RSS: Posts | Comments

MALI

0 commentaires

Au Nord Mali, les forces françaises sont confrontées à des groupes islamistes dans un contexte politique où la France et le Président Ibrahim Boubacar Keïta sont soumis à la surenchère verbale des tenants d’une solution de force au Nord Mali.

Les accrochages qui ont lieu au Mali doivent être replacés dans leur contexte géopolitique et stratégique. Aucun responsable militaire français n’a jamais imaginé que l’action militaire française mettrait fin à la violence qui sévit au Nord Mali. En effet, les théoriciens militaires ont toujours distingué 4 phases dans une insurrection :

Phase 1 : la subversion avec des actions individuelles ou de petits groupes;

Phase 2 : la constitution de bandes armées (katibas) capables de mener des actions contre les forces armées ou des objectifs choisis et de les tenir quelques temps;

Phase 3 : la constitution d’un sanctuaire inviolable dans le pays où la rébellion installe son administration, ses camps d’entrainement, sa logistique;

Phase 4 : Le soulèvement général et la prise de la capitale.

La France est intervenue au moment de l’enclenchement de la 4ème phase par AQMI et le MUJAO. L’action militaire française a permis de renvoyer la rébellion islamique au niveau de la phase 1. Mais elle n’a pas éradiquée les causes de la rébellion qui sont de nature culturelle, religieuse et politique.

En effet, au Sahel, l’opposition a existé de tous temps entre les peuples nomades du Nord qui sont des guerriers et les populations sédentaires du Sud qui n’ont pas ces valeurs militaires dans leur culture. A cela s’est greffée l’islamisation des peuples du Nord avec les dérives extrémistes contemporaines propres à cette religion. La colonisation française a créé, par l’école, des élites intellectuelles dans les populations noires du Sud mais elle a eu peu de prise sur les peuples nomades qui sont restés, à de rares exceptions [1], repliés sur leur culture traditionnelle. A la décolonisation, le pouvoir politique et administratif est revenu naturellement aux lettrés alors que la force militaire, sur leur terrain, était toujours aux mains des nomades qui n’ont jamais accepté d’être administrés dans leurs régions par d’autres que par eux-mêmes. Toutes les crises au Tchad dans lesquelles la France a été impliquée depuis 1969 ont été fondées sur les mêmes causes. La stabilité du Tchad n’existe que depuis qu’un chef militaire issu du Nord, Idriss Deby, a pris le pouvoir à N’Djamena.

Tant que Bamako n’aura pas accepté que, dans le cadre de l’unité du Mali, les régions quasi désertiques allant de la frontière algérienne jusqu’au fleuve Niger disposent d’une autonomie administrative du même type que celle que Madrid a fini par consentir au peuple Basque, les islamistes disposeront d’un terreau favorable et le Nord Mali ne connaitra pas la Paix.

En effet, l’élection présidentielle n’a pas fait taire les surenchères politiques concernant la mise au pas du Nord [2]. Cela fait penser que cette solution de bon sens aura bien du mal à s’imposer et que le niveau de violence que l’on observe actuellement au Nord se maintiendra quelle que soit la montée en puissance de l’armée malienne.

La présence militaire française réduite permettra de maintenir entre les stades 1 et 2 la rébellion du Nord Mali attisée par les brigades islamiques revendiquant leur appartenance à la mouvance d’Al-Qaïda et de protéger le développement des sites miniers qui fourniront au gouvernement les moyens de financer sa sécurité et un certain développement économique.

Mais il ne faut pas espérer obtenir plus que cela tant qu’une solution politique ne sera pas trouvée avec les leaders du Nord.

Général (2S) Jean-Bernard PINATEL

[1] Je pense à mon ami Mano Dayak, issu d’une tribu des ifoghas, disparu tragiquement dans un accident d’avion en décembre 1995. Mano m’avait raconté comment il a avait été obligé de suivre, à 10 ans, les cours de l’école française nomade qui lui avait fait, petit à petit, prendre gout aux études.

[2] Gao : des manifestants réclament le départ du gouverneur, des directeurs de la gendarmerie, police, santé et le DG de l’hôpital et mettent en garde la France.


La France a-t-elle accompli sa mission au Mali ?

