RSS: Posts | Comments

Contre l’islamisme, s’allier à la Russie et faire disparaître l’OTAN

0 commentaires

FIGAROVOX/GRAND ENTRETIEN - Après le coup d’Etat manqué en Turquie, Erdogan se rapproche de Poutine tandis que Moscou et Washington semblent avoir trouvé un équilibre en Syrie. Pour le général Pinatel, les Etats européens devraient tenir compte de cette nouvelle donne.

FIGAROVOX - Recep Erdogan devrait rencontrer Vladimir Poutine en août dans la capitale russe. La Turquie est historiquement la base avancée du Sud de l’Alliance atlantique. Dans quelle mesure la nouvelle alliance entre Moscou et Ankara pourrait perturber l’OTAN ?

Général (2S) PINATEL - L’OTAN est une organisation issue de la Guerre froide entre l’URSS et l’Occident démocratique. Son maintien et son extension aux anciens pays de la CEI procède de la volonté des Etats-Unis de conserver ouvert le fossé entre l’Europe et la Russie. En effet si l’Europe et la Russie étaient alliées, elles leur contesteraient la primauté mondiale qu’ils ont acquise en 1990 à l’effondrement de l’URSS et qu’ils veulent conserver à tout prix. Mais la menace islamique a changé la donne. Cette menace, présente en Russie depuis les années 1990, s’est étendue à l’Europe en juin 2014 avec la proclamation du Califat par l’irakien Al Bagghadi puis récemment en Turquie quand Erdogan a dû fermer sa frontière à Daech après les attentats commis en France et les pressions que les américains ont du faire sur Ankara pour ne pas perdre le soutien de l’opinion européenne.

Dans ce contexte d’actes terroristes meurtriers, la déstabilisation du régime syrien et son remplacement par un régime plus favorable aux intérêts américains, européens, saoudiens et qataris passe au second plan face à l’urgence de maîtriser ce nouveau Califat qui menace la stabilité du Moyen-Orient et favorise la montée en puissance des partis nationalistes anti-atlantistes en Europe. Par ailleurs, l’intervention massive et victorieuse de la Russie en septembre 2015 pour soutenir son allié syrien contraste avec les hésitations ou le double jeu des Etats-Unis qui essaient de ménager tout le monde. Ils se condamnent ainsi à une faible efficacité opérationnelle qui, finalement, inquiète leurs alliés traditionnels et les poussent à ménager la Russie. Enfin les liens et les enjeux économiques entre la Russie et la Turquie sont très importants malgré une opposition géopolitique historique.

Plus que le rapprochement entre Moscou et Ankara, ce qui fragilise cette organisation, ce sont ces récents événements. Ils font la démonstration éclatante aux yeux des Français et des Européens que l’OTAN ne sert à rien face à la menace islamique. En revanche, la guerre efficace que même la Russie contre l’Etat islamique fait penser à de plus en plus de français et d’hommes politiques que la Russie est notre meilleur allié. Et cette évidence, acquise dans la douleur de nos 234 morts et de nos 671 blessés depuis 2012, devrait non seulement perturber l’Otan mais conduire à sa disparition ou à son européanisation complète car son maintien en l’état ne sert que des intérêts qui ne sont pas ceux de la France.

Que se passe-t-il aujourd’hui en Syrie ? Russes et Américains semblent se rapprocher ou à tout le moins se coordonner davantage, notamment sur la question du Front Al-Nosra, très présent près d’Alep. Un nouvel équilibre dans la région est-il en train de se constituer ?

Dès leur intervention en septembre 2015 sur le théâtre syrien, les Russes ont proposé aux Américains de coordonner leurs frappes contre Daech et Al Nostra. Mais les Américains ont refusé car au niveau politique, Obama voulait maintenir la fiction qu’il existait encore un potentiel de forces modérées sur le territoire syrien qui n’avaient pas été absorbées ou qui ne s’étaient pas alliées à Al-Nostra et qui ainsi pourraient prétendre, un jour, à être partie prenante à la table de négociation. C’est clairement une fiction contestée non seulement par la Russie, mais par d’autres voix y compris aux Etats-Unis. Ces experts affirment que les unités qui existent encore en Syrie servent d’interface avec Al Nostra à qui elles revendent les armes qu’elles reçoivent via la CIA. C’est le bombardement d’une de ces bases en Syrie par la Russie, qui a eu l’habileté de prévenir les américains à l’avance pour qu’ils puissent retirer en urgence les agents de la CIA présents, qui a permis ce rapprochement opérationnel. Il est clair qu’un nouvel équilibre est en voie de se constituer au Moyen-Orient. La Russie qui y a été historiquement présente est de retour en force. La Chine, et c’est une nouveauté, y pointe plus que son nez et la France qui y avait une position privilégiée de médiation, l’a perdue par suivisme des Etats-Unis.

Quelle pourrait être la place de l’Europe dans les relations avec ces deux grands pays que sont la Russie et la Turquie? Peut-on imaginer un nouvel équilibre sécuritaire aux marches de l’Europe ?

C’est vrai, nos portes orientales sont verrouillées par la Russie et la Turquie.

Avec la Russie nos intérêts économiques et stratégiques sont totalement complémentaires. La France a une longue histoire d’amitié avec la Russie que symbolise à Paris le pont Alexandre III et plus récemment l’épopée de l’escadrille Normandie Niemen que le Général de Gaulle avait tenu à envoyer en Russie pour matérialiser notre alliance contre le nazisme. Je rappelle aussi que c’est parce que l’armée allemande était épuisée par trois ans de guerre contre la Russie et la mort de 13 millions de soldats russes et de 5 millions d’allemands que le débarquement de juin 1944 a pu avoir lieu. Ce rappel ne veut en aucun cas minimiser le rôle des Etats-Unis et le sacrifice des 185 924 soldats américains morts sur le sol européen. Mais la volonté des Etats-Unis de restaurer un climat de Guerre froide en Europe qui se développe notamment au travers de l’OTAN ne sert que leurs intérêts et ceux des dirigeants européens qui sont soit des corrompus soit des incapables.

Avec la Turquie, c’est l’Allemagne qui a des relations historiques comparables aux nôtres avec la Russie. La Turquie et l’Allemagne étaient des alliés au cours des deux guerres mondiales car les allemands espéraient avec leur aide couper la route du pétrole aux alliés. Les Turcs de leur côté espéraient ainsi récupérer le contrôle du Moyen-Orient et notamment celui de l’Irak et de la Syrie.

Ce rappel historique met en évidence l’importance du couple franco-allemand pour définir une politique européenne commune face à ces deux puissances et éviter de revenir à des jeux du passé comme a semblé le faire récemment Angela Merkel avec l’affaire des réfugiés en négociant directement avec Erdogan sans se concerter avec ses partenaires européens.

Général (2S) Jean-Bernard PINATEL

Source : LE FIGARO

Auteur : Alexis FEERTCHAK


Réponses aux questions du Figaro

2 commentaires

Nous nous trompons sur la nature de la guerre qui nous est faite et la réponse que nous devons apporter doit être globale et commencer par une réévaluation de notre politique extérieure ainsi qu’un retour à l’application effective des valeurs qui fondent nos sociétés démocratiques, dévoyées par les pratiques actuelles de nos élites dirigeantes.

1) Que vous inspire la concomitance entre le défilé militaire le matin et l’attentat du soir ? Illustration de la guerre asymétrique ? Est-on préparé à cela ?

On n’est pas dans une guerre asymétrique on est dans une guerre de nature et d’inspiration religieuse : le wahhabisme qui mène une guerre civile mondiale pour l’unicité (tawhid) et contre les apostats du monde entier (les Occidentaux) et les musulmans polythéistes comme les chiites et les sunnites shirk (opposés à l’unicité, c’est à dire qui se réfèrent au prophète Mohamed au même titre qu’à Allah). Cette guerre, pour faire reconnaître que la révélation d’Allah, s’impose à tous et à toutes les autres lois se fonde sur la doctrine wahhabite. Nos responsables politiques sont des laïques et de ce fait sous-estiment totalement la dimension religieuse de cette da’wa (prosélytisme) wahhabite.
Ce n’est pas uniquement avec des forces armées que l’on vaincra le Califat d’Al-Baghadi. C’est en s’attaquant à la prédication wahhabite qu’on laisse s’exprimer dans une centaine de mosquées en France et qui réussit à convertir à ce courant réformiste et radical de l’Islam des musulmans sunnites, courant qui place le djihad comme un devoir premier.
On n’est évidemment pas prêts à cela. Car comment expliquer autrement l’erreur stratégique d’Obama et de François Hollande qui se sont lancés dans une déstabilisation du régime laïc d’Assad en Syrie, qui n’est certes pas le meilleur des chefs d’États mais qui luttait, comme le faisaient Saddam Hussein et Kadhafi en leur temps, contre ce fondamentalisme islamique et le terrorisme qu’il inspirait. Croire qu’au Moyen-Orient, où se joue depuis trois siècles une lutte religieuse sans merci entre les différents courants de l’Islam, que l’on pourrait remplacer les dictatures par des démocraties est une méconnaissance totale ou une arrogance immense. On a vu ce qui s’est passé en Égypte où, heureusement, l’armée a mis fin à l’aventure des frères musulmans qui ont le même objectif final que les djihadistes mais qui espèrent imposer l’État islamique en jouant le jeu démocratique.

2) Nombreuses sont les critiques de l’opération Sentinelle. Qu’en pensez-vous ? Cette mission appartient-elle vraiment aux compétences de l’Armée ? Concrètement, celle-ci est-elle efficace et ne soumet-elle pas les forces armées à une pression pour laquelle elle n’est pas préparée ? Que pensez-vous de l’extension de la réserve opérationnelle des Armées mener ces missions ?

L’opération sentinelle est une opération de sécurité subjective qui sert à rassurer les Français mais ne peut avoir, sauf coup de chance, d’efficacité objective car les terroristes ont le choix du lieu et du moment de l’attaque. Je fais confiance au chef d’État-major des Armées pour ne pas obérer la capacité d’action opérationnelle de nos forces en fixant un plafond non franchissable de la mise à la disposition de nos forces pour l’opération sentinelle. Les armées sont des forces de troisième catégorie et il est tout à fait légal de les utiliser en renfort des forces de police afin qu’elles puissent mieux assurer leur mission de maintien de l’ordre.

3) Les policiers présents ont tiré au pistolet sur le camion. Des armes lourdes comme des fusils d’assaut auraient-elles pu changer la donne ?

