’Avril. Au contraire Daech, après avoir perdu la bataille de Tikrït, a maintenu la pression dans le gouvernorat de Salah Dine où la situation sécuritaire n’est pas encore totalement sous contrôle des troupes progouvernementales ni dans la ville, elle-même, ni dans ses environs, notamment à la raffinerie stratégique de Béji entre Tikrit et Mossul. Daech a repris, le 26 avril, des parties importantes de cette raffinerie, incendiant des réservoirs pétroliers. Les troupes irakiennes ont lancé une contre-offensive et les combats continuaient toujours fin Avril.

Daech a aussi accentué sa pression dans le gouvernorat d’Al Anbar et dans les zones limitrophes du gouvernorat de Salah Dine. Les terroristes se sont emparés de l’écluse de Tharthar [6] à la suite d’une attaque déclenchée par une voiture piégée qui a fait des dizaines de morts et de blessés parmi les soldats irakiens. Les commandants de la 1ère division et de la 1ère brigade ont été tués au cours de cette attaque. Lors de ces opérations, des dizaines de soldats et de miliciens chiites ont été encerclés au bord du lac de Tharthar et massacrés par les combattants de Daech. Le commandement du Rassemblement Populaire des milices chiites a accusé le ministre de la défense irakien d’être responsable de ce massacre, appelant à une enquête et à sa démission. Les forces pro-gouvernementales ont été obligées de lancer une vaste opération militaire pour reprendre le contrôle de l’écluse et en chasser les combattants de Daech.

Au poste-frontière de Trébil, à la frontière avec la Jordanie, Daech a lancé une série de trois attaques suicidaires par voitures piégées. Dans un communiqué de presse, Daech a fait savoir que ces attaques ont été menées par trois kamikazes de nationalités belge, française et sénégalaise. Egalement à Karbala au Sud de Tikrit, et plus au Sud dans le gouvernorat d’Al Anbar plusieurs actions de Daech ont été signalées. Ainsi le 25 avril, la mairie d’Ain Tamer qui se trouve à l’ouest de Karbala et à 108 km au sud de Bagdad a annoncé que Daech avait coupé la route entre le district de Rahalié et l’est de Faluja en dynamitant un pont important dans cette région d’Al Anbar.

Situation sécuritaire

A Bagdad, la situation sécuritaire s’est à nouveau détériorée. Les attentats, les explosions, les assassinats, les enlèvements et des cadavres inconnus torturés et jetés au bord de la route ont réapparu. Le nombre des a fortement augmenté en avril. Mais le jour le plus sanglant est le 27 avril au cours duquel 8 voitures piégées ont explosé quasi simultanément dans la partie ouest de Bagdad, faisant de très nombreux morts et blessés.

Au Kurdistan, le 17 avril, une voiture piégée a explosé à Erbil, près du consulat américain, au quartier D’Aine Kawa, faisant trois morts et cinq blessés.

En Avril, dans les 6 gouvernorats dans lesquels Daech développe ses actions, on a compté 525 attentats contre 366 en mars soit une augmentation de + 43%. Dans les 12 autres gouvernorats la situation sécuritaire continue d’être maitrisée.

Avant que l’on connaisse le bilan complet des morts des attentats du 27 avril à Bagdad, ces attentats ont fait dans les six gouvernorats 772 morts contre 323 en mars soit + 239% d’augmentation. Le nombre des tués se répartit ainsi : Al Anbar 222 (77) ; Salahuldein : 225 (90) ; Niveneh : 163 (83) ; Kirkuk : 59 (54) ; Dyala : 7 (22) et Bagdad : 96 (48).

Général (2S) Jean-Bernard PINATEL, auteur de « Carnet de guerres et de crises 2011-2013 », Lavauzelle, Mai 2014 et de « Russie, alliance vitale », Choiseul, 2011.

