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Gaz et pétrole de schiste : vers des forages tests en France dans un proche avenir ?

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« Les faits sont têtus » - Vladimir Ilitch Oulianov, dit Lénine

Prenons le pari que François Hollande, avant la fin de son mandat, sera contraint d’autoriser des forages tests pour le gaz et le pétrole de schiste et, une nouvelle fois, infléchir sa position initiale.

Pourquoi ?

Parce que sur les plans des valeurs sociétales, de la compétitivité de la France, de l’emploi et du pouvoir d’achat des Français, il ne pourra pas faire autrement.

Sur le plan des valeurs

On ne peut pas prétendre vouloir réindustrialiser la France sans promouvoir les valeurs qui guident tout entrepreneur et que les écologistes les plus radicaux s’attachent à détruire.

J’écrivais dans la conclusion de mon dernier ouvrage [1] : « Face à l’accélération du progrès et l’inquiétude que génèrent les « invités inattendus » [2] de certaines découvertes, un « principe de précaution » s’est peu à peu imposé en Europe au cours de ces trente dernières années. Il témoigne d’un rapport nouveau à la science, que l’on interroge désormais moins pour ses savoirs que pour ses doutes. Si on n’y prend pas garde, ce principe deviendra de fait « un principe d’abstention », supprimant la dialectique du risque et de l’enjeu consubstantiel au développement humain, et son corollaire, la responsabilité individuelle ».

Sur le plan de la compétitivité, de l’emploi et du pouvoir d’achat

Les réserves mondiales de gaz de schiste estimées par l’AIE, correspondraient à 380 000 milliards de m³, soit 120 à 150 ans de la consommation actuelle de gaz naturel. En Europe, les réserves de gaz de schiste sont estimées entre 3 000 à 12 000 milliards de m³ (source : CERA, Cambridge Energy Research Associates). Elles sont essentiellement situées en Pologne et en France, où elles permettraient de couvrir sa consommation de gaz pendant 50 à 100 ans [3].

Les États-Unis ont commencé à forer dans les années 90 avec l’esprit d’entreprise et le désordre [4] qui ont caractérisé dans le passé les ruées vers l’or et vers l’or noir.

En 2011, ils sont redevenus exportateurs nets de produits pétroliers pour la première fois depuis 1949 [5]. Selon l’AIE, en 2017, au plus tard, les États-Unis deviendront le premier producteur mondial de pétrole devant l’Arabie saoudite. Ils produisent aujourd’hui 10,9 millions de barils par jour à comparer avec 11,6 millions pour Riyad. D’ici une dizaine d’années, les États-Unis n’auront plus besoin d’importer du pétrole du Moyen-Orient. Cette réalité aura des conséquences géostratégiques immenses aux quelles il faut nous préparer.

La Chine, de son coté, s’est fixée un objectif de production de 30 milliards de mètres cubes par an à partir des schistes, ce qui équivaut à presque la moitié de sa consommation de gaz en 2008.

La révolution du gaz de schiste a été favorisée par le fait qu’aux États-Unis les propriétaires du sol sont aussi propriétaires du sous-sol et donc participent directement au profit des compagnies pétrolières [6]. Elle va profiter à l’économie américaine et lui offrir un atout majeur : elle est en train de faire chuter le prix de l’énergie à un niveau incroyablement bas aux États-Unis, sans entrainer une répercussion aussi importante ailleurs. En effet, contrairement à celui du pétrole, le marché du gaz est peu mondialisé. Pour le transporter d’un continent à l’autre, il faut en effet le liquéfier, ce qui en triple le prix. Du coup, l’offre et la demande ont tendance à s’équilibrer sur une base régionale. Voilà pourquoi le méthane se vend aujourd’hui 2,5 dollars les 28 m³ sur le sol américain, contre 9 dollars en Europe et 20 dollars en Asie. Conséquence directe de cette chute des prix, les Américains sont en train de reconvertir à toute vitesse leurs centrales électriques fonctionnant au charbon afin qu’elles fonctionnent au gaz, avec des effets bénéfiques sur le réchauffement climatique. Des industries grandes consommatrices d’énergie se relocalisent dans les régions productrices. Les entreprises installées de Chicago à San Diego économisent aujourd’hui au total 400 millions de dollars par jour sur leur facture d’électricité. L’équivalent d’une baisse des coûts de production de 10%, selon les calculs de Natixis. « Cela leur procure un avantage comparatif énorme sur l’Europe, et l’écart va continuer de se creuser », commente Patrick Artus, chef économiste chez Natixis.

Enfin, cette course au gaz et au pétrole de schiste a un effet d’entraînement considérable sur beaucoup d’autres secteurs : « Les foreurs ont aussi besoin de logiciels informatiques, d’avocats, de spécialistes en droit minier, de logements et de restauration sur place… », énumère Phil Hopkins, un économiste de Philadelphie.

Il ne faut pas s’étonner que, dans les milieux industriels et politiques, des voix écoutées comme celles de Louis Gallois et de Michel Rocard s’élèvent pour réclamer que le gouvernement infléchisse sa position, imprudemment réaffirmée récemment par François Hollande qui semble prisonnier de son alliance avec les écologistes.

Quels sont les risques liés à l’exploitation du gaz de schiste et comment les minimiser ?

Le gaz se trouve emprisonné dans une roche mère à des profondeurs de l’ordre de 2000 à 3000 mètres. Pour permettre au gaz de circuler dans la roche-mère et d’être drainé vers le puits creusé il faut rendre cette dernière plus perméable.

C’est le rôle des micro-fractures créées par la technique dite de « fracturation hydraulique ». Elle consiste à injecter dans le puits, à très haute pression et via un tubage adapté, un mélange d’eau, de sable et d’additifs.

Les risques potentiels à maîtriser sont donc : les conséquences des multiples fractures sismiques, la pollution de l’eau des nappes phréatiques situées à 150 mètres de profondeur en moyenne et qui seront traversées par de nombreux puits d’exploitation, la pollution des sols en surface, la consommation d’eau et l’impact visuel des derricks sur le paysage.

Des sociétés comme Total, devenues écologiquement responsables à la suite de grandes catastrophes écologiques, assurent qu’elles savent les maîtriser [7].

Dans ces conditions et devant l’enjeu immense que constituent le gaz et le pétrole de schiste pour la compétitivité de l’économie française, la transition énergétique et la création d’emplois, directe et indirecte, qui en découlerait, le président de la République sera contraint de réviser très rapidement sa position.

Général (2S) Jean-Bernard PINATEL

[1] Russie, Alliance vitale, Choiseul, 2011.

[2] Cette expression a été formulée par J. Fourastié, Les 40 000 Heures (1965), rééd. aux éditions de l’Aube.
Lire Russie, Alliance, vitale, Choiseul, 2011.

[3] Seuls les forages permettront d’affiner cette prévision.

[4] Multitude de petits entrepreneurs, accords privés entre les propriétaires des sols qui sont aussi les propriétaires du sous-sol, absence de réglementation d’encadrement des techniques et de leur conséquences sur l’environnement. En 2030, ce qui permettra aux États-Unis d’être auto-suffisants, alors que le pays envisageait, il y a encore quelques années, des importations massives de gaz liquéfié. Une étude réalisée par le MIT prévoit que le gaz naturel fournira 40% des besoins énergétiques des États-Unis à l’horizon 2030, contre 20% aujourd’hui.

[5] Comme l’indique le Département de l’énergie (DoE), les raffineurs ont exporté quotidiennement près de 2,9 millions de barils de carburants divers (essence, fioul domestique, gazole) pour 2,4 millions de barils importés. Le gaz de schiste représente à présent 15% de la production gazière américaine (contre 1% il y a 10 ans) et cette part devrait monter à 25%.

[6] Pour lever nombre d’oppositions en France et isoler les écologistes radicaux qui souhaitent nous ramener au temps de la bougie, il suffirait de réviser le code minier pour obliger les compagnies exploitantes à consacrer un pourcentage du prix du m³ extrait à l’indemnisation des communes et des propriétaires du sol.

[7] Consulter Total - Gaz de schiste.

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