Non. Dans le cas de Nice on a négligé de couper les accès à la Promenade des Anglais par des défenses passives qui auraient pu être réalisées en barrant les rues d’accès par des autobus, des camions ou des véhicules de police. C’est ce qui est fait dans les pays où le terrorisme islamique sévit comme en Irak où l’accès aux objectifs sensibles est barré par des check points qui barrent les routes d’accès par des chicanes équipées de plots en béton.

4) Le « recul » de l’EI en Syrie et en Irak amènera-t-il Daesh à se transformer dans son mode de fonctionnement pour devenir comme Al-Qaïda, une organisation plus clandestine ? Si oui, comment répondre à cette menace future ?

La fin du califat par la prise de Mossul se fera au mieux en 2017 mais la prédication wahhabite ne s’arrêtera pas pour autant et trouvera toujours dans nos sociétés occidentales, où la perte de valeurs et de repères est immense, des jeunes pour se convertir et vouloir mourir en martyr. Le problème de nos sociétés occidentales est d’avoir oublié d’où elles venaient et croire que la laïcité et la démocratie étaient de nature à éradiquer l’extrémisme religieux. Mais cela ne serait possible que si nos sociétés et nos dirigeants étaient vertueux. Quand le coiffeur de François Hollande est payé deux à trois fois plus que les soldats et les policiers chargés de nous protéger comment voulez-vous que la jeunesse adhère à ce type de société ou, en outre, la spéculation financière est une source d’enrichissement plus rapide que la création de valeurs pour la société dans son ensemble ?

5) La société civile, bercée dans l’illusion d’une fin de l’histoire, est-elle préparée psychologiquement à ce retour de la guerre sur son propre sol ?

Non et c’est logique. Après l’effondrement de l’URSS nous avons confondu société de libertés et libéralisme et nous avons cru que s’ouvrait pour l’humanité une ère de paix à condition d’installer partout dans le monde des démocraties au besoin par la force des armes ou la corruption, comme les Américains l’ont fait dans les pays de l’Est. Mais la démocratie est une conquête des peuples que l’on ne peut imposer de l’extérieur et c’est cette méconnaissance du temps long de l’histoire et l’arrogance affichée par certaines soi-disant élites comme BHL qui nous a conduit à ces malheurs où des innocents ont payé le prix hier soir à Nice.

Général (2S) Jean-Bernard PINATEL


Le militaire et la parole publique

0 commentaires

Je publie sur mon blog cette analyse que j’ai reçue via mon réseau. Elle qui a été écrite par un colonel dont je ne publie pas le nom parce que je n’ai pas réussi encore à le joindre pour obtenir son autorisation.

L’air du temps est à la morosité à un an d’une élection que l’ensemble du pays considère comme une échéance déterminante. L’insatisfaction est partout, les récriminations se multiplient pour contester un système social considéré comme inefficace et injuste par la fraction la plus activiste de la population. Les institutions républicaines sont décriées, jugées incapables de relayer les clameurs grandissantes et de prendre en compte les besoins les plus élémentaires de tout un chacun, quand ce n’est pas ceux des indigents qui frappent à notre porte et que notre morale oblige à secourir. Les débordements sociaux conduisent à des spectacles de guerre civile devenus insupportables. Cependant, l’agression de l’Islam obscurantiste risque de frapper de nouveau notre territoire, tandis que les périls se multiplient sur la scène internationale. L’armée et la police sont aux abois. L’Etat endetté plus que de raison semble impotent pour faire face à ce marasme. Le pays en devient ainsi l’un des plus pessimistes de la planète.

Il ne nous appartient pas de donner les recettes pour faire face. Les programmes électoraux proposés pour apporter paix et harmonie se multiplient et ainsi redonner espoir aux Français. Des événements récents consacrent cependant l’interdiction faite à la société militaire de participer à ce grave débat. Celle-ci est en effet soumise dans notre pays à un devoir de réserve qu’elle respecte scrupuleusement et peine ainsi à se faire entendre lorsque certains de ses membres jugent nécessaire de le faire. Ces épisodes amènent à considérer que cette obligation place plus que jamais les militaires en situation de sous-citoyenneté. Les affaires se multiplient et mettent en cause le sommet de la hiérarchie, plus particulièrement des officiers généraux en première ou deuxième section dont le rôle non accessoire est de défendre les personnels placés sous leurs ordres ainsi que le devenir de l’institution militaire, celle-ci ne disposant pas, ou encore si peu, d’une représentativité corporatiste pour s’exprimer.

Ce constat touche au fonctionnement élémentaire de l’Etat. L’institution militaire participe en effet, avec la diplomatie, la justice ainsi que la police, aux pouvoirs régaliens de l’Etat. Ces pouvoirs sont ceux de la souveraineté. Ils définissent l’Etat originel, ceux pour lesquels il a été créé, c’est-à-dire pour pourvoir à un besoin élémentaire devenu son premier devoir : la sécurité de chacun. Les armées assurent la défense du pays, leur existence conditionne celle du pays, sa toute première sécurité. Les incidents sus évoqués amènent donc à se poser la question : pourquoi cette aliénation sur un sujet si grave, ce cantonnement du militaire ? Une tradition lointaine qui prétend être fondatrice de la démocratie soumet le pouvoir militaire au pouvoir civil. « Cedant arma togae », « Que les armes le cèdent à la toge » est ainsi la parole de Cicéron communément et fort savamment rapportée. Le gouvernement militaire, représenté par les armes, doit faire place au gouvernement civil, représenté par la toge. Qu’en est-il vraiment ? Replaçons cette parole dans son contexte : Celle-ci intervient dans celui d’une guerre civile romaine qui mettra fin à la direction collégiale de la république. Cicéron finira lui-même assassiné dans cette période sombre de l’histoire de Rome. La guerre civile, vécue par l’auteur, guerre qui est toujours la pire de toutes, inspire assurément cette parole. L’histoire de France est également marquée par la guerre civile et un nombre conséquent de coups d’Etat militaires. Le pouvoir en place a été bousculé pour un projet ayant souvent conduit à la catastrophe historique et à l’abaissement du pays. Plus récemment, c’est la conséquence des événements douloureux de la décolonisation, en Algérie plus particulièrement avec le putsch d’avril 1961, qui a placé l’armée sous surveillance et contribué à durcir le droit d’expression des militaires et leur devoir de réserve. Acteur potentiel de la sédition, le pouvoir militaire est considéré comme liberticide, générant l’impéritie et de grands déboires nationaux. C’est la menace de guerre civile, la crainte de l’instauration par la force d’un pouvoir non démocratique qui place le militaire dans l’état de sujétion que nous lui connaissons. Ainsi de récentes prises de parole ou comportement d’officiers généraux à propos de décisions gouvernementales ont immédiatement conduit à des commentaires de presse évoquant un prochain coup d’état militaire, en jetant même quelques noms en pâture à la vindicte publique. Les agents de l’Etat sont tout également soumis au devoir de réserve mais c’est sans les armées, devenues « la grande muette » que ce devoir s’avère être le plus rigoureux. Pour autant, nombre de fonctionnaires civils sous couvert de leur représentation syndicale transgressent allègrement et impunément leur devoir de réserve.

Le militaire s’y est dignement résigné, par éthique, la détention des armes de la nation et « la mort comme hypothèse de travail [1] » lui réservant en retour la meilleure considération au sein du corps social comme l’indiquent les récents sondages. Néanmoins, si le militaire se ressent comme un citoyen exemplaire, il se considère également comme diminué par un statut aliénant, limitant son droit d’expression, droit pourtant garanti à tout un chacun par la constitution. Cette situation conduit à l’éloigner du monde politique et de toute possibilité d’accès à la représentation nationale, de toute participation à la décision en vue du bien commun. S’étant vu accorder le droit de vote en même temps que les femmes de notre pays, il est statutairement le seul agent de l’Etat obligé de quitter son corps s’il veut se présenter au suffrage populaire.

Cette relégation source d’incommunication répond-t-elle à une nécessité avérée ? Si l’on reprend l’exemple antique, on doit remarquer que la parole de Cicéron a été peu mise en pratique. Les consuls romains, figures de proue du gouvernement de la république romaine, étaient élus par le Sénat et disposaient de prérogatives à la fois civiles et militaires. Les armées romaines étaient ainsi commandées par des consuls dont la formation militaire était parfois très superficielle. Le « Cursus honorum » d’un citoyen de haut rang comportait immanquablement un passage sous les armes pour assurer une campagne militaire ou un commandement sur les frontières de l’empire. Rome doit assurément sa longévité à une conjugaison performante entre registre militaire et civil. La France « faite à coup d’épée », selon Charles de Gaulle [2], ceci grâce aux « rois de guerre » [3], n’a pas échappé à cette règle. On évoque par ailleurs Carl Von Clausewitz et son adage bien connu : « la guerre est la continuation de la politique par d’autres moyens ». Mais plutôt qu’une rupture, ce constat marque l’interaction entre ces deux registres. La subordination du militaire à la politique suppose que ce dernier soit bien au fait de l’art de la guerre. L’usage de la force est une option offerte pour traiter le problème de l’Autre, ce dernier disposant éventuellement de la même possibilité. Les conséquences doivent donc en être soigneusement évaluées. Nul mieux que le militaire peut y contribuer. Notre histoire récente illustre les déboires découlant du non-respect de cette réalité lorsque la politique générale conduite par le pays ne correspondait pas à ses options au plan militaire. Or, il faut bien reconnaître que le cursus actuel de nos politiques les éloigne de ce registre. La disparition du service militaire a diminué la part de la population imprégnée de la spécificité de ce métier bien particulier, voué à la préparation et la conduite de la guerre. La technicité croissante des armements complique l’imbroglio opératif. Jamais le « brouillard de la guerre » [4], dans un contexte où se multiplient les acteurs potentiels, où les agressions possibles couvrent un large éventail, de la subversion terroriste à la dissuasion nucléaire, de la cyberguerre à la guerre dans l’espace, ne semble avoir été aussi impénétrable. Pour un politique, il faut donc acquérir une spécialisation nécessitant un investissement conséquent pour saisir cette spécificité et embrasser ce large et bien inquiétant registre. Peu nombreux sont les élus qui y sacrifient, plus nombreux sont les stratèges de salon qui pontifient sur les écrans, encore plus sont ceux qui pratiquent la politique de l’autruche en affectant un pacifisme de bon aloi, en niant ou minorant toute probabilité de conflit, en refusant de se reconnaître tout ennemi dans un monde que chacun souhaite voir pacifié. Comme chacun le sait, les souhaits correspondent rarement à la réalité.

