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L’enjeu de la vente du Rafale
et le voyage de François Fillon

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Le premier ministre qui part aujourd’hui au Brésil est un spécialiste des problèmes de Défense, expertise qu’il a acquise à ses débuts politiques au sein du cabinet de Joël le Theule, qui fut ministre de la Défense, d’octobre à décembre 1980 [1].

Quel est l’enjeu de la vente du Rafale au Brésil et en Inde où il est en compétition avec l’Eurofighter ?

Situons d’abord le Rafale parmi ses concurrents actuels ou en devenir. Il appartient à la génération 4++ ou 4,5 des avions de combat, mise en service au début du XXIème siècle. Les avions de cette génération sont supérieurs en performances à la quatrième génération (celle des mirages 2000, du Tornado et des F-14, F-15, F-16) et ont des capacités proches de celles de la cinquième génération en devenir et dont le fleuron sera le F-35 américain. Interfaces homme-machine, informatisation presque totale, conçus pour les opérations en réseau, ils ont des caractéristiques destinées à réduire leur signature radar, sont presque tous multi rôles et multi missions, par tout temps, de jour comme de nuit. Les Sukhoi SU-33 et SU-35, le F-18 Super Hornet, l’Eurofighter-Typhoon, et le Rafale répondent à ces spécifications, les deux derniers appareils étant les plus proches de la cinquième génération.

A la différence du Rafale construit par Dassault Aviation, l’Eurofighter Typhoon est un avion produit en coopération par 4 pays européens [2]. Charles Hernu et François Mitterrand décidèrent de se retirer de ce programme en août 1985 pour construire le Rafale pour plusieurs raisons : opérationnelle, nous aurions été obligés de faire des compromis en matière de spécifications (notamment sur les caractéristiques multi rôles [3] souhaitées par l’État-Major français); économiques, les dépenses pour un projet national profiteraient majoritairement au savoir-faire et à l’économie française; financière, contrairement à la théorie économique, l’expérience des années 70 montrait que les programmes en coopération ne permettaient pas de faire des économies substantielles.

Qu’en est-il aujourd’hui ?

En 2011, le National Audit Office britannique estime que les 160 Eurofighter Typhoon commandés par la Royal Air force couteront 24 milliards d’euros en coût d’acquisition [4], soit 150 millions d’euros c’est-à-dire un coût unitaire d’acquisition proche de celui du Rafale (142,3 millions d’euros) selon la Cour des comptes française [5]. On en tire la conclusion que l’allongement de la série à 635 appareils, permis par la coopération auxquels s’ajoutent appareils commandés par l’Arabie Saoudite et l’Autriche, compense presque l’augmentation du coût lié à la coopération. En plus, il faut noter qu’il n’y a pas de version navale prévue pour l’Eurofighter. Les Anglais devront ajouter à cette facture 7 milliards d’euros pour acheter 50 Lockheed Martin F-35 Lightning II (coût unitaire 100 millions de livres) qui équiperont leur futur porte-avions de la classe Queen Elizabeth vers 2020, auxquels il convient d’ajouter les coûts supplémentaires générés par la formation et le soutien de deux types d’appareils issus de deux constructeurs différents. Enfin, Rafale est un avion 100% français, l’argent dépensé à été injecté majoritairement dans l’économie française et à soutenu toute la compétence technologique et l’emploi dans notre pays.

25 ans plus tard on peut, donc, considérer que la décision prise en 1985 a été la bonne sur les plans militaires, industriels et économiques.

Cette décision a néanmoins un inconvénient majeur : elle ne prépare pas l’avenir. Nos partenaires ont appris à se passer de nous et dans une coopération future nous ne pourrions pas exiger pour France les mêmes avantages en termes de maîtrise d’œuvre et de retombées économiques qu’en 1985.

On comprend alors l’enjeu actuel de l’exportation : préparer l’avenir.

Ce serait une erreur grave de ne viser qu’un résultat de plus à l’exportation.

Il est impératif d’inscrire la recherche de marchés extérieurs dans l’ambition de créer, sous leadership français, un partenariat stratégique avec le Brésil, l’Inde et la Russie [6] liant la vente du Rafale et les transferts de technologies associés, réclamés par les acheteurs, à l’engagement de construire ensemble son successeur.

C’est la voie la plus séduisante pour conserver dans notre pays la maîtrise d’œuvre de la prochaine génération d’avion de combat et les retombées qui y sont liées.

Général (2S) Jean-Bernard PINATEL

[1] Qui décède d’un malaise cardiaque le 14 décembre 1980.

[2] C’est en décembre 1983 que des entretiens en vue de définir un avion multi-rôles européen ont débuté entre les états-majors français, allemand, italien, espagnol et britannique. Après le retrait français, les autres pays se partagent le budget du programme à raison de 33% pour l’Allemagne, 33% pour le Royaume-Uni, 21% pour l’Italie et 13% pour l’Espagne.

[3] Défense aérienne, attaque au sol et aviation embarquée.

[4] Et un cout total jusqu’à son retrait du service de 43,6 milliards d’euros.

[5] Eurofighter Typhoon – Wikipédia

[6] Dans les années 90, Sukhoï a proposé à Dassault Aviation de concevoir un avion de combat de cinquième génération.

  1. Que ce soit le Brésil ou l’Inde, quel est véritablement les chances pour le Rafale français ( http://www.myzone59.com/aviation/avions-de-chasse/le-rafale-avion-de-chasse-de-dassault.html ) de décrocher son premier contrat hors des frontières françaises.

    Face à lui, son redoutable ennemi, l’Eurofighter ( http://www.myzone59.com/aviation/avions-de-chasse/eurofighter-typhoon.html ) qui se vend de plus en plus. Et pourtant tous les experts, le disent le rafale est un avion supérieur à ce dernier sur bien des critères, technologique, capacité et comportement en vol, type de mission, armement… Son prix est plus faible, avec des couts d’entretien moins élevés, mais rien n’y fait le Rafale reste un avion uniquement français….

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