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La contribution européenne à l’effort militaire de la France au Mali et au Centrafrique

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M. Laurent Fabius, ministre des Affaires étrangères, participe aujourd’hui, 20 janvier, à Bruxelles au Conseil des affaires étrangères de l’Union européenne. A cette occasion, les ministres feront notamment le point sur la situation et les moyens permettant aux Européens de contribuer à la stabilisation de la RCA, y compris dans le domaine militaire.

L’Europe a, en effet, décidé d’apporter une contribution qui devrait rester néanmoins peu importante si on la compare à l’effort que la France fait au Mali et en Centrafrique. Ce qu’il y a de nouveau dans cette volonté européenne c’est l’expression par l’Allemagne d’une nouvelle perception du risque pour l’Europe de laisser se développer l’instabilité en Afrique sans intervenir. Cette prise de conscience est en soi un événement politique important même si elle ne se traduit pas immédiatement par un envoi sur le terrain d’un volume de forces conséquent.

En effet, entre la perception et la mobilisation puis l’engagement d’une force européenne significative il y a un grand pas que les Européens ne semblent pas encore prêts à franchir notamment du fait du véto anglais qui refuse de cautionner tout ce qui peut ressembler à un embryon de défense européenne et qui s’en tiennent à leur doctrine de l’aide bilatérale ou de l’intervention dans le cadre de l’OTAN.

Cette contribution européenne prendra la forme d’un allégement de la charge de la France au Mali, afin de lui permettre de renforcer ses effectifs en Centrafrique.

Après la décision d’Angela Merkel de participer à cet effort européen, il est intéressant de faire le point de qui participera ou ne participera pas à cette mission EUFOR RCA Bangui et comment s’articulera cette force avec les forces françaises sur place.

Ceux qui ne participeront pas ou qui hésitent

Au premier lieu, la Grande-Bretagne qui avait essayé de remplacer l’influence française en Centrafrique via l’Afrique du Sud, en soutenant le Président Bozizé. Elle ne participera évidemment pas à cette mission et sera suivie vraisemblablement par l’Irlande et les Pays-Bas, traditionnellement alignés sur la position anglo-saxonne. La Slovénie et le Chypre non plus, du fait de leur manque de moyens.

L’Autriche, la Finlande, la Grèce, l’Italie, la Lettonie et le Luxembourg n’ont pas formellement donné leur réponse et de toutes façons, s’ils décidaient de participer, ce ne pourrait être que symboliquement.

Les pays contributeurs seront donc :

  • l’Allemagne : le ministre allemand des Affaires étrangères, Frank-Walter Steinmeier, a, en effet, déclaré « L’Europe ne peut pas laisser la France seule ». Ce sont également des intérêts européens. « Si en Afrique noire l’instabilité, les violences et le terrorisme menacent, il y aura des conséquences en Europe ». Quatre avions pourraient être mis à disposition des Européens (comme de la Misca ou des Africains). Ces avions seront vraisemblablement mis en pool au sein de l’European Air Transport Command (EATC). La participation allemande pourrait se situer aussi au niveau du quartier général;

  • la Belgique : l’idée de l’engagement d’une compagnie (de parachutistes, le cas échéant) a été balayée par Pieter De Crem, le ministre de la Défense, qui assistait samedi au départ d’un C-130 Hercules pour le Gabon, afin de prêter main forte aux Français de Sangaris (une promesse faite en décembre. Un second avion part mardi). « Aucune demande de l’UE n’a formellement été adressée à la Belgique ». Effectivement, il n’y a pas eu de conférence (formelle) de génération de forces. Mais tous les États membres ont été déjà testés individuellement. La relève de la force de protection dans l’opération EUTM Mali, promise par l’Allemagne, pourrait permettre à ces pays (la Belgique et l’Espagne) d’avoir des troupes disponibles, peut-être pour une seconde rotation;

  • l’Espagne a déjà basé un C-130 Hercules à Libreville, avec un petit détachement Air qui va faire des navettes avec la Centrafrique. Une dizaine de rotations sont prévues ce mois. Le ministre des Affaires étrangères devrait indiquer la position du gouvernement lors de la réunion;

  • l’Estonie : Tallinn a officialisé rapidement sa participation : 55 hommes et femmes pour la première rotation qui représentent 10% de l’Armée estonienne;

  • la Pologne et la République Tchèque étudient une participation qui pourrait être commune;

  • la Suède réfléchit sérieusement à une contribution mais Carl Bildt, le ministre suédois des Affaires étrangères, regrette le véto anglais qui ne permet pas d’utiliser les « battlegroups », groupements tactiques de l’UE, « car si nous ne les utilisons pas maintenant, cela montre qu’ils ne sont pas utiles et ne pourront jamais être utilisés », écrit-il sur son blog.

La réunion des ministres des Affaires étrangères devrait consacrer la France comme la nation-cadre de l’opération. La France a, en effet, proposé de fournir le FHQ (quartier-général de force), voire, si nécessaire, l’OHQ (quartier général de l’opération) du Mont-Valérien, qui avait déjà servi pour l’opération EUFOR Tchad. Paris devrait aussi logiquement fournir une contribution importante en personnel et une bonne partie de l’État-major. Le principe d’une nation-cadre est de « combler » les trous qui ne sont pas assurés par les autres nations et de fournir l’ossature de l’État-major. Logiquement, la taille de la contribution française devrait donc être connue en dernier.

Le chef de la force sur le terrain (FHQ) devrait être un officier supérieur français (général ou colonel en fonction des effectifs européens déployés). En revanche, le chef des opérations devrait être d’une autre nationalité, comme c’est l’usage. C’est souvent un officier supérieur, issu d’un pays qui fournit une forte participation. Ce pourrait être un Allemand ou un Polonais, si les Polonais se décident.

Général (2S) Jean-Bernard PINATEL

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