La césure n’est donc ni inéluctable, ni souhaitable pour le bon fonctionnement de l’Etat. L’exercice de la démocratie ne peut qu’y être adapté.

Il est nécessaire que le militaire prenne pleinement part à la vie de la cité, qu’il puisse porter jugement sur les grandes décisions qui marquent l’existence du pays, qu’il puisse plus aisément parvenir « à la toge », quand bien même beaucoup se satisfassent de l’en tenir éloigné en prétextant d’une inaptitude consubstantielle à son état. Cette sous-citoyenneté doit cesser.

Il est normal de s’inquiéter de voir la défense du pays s’étioler depuis des décennies face aux menaces d’un monde en grand bouleversement. Il est normal de dénoncer un Etat perdant toute autorité face à la transgression, à la délinquance et à l’insurrection en maintenant son système judiciaire en état d’anémie. Il n’est pas normal de voir une jeunesse promise au chômage parce que son système éducatif ne valorise pas l’effort et la pourvoit d’un savoir inadapté sanctionné par des diplômes corrompus. Il est navrant de voir le triste spectacle offert par la jungle de Calais, de constater l’incapacité à réguler une immigration délibérément mal contrôlée afin de satisfaire aux critères d’une charité très mal ordonnée. Il est plus qu’inquiétant de voir le divertissement précéder le bien commun, de voir ses pourvoyeurs et autres faquins accaparer la paroleen plaçant la dérision au-dessus de la raison, en éloignant ainsi le citoyen de la réalité et des devoirs de la chose publique. L’ultime alarme surgit au constat des choix malheureux et assurément démagogiques d’une république qui détruit lentement mais sûrement l’Etat par une gestion des deniers publics orientée vers la satisfaction des insatiables, des imposteurs et des vociférants.

Sur ces rubriques, les citoyens de toute condition doivent s’exprimer. Les militaires ne peuvent en être écartés.

Col (er) desTdM

[1] Du titre d’un ouvrage récent du colonel Michel Goya « Sous le feu, la mort comme hypothèse de travail », Taillandier».

[2] In « la France et son armée ».

[3] Titre accordé au roi de France. cf. Joël Cornette, Le Roi de guerre. Essai sur la souveraineté dans la France du Grand Siècle, Petite bibliothèque Payot.

[4] Formule de Carl von Clausewitz, « De la guerre ».


Guerre ou paix ? Russie – États-Unis se serrent la main devant les caméras tout en se montrant les dents sur le terrain

0 commentaires

Bien que la Guerre froide soit révolue, les Etats-Unis et la Russie continuent à entretenir des relations empreintes d’une grande méfiance. Dernier motif d’escalade des tensions en date : la volonté américaine de redéployer de façon permanente une brigade blindée de l’OTAN en Europe de l’Est.

Atlantico : Le secrétaire d’Etat américain John Kerry et le Président russe, Vladimir Poutine se sont rencontrés la semaine dernière et ont évoqué les situations de la Syrie et de l’Ukraine. Cette rencontre semblait témoigner d’un rapprochement entre les Etats-Unis et la Russie dont les relations se sont tendues ces derniers mois, sur les dossiers syrien et ukrainien notamment. Mais dans le même temps, Washington a annoncé vouloir redéployer de façon permanente une brigade blindée en Europe de l’Est.

Les signaux envoyés et décisions prises récemment s’inscrivent dans des dynamiques contradictoires. Pourquoi, selon vous, depuis la fin de la Guerre froide, la relation russo-américaine n’a-t-elle pas réussi à se délester du poids de la méfiance ?

Jean-Bernard Pinatel : La politique américaine peut sembler inconstante et dangereuse, et votre question reflète parfaitement l’impression qu’elle projette pour des observateurs étrangers.

Les États-Unis sont une démocratie dominée par des lobbies dont le pouvoir s’exerce via le Congrès américain. Ils conduisent tout président américain à des compromis dans la politique étrangère qu’il souhaite mener pour promouvoir les intérêts de la nation américaine. Ces lobbies génèrent 3 constantes immuables depuis 1991, dont le poids varie en fonction des circonstances et de la personnalité des dirigeants.

L’intérêt transcendant tous les autres, qui s’impose à tout président américain depuis 1991, est de conduire une politique étrangère visant à maintenir la primauté mondiale que les États-Unis ont acquise avec l’effondrement de l’URSS. Mais cet objectif doit être atteint en préservant les intérêts des lobbies qui dominent la démocratie américaine et dont le pouvoir s’exerce au Congrès. Trois lobbies exercent une influence déterminante sur la politique étrangère américaine. Le plus fort et dangereux est le lobby militaro-industriel, dénoncé le 17 janvier 1961 à la fin de ses deux mandats de président par le général Eisenhower dans une adresse solennelle à la nation américaine [1]. Le second, par son influence, est le lobby de Wall Street dont l’objectif est de faire tomber toutes les barrières commerciales et les frontières pour permettre aux capitaux et aux entreprises américaines de se développer mondialement. Enfin le lobby israélo-américain qui fait pression pour un soutien inconditionnel à Israël en toutes occasions, même les moins défendables, et qui influence la politique américaine au Moyen-Orient.

Mais la première constante dans la politique étrangère américaine, compatible avec les objectifs du lobby-militaro-industriel et des autres lobbies est d’empêcher la création de l’Eurasie, c’est-à-dire une alliance ou une coopération stratégique entre l’Europe et la Russie qui leur contesterait leur primauté mondiale. L’ancien conseiller national à la sécurité des États-Unis, Zbigniew Brzezinski, publia en 1997 sous le titre Le grand échiquier un livre où il soutenait la thèse selon laquelle « Pour l’Amérique, l’enjeu géopolitique principal est l’Eurasie ». Il explicitait ainsi sa pensée [2] : « Si l’Ukraine tombait, écrivait-il, cela réduirait fortement les options géopolitiques de la Russie. Sans l’Ukraine et ses 52 millions de frères et sœurs slaves, toute tentative de Moscou de reconstruire l’empire eurasien menace d’entraîner la Russie dans de longs conflits avec des non-slaves aux motivations nationales et religieuses. »

Toute la tension avec la Russie procède de cette analyse. Les États-Unis et l’OTAN jouent de la méfiance légitime des pays de l’Est européen avec la Russie. Ce qu’il y a de regrettable, c’est qu’Angela Merkel et François Hollande se sont mis à genoux devant les exigences américaines. Alors que les faits font conclure à tout analyste indépendant que ce sont les agissements américains qui sont les responsables du coup d’État de la place de Maïdan du 20 février 2014. C’est ce coup d’État qui a conduit à la démission du président pro-russe Viktor Ianoukovitch, entrainant la riposte de Poutine en Crimée et le climat de Guerre froide exploité par Washington pour déployer une brigade blindée en Europe de l’Est.

Malgré la volonté affichée par Obama au début de son mandat, le président américain n’a pas pu appuyer sur le bouton « reset » de la relation avec la Russie. Pourquoi ? A quels niveaux faudrait-il agir pour que la relation États-Unis/Russie se reconstruise sur des bases saines ?

Parce ce que la Russie, dans l’opinion américaine, est pour l’instant le seul adversaire crédible pour satisfaire les objectifs du lobby militaro-industriel qui est de maintenir un budget militaire mondial supérieur au total de celui de tous les autres grands acteurs du système international. Quelques chiffres permettent de concrétiser cette domination [3] : le budget américain de la Défense était de 640 milliards de dollars en 2013, supérieur au total des 9 autres budgets des pays suivants, dont ceux de la Chine (188 milliards de dolars), de la Russie (88 milliards de dollars) et de la France (61 milliards dollars – parité euros dollars de 2013).

Quant au budget des 16 agences de renseignement américain, il est équivalent au total du budget militaire de la Russie, soit 76 milliards de dollars [4] en 1973.

Néanmoins cette relation pourrait évoluer rapidement car la Chine apparait aux experts américains comme une menace de plus en plus crédible pour les intérêts économiques et stratégiques américains [5]. Ils surveillent notamment tout rapprochement stratégique entre la Russie et la Chine qu’ils ne peuvent accepter. C’est la seule option qui peut faire changer fondamentalement la position des États-Unis vis-à-vis de la Russie.

sans_titre
Le graphique ci-dessus montre que la relation commerciale entre les États-Unis et la Chine devient de plus en plus déséquilibrée, ce que souligne le rapport au Congrès de la Commission chargée de suivre les rapports économiques et de sécurité des États-Unis avec la Chine.

En matière de sécurité, le même rapport conclut que les relations sino-américaines continuent de se détériorer.

Si la Guerre froide est révolue, certains officiels et experts se référent toujours aux schémas de l’époque bipolaire. Dans quels cercles sont-ils les plus présents et influents (à la fois aux États-Unis et en Russie) ? Est-ce une question d’âge ? Le renouvellement des élites et l’arrivée de nouvelles générations peuvent-ils laisser entrevoir une évolution des mentalités ?

Je ne pense pas qu’il s’agisse d’une question d’âge. Il s’agit tout simplement d’intérêts au sens que le Premier ministre de la reine Victoria, Benjamin Disraeli (1804-1881) donnait à ce concept. Il considérait que les États n’ont ni amis, ni ennemis mais des « intérêts permanents ».

Tout le problème aujourd’hui dans nos démocraties est de savoir qui détermine réellement ces intérêts permanents : la nation souveraine au travers du suffrage universel ou les lobbies ?

Propos recueillis par Emilia Capitaine

[1] Nous devons veiller à empêcher le complexe militaro-industriel d’acquérir une influence injustifiée dans les structures gouvernementales, qu’il l’ait ou non consciemment cherchée. Nous nous trouvons devant un risque réel, qui se maintiendra à l’avenir : qu’une concentration désastreuse de pouvoir en des mains dangereuses aille en s’affermissant. Nous devons veiller à ne jamais laisser le poids de cette association de pouvoirs mettre en danger nos libertés ou nos procédures démocratiques. Nous ne devons jamais rien considérer comme acquis. Seul un peuple informé et vigilant réussira à obtenir que l’immense machine industrielle et militaire qu’est notre secteur de la défense nationale s’ajuste sans grincement à nos méthodes et à nos objectifs pacifiques, pour que la sécurité et la liberté puissent prospérer ensemble.

[2] Traduit de Zbigniew Brzezinski, Die einzige Weltmacht – Amerikas Strategie der Vorherrschaft, Fischer Taschenbuch Verlag, pp.15/16.

[3] Le budget de Défense américain représentait en 2013, 640 milliards de dollars autant que le Budget réuni des 9 pays suivants : Chine (188), Russie (88), Arabie Saoudite (67), France (61), Grande-Bretagne ()58, Allemagne (49), Japon (49), Inde (48), Corée du Sud (33). Source SIPRI.

[4] En savoir plus : Le Monde : « Le « budget noir » américain rendu public ».

[5] 2015 REPORT TO CONGRESS OF THE U.S-CHINA ECONOMIC AND SECURITY REVIEW COMMISSION, novembre 2015 : « government’s efforts to address tensions in the U.S.- China relationship through bilateral dialogue continue to yield limited results. The latest Strategic and Economic Dialogue concluded with some progress on environmental and financial issues, but reached an impasse in addressing fundamental strategic and economic issues such as cybersecurity, anticorruption cooperation, and investment barriers to foreign firms in many industries ».


Une «attaque à la voiture piégée» en France : «un scénario à craindre», selon Jean-Bernard Pinatel

0 commentaires

2016 : une année catastrophe en matière d’attentat terroriste ? Le Général Jean-Bernard Pinatel, expert des questions géopolitiques, contacté par RT France, évoque la menace que font peser en Europe des djihadistes de plus en plus organisés.

RT France : Un responsable du contre-terrorisme français cité par l’AFP et qui a voulu garder l’anonymat a indiqué qu’un «11 septembre européen» était très probable. Il a déclaré que les attentats risquaient de se multiplier en 2016, qu’en pensez-vous ?

Jean-Bernard Pinatel : Que l’on ait des attentats en 2016, c’est évident. Que l’on ait une vague d’attentats et 3 000 morts comme lors du 11 septembre, c’est un autre problème. En effet, dans cette «guerre civile mondiale» les terroristes ont l’avantage de pouvoir choisir le mode d’action, le lieu et la date et on ne peut pas tout défendre tout le temps.

RT France : Quand certaines sources au sein du contre-terrorisme disent que tous les éléments sont réunis pour une multiplication des attentats, notamment le trafic de faux-papier, les djihadistes qui sont de plus en plus décidés ?

Jean-Bernard Pinatel : C’est évident que l’on va en avoir d’autres. Cela je l’ai dit, je l’ai écrit, c’est évident. Maintenant quelle pourra être leur ampleur ? Je n’en sais absolument rien. Faire ce type de prospective, cela ne sert pas à grand chose. Je n’ai aucune informations qui me permettent d’en mesurer l’ampleur.

« Qu’on ait un jour en France des voitures piégées ? Je pense que oui. »

RT France : Bien sur, mais est-ce que l’on peut dire simplement que les terroristes sont de plus en plus organisés ?

Jean-Bernard Pinatel : Si on reprend ce qu’il se passe notamment en Irak, c’est une évidence. Selon certaines informations durant l’offensive des troupes irakiennes pour reprendre Ramadi à Daesh, les djihadistes qui avaient pris le contrôle de la ville ont résisté en lançant de l’ordre de 200 voitures piégés sur l’armée irakienne. Alors qu’on ait un jour en Europe des voitures piégées, je pense que c’est possible car c’est le mode d’action principal aujourd’hui en Irak avec les kamikases équipés d’une ceinture d’explosifs.

La France n’a pas encore connu d’attaque à la voiture piégée. Une voiture bourrée d’explosif qui se jette contre un bâtiment public ou se fait exploser dans un parking souterrain c’est un scénario que l’on peut craindre car il est largement utilisé au Moyen-Orient. Ils savent donc le faire.

RT France : La fabrication de faux-papier serait désormais maîtrisée notamment par l’Etat islamique, est-ce un facteur déterminant dans l’arrivée des djihadistes en Europe ? Quel regard portez-vous sur ce phénomène ?

Jean-Bernard Pinatel : Pas seulement par l’Etat islamique. On sait que la Turquie, et notamment les services spéciaux turcs ont établi des faux-papiers, pour transporte en Syrie des djihadistes Ouighours venant du Xinjiang.

RT France : Vous dites que les turcs ont favorisé ce phénomène, dans quel but?

Jean-Bernard Pinatel : Erdogan a toujours soutenu la mouvance turkmène, que cela soit dans le Xinjiang chinois, au Turkménistan, etc. Il a même qualifié de «génocide» le sort que réservaient les chinois aux Ouighours du Xinjiang.

RT France : Vous dites que les Turkmènes sont en quelque sorte la cheville ouvrière du djihadisme en Syrie et en Irak et de l’organisation de l’Etat islamique notamment ?

Jean-Bernard Pinatel : La Syrie est chaudron où l’on trouve des djihadistes venant de partout et notamment de la mouvance turkmène venant de toute l’Asie centrale. Certaines sources disent qu’il y en a 5000 en Turquie dont 500 à 2000 seraient passés en Syrie.

« Il faut permettre à nos services de travailler et d’anticiper, sans nécessairement passer par des juges. »

RT France : Au sujet des services secrets français, le ministre de l’Intérieur Bernard Cazeneuve a récemment vanté le travail effectué par ses services alors que deux attentats majeurs ont été perpétrés sur le territoire français, est-ce qu’on peut dire qu’il y a eu des failles ?

Jean-Bernard Pinatel : Il y aura toujours des ratés. La sécurité a 100% n’existe pas. mais nos forces de sécurité font un travail admirable et l’état d’urgence leur facilite effectivement la tâche puisqu’ils peuvent réagir très rapidement dès qu’ils ont une information. Mais aucun service y compris les services russes qui avaient tout les moyens avec eux ne peuvent faire du 100 % en matière de terrorisme.

RT France : Le discours sur les éventuels failles des services de renseignement, pour vous, ne tient pas ?

Jean-Bernard Pinatel
: Il y a toujours des failles dans un dispositif mais, ce qu’il faut analyser, c’est le bilan entre ce qui est fait et qui n’est jamais dit parce que le principe des services c’est que quand il y a des succès de ne pas en parler. On ne parle donc que des ratés. Le bilan, ce sont les gens qui sont aux affaires qui peuvent le faire réellement mais il y a toujours des failles. Vous ne pouvez pas faire du 100 %, on n’est pas dans un monde parfait. Il y a toujours des gens qui arrivent à passer entre les mailles du filet depuis que les services de renseignement existent.

RT France : Vous êtes donc également un partisan de l’état d’urgence ?

Jean-Bernard Pinatel : Tant que l’affaire irakienne et syrienne perdureront, il faut permettre à nos services de travailler et d’anticiper, sans nécessairement passer par des juges à moins que l’on augmente énormément le nombre de juges anti-terroristes et que l’on puisse réagir dans l’heure. Le problème souvent en matière de terrorisme est le délai de réaction entre le moment où l’on a l’information et le moment où l’on peut agir. Regardez ce qu’il s’est passé en Belgique : au moment où ils ont eu l’information, ils n’ont pu intervenir que le lendemain matin. Et ils ont laissé échapper un des auteurs des attentats de Paris. Si on veut pouvoir exploiter les informations très rapidement, il ne faut pas passer par un système judiciaire complexe avec des procédures surchargées. Il faut pouvoir agir rapidement et heureusement l’état d’urgence le permet. Mais ce n’est pas parce qu’il y a l’état d’urgence qu’on peut faire du 100 %.

RT France : Êtes-vous favorable à sa prolongation ?

Jean-Bernard Pinatel : Je suis pour permettre aux services secrets français d’agir sans délai dès qu’ils ont une information, que cela s’appelle l’état d’urgence ou un autre état à définir. On sait très bien que dans ces affaires là, tout délai entre l’information et l’action favorise la partie adverse.

Source : RT en français


L’URGENCE D’UNE POLITIQUE DE SÉCURITÉ COHÉRENTE

0 commentaires

Les attentats dont la France a été victime vendredi 13 novembre 2015 à Paris constituent la preuve tragique de l’incohérence de notre politique de sécurité nationale. En effet la sécurité est le résultat d’une action systémique qui doit mettre en cohérence 4 composantes que sont la politique étrangère, la politique de Défense nationale, la sécurité intérieure et la politique pénale. Je n’ai cessé de dénoncer depuis 2012 les mauvais choix effectués par François Hollande dans les deux premières. D’autres experts, de leur côté, ont souligné les incohérences des 2 dernières. La situation commande à tous nos responsables politiques de mettre rapidement en cohérence ces 4 composantes pour assurer la sécurité des Français. C’est ce que cette analyse veut démontrer.

Les erreurs et les incohérences de notre politique étrangère

La France depuis 2012 a eu en effet une politique étrangère et militaire en Europe de l’Est et au Moyen-Orient de suivisme des États-Unis alors même que nous n’avions ni les mêmes intérêts dans ces régions qui constituent nos « portes orientales » ni les même moyens pour les défendre.

Pour les États-Unis l’objectif stratégique est de maintenir autant que faire se peut la primauté mondiale qu’ils ont acquise en 1990 grâce à la chute de l’URSS. Pour nous, ces régions qui sont proches de notre territoire concernent directement notre sécurité et notre développement. A son arrivée au pouvoir, François Hollande n’a pas perçu cette différence fondamentale d’intérêts et a engagé la France dans une politique de suivisme de celle des États-Unis.

Rappelons le contexte de la crise en Irak et en Syrie qui, en 2012, n’en était encore qu’à ses prémices. En 2012 lorsque la révolution syrienne a commencé, les Etats-Unis avaient deux alliés de longue date : l’Arabie Saoudite et la Turquie, membre de l’OTAN. En Irak, dont ils avaient évacué toutes leurs forces fin 2011, ils avaient mis en place un premier ministre, Al Maliki, qu’ils contrôlaient de moins en moins et qui menait une politique sectaire en s’appuyant uniquement sur la communauté shiite alors que la constitution élaborée par les américains prévoyait une participation au pouvoir des Kurdes et des sunnites. Tous les ingrédients du drame que nous connaissons aujourd’hui étaient en place. Profitant de ce que l’Occident percevait les rebellions en Syrie comme un printemps arabe, le Roi wahhabite d’Arabie Saoudite, et le frère musulman Erdogan ont, dès l’origine des troubles, financé et armé les rebelles espérant liquider rapidement le pouvoir laïque et alaouite syrien tant pour des raisons politiques que confessionnelles.

L’erreur stratégique que j’ai dénoncée dès 2012 a été, pour la France, de ne pas percevoir trois aspects essentiels de cette crise :

  • 1) la capacité de résistance du régime syrien. En effet, toutes les minorités religieuses, qui vivaient en paix sous la dictature d’Assad, dont les chrétiens d’Orient, et qui représentaient 35% de la population, ont perçu dès le début le caractère confessionnel de cette rébellion et ont compris qu’il s’agissait pour eux résister ou de mourir.

  • 2) l’Iran shiite d’une part, qui historiquement s’oppose à l’Arabie Saoudite et soutient le Hezbollah libanais via la Syrie et d’autre part la Russie, qui possédant depuis les année 50 une base maritime à Tartous, n’auraient jamais laisser tomber le régime syrien.
  • 3) A partir de juin 2014 alors que l’Etat islamique se dévoilait au grand jour en s’emparant de la ville de Mossul, les américains et nous avons cru qu’une intervention aérienne suffirait à le contenir alors même que sans troupes au sol on ne peut gagner une guerre. Et en Syrie les seules forces qui se battaient contre Daesh étaient les forces de l’État syrien et c’est en cela que la stratégie du ni ni de François Hollande constituait une nouvelle erreur.

Tous les experts français de cette région avaient perçu les risques que faisait courir à la France de l’erreur d’évaluation de ces composantes [1]. Alors que nous aurions dû conserver la position de médiatrice et la neutralité qui sont une tradition de la diplomatie française (cf la position de Jacques Chirac sur la guerre d’Irak), nous avons participé modestement aux frappes aériennes américaines en Irak puis plus récemment en Syrie [2], nous désignant aux yeux de Daesh comme une cible beaucoup plus atteignable que les Etats-Unis et cela d’autant plus d’autant que nous avons laissé s’implanter en France le radicalisme des salafistes et des frères musulmans dont les imans distillent la haine dans près d’une centaine de Mosquées.

La réduction de notre effort de Défense ne nous permet pas d’intervenir simultanément en Afrique, au Moyen-Orient et de participer à la sécurité des Français

Depuis plus de 25 ans nous diminuons à la fois notre effort de défense les effectifs de nos forces armées, de la gendarmerie et de la police en croyant que plus de technologie nous permet d’entretenir moins d’hommes. Mais comme le rappelait le Colonel Michel Goya [3] : « Dans un pays qui produit pour plus de 2 000 milliards d’euros de richesse chaque année, moins de 50 sont prélevés pour assurer la défense de la France et des Français, pour environ 850 consacrés aux autres actions publiques et sociales. Pire, cet effort diminue régulièrement depuis vingt-cinq ans. Si, en termes de pourcentage du PIB, la France mondialisée faisait le même effort que la France de 1990, c’est entre 80 et 90 milliards qui seraient consacrés à la sécurité et à la défense ».

Oui, nous avons encore la capacité d’intervenir dans le Sahel et en Afrique où n’existent pas encore des forces d’islamistes radicaux aussi bien organisées qu’au Moyen-Orient et nous le faisons avec efficacité dans le cadre de l’opération Barkane.

Mais s’être engagé au Moyen-Orient aux côtés des États-Unis sans avoir pris la mesure des risques que cette action nous faisait courir sur le plan de la sécurité intérieure est pour moi la plus lourde faute de François Hollande. C’est ce que j’écrivais fin 2013 en conclusion de mon livre: « Je soutiens que cette politique d’alignement sur les Etats-Unis à laquelle le Général de Gaulle s’était toujours opposée, dessert fondamentalement les intérêts de la France et des Français. Elle ne peut qu’accroitre le chaos mondial, pénaliser notre développement économique et mettre en danger la sécurité des Français. Malgré le travail admirable de nos services anti-terroristes nous allons devoir faire face dans les années à venir à des attentats sur notre sol qui seront liés directement à la politique partisane et irresponsable menée par notre gouvernement au Moyen-Orient et en Asie centrale. Elle ne sert que des intérêts particuliers ou étrangers qui ne sont pas ceux de la France ». [4]

Mettre en cohérence la sécurité intérieure et la politique pénale

La sécurité ce n’est pas la protection rapprochée et il ne faut pas confondre sécurité objective et la sécurité subjective destinée à rassurer la population et dont l’opération sentinelle en est le meilleur exemple.

Je viens de traiter plus haut les incohérences entre ces 2 premières composantes.

Pour les deux dernières qui ne sont pas de mon domaine d’expertise je rappellerai que récemment les policiers ont manifesté arguant que plus d’un million d’heures supplémentaires n’étaient pas payées et qu’ils étaient épuisés : « Ce sont des milliers et des milliers d’heures par fonctionnaire qui se sont accumulées, avec des cadences souvent infernales, des récupérations souvent impossibles. Tout ça jusqu’à épuisement du fonctionnaire », indique France Info. Pour arriver à ce chiffre ahurissant, les policiers d’élite dénoncent des cadences infernales, des nuits sans dormir, des semaines sans repos.» [5].

De même, aux yeux de ceux qui luttent au quotidien contre le crime, notre politique pénale apparait totalement inadaptée alors même que le lien entre la petite criminalité et le terrorisme est souligné par tous les experts. Ainsi, un des terroristes des attentats du 12 novembre 2015 à Paris avait été condamné 8 fois pour des petits délits et n’était jamais allé en prison. Bien plus on met au placard ce qui disent la vérité à la représentation nationale. Le 18 décembre dernier, le général Soubelet [6], numéro trois de la gendarmerie, lors de son audition devant la commission parlementaire de lutte contre l’insécurité, a créé un choc en déclarant que la politique pénale était « en décalage» avec les infractions constatées. Il avait poursuivi son raisonnement en expliquant que « le nombre d’incarcérations avait diminué de 33%, alors que, dans le même temps, il y a eu une hausse de 14% de personnes inquiétées par les services de la gendarmerie. Des propos choc, qui ne sont manifestement pas passés » [7].

jbp-15-11

C’est donc a une remise en cause profonde de la cohérence des aspects régaliens de sa politique que François Hollande doit d’urgence s’atteler. La sécurité des Français le lui commande.

Général (2S) Jean-Bernard PINATEL

[1] Moi-même, j’écrivais le 16 aout 2012 une analyse intitulée : « Syrie, une guerre confessionnelle ». Puis, en Mai 2013, un autre article intitulé : « Ce danger que fait courir la diplomatie française en refusant de reconnaitre, contrairement aux américains, la vraie nature de ce conflit », et publiés dans « Carnet de guerre et de crises », Lavauzelle, pages 100 et 103.

[2] Nos interventions représentent moins de 10% des actions aériennes.

[3] Pourquoi limiter les coupes dans le budget de la Défense ne suffira pas à l’armée pour faire face à la guerre en cours.

[4] Op.cit. page 2014.

[5] 1,3 million d’heures supplémentaires non payées pour les policiers d’élite ?

[6] Général SOUBELET mis au placard après avoir critiqué la politique de Taubira ! - Vidéo.

[7] Après avoir critiqué la politique de Taubira, le numéro 3 de la gendarmerie mis au placard.


L’intervention française en Syrie

1 commentaire

Exemple de l’utilisation systématique de nos forces armées à des fins politiques

La décision de François Hollande de déclencher des frappes contre les camps d’entrainement de djihadistes en Syrie est une démonstration de l’utilisation politique de nos forces armées sans légalité internationale, sans stratégie et sans but militaire. Elle contribue à affaiblir la capacité opérationnelle de nos forces et au final la sécurité de nos concitoyens.

DROIT INTERNATIONAL

Cette intervention se place totalement en dehors du droit international. A la différence de l’intervention Russe elle n’a pas été sollicitée par le gouvernement Syrien. François Hollande qui conteste la légitimité du Président Assad aurait dû demander le vote d’une résolution du Conseil de Sécurité d’autant plus que la France, membre permanent du Conseil de Sécurité devrait être soucieux de la légalité internationale. Cela faisait des mois que cette option stratégique était sur la table et François Hollande aurait dû anticiper et donner un cadre légal à cette intervention.

EFFICACITÉ MILITAIRE OU COMMUNICATION POLITIQUE ?

Il semble donc évident que plusieurs enjeux de politique extérieure et intérieure ont motivé cette décision contestable au regard du droit international.

Enjeu international

La position extrémiste de François Hollande concernant la Syrie et Bachar el Assad a entrainé son isolement sur la scène internationale. Après plus d’un an de frappes en Irak qui ont causé des dégâts collatéraux aux populations et aux infrastructures mais ont peu affaibli Daesh, les américains ont compris que sans troupes au sol, il n’y aurait pas de victoire contre Daesh. Or en Syrie les seules forces à se battre au sol contre Daesh sont les forces syriennes aidées de l’Iran. François Hollande a été incapable de percevoir que si Damas devenait capitale islamique aux mains de l’Armée de la conquête (Al Nosra et consorts) ou de l’Etat Islamique, ou des deux, « l’islamisme aurait prouvé sa force. Et alors, que rien ne pourrait arrêter la vague d’enthousiasme populaire mondiale qui s’ensuivra et aucune armée ne sera lancée à l’assaut de cette ville de deux millions d’habitants. Le monde basculera comme il a basculé symboliquement à la chute du Mur de Berlin » [1].

La décision de frapper les camps de djihadistes français qui s’entrainent en Syrie doit être perçue comme une tentative désespérée de François Hollande de se réintroduire à la table de négociation sans pour autant avouer qu’il s’est trompé depuis le début sur le dossier syrien.

C’est pourquoi cette décision a donné lieu a une communication gouvernementale inhabituelle [2] car elle a été entièrement pilotée dans ses moindres détails depuis l’Elysée: les frappes ont été annoncées deux semaines à l’avance par le chef de l’Etat lui-même. Le 27 septembre à 7h56, un communiqué de la présidence a annoncé les premières frappes [3], au moment même où François Hollande arrivait à New-York pour participer à l’Assemblée générale des Nations unies, au cours de laquelle les principaux dirigeants de la planète - dont Vladimir Poutine et Barack Obama - allaient aborder la question syrienne.

Enjeu intérieur

L’émotion suscitée par le flot des migrants et les informations de nos services sur les risques d’infiltration qui y sont liés ainsi que sur la préparation d’un grand attentat commis par des équipes de djihadistes étrangers est la seconde motivation de cette décision. Le choix de l’objectif - les camps d’entrainement des djihadistes européens - permettra à François Hollande de déclarer, avec sa compassion habituelle aux français victimes du terrorisme : « moi Président j’ai essayé d’anticiper cette menace ».

Le Général Jean-Claude Allard, chercheur à l’IRIS ne pense pas autrement lorsqu’il écrit: « L’intention manifeste était de montrer aux Français que l’État s’activait pour leur sécurité, sans se demander d’ailleurs qui allait croire que deux sorties de Rafale pouvaient garantir définitivement leur sécurité. Il y a donc ici une action militaire destinée à porter un discours de politique interne, alors qu’il devrait y avoir un discours solide et cohérent de politique étrangère soutenu par une action militaire. Une inversion des rôles qui tourne finalement à la confusion » [4].