[1] Le projet de la loi de défense annuel États-Unis, qui a été publié le 27 Avril par le House Armed Services Committee, exhorte le gouvernement américain à reconnaître les kurdes et les sunnites irakiens comme états séparés et à leur fournir au moins 25 pour cent des 715-millions de dollars d’aide prévue pour le gouvernement irakien au titre de l’aide de la lutte contre le groupe terroriste ISIL. Il propose même d’élever ce chiffre à 60 pour cent de l’aide, soit environ 429 millions de USD. Le texte du projet précise que les Peshmergas kurdes, les forces de sécurité tribales sunnites avec une mission de sécurité nationale, et les sunnites Garde nationale irakienne devraient être considérés comme un pays », ajoutant que cela «permettrait à ces forces de sécurité de recevoir directement de l’aide des États-Unis »: PRESSTV.

[2] Cette opinion est partagée par Dean Henderson, American columnist and environmental activist, who firmly believes that the ISIL will destabilize Iraq, ending in a new country of Kurdistan where Exxon Mobil (an American multinational oil and gas corporation headquartered in Irving, Texas) awaits the privatization of oil there in the large Kirkuk oilfield: PRESSTV.

[3] Al-Sadr said on Wednesday that if the bill is passed, Iraq will no longer be a safe place for the US, and its interests will become the target of attacks by the Iraqis who will never accept the “division of their country.” »We are obliged to lift the freeze on our military wing … and begin hitting US interests in Iraq and outside it,” said Sadr, who once led the powerful Mahdi Army and still enjoys huge influence among the Shia population: PRESSTV.

[4] Les milices du Rassemblement Populaire ont été formées à la suite d’un appel lancé, le 13 juin 2014 à Karbala, par le porte-parole du grand chef religieux chiite Ali Sistani aux Chiites pour se porter volontaires et porter les armes afin de combattre Daech, considérant cette guerre comme une guerre sainte.

[5] Ce qu’a confirmé, l’ambassadeur américain en Irak, Stewart Jones, dans une déclaration de presse faite le 23 avril soulignant que c’était pour éviter qu’il y ait des pertes humaines amies lors des frappes aériennes occidentales contre Daech. Il a révélé que Washington remettra, l’été prochain, à Bagdad les appareils F16 promis et que le congrès américain avait consacré plus d’un milliard de dollars pour équiper en armes neuf brigades irakiennes. Concernant la bataille de libération de la ville de Mossoul, l’ambassadeur américain a affirmé que les Etats-Unis aideraient les forces armées irakiennes par des frappes aériennes et par des renseignements, précisant que la bataille sera lancée sur cinq axes de combat.

[6] L’importance de l’écluse de Tharthar est stratégique de cette écluse car elle contrôle le débit de l’eau du lac de Tharthar qui pourrait inonder de vastes territoires d’Al Anbar et de Bagdad si le barrage était rompu. Son lac artificiel est considéré comme l’un des plus grands du monde.


Analyse de la situation géopolitique, politique et militaire en Irak – 10 avril 2015

1 commentaire

Le contexte géopolitique

Evaluer la situation politique et militaire de l’Irak et le déroulement des opérations suppose une compréhension du rôle des acteurs régionaux et des puissances mondiales et nécessite de prendre en compte quelques faits et des retours d’expérience incontestables.

Evaluation de situation

Le contexte géopolitique régional ne permet pas d’envisager une victoire rapide des forces irakiennes soutenues par les frappes aériennes des États-Unis contre Daech.

Les États-Unis, naviguent au plus près sans ligne stratégique clairement identifiable car ils essayent de ménager les chèvres sunnites (La Turquie, qui aide en sous-main Daech, et l’Arabie Saoudite) et le choux shiite (l’Iran qui fut leur allié privilégié jusqu’à la chute du Shah dont ils convoitent le marché cf. l’accord préliminaire sur le nucléaire et qu’ils espèrent éloigner ainsi de la Russie et de la Chine). Leurs frappes aériennes ne peuvent qu’affaiblir ponctuellement Daech car Obama se refuse à engager des troupes au sol.

L’Arabie Saoudite est inquiète et menacée à sa frontière Nord par ceux-là même qu’elle a contribué à renforcer alors qu’elle doit faire face au Sud aux rebelles Huttis.

Le gouvernement irakien divisé et incapable de mettre en œuvre un programme de réconciliation nationale. Son armée n’est pas en état de combattre. Ce sont les milices shiites encadrées par l’Iran qui se battent mais aussi commettent des exactions contre les civils sunnites creusant le fossé avec la communauté sunnite. Les Kurdes ne s’engagent que dans les zones où ils sont majoritaires.

Ainsi, l’Iran apparaît aujourd’hui comme l’acteur majeur et incontournable au Moyen-Orient et son jeu reste ouvert. Seul acteur engagé au sol en Irak et en Syrie (avec le Hezbollah) contre Daech, il est probable que si un accord définitif sur le nucléaire est signé et si les sanctions économiques qui le frappent sont levées, Téhéran devra s’engager à mettre en veilleuse son soutien actuel au Hezbollah et aux Huttis du Yémen.

Les constats et faits à prendre en compte

L’armée irakienne est incapable de libérer seule les zones conquises par l’Etat Islamique. Depuis sa reformation par les Américains, la nouvelle armée irakienne, dont Al Maliki se méfiait, est gangrenée par la corruption, le népotisme, la formation insuffisante et l’absence de moral et de volonté de se battre. Ces sont les milices shiites, (dirigées, encadrées, formées et équipées par l’Iran et appuyées par des Iraniens et des libanais du Hezbollah avec le général Qasem Soleimani [1] à leurs têtes) qui ont sauvé Bagdad, repoussé Daech à l’Ouest du Tigre et qui représentent plus des 2/3 des forces engagées dans la reconquête de Tikrit. Enfin, ce sont les combats au sol qui sont décisifs. Les frappes de la coalition ont un effet d’attrition des forces de Daech et d’appui des troupes au sol mais cela se réalise au prix de dégâts collatéraux importants sur civils, les habitations et les infrastructures, engendrant la colère des populations sunnites locales.

La Turquie d’Erdogan, membre de l’OTAN, joue, pour le moins, un rôle ambigu dans ce conflit irako-syrien car elle laisse sa frontière ouverte et permet à Daech d’écouler son pétrole (1 à 2 millions de barils par jour sur son sol au marché noir) et de se réapprovisionner y compris en armes et munitions auprès d’une multitude de trafiquants qui ont corrompu tous les responsables locaux.

Le pouvoir gériatrique et monarchique saoudien [2] est inquiet et menacé. Il craint un renversement possible d’alliance américain qui semble se dessiner avec l’accord préliminaire de Genève sur le programme nucléaire iranien. Bien plus, le pouvoir n’a ni confiance dans son armée ni dans une partie de sa population (10% de shiites et 30% de travailleurs émigrés). La guerre civile syrienne que Ryad a contribué à développer par le soutien financier apporté aux révolutionnaires n’a pas abouti à la chute d’Assad mais a favorisé l’éclosion de Daech qui contrôle aujourd’hui la majoritées villes et les routes du gouvernorat d’Al Anbar, avec ces 420 km de frontière commune. A coup de pétrodollars, Ryad s’achète des alliés: l’Egypte et le Pakistan qui ont déjà déployés plus de 30 000 soldats à sa frontière Nord et cherche à les inciter à s’engager au sol contre les Huttis au Yemen [3].

Les États-Unis sont écartelés entre la volonté de briser Daech et leur désir de ne pas couper les ponts avec leur allié Turc qui aide en sous-main leur ennemi désigné. Le désir d’Obama de se rapprocher de l’Iran shiite (accord préliminaire sur le nucléaire), le principe de réalité qui leur commande d’accepter le soutien au sol des combattants iraniens en Irak tout en gérant le risque de ne pas aller jusqu’à la rupture avec leur allié sunnite saoudien déstabilisé à ses frontières et à l’intérieur (Daech au Nord, une minorité shiite remuante à l’intérieur située dans la région le plus riche en pétrole (région de Bahrein) et les rebelles shiites Huttis à leur frontière Sud).

La France veut combattre Daech tout persévérant dans son erreur stratégique de vouloir aussi combattre le régime d’Assad [4] sans tenir compte de la capacité de résistance du régime d’Assad, soutenu aujourd’hui par plus de 50% de la population syrienne.

Situation politique en Irak

En mars, C’est l’implication de l’Iran dans les opérations militaires contre Daech et le rôle joué par les milices chiites dans la conduite de ces opérations qui a été au centre de la vie politique en Irak.