0 commentaires

François Hollande a déclaré vendredi dernier que la France retirerait ses troupes au Mali « en fonction de la situation du pays », restant évasif sur les échéances, le temps que les troupes africaines de la Mission internationale de soutien au Mali prennent le relais.

Atlantico : François Hollande a déclaré ce vendredi, que le retrait des troupes françaises au Mali se fera en fonction de la situation du pays, où le terrorisme ne doit pas revenir. Trois mois après le début de l’intervention au Mali (11 janvier dernier), peut-on considérer que la France a accompli sa mission ? (sur le plan de la lutte contre le terrorisme, sur le plan de la reconstruction du pays…)

Jean-Bernard Pinatel : Quel était la mission de la France ? Il n’y a jamais eu autre mission de la France que celle très évolutive que le chef de l’État s’est donnée à lui-même et à nos forces armées. En effet, il n’y a jamais eu aucune mission donnée explicitement à la France au Mali par la communauté internationale. La résolution de l’ONU 2085 autorise le déploiement pour un an d’une mission internationale de soutien au Mali sous conduite africaine (Misma). La seule référence implicite à la France est qu’il est admis que l’Union européenne participe à ce processus. Plus anecdotiques mais inadaptées à la situation étaient les conditions à remplir par la Misma « avant le lancement de l’offensive dans le nord du pays ». A partir du moment où on se définit soi-même et de façon évolutive sa mission comment ne pourrait-elle pas être remplie ?

Rappelons les faits. La résolution 2085, prise le 20 décembre 2012, alors que depuis six mois la situation semblait figée au Nord Mali s’est trouvée complètement dépassée par la réalité du terrain. En effet, le 10 janvier, après des combats qui ont duré près de 24 heures et qui ont fait de nombreuses victimes dans les rangs de l’armée malienne, les rebelles se sont emparés de la localité de Kona située à 60km au Nord de la ville de Mopti, 3e ville du pays, qui, avec 120 000 habitants, est quatre fois plus peuplée que Gao, la capitale du Nord Mali. Par sa présence à Kona, la rébellion menaçait ainsi directement Mopti et son aéroport international et indirectement Bamako qui ne se trouvait plus qu’à 600km de route et où vivent plus de 5000 français. Cette action des rebelles a marqué un tournant dans la crise malienne. Pour la première fois la rébellion engageait une action de conquête au sud de l’Azawad, le territoire revendiqué par le MNLA et Ansar Dine.

Le 11 janvier lors de ses vœux au corps diplomatique le chef de l’État déclarait. « Nous sommes face à une agression caractérisée. La France répondra à la demande des autorités maliennes. Elle sera prête à arrêter l’offensive des terroristes si elle venait à se poursuivre Elle le fera strictement dans le cadre des résolutions du Conseil de sécurité. »

Quinze jours plus tard, Gao le 24 et Tombouctou le 27 sont libérés sans que dans aucune déclaration le chef de l’État n’ait souligné ce passage d’une mission défensive à cette mission offensive. Bien plus, le 2 février à Tombouctou le chef de l’État déclarait : « le combat n’est pas terminé, nous serons aux cotés des Maliens plus au nord. »

Le 21 mars au dîner du CRIF le président de la République déclarait que la souveraineté serait rétablie sur « la quasi-totalité » du territoire malien dans « quelques jours ». « Notre intervention a permis d’obtenir en deux mois des résultats importants : l’offensive des groupes terroristes a été arrêtée (et) les villes reconquises », a-t-il souligné.

On peut donc clairement affirmer que ce sont les succès de nos forces sur le terrain, qui ont fait évoluer au jour le jour la vision du chef de l’Etat sur les objectifs militaires de l’intervention française d’autant plus que l’opinion publique y était favorable et que l’Union européenne et les États-Unis soutenaient l’engagement de la France au Sahel.

Les capacités des troupes de la Misma ainsi que celles de l’armée malienne, sont mises en doute pour prendre la suite de l’armée française. Qu’en est- il ? Quel sera le travail des militaires qui vont rester sur place ?