LES RISQUES LIES A CETTE UTILISATION POLITIQUE DE NOS FORCES ARMÉES

La France, du fait de la politique de Défense menée depuis plus d’une décennie, n’a plus les moyens militaires adaptés à la politique étrangère de François Hollande fondée sur la défense de nos intérêts en Afrique et sur le suivisme des États-Unis en Europe et au Moyen-Orient.

La multiplication des missions sous le quinquennat de François Hollande dont le but unique est de palier en France une politique de sécurité intérieure déficiente et d’appuyer en Europe et au Moyen-Orient une politique étrangère de suivisme des États-Unis conduit à la baisse du moral de nos soldats, à la diminution de l’entrainement de nos forces et à la chute du potentiel de nos Forces Armées. Par voie de conséquence cette politique fragilise la sécurité des Français.

Ainsi pas un seul expert ne pense que l’opération « sentinelle » qui mobilise 7000 hommes à faire du gardiennage apporte une réelle contribution à la sécurité objective (objectif militaire) de nos concitoyens, même si elle contribue à la sécurité subjective (objectif politique : rassurer).

Les interventions aériennes en Irak et en Syrie aident les États-Unis à donner le change d’une coalition et soutiennent la politique d’exportations d’armement dans le golfe mais ne contribuent que très marginalement à l’affaiblissement de Daesh. En revanche, elles diminuent directement la sécurité de nos concitoyens en nous faisant désigner par l’Etat Islamique comme leur objectif prioritaire en Europe.

Que dire du déploiement de nos forces en Pologne à la demande de l’OTAN face à la menace Russe en Ukraine, menace aussi inexistante que les armes de destruction massives en Irak, prétexte à l’intervention américaine de 2003.

Cette utilisation intensive de nos forces sur le théâtre sahélien (chaleur + sable), au Moyen-Orient et en Europe combinée à l’ancienneté moyenne très élevée de nos matériels et à des dépenses insuffisantes dans le renouvellement des équipements et dans leur maintien en condition opérationnelle (MCO) conduit à taux de disponibilité moyen des armements de nos armées semblable à ceux de pays en voie de développement.

Ce constat provient d’une étude menée par le député UMP de Haute-Marne, François Cornut-Gentille, qui a cherché à évaluer le coût du vieillissement des équipements militaires et, à ce titre, a demandé au ministère de la Défense qu’on lui fournisse le coût du maintien en condition opérationnelle (MCO), le taux de disponibilité et l’âge moyen des véhicules et équipements de l’armée française.

Le député avait posé ces questions le 7 janvier 2014. Le ministère y a répondu au goutte à goutte jusqu’à l’été 2014. Les chiffres sont accablants : le taux de disponibilité moyen des armements de l’armée de terre est de 50% [5]. Pour l’armée de l’air il est de l’ordre de 40% [6] pour les avions et de 20% pour les hélicoptères.

Malheureusement, la plupart de nos chefs militaires, nommés aux plus hautes fonctions par le pouvoir politique sont choisis pour leur échine souple et font au mieux avec ce qu’on leur donne.

Mais comme le rappelait le Colonel Michel Goya [7] : « Dans un pays qui produit pour plus de 2 000 milliards d’euros de richesse chaque année, moins de 50 sont prélevés pour assurer la défense de la France et des Français, pour environ 850 consacrés aux autres actions publiques et sociales. Pire, cet effort diminue régulièrement depuis vingt-cinq ans. Si, en termes de pourcentage du PIB, la France mondialisée faisait le même effort que la France de 1990, c’est entre 80 et 90 milliards qui seraient consacrés à la sécurité et à la défense ».

A défaut de pouvoir augmenter massivement l’effort de défense du pays, face à l’accroissement des menaces il est essentiel que nos responsables politiques mettent en cohérence les intérêts stratégiques de long terme de la France, la sécurité objective des français et les moyens consacrés à nos forces armées.

Général (2S) Jean-Bernard PINATEL

[1] Général Jean-Claude Allard : Quatre remarques sur la stratégie française contre l’État Islamique

[2] Le 7 septembre, lors de sa conférence de presse, François Hollande avait indiqué que des vols de reconnaissance auraient désormais lieu au-dessus de la Syrie, en vue de trouver des objectifs, puis de les frapper.

[3] Il a fallu plus de dix heures pour que l’état-major des armées puisse s’exprimer sur le sujet par un communiqué mis en ligne vers 18h30…

[4] Jean-Claude Allad op.cit.

[5] Armée de terre : Le taux de disponibilité des véhicules blindés légers (VBL/VB2L vieux en moyenne de 15 ans) est nettement supérieur à celui des petits véhicules protégés (PVP, vieux de 4 ans) : 65 % contre 46,3 % (56 contre 50 en 2012). Les seconds ne sont pourtant vieux que de quatre ans contre quinze aux VBL. L’armée de terre ne compte plus que 254 chars Leclerc, âgés de neuf ans, pour un taux de disponibilité de 58,1 % en 2013. Les 3052 VAB et les 254 AMX 10 RCR, âgés de 30 ans en moyenne ont une disponibilité de 43,9 et 43,1. Le VBCI, âgé de 4 ans en moyenne à 77,5 % de disponibilité. Pour la logistique, les 1203 camions TRM10000 ont 22 ans de moyenne d’âge avec un taux de disponibilité de 40,43 %. Pour le génie de l’armée de terre, les 14 VBHP vieux de quatre ans, ont eu en 2013 un taux de disponibilité moyen de 11,3 %. Source : http://defense.blogs.lavoixdunord.fr/

[6] Les 83 Rafales (45,6 % de dispo). Les 33 Transall C-160 36 ans de moyenne d’âge ont une dispo de 43,2 %.Les 137 Gazelle moyenne d’âge 27 ans ont une disponibilité de 58 % (54,9 M€ d’entretien). Les 19 EC725 Caracal venant d’entrer en service ont 35 % de disponibilité. Les 40 Tigres cinq ans de moyenne d’âge ont une disponibilité de 22 % de dispo pour 98,5 M€ de MCO.

[7] Pourquoi limiter les coupes dans le budget de la Défense ne suffira pas à l’armée pour faire face à la guerre en cours


Lettre ouverte au Président de la République

1 commentaire

Le Général (2s) de gendarmerie Jean-Louis DREVON
16, rue de Saintes
17340 Chätelaillon-Plage

Châtelaillon-Plage, le 7 septembre 2015

Objet : Accueil des migrants.

Monsieur Le Président de la République,

Nul ne peut rester insensible à la vue du corps d’un enfant Syrien mort noyé gisant sur une plage de Bodrum en Turquie. Il est bien évident que la France se doit d’accueillir certains de ces malheureux qui fuient la guerre et les exactions commises par Daesh qui sont autant de crimes contre l’humanité.

Toutefois, je suis frappé de constater que parmi ces centaines de réfugiés il y a de nombreux jeunes hommes qui ont fait ce choix de s’expatrier.

C’est désormais une certitude, seule une intervention de troupes au sol parviendra à vaincre et à éliminer ces islamistes. C’est une constante de tous les conflits depuis la fin de la deuxième guerre mondiale. La supériorité technologique n’ayant, jusqu’ici, donné aucun résultat probant.

Depuis des décennies, la France a compris que les meilleurs combattants dans ce genre de conflit étaient ceux qui maîtrisaient les traditions, la langue et le terrain. Elle a créé notre prestigieuse Légion Étrangère.

C’est pourquoi il me semblerait souhaitable qu’en contre-partie de l’accueil que nous devons à ces réfugiés, les ressortissants de 20 à 35 ans soient incorporés pour une période restant à définir, dans des régiments de Légion qui constitueront le Corps expéditionnaire français qu’il faudra un jour ou l’autre déployer sur ce théâtre. Libérer sa terre occupée par des hordes sauvages n’est-il pas l’objectif le plus noble que nous a inculqué le Général De Gaulle ? Bien entendu les familles de ces combattants seraient prioritaires dans notre dispositif d’accueil.

En espérant que cette proposition contribuera à trouver des solutions à la crise actuelle, je vous prie d’agréer, Monsieur le Président de la République, l’expression de mes hommages les plus respectueux.

Monsieur François HOLLANDE
Président de la République Française
Palais de l’Elysée
55, rue du Faubourg Saint-Honoré
75008 PARIS


La seconde mission cachée du Charles de Gaulle

1 commentaire

Le Ministère de la Défense a indiqué ce lundi que : « Le Charles de Gaulle, parti le 13 janvier 2015 de Toulon « pour une mission d’environ cinq mois, sera engagé pendant plusieurs semaines dans le Golfe, au côté du porte-avions USS Carl Vinson, dans le cadre de la coalition internationale dirigée par les États-Unis, a-t-on indiqué de source militaire française. Le porte-avion poursuivra ensuite sa route vers l’Inde. »

Cette mission doit être analysée plus d’un point de vue géopolitique que militaire. En effet, la phrase retient notre attention est « après plusieurs semaines dans le Golfe, le Charles de Gaulle poursuivra sa route vers l’Inde ». Le but de cette analyse est de répondre à la question : pourquoi, après le golfe, le Charles de Gaulle va-t-il en Inde ?

L’apport du Charles de Gaulle à la lutte contre Daech et pour nos positions économiques en iRAK

Le dispositif français dans le golfe comprenait, avant l’arrivée du porte-avion, neuf Rafales, six Mirage, un avion de patrouille maritime Atlantique 2 et un appareil ravitailleur C-135 basés à Al-Dhafra (Émirats arabes unis) et en Jordanie, auxquels s’ajoute la quarantaine d’officiers français apportant de l’aide tactique l’armée irakienne et à sa formation.

L’intégration du Charles de Gaulle dans l’opération française Chammal en Irak va doubler sa capacité opérationnelle en ajoutant douze Rafale qui vont bénéficier par rapport aux appareils de l’armée de l’air d’une diminution de 1200 km de la distance aller et retour à parcourir pour frapper Daech. Elle sera pour les rafales de la Marine de l’ordre de 2000 km pour la région de Bagdad et de 3000 km pour la région de Mossul ou la frontière syrienne.

img1

La France qui, compte tenu de nos règles d’engagement plus strictes que celles des américains, n’avait jusqu’ici participé que marginalement aux frappes contre Daech, va donc voir doubler ses capacités opérationnelles.

Elle peut envisager en tirer des bénéfices économiques. En effet, l’Irak avait été dans les années 70 le premier client de la France pour ses exportations d’armement. La durée prévisible du conflit contre Daech peut faire espérer à la France de juteux contrats en échange de son effort militaire, contrats qui étaient du temps d’Al-Maliki presque entièrement réservés aux Etats-Unis.
Enfin, une armée qui ne se bat pas perd sa valeur militaire et depuis 2011 l’aéronavale n’avait pas été engagée en opérations et la guerre des boutons traditionnelle entre marins et aviateurs devait faire vivre durement à la marine cette situation de déséquilibre.

Pourquoi l’Inde après le Golfe ?

L’Inde, même si elle a établi des relations diplomatiques normales avec la Chine, s’inquiète de sa politique extérieure et militaire.

Le premier motif d’inquiétude est d’ordre politique. Depuis le milieu des années 2000, la Chine conduit un rapprochement pas à pas avec le Pakistan, ennemi héréditaire de l’Inde. En faisant ce choix, la Chine a modifié sa ligne diplomatique traditionnelle de neutralité dans le conflit indo-pakistanais, poussée par un double impératif stratégique. La Chine a l’obsession de la sécurisation de ses voies d’approvisionnement en pétrole et en gaz. Pour ce faire, elle veut bâtir une voie terrestre d’acheminement via les ports pakistanais de la Mer d’Oman [1] et aussi à moyen terme à partir de l’Iran [2]. Elle a aussi besoin de la coopération du Pakistan dans sa lutte « contre les trois » fléaux [3] qui menacent le Xinjiang chinois. Ce partenariat stratégique s’est rapidement concrétisé par l’achat de 36 chasseurs polyvalents J-10 chinois par le Pakistan, la vente de deux centrales nucléaires. Ce changement s’est traduit par plusieurs actes politiques, souvent passés inaperçus en occident, mais qui sont extrêmement significatifs pour les deux parties [4].

Le second motif est d’ordre militaire et maritime. L’Inde considère que le Golfe du Bengale et la mer d’Arabie sont des espaces maritimes sur lesquels elle doit exercer un contrôle. Or déjà la Chine a implanté une base en Birmanie sur la façade Est du Golfe du Bengale [5] et elle construit deux porte-avions qui lui apporteront dans quelques années une capacité d’intervention dans l’Océan Indien.

Face à cette double menace et aux relations ambiguës que les États-Unis développent avec la Chine, les Indiens se sont tournés vers la France pour équiper son armée de l’air d’avions Rafale.

La longueur des négociations est essentiellement liée aux transferts de technologies que l’Inde exige pour finaliser le contrat et qui font l’objet de négociations pied à pied.

img2

L’envoi du Charles de Gaulle en Inde, après avoir démontré la capacité opérationnelle des Rafales M (version marine) dans le Golfe, peut faire penser que la France souhaite proposer à l’Inde son aide à s’équiper d’un porte-avion et, faisant ainsi d’une pierre deux coups, débloquer la vente des Rafales en répondant à un souci stratégique indien de tout premier plan.

Général (2S) Jean-Bernard PINATEL, auteur de « Carnet de guerres et de crises 2011-2013 », Lavauzelle, Mai 2014 et de « Russie, alliance vitale », Choiseul, 2011.

[1] Ce qui lui permet d’éviter le détroit d’Ormuz.

[2] Ce qui lui permet d’éviter le détroit de Malacca.

[3] Terrorisme, extrémisme, séparatisme.

[4] Refus de Pékin de souligner la responsabilité du Pakistan dans le déclenchement du conflit du Kargil en 1999 ; visas accordés aux résidents du Jammu et du Cachemire sur des feuilles volantes et non pas sur leur passeport indien, refus d’un visa au Général Jaswal, commandant en chef des forces indiennes, etc.

[5] Les militaires chinois ont installé une station d’écoute sur les Coco Islands, îlots birmans de l’Océan Indien. La Chine participe, en outre, à la construction de ports en eau profonde sur l’Océan Indien, préparant un débouché chinois sur cette façade. Un pipeline et un gazoduc vont respectivement relier Kunming, capitale du Yunnan, au port birman de Sittwe et à Kyaukpyu, sur l’île de Ramree [1]. Le pipeline doit transporter 400 000 barils/jour en provenance du Moyen-Orient.
Parallèlement, le gazoduc pour lequel la CNPC va investir un peu plus d’un milliard de dollars est destiné à transporter 25 milliards de m³ de gaz sur 30 ans provenant du gisement offshore birman, appelé Shwe (« or », en birman), à une trentaine de kilomètres de Sittwe, la capitale de l’état arakanais [2]. Le « Memorandum of Understanding (MOU) », signé avec PetroChina au printemps 2005, a été complété en 2008 par un MOU entre les sociétés d’exploitation et la CNPC, portant sur l’achat et le transport de gaz naturel à partir des champs A-1 et A-3 en direction de la Chine [3].


Comment sortir de la crise sociale, économique et géopolitique qui risque de conduire l’Europe à subir une guerre qu’elle n’a pas voulue ?

16 commentaires

Les décideurs sont aujourd’hui dans la situation terrifiante d’un automobiliste dont l’accélérateur serait bloqué et qui devrait continuer à piloter sa voiture à toute allure, de nuit, dans un brouillard intense. Tout, en effet, s’accélère sous l’effet de la mondialisation et de l’explosion du progrès technologique. L’information disponible suit la même courbe exponentielle. Les mots employés sont tout aussi révélateurs : l’expression « donner des coups de projecteurs » a remplacé dans notre vocabulaire le concept «d’éclairer l’avenir».
Seule une approche systémique peut permettre de comprendre la crise politique, économique et sociale actuelle et qui va encore s’aggraver. En effet, la dérive vers un chaos, que l’on pressent proche, est le résultat de plusieurs dynamiques qui entrent en conflit car elles se développent à des vitesses très différentes.

La première de ces dynamiques est l’explosion scientifique et technologique multisectorielle extraordinaire qui ouvre à l’humanité des perspectives positives ou néfastes en fonction de ce que nous en feront. En faire la liste exhaustive est pratiquement impossible. Un seul exemple est la perspective de pouvoir allonger à court terme (15 ans) la durée de la vie de l’homme de plusieurs décennies.

Cette révolution heurte de plein fouet un système économique dont tous les acteurs n’évoluent pas à la même vitesse et dont une grande partie n’arrive pas à intégrer les bénéfices qu’elle apporte, notamment du fait des contraintes législatives et culturelles qui pèsent sur eux. Il en résulte des conséquences sociales considérables comme le chômage de masse et l’accroissement des inégalités de richesse entre ceux qui savent tirer parti de cette révolution et ceux qui la subissent. Dans « Le Monde », en septembre 2014, un professeur de médecine posait la question suivante : « Google va-t-il tuer l’Oréal » ?

Bien plus, ces technologies, notamment celles qui permettent de s’informer et de communiquer, mises à la disposition de citoyens, formés à l’esprit critique, multiplient leurs capacités de développement personnel et de création. Mais en même temps elles fournissent aux faux prophètes, qui rejettent un progrès, bouleversant leurs croyances et leur mode de vie, un moyen inespéré. Internet leur permet de désinformer et d’enfermer ceux qui les suivent dans un univers virtuel qui brise leurs liens sociaux traditionnels. Il en résulte un choc de dynamiques individuelles et collectives qui accentue cette crise [1]. Le terrorisme qui s’étend dans le monde en est en partie une conséquence.

Face à ces trois dynamiques technologiques, économiques et sociologiques, les acteurs étatiques et les hommes politiques qui sont censés les diriger sont perdus. Au lieu d’inventer une nouvelle gouvernance du monde qui est en train d’éclore, ils se replient vers des modes de pensée du passé. C’est tragiquement le cas des États-Unis où la classe politique compte très peu d’hommes cultivés, capables de comprendre et de maîtriser les bouleversements qui s’annoncent. Bien plus la démocratie américaine qui devrait être un phare pour ce monde sans boussole est sous l’influence du lobby militaro-industriel [2] que le général Eisenhower avait déjà dénoncé en 1953 au moment où il quittait la Présidence des États-Unis et qui s’est depuis renforcé au point de dominer complétement le système politique américain.

George Bush, sous influence de ce lobby ultra-conservateur, n’a trouvé d’autre réponse au terrorisme que la guerre. Il a notamment totalement déstabilisé l’Irak qui était certes dirigé par un régime autocratique mais qui était laïque et respectueux de toutes les croyances. Il a ouvert la porte au chaos que l’on connaît aujourd’hui en croyant qu’il pourrait installer, par la force des armes, des institutions démocratiques, que l’état culturel et social du pays était incapable d’accepter. Les dirigeants français et européens, oubliant que les intérêts de leurs pays peuvent se différencier de ceux des États-Unis, leur ont emboité le pas et ont rajouté la guerre à la guerre en croyant naïvement déceler en Libye et au Moyen-Orient un printemps arabe [3], là où ne s’exprimait majoritairement que des enjeux tribaux, confessionnels ou géopolitique.

Comment sortir de cette crise

Nous sommes face à une crise systémique. Une sortie de crise ne peut être réalisée qu’en engageant simultanément de multiples actions parallèles dont les effets doivent se conjuguer. En conséquence, si nous voulons contribuer à résoudre les crises qui pénalisent notre sécurité et notre développement économique, voici quelques pistes qu’il est nécessaire de suivre, en étant guidés par plusieurs convictions :

  • la guerre n’est pas une solution à la crise multidimensionnelle que nous vivons;
  • il n’y a pas d’expédients de court terme pour revenir à un état du monde stable et ouvrant la voie à une croissance harmonieuse;
  • les actions à entreprendre doivent être passés au tamis des valeurs qui sont le fondement de la civilisation européenne et, en premier, les droits de l’homme et la liberté d’expression.

Sur un plan géopolitique

Il est temps d’admettre plusieurs réalités géopolitiques désagréables que les tenants de la pensée unique refusent d’écouter :

  • le système politico-militaire américain a besoin de maintenir un état de tension dans le monde pour obtenir des citoyens américains qu’ils acceptent chaque année de financer un budget militaire de 640 milliards de $ [4], clé de leur suprématie stratégique mondiale;
  • éviter un rapprochement entre la Russie et l’Europe est l’objectif numéro un des stratèges et de l’administration des États-Unis;
  • les dirigeants politiques européens et nombre de nos leaders d’opinion, défenseurs véhéments à longueur d’antenne des droits de l’homme, pratiquent hypocritement en permanence le deux poids deux mesures quand ils s’acharnent à nous présenter la Russie comme un régime militariste et policier alors que qu’ils restent silencieux vis-à-vis de l’Arabie Saoudite, monarchie moyenâgeuse, avec laquelle nous maintenons des relations étroites pour des raisons mercantiles.

  • En Ukraine :

  • reprendre le dialogue avec la Russie en supprimant les sanctions prises sous dictat américain contre un arrêt de l’aide aux séparatistes et un appui pour les obliger à revenir à la table de négociation;

  • faire comprendre aux dirigeants ukrainiens que nous les aiderons sur le plan économique que s’ils arrêtent la surenchère guerrière qu’ils sont incapables d’assumer, qu’ils renvoient aux États-Unis les mercenaires de Blackwater (Academi) et qu’ils négocient une autonomie de type Pays Basque ou Catalogne avec les séparatistes pro-Russes.

  • Au Moyen-Orient et sur le pourtour méditerranéen :

  • Syrie : arrêter la guerre civile confessionnelle n’est possible que si nous nous entendons avec la Russie pour qu’elle stoppe son aide militaire à Assad. Et que, de notre côté, nous exigions de la Turquie, de l’Arabie Saoudite, du Qatar, et d’Israël qu’ils arrêtent de soutenir les djihadistes de toutes obédiences. Bien plus, que nous-même, cessions de soutenir l’ASL qui n’existe encore que parce qu’elle permet à Daech de s’emparer à faible prix de l’aide que nous lui fournissons. Vouloir exiger le départ d’Assad comme préalable à tout règlement est un prétexte pour maintenir ouvert ce foyer de guerre. En revanche, négocier son retrait à l’occasion d’une élection présidentielle est une piste à creuser;

  • Irak : il faut faire pression sur le gouvernement Irakien et sur l’Iran, via la Russie, pour intégrer dans le jeu politique les sunnites et pour mettre sur pied une armée nationale. Cela passe par la réintégration les officiers sunnites de l’armée de Saddam, non atteints par la limite d’âge, et l’incorporation dans l’armée nationale ou le désarmement des différentes milices chiites mises sur pied par Al-Maliki et qui sont aujourd’hui responsables d’une partie des attentats commis à Bagdad;

  • Libye : la stabilisation de ce pays passe par une action diplomatique et militaire. L’Égypte est un pays dont l’intérêt stratégique et les moyens en font un acteur important d’un éventuel règlement. Il faut parallèlement aider la Tunisie à étanchéifier sa frontière. Dans le Sud Libyen, en collaboration avec les pays du Sahel et, en particulier avec le Tchad, il est essentiel de stopper l’antagonisme Toubou-Touareg et de les retourner contre AQMI afin d’interdire à cette organisation d’y trouver une zone refuge et de réapprovisionnement en armes et munitions. Faire pression sur les djihadistes qui se sont emparés de Tripoli demandera du temps mais l’Europe dispose de plusieurs cartes comme leur bloquer toutes les voies d’exportation du pétrole et du gaz qu’ils contrôlent par un blocus maritime des côtes libyennes;

  • conflit israelo-palestinien : c’est la source historique du terrorisme moyen-oriental. Il faut, pour la France, revenir à une la politique gaullienne de stricte neutralité active qui seule permettra d’être écouté par les deux parties.

Sur le plan de la sécurité face au terrorisme

  • Des citoyens innocents vont continuer à payer pendant de longues années le prix du sang pour la courte vue des dirigeants qu’ils ont élus et cela malgré le travail et le dévouement exceptionnels de nos services de renseignement à qui le gouvernement ne donne qu’au compte-goutte les moyens techniques et humains qu’ils réclament.
    Si nous devons faire face à des actions terroristes simultanées et répétées, les effectifs actuels de la police, de la gendarmerie et de l’armée ne sont pas suffisants pour mener, dans le même temps, d’une part, la protection des points sensibles et des personnalités menacées et, d’autre part, mener des actions de contre-terrorisme efficaces. Du temps de la guerre froide, la DOT permettait de mobiliser 500 000 hommes. Dans une analyse [5] publiée par le Monde en 1996, intitulée, « Service national, une obligation nécessaire », j’écrivais : « Sur un plan stratégique, n’oublions pas que nous pouvons avoir à gérer deux crises simultanément : une à l’extérieur de nos frontières, où seront engagées nos forces professionnalisées de projection ; une autre mettant en cause notre sécurité interne par une vague d’attentats. Faire face à cette menace interne demandera l’immobilisation de forces très nombreuses pour assurer des gardes statiques ou pour épauler les forces de sécurité dans leurs missions de patrouille et d’intervention. Seul le service militaire obligatoire et ses réservistes nous fourniront les effectifs en quantité nécessaire ».
    Comme, il est très difficile pour diverses raisons de revenir en arrière et que le besoin demeure, je propose de créer une garde nationale, mise sur pied localement et organisée et par département. Comment ? En équipant les anciens militaires volontaires de 25 à 65 ans d’un fusil d’assaut et d’un gilet pare-balle qu’ils pourront conserver chez eux. Le coût d’équipement d’une telle force serait de l’ordre de 500 millions d’euros à condition que l’on accepte qu’ils utilisent leur mobile pour communiquer et leur voiture en co-voiturage pour se déplacer. Les entreprises de plus de 50 employés ou administrations dont ils dépendent devraient continuer à verser leur salaire lorsqu’ils seraient mobilisés. Pour les PME et artisans, une indemnité journalière de l’ordre du SMIC + leur serait attribuée par les préfectures.

  • Mais à long terme les solutions sont d’abord politiques. Elles ont de deux ordres. La République voire la démocratie est incompatible avec le communautarisme. La liberté d’expression est un pilier fondamental de nos régimes politiques et l’État ne doit pas essayer de la limiter au non de quelque faux impératif de sécurité. Mais réciproquement tout citoyen et tout leader d’opinion doit respecter les croyances des autres à partir du moment où ces croyances ne quittent pas la sphère personnelle et que les croyants ne cherchent pas à en faire le prosélytisme dans l’espace public.

Sur le plan économique

Pour initier un cercle vertueux, il faut arrêter de créer des emplois fictifs subventionnés par l’argent public et donner en urgence de la flexibilité aux entreprises, pour s’adapter aux révolutions technologiques qui les frappent de plein fouet, en se focalisant sur les PME. En effet, ce sont les entreprises de 50 salariés [6] et moins, représentant 9 millions d’emplois, dans lesquelles le chef d’entreprise ne dispose pas d’un DRH susceptible de gérer un licenciement, qui sont les plus pénalisées dans leur développement par la complexité du code du travail. Tout le monde s’accorde pour dire que ce sont elles qui pourraient créer rapidement le plus d’emplois de salariés et d’apprentis. Il suffirait de leur permettre de licencier selon une procédure simplifiée 20% de leur effectif disposant d’un contrat à durée indéterminée, pour engendrer au moins 10% d’embauches supplémentaires qui représenteraient 900 000 nouveaux emplois.

Sur le plan de l’éducation nationale

L’école de la République ne se consacre qu’à transmettre le savoir. Elle a oublié en chemin qu’elle devait aussi apprendre aux jeunes français le savoir être républicain et les savoirs faire qui permettent de s’intégrer rapidement dans le monde du travail. C’est toute la culture soixante-huitarde qu’il faut expurger de l’éducation nationale et profondément réformer ses structures trop lourdes qui mobilisent une part trop importante de ses effectifs à d’autres taches que celle de l’encadrement des élèves.

Il n’y ni de solution miracle ni d’échappatoire à la situation que nous avons laissé se créer par manque de lucidité et de courage. Ce dont il faut être conscient c’est que cette situation, qui nous inquiète, conduit tout droit l’Europe à un état de guerre multiforme que je nomme « la guerre civile mondiale [7] ». Elle ne pourra être redressée que par la prise de conscience par nos dirigeants et par les citoyens que seule une réponse prenant en compte toutes les pistes citées, et probablement d’autres encore, sera efficace.

Général (2S) Jean-Bernard PINATEL, auteur de « Carnet de guerres et de crises 2011-2013 », Lavauzelle, Mai 2014 et de « Russie, alliance vitale », Choiseul, 2011.

[1] L’information et la désinformation sont plus que jamais liées avec l’apparition du numérique et la généralisation d’Internet. A l’ère Internet dans laquelle nous entrons, la désinformation est un des « invités inattendus » du formidable progrès sociétal que constitue « la toile ». C’est ce qui a conduit vraisemblablement Jacques Séguela, invité sur le plateau de France 2 avec Julien Dray le 17 octobre 2009 à traiter Internet « de la plus grande saloperie qu’aient jamais inventé les hommes » La démocratisation de la toile offre, en effet, aux manipulateurs un champ presque sans limite de moyens de désinformation.

[2] Eisenhower à la fin de son mandat, le 17 janvier 1961, avait déjà mis en garde la nation américaine contre ce risque : « Cette conjonction entre un immense establishment militaire et une importante industrie privée de l’armement est une nouveauté dans l’histoire américaine. (…) Nous ne pouvons ni ignorer, ni omettre de comprendre la gravité des conséquences d’un tel développement. (…) nous devons nous prémunir contre l’influence illégitime que le complexe militaro-industriel tente d’acquérir, ouvertement ou de manière cachée. La possibilité existe, et elle persistera, que cette influence connaisse un accroissement injustifié, dans des proportions désastreuses et échappant au contrôle des citoyens. Nous ne devons jamais permettre au poids de cette conjonction d’intérêts de mettre en danger nos libertés ou nos méthodes démocratiques. Rien, en vérité, n’est définitivement garanti. Seuls des citoyens alertés et informés peuvent prendre conscience de la toile d’influence tissée par la gigantesque machinerie militaro-industrielle et la confronter avec nos méthodes et objectifs démocratiques et pacifiques, afin que la sécurité et les libertés puissent fleurir côte à côte. »

[3] Qui n’a existé qu’en Tunisie.

[4] Le budget de Défense américain représentait en 2013 640 milliards de dollars autant que le Budget réuni des 9 pays suivants : Chine 188, Russie 88, Arabie Saoudite 67, France 61, Grande-Bretagne 58, Allemagne 49, Japon 49, Inde 48, Corée du Sud 33. Source SIPRI

[5] 22/03/1996, Service national, une obligation nécessaire.

[6] J’ai créé en 1995 et dirigé jusqu’en 2006 une start-up de 50 salariés.

[7] La guerre civile mondiale, avec Jacqueline Grapin, Calmann Levy, 1976.


« Previous Entries Next Entries »