Plusieurs déclarations mettent en cause le rôle des milices shiites dans la guerre contre Daech.

Sur un plan extérieur

Le 5 mars, dans une conférence de presse tenue conjointement avec le secrétaire d’Etat américain John Kerry, le ministre saoudien des affaires étrangères a estimé que l’Iran s’était emparé du contrôle de l’Irak et exprimé l’inquiétude de l’Arabie Saoudite concernant les interventions iraniennes au Yémen, en Syrie et en Irak. Pour les saoudiens, l’Iran cherche à renforcer ses positions dans toute la région, en Irak mais aussi en Syrie et au Yémen, pour disposer de cartes dans le cas où les négociations sur son dossier nucléaire échouent. Les pays du golfe craignent qu’un accord conclu sur le nucléaire iranien soit agrémenté d’ententes politiques entre les deux parties en leur défaveur, De son côté, le chef d’état-major des armées américaines, le général Martin Dempsey, a averti de la dislocation de la coalition internationale contre Daech si le gouvernement irakien ne règle pas la question communautariste dans le pays et ne mets pas un terme à l’influence iranienne en Irak.

Sur un plan intérieur

Cette déclaration a coïncidé avec un avertissement lancé par l’ancien premier ministre irakien Ayad Alaoui concernant l’accroissement de l’influence iranienne en Irak. Selon lui, c’est l’Iran qui conduit, à distance ou de près par milices chiites interposées comme Bader ou Assab Ahl Alhak, les opérations militaires contre Daech. De même, le chef du service de renseignement du Kurdistan, Masrour Barzani, a exprimé des réserves sur rôle joué par les milices chiites du Rassemblement Populaire dans les combats contre Daech. Il s’est inquiété de leur futur rôle, après la défaite de Daech et la fin des opérations militaires, et du fait que les succès remportés par ces milices n’ont pu avoir lieu sans le soutien financier, militaire et logistique de l’Iran.

De son côté, Human Rigths Watch a publié plusieurs témoignages de rescapés sunnites, évoquant les exactions et les actes de violence et de vengeance commis par les miliciens chiites. A la suite de la publication de ces rapports, Ali Sistani, grand chef religieux chiite, a publié une lettre dans laquelle il a dénoncé ces crimes des milices du Rassemblement Populaire.

Situation militaire et sécuritaire

Situation militaire

L’offensive sur Tikrit a clairement démontrée l’incapacité de l’Irak et de la coalition de porter dans un avenir proche un coup décisif à Daech et notamment de le chasser de Mossul, ville s’étendant sur 400 km2. En effet, un mois après le début de l’offensive, Tikrit ville de 20 km2 et faiblement défendue n’est toujours pas entièrement contrôlée.

Le 1er mars, environ 27 000 combattants progouvernementaux irakiens dont 18 000 miliciens chiites ont déclenché leur grande offensive sur Tikrīt, sans l’appui des frappes aériennes américaines. L’offensive a été qualifiée par les autorités irakiennes de conjointe parce que ses effectifs comprenaient outre l’armée irakienne, la police fédérale, les forces spéciales d’intervention rapide et toutes les milices chiites conduites par Abou Mahdi Almuhindis, considéré par les Etats-Unis en 2009 comme un terroriste international. Ces milices étaient encadrées par des Iraniens et des Libanais du Hezbollah avec le général Qasem Soleimani à leur tête. Face à eux ne se trouvaient qu’une poignée de combattants retranchés et protégés par des milliers de mines et de pièges sur les axes et dans les bâtiments. Suite aux allégations sur les exactions des milices shiites et sous la pression des Etats-Unis, les milices shiites se sont désengagées des combats qui ont été pris en compte par l’armée irakienne appuyée par les frappes de la coalition.

Ailleurs, dans les régions contrôlées par Daech, les actions militaires entreprises tiennent plus à des actions de guérilla qu’à des offensives classiques. Dans les régions de Bagdadi et de la ville de Ramadi, les forces progouvernementales qui ont réalisé quelques gains de terrain mais font l’objet de contre-attaques quasi quotidiennes de la part de Daech. Elles ont néanmoins libéré le district de Karma, à 50 km à l’ouest de Bagdad, tuant plusieurs chefs militaires de Daech.

A Bagdad, la situation sécuritaire s’est améliorée. 400 points de contrôle seront supprimés, selon le vice-président de la commission de sécurité de la municipalité de Bagdad. Il y a eu en mars beaucoup moins de morts par attentats que dans les mois précédents. Mais les assassinats et les enlèvements quotidiens se sont poursuivis.
Au sud du pays, le calme continue de régnier dans les 12 autres gouvernorats. A noter seulement, un attentat à Bassora à la voiture piégée qui a fait 3 morts et 5 blessés, un autre à Myssan où des hommes armés ont assassiné un civil chez lui et un troisième à Babel dans lequel une patrouille de miliciens a été attaquée par des inconnus qui ont pris la fuite après l’attaque, blessant deux miliciens.

Situation sécuritaire

situation-irak-avril-2015-petite

Les attentats ont causé 383 morts en mars 2015 contre 709 en février dans les régions dans lesquelles Daech est présent. Le nombre des attentats est resté aussi élevé mais ont été plus ciblés et moins meurtriers : Al Anbar 78 (93) ; Salahuldein : 90 (88) ; Niveneh : 83 (85) ; Kirkuk : 54 (21) ; Dyala : 13 (19) et Bagdad : 56 (51).

Dans les 12 autres gouvernorats du Nord et du Sud la situation sécuritaire continue à être sous contrôle.

Général (2S) Jean-Bernard PINATEL, auteur de « Carnet de guerres et de crises 2011-2013 », Lavauzelle, Mai 2014 et de « Russie, alliance vitale », Choiseul, 2011.

[1] Le major général Soleimani, 58 ans dirige depuis 1998 Al-Qods, force d’intervention extérieure (à l’image de nos forces spéciales) de l’Iran. Chef brillant tacticien et charismatique, sa force est destinée à soutenir les chiites au Moyen-Orient. C’est lui qui contribue à bâtir la branche armée du Hezbollah libanais. En 2012, il engage les forces armées d’Al-Qods dans le conflit syrien et en 2015 au Yémen.

[2] Le “royaume gériatrique”, car les 34 princes qui composent le conseil familial sont essentiellement des vieillards, dont certains sont malades. L’ancien prince héritier Abdul Aziz, qui a été ministre de la Défense pendant 25 années, est mort d’un cancer il y a quatre ans, alors qu’il n’était plus très jeune, et son successeur, le prince héritier Nayef, est mort il y a deux ans., Salmane Abdul Aziz Al Saud, un autre de leurs frères, qui vient de monter sur le trône, aura bientôt 80 ans est en mauvaise santé.

[3] Source Intelligence on line. Arrivé en urgence à Riyad le 3 avril, le chef d’état-major jordanien, le général Mashal Mohammad al-Zaben, a d’ores et déjà donné son accord à un déploiement de troupes au sol. L’armée égyptienne, rodée au terrain yéménite depuis son engagement dans la guérilla dans les années 60 – et qui est sous perfusion financière saoudienne depuis 2013 -, se tient aussi prête. Islamabad, de son côté, a accepté d’intervenir le 2 avril, et ce, quelques jours après une visite à Riyad du ministre pakistanais de la défense, Khawaja Mohammad Asif, et de la plupart des membres de l’état-major. Selon nos informations, les premières troupes pakistanaises déployées seront des forces spéciales, dont certaines se trouvent dans le pays depuis l’été dernier. Ce contingent pourrait rapidement s’élargir aux troupes régulières et atteindre in fine plusieurs milliers d’hommes.

[4] L’argument moral avancé pour expliquer cette position est d’autant moins recevable qu’il semble relever de critères émotionnels et de politique intérieure plus qu’objectifs et qu’elle est à géométrie variable.


Mars 2015 : La situation politique et militaire en Irak

1 commentaire

Situation politique

La chute des cours du pétrole et la guerre contre Daech assèche les caisses de l’Etat irakien et est à l’origine des tensions avec Erbil laissant à penser que l’Irak retombe dans les divisions de l’ère Maliki.

Renouveau de la tension avec les Kurdes

Le 2 décembre 2014, un accord de principe entre les parties Kurde et irakienne prévoyait de résoudre tous les différends concernant notamment les salaires des fonctionnaires dont ceux des Peshmergas et les exportations pétrolières. En respect de cet accord, le gouvernement de Bagdad avait transféré 500 millions de dollars à Erbil qui devait, en contrepartie, mettre à la disposition de Bagdad 150 000 b/j de pétrole. Quelques temps après, le chef du gouvernement du Kurdistan Nejervan Barazani déclarait, dans une conférence de presse, qu’Erbil avait conclu un accord avec Bagdad stipulant que le Kurdistan pourrait exporter 250 000 b/j et transférer 300 000 b/j supplémentaires au gouvernement de Bagdad par le biais de l’oléoduc turc de Jehan. En échange, le gouvernement de Bagdad devait verser à Erbil 1.2 trillions DI par mois (1 USD=1 188 DI). C’est cette somme que Bagdad ne semble pas pouvoir ou vouloir honorer et qui est à l’origine de la tension actuelle. En effet, le 16 février, le chef du gouvernement du Kurdistan, Nejervan Barazani, a déclaré que le gouvernement irakien était en faillite et n’envisageait plus de payer les salaires de ses fonctionnaires que tous les 40 jours au lieu de tous les 30. Il a aussi souligné qu’il était en droit d’arrêter les exportations pétrolières s’il ne recevait pas de Bagdad les paiements convenus. Cette déclaration a été soutenue au parlement par l’Alliance du Kurdistan qui a accusé le gouvernement irakien de ne pas respecter ses engagements relatifs au paiement des droits financiers du Kurdistan, affirmant que l’option de quitter le gouvernement irakien était sur la table si le gouvernement irakien persistait dans cette voie.

Le ton monte avec les sunnites

De même, avec les sunnites un regain de tension est observé et porte essentiellement sur la loi concernant la garde nationale, la débaassification ainsi que le contrôle des milices shiites. En effet, le 14 février, les groupes parlementaires sunnites ont suspendu leur participation aux travaux du parlement irakien à la suite d’une attaque lancée à Bagdad par un groupe de miliciens shiites contre un convoi officiel d’un député sunnite. Au cours de cette attaque, l’oncle et le cousin du député qui étaient en sa compagnie dans la voiture et tous ses gardes du corps ont été enlevés puis massacrés, après avoir été atrocement torturés. Les deux vice-premiers ministres et tous les ministres sunnites ont suspendu alors leur participation aux travaux du gouvernement irakien. Ils ont rendu le premier ministre ainsi que les deux ministres de la défense et de l’intérieur responsables de la détérioration de la situation sécuritaire et de l’absence de poursuite de leurs assassins. Certains analystes irakiens désignent comme responsable de cette attaque des forces [1] appartenant à l’ancien premier ministre Nouri Al Maliki qui essaie, sans cesse, de gêner l’action du gouvernement d’Al Abadi. De plus, ils analysent cet octroi de 60 millions comme une action d’Al Abadi pour essayer de gagner la faveur et le soutien des milices shiites et de les éloigner de l’influence de son rival, Al Maliki, qui était à l’origine de la création du Rassemblement Populaire quelques mois avant son départ du gouvernement.

A la fin de février, les députés sunnites ont conditionné la reprise de leur participation aux travaux du parlement et du gouvernement à la satisfaction de leurs revendications [2] ainsi qu’à une loi criminalisant toutes les milices.

Situation militaire et sécuritaire [3]