Les frappes aériennes et le ratissage conduits par les forces françaises et tchadiennes dans le massif des Ifoghas ont détruit la logistique et ont amenuisé considérablement le potentiel militaire des groupes terroristes, en particulier celui d’Ansar Dine, qui avait fait de ce massif sa base stratégique au Mali. Cela n’a pas, pour autant, éradiqué le potentiel militaire d’AQMI et du Mujao au Sahel. Même affaibli, AQMI dispose d’autres bases comme probablement dans le massif de l’Aïr à l’ouest d’Arlit qui est encore plus impénétrable que les Ifoghas et qui est la route traditionnelle vers le Nord Tchad et le Sud Libye.

Sachant que la France laissera au Mali une force d’intervention substantielle, environ 1000 hommes, il est probable qu’AQMI voudra nous porter des coups ailleurs et je pense au Niger, à Arlit dont dépend une grande partie de notre approvisionnement en uranium. Quant au Mujao, il dispose encore de forces en Mauritanie, près de la frontière malienne, d’où sont originaires ses chefs, région à partir de laquelle il peut conduire des actions «  »coup de poing » contre les villes de la boucle du Niger et en particulier les aérodromes qui sont cruciaux durant la saison des pluies (mars à octobre).

Les forces françaises auront donc une mission de forces d’intervention en appui des forces de la MISMA dont le rôle pour leur grande majorité sera davantage d’occuper le terrain, de défendre les villes que de mener des opérations offensives pour détruire les cellules terroristes encore présentes dans le pays.

De façon hypothétique, quels seraient les éléments qui forceraient la France à prolonger son intervention au Mali ?

La stabilisation à moyen terme du Mali ne peut venir que de la capacité des nouvelles autorités politiques maliennes qui sortiront des urnes à maintenir les militaires hors du champ politique et à mener avec succès une négociation avec les Touaregs et les Arabes du Nord Mali.

C’est le rôle dans l’ombre que devra jouer notre nouvel ambassadeur Gilles Huberson, rôle particulièrement délicat pour ne pas être accusé de néocolonialisme mais crucial si la France ne veut pas être conduite à maintenir en permanence des forces dans ce pays.

Général (2S) Jean-Bernard PINATEL

Autres sources : ATLANTICO


Aqmi revendique l’exécution d’un otage français : pourquoi cela n’impactera pas les opérations en cours au Mali

0 commentaires

Aqmi affirme avoir exécuté le géopolitologue Philippe Verdon, capturé au Sahel en novembre 2011. Que cette information soit confirmée ou non, elle pose la question du sort des otages français retenus par les djihadistes alors que l’intervention au Nord-Mali se poursuit.

Atlantico : Aqmi a annoncé dans la nuit via un communiqué qu’un des otages français avait été tué récemment en représailles de l’intervention au Mali. L’exécution, si elle est avérée, peut-elle impacter la suite des opérations en cours ?

Jean-Bernard Pinatel : Il ne faut pas commencer à brasser du vent à partir d’une information qui n’est pas vérifiée.

Sur un plan plus général, la présence d’otages ne peut impacter en rien la stratégie opérationnelle de l’Armée française et la conduite des opérations. Je note d’ailleurs que malgré un ratissage systématique du massif des Ifoghas, aucune présence d’otage n’a été signalée.

Pourquoi ? Parce que les otages sont un bien trop précieux pour tous les laisser dans la zone de combat. Ils ont été probablement évacués, en tout ou partie, vers le Nord Niger. En effet, à partir du moment où les Algériens ont bouclé la frontière Nord, le massif de l’Aïr à l’Ouest d’Arlit peut être une bonne zone refuge. Il est encore plus impénétrable que les Ifoghas et culmine avec le mont Bagzane à plus de 2000 mètres d’altitude et c’est la route traditionnelle des chameliers vers le Nord Tchad ou le Sud Libye et à terme l’Egypte et le Moyen-Orient.

A terme, cette exécution représenterait-elle plutôt un mauvais calcul pour les djihadistes ?

Il ne faut pas voir AQMI composé uniquement de « jusqueboutistes ». Certes il y a nombre de fanatiques religieux dans ses rangs mais aussi des spécialistes des enlèvements et des négociations pour les libérer comme Mokhtar Belmokhtar, des trafiquants. Plus AQMI est affaibli, plus les « jusqueboutistes » sont obligés de tenir compte des intérêts et des opinions des autres.

