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La situation en Irak et perspectives

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Écoutez également l’interview accordée par Jean-Bernard PINATEL à FRANCE CULTURE, lors du journal du 12 Juin 2014, à 22h :

Irak : les jihadistes s’approchent de Bagdad, Barack Obama n’exclut aucune option

Les faits

Mossoul, la deuxième ville d’Irak, bordée de champs pétroliers, est tombée, mardi 10 juin, aux mains de l’Etat islamique en Irak et au Levant (EIIL). Mercredi matin, cinq cent mille civils fuyaient la ville, selon l’Organisation internationale pour les migrations.

Après le gouvernorat Al-Anbar avec la ville de Falloujah (200 000 habitants 15ème ville d’Irak), mythique pour les Marines américains qui est aux mains des djihadistes qui ont trouvé appui ou neutralité auprès des tribus sunnites écœurées par le sectarisme du Premier Ministre Maliki, voici Mossoul (2 000 000 habitants-3ème ville d’Irak) qui est aux mains des Djihadistes. Ils contrôlent désormais une zone à cheval sur le Nord Est de la SYRIE et le Nord Ouest de l’Irak.
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Analyse de la situation

Cette offensive Djihadistes tombe au plus mauvais moment pour le Premier Ministre sortant Al Maliki. Certes sa liste “coalition pour l’État de droit” est arrive en tête aux dernières élections législatives de fin Avril 2014 mais avec 92 députés il a besoin de nouer des alliances pour atteindre la majorité de 165 sièges. Or les deux autres grands partis shiites, la coalition libérale de Moktar Al Sahr (34 députés) et la Coalition des citoyens de Ammar Al Hakimi (27 députés) ont déclaré être prêts à s’allier avec la coalition de l’État de droit pour gouverner à condition que ce parti désigne un autre chef de file que Maliki. Est-ce l’urgence de la situation militaire nouvelle va infléchir leur position et voter l’État d’urgence et les pleins pouvoirs que réclame Maliki.

A-t-il d’autres solutions alternatives ? Une alliance avec les Kurdes qui ont 62 députés [1] n’est réalisable qu’à deux conditions : qu’il cède sur le statut de Mossoul et de Kirkuk et des champs pétroliers qui les entourent. Les Kurdes en revendiquent le contrôle. Et, de plus, qu’il autorise le Kurdistan à attribuer des concessions et à exporter directement son pétrole via la Turquie sans autorisation préalable de Bagdad. A ce prix politique que Maliki a toujours refusé de payer jusqu’à présent, les peshmergas qui disposent d’une force de plus de 150 000 hommes bien entrainée et équipée sont en mesure de chasser les islamiques des positions qu’ils viennent de conquérir. Ce n’est malheureusement pas le cas de l’Armée irakienne qui a été dissoute par les américains et a été reconstituée à partir de 2009 en incorporant notamment des milices sans tradition ni valeur militaire. De plus Maliki s’est toujours méfiée de l’Armée et elle est donc mal équipée et mal entrainée.

Perspectives

Les djihadistes contrôlent aujourd’hui en Irak toutes les zones à forte implantation sunnite qui sont situées essentiellement à l’Ouest de l’Irak, créant un continuum avec le Nord Syrien où ils règnent aussi par la terreur. Mais aujourd’hui Ils ont atteint le point ultime de leur conquête. Et ils ne pourront pas conserver ces zones bien longtemps soit du fait de l’alliance de Maliki avec les Kurdes qui serait une solution irakienne et dont la mise en œuvre peut être rapide soit à moyen terme du fait de l’intervention des Turcs et des iraniens qui ne peuvent accepter de voir se constituer à leurs frontières un nouvel sanctuaire djihadiste. Notons que si l’Arabie Saoudite et le Qatar, les États-Unis voire la France de François Hollande ne les avaient pas aidés à fonds perdus en Syrie en croyant pouvoir es utiliser pour atteindre leurs objectifs stratégiques on n’en serait pas là. Mais les terroristes se sont émancipés de la tutelle de leurs sponsors grâce à des trafics de tout ordre dont la contrebande du pétrole extrait des champs pétroliers de Syrie qu’ils contrôlent. Au final ce sont toujours les populations civiles qui sont les victimes des erreurs de jugement de leurs dirigeants au Moyen-Orient aujourd’hui et demain en Europe.

Général (2S) Jean-Bernard PINATEL

Auteur de Carnet de guerres et de crises 2011-2013, Lavauzelle, Mai 2014

[1] Les autres formations sont la coalition Sunnite avec 55 députés qui restera plus que jamais dans l’opposition et les listes laïques (26 députes) et divers (11 députés) qui ne peuvent être qu’une force d’appoint.

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