Les frappes de la coalition menée par les Etats-Unis causent des pertes humaines et matérielles à Daech. Mais les pertes en hommes sont largement compensées par l’afflux de volontaires qui semble avoir été dopé par les images des frappes aériennes américaines. Les pertes matérielles qu’il subit sont compensées grâce à un tout un trafic au travers de la frontière turque réalisé avec la complicité de la population et la corruption bienveillante des autorités locales et nationales. Paradoxalement les Etats-Unis, directement ou indirectement par l’OTAN, dont la Turquie est membre, s’abstiennent de faire ouvertement pression sur Erdogan pour mettre fin à la noria de camions citernes (200 à 400 par 24h) qui achemine en Turquie de 100 à 200 000 b/j à partir des sites syriens et irakiens et dont la vente constitue la principale source de financement pour Daech. Les acheteurs de ce pétrole terroriste se trouvent au sein même de la population turque qui, confrontée à un prix de l’essence relativement élevé (1,6 $/litre), n’hésite pas à s’approvisionner au marché noir où le litre d’essence est à moitié prix. Les ventes de pétrole Syrien et irakien permettent à Daech de disposer des ressources suffisantes pour renouveler le matériel détruit et acheter les munitions et pièces de rechange nécessaires par l’intermédiaire de trafiquants d’armes qui opèrent en toute impunité à la frontière turque.

Le fait saillant de ce début du mois de mars est la bataille de Tikrit

Les milices irakiennes et iraniennes dirigées par Jamal Mohammed Jafaar et le général iranien Qassem Soleimani, commandant en chef des Forces d’Al-Quds progressant sur un Axe Nord Sud à partir de la ville de Baiji sont entrées dans les faubourgs Nord de Tikrit et contrôlent désormais le quartier Qadisiyah soit environ un quart de la cité qui s’étend le long du Tigre sur plus de 15 km. Cependant la libération de Tikrit, ville d’environ 140 000 habitants. Mais cette victoire est symbolique pour les Irakiens car c’est la ville où est né le Sultan Saladin qui a régné au XIIème siècle sur tout le Moyen-Orient et l’Egypte. C’est aussi la capitale de la région sunnite, d’où était originaire Saddam Hussein qui y avait fait construire un palais présidentiel.

Img

Daech ne progresse plus

Une vaste offensive a été lancée les 11 et 12 février par Daesh sur la localité d’Al Bagdadi et sur la base aérienne d’Ain Al Assad qui se trouve à proximité. Plusieurs groupes des combattants de Daesh ont pénétré à l’intérieur d’Al Bagdadi, capturant 400 familles. Mais l’offensive a été repoussée par les forces de l’ordre de la localité et les familles ont été libérées. Tous les assaillants de Daesh ont été tués. Pour sa part, le département américain à la défense a affirmé que 25 combattants kamikazes de Daesh portant des uniformes de l’armée irakienne ont attaqué, le 13 février, la base d’Ain Al Assad. Selon le porte-parole du Pentagone, tous les assaillants ont été tués par les forces armées irakiennes.

Daesh a accentué sa politique de terreur vis-à-vis des populations sunnites des zones qu’il contrôle. Il a fait bruler publiquement des dizaines de civils sunnites dans la ville de Bagdadi, du gouvernorat d’Al Anbar. Daesh a aussi enlevé et massacré plusieurs hommes des tribus près de Tikrit. Ces atrocités révoltent nombre de sunnites. Il semble que Daesh est en train de perdre le terreau de sympathie qu’il possédait au sein des populations sunnites, grâce auquel il a pu conquérir en quelques jours de vastes territoires en Irak et s’engage dans une spirale de terreur pour essayer de maintenir son contrôle sur ces populations.

L’Iran en voie de supplanter l’influence militaire américaine en Irak

En effet, dans les combats au sol, le rôle des milices irakiennes et iraniennes a été décisif comme à Tikrit. Jamal Mohammed Jafaar qui dirige l’organisation du Rassemblement populaire [4] regroupant toutes les milices shiites connait depuis 20 ans le général iranien Qassem Soleimani, commandant en chef des Forces d’Al-Quds et se comporte comme son bras droit. Plusieurs centaines de conseillers militaires iraniens [5] encadrent les milices shiites irakiennes. Les Iraniens présents en Irak ont fourni aux milices et à l’armée irakienne des moyens de communications, des armes, des munitions, et même des drones. Les irakiens critiquent les Etats-Unis qui ont occupé de longues années l’Irak après avoir dissous l’armée de Saddam et, ne voulant pas s’opposer à Maliki qui se méfiait de l’Armée, n’ont rien fait pour la remettre sur pied. La milice des Bataillons de Kharassan est l’exemple même de l’importance de l’influence iranienne en Irak. Cette milice a été fondée en 2013 à l’appel du guide suprême iranien Ali Khamenei pour combattre Daesh, d’abord en Syrie puis en Irak. Le portrait de son commandant, le général iranien Hamid Takawi, tué à Samara, en Irak, en décembre 2014, est affiché solennellement à Bagdad. Il est considéré comme un grand héros shiite par les miliciens irakiens.

La situation sécuritaire dans le pays

Cette carte montre clairement que la situation sécuritaire n’a pas vraiment évoluée en février en Irak. Dans 12 gouvernorats sur 18, la sécurité est assurée. Les 6 autres connaissent du fait des attentats une situation sécuritaire dégradée. Néanmoins, dans 2 gouvernorats Kirkuk (32 tués) et Diyala (27 tués) on note une nette amélioration. La situation sécuritaire reste en revanche mauvaise dans les 4 derniers gouvernorats : Al Anbar (243 tués) ; Niveneh (143) ; Salahuldein (135) et Bagdad (127).

img2

A Bagdad, le couvre-feu nocturne imposé depuis une dizaine d’années a été enfin levé. Toutefois, les habitants de Bagdad n’osent pas encore se promener la nuit dans Bagdad. Confrontés à de violents et très meurtriers attentats, les irakiens se posent des questions sur la capacité des forces de l’ordre à maitriser le terrorisme et sur l’implication de certains partis politiques dans ces actes.

Ainsi, le 7 février, la capitale irakienne a été secoué par de violentes explosions dans trois de ses quartiers résidentiels. Ces attentats coordonnés, qui ont fait 36 morts et plus de 90 blessés, ont visé des restaurants populaires et un marché principal de vêtements de Bagdad, le marché d’Al Arabi, qui se trouve au centre de Bagdad.

Le 9 février, une nouvelle série de trois attentats coordonnés ont, cette fois, fait 20 morts et 46 blessés.

Le 14, une autre série de cinq attentats coordonnés ont fait 16 morts et une trentaine de blessés.

Enfin, les 24 et 25 février, une nouvelle vague d’attentats coordonnés ont tué 25 personnes et blessé plus de 50 autres.

Outre les attentats à l’explosif, Bagdad a connu en février beaucoup d’enlèvements et de tirs d’obus de mortier ou de roquettes sur des quartiers résidentiels, à majorité shiite ou sunnite faisant beaucoup de victimes. Selon des rapports des services concernés, environ 250 obus de mortier et roquettes ont été tirés jusqu’ici sur Bagdad dont 145 sur le quartier de Chola, au nord-ouest de Bagdad.

Général (2S) Jean-Bernard PINATEL, auteur de « Carnet de guerres et de crises 2011-2013 », Lavauzelle, Mai 2014 et de « Russie, alliance vitale », Choiseul, 2011.

[1] Le 25 février, le gouvernement irakien a décidé, d’octroyer 60 millions de dollars aux volontaires du Rassemblement Populaire des milices shiites. Les groupes parlementaires des partis sunnites ont considéré, dans un communiqué de presse, que l’octroi de ces 60 millions de dollars aux milices shiites comme une violation de l’accord politique conclu entre les différentes parties politiques participant au gouvernement et des engagements pris par Al Abadi avant de former son gouvernement, prévoyant d’en finir avec toutes les milices armées.

[2] Approbation des décisions au parlement et au gouvernement par consensus et non pas selon le principe de majorité, désarmement des milices, abolition des lois de débaasification, création d’une garde nationale et amnistie générale.

[3] Sans aucun doute, la guerre contre Daesh est devenue très compliquée et délicate à cause du rôle joué par ce Rassemblement Populaire. Le premier ministre ne peut pas neutraliser les milices shiites parce qu’il en a besoin dans sa guerre contre Daesh et les hommes politiques sunnites ne peuvent pas passer sous silence les exactions commises contre les populations sunnites dans les zones libérées de Daesh.

[4] L’organisation du Rassemblement Populaire a vu le jour le 13 juin 2014 à l’appel de l’ayatollah Ali Sistani.

[5] Grâce à une Fatwa du grand Ayatollah Ali Sistani contre Daesh après la prise de Mossoul en juin 2014.


« Previous Entries Next Entries »