En 1977 la France intervient en Mauritanie contre le Polisario qui détient 8 otages français enlevés à la mine de fer de Zouerate en Mai et en Octobre 1977. En moins de trois mois les Jaguars de l’armée de l’Air française guidés par les Breguet Atlantic de la Marine causent des pertes énormes aux colonnes du Polisario qui s’attaquaient au chemin de fer transportant le minerai de Zouerate à Nouadhibou. Le Président Boumediene [1], qui voit sa stratégie saharienne mise à mal par l’intervention française, les fait conduire de Tindouf où ils sont détenus à Alger et les libère à Noël 1977.

Un scénario de ce type peut-il se reproduire ?

Rien n’est impossible dans ce Sahel où les influences les plus diverses s’entrecroisent. Il suffirait qu’un des sponsors d’AQMI décide de jouer le même rôle de libérateur…

Peut-on dire que cette annonce révèle une certaine fébrilité d’AQMI au Sahel ?

Rien ne dit aujourd’hui que cette information soit vraie. Et même si un otage venait à décéder rien ne dit que c’est parce qu’il a été exécuté.

Source : ATLANTICO

[1] Il fut le deuxième président de la République algérienne démocratique et populaire du 19 juin 1965 au 27 décembre 1978.


Mali : que peut-on montrer de la guerre ?

0 commentaires

De la pénurie d’images du Mali à la mise en garde d’Envoyé spécial par le CSA : que peut-on montrer de la guerre ?

Propos recueillis par Ann-Laure Bourgeois

Le patron de l’information de France Télévisions, Thierry Thuillier, a protesté contre la mise en garde du CSA à la suite de la diffusion, le 7 février, du magazine Envoyé spécial consacré aux exactions commises au Mali et s’est demandé « qui décide de ce qu’on peut montrer d’une guerre ».

Atlantico : Au Mali, certains journalistes se plaignent de voir leur accès restreint à certains endroits, comme sur les bases aériennes. Selon Laurent Gervereau interrogé par Le Monde, « cette mise à distance des médias existe depuis la guerre du Golfe pour des raisons de propagande ». A quoi peut servir de montrer les images du front ? Existe-t-il une réelle nécessité de les diffuser ?

Jean-Marie Charon : Prétendre que le contrôle de l’information et tout particulièrement des images par les armées serait un phénomène récent est faire preuve d’une sérieuse cécité historique. Depuis que la presse existe les militaires redoutent la transparence, et tout particulièrement les français qui ont en mémoire la défaite de Sedan durant la guerre de 70, où l’armée prussienne aurait été aidée par les informations fournies par la presse française. Cette même armée française sera la dernière à accepter la présence de journalistes dans les tranchées lors de la 1ère guerre mondiale en 1917 !

Plus récemment, l’armée américaine reste convaincue d’avoir perdu la guerre du Vietnam à cause des médias, singulièrement de la télévision. Elle refusera la présence de tout journaliste lors de l’intervention à la Grenade, tout comme les britanniques cantonneront les journalistes sur un bateau à distance lors de la guerre des Malouines. En fait, la guerre du Golfe, puis celle d’Irak marqueront un infléchissement visant à accepter la présence des journalistes, mais « embedded », embarqués. Sinon, il faut se souvenir du tir sur l’hôtel Palestine, à Bagdad, où se trouvait précisément les journalistes de médias ayant refusé ce mode de traitement des combats.

Pourquoi cette frilosité des armées, y compris dans les pays démocratiques, à l’égard d’une transparence dans le traitement des combats ? Les arguments restent toujours les mêmes. Au premier rang de ceux-ci figure l’obligation de protéger ses propres troupes en ne révélant rien qui puisse aider l’adversaire.

En second lieu, il s’agit également de maintenir le moral de l’opinion dans le pays, y compris parmi les proches, les familles des combattants, qui seraient traumatisés par les images de soldats tués, mutilés, etc. En troisième lieu il y aussi la ressource de pouvoir y compris intoxiquer l’adversaire, comme en 1991 où des images d’entrainement au débarquement étaient sensées tromper Saddam Hussein alors que l’offensive effective allait être terrestre et aucunement maritime. Il ne faut pas non plus sous-estimer la bonne vieille propagande visant à motiver l’opinion, doper le moral de l’arrière disait-on jadis.

Alain Marsaud : La guerre est une réalité colportée par l’ensemble des médias radio, télé et autres. Nos compatriotes ont connaissance de l’engagement de nos forces armées en tel ou tel points des territoires. On peut imaginer à revenir à la situation de la 1ère guerre mondiale où les Etats-majors mentaient y compris au Gouvernement, l’autorité militaire s’appropriant le droit de transformer la vérité à l’égard des citoyens permettant ainsi toute manipulation. On assistait donc, en temps de guerre, à un transfert de pouvoir de l’autorité politique au profit de l’autorité militaire. La question qui se pose donc : « doit-on tout dire pour échapper au mensonge » ?

A un moment où les jeux vidéo sont d’une extrême cruauté donnant à nos enfants la capacité d’être eux-mêmes acteurs des pires excès, certains prétendent vouloir nous priver du droit à l’image. Notre société devrait être responsable de tout le déroulement des événements du monde en matière économique, sociale, politique mais devrait s’imposer un bandeau lorsqu’il s’agit d’acte de guerre.

Cela est peut-être et même vraisemblablement un recul de la démocratie. Par le vote et le suffrage universel, le peuple s’engage sur les moyens de fonctionnement des institutions militaires d’une part, mais aussi de leur engagement. Allons jusqu’au bout, il doit savoir que les budgets, et notamment de la défense, entraînent violence, horreur, meurtre planifié… C’est vrai que cela est difficile après, de vendre des images balnéaires du « club méditerranée » dans ces régions.

Jean-Bernard Pinatel : Oui, montrer les images de la guerre est une nécessité absolue car en démocratie, il n’est de légitimité que reconnue par l’opinion publique. Lorsque je dirigeais de 1985 à 1989 le SIRPA et aujourd’hui DICOD, j’ai toujours défendu que nous ne pourrions gagner « la guerre sur le terrain » que si nous gagnions aussi la « guerre des images ». Car, dans la guerre asymétrique à laquelle nous sommes confrontés, nos adversaires sont des spécialistes de la manipulation de l’opinion. Cette politique a été soutenue par 4 ministres successifs Charles Hernu, Paul Quilès, André Giraud et Jean-Pierre Chevènement parfois même contre la hiérarchie militaire.

Qui doit en décider ? Sur quel(s) élément(s) doivent se baser le choix de montrer des images, ou non ?

Jean-Marie Charon : Journalistes, militaires et pouvoirs politiques ne sauraient avoir la même approche de la question de ce qui peut être montré et il y aura toujours débat et tension sur le sujet. Le principe en démocratie serait que cette décision revienne en dernier ressort aux hiérarchies rédactionnelles, à qui il revient de peser ce qui est supportable du point de vue de l’éthique, de la sensibilité du public et de ce qui doit malgré tout être dit ou montré pour ne pas laisser s’imposer une représentation faussée de la réalité, y compris avec des considérations propagandistes de la part des autorités.

Alain Marsaud : A l’exemple de ce que l’on a vu en Algérie, à la suite de la prise d’otages où les images montrées en boucle par nos médias consistées à regarder des alignements de chars d’assauts couverts de bâches. J’aurais préféré que CNN soit sur les lieux, quitte à interviewer quelques djihadistes en mal d’exhibitions. Il appartient aux médias de se débrouiller pour être en pointe sans solliciter les autorisations, mais cela a donné parfois l’occasion à ceux-ci de transformer la vérité dans le but d’orienter l’opinion publique. Je préfère les images de CNN ou de BBC NEWS à celles des autorités Moyen-orientales ou Maghrébines.

Jean-Bernard Pinatel : Il faut permettre à des journalistes d’accompagner nos forces à la seule condition qu’ils ne mettent pas en danger nos soldats par leurs reportages et donc qu’ils respectent certains embargos. Par exemple pour l’Armée de l’Air, ils ne doivent pas rendre compte du décollage de nos avions pour une mission de bombardement jusqu’à ce que ces derniers soient rentrés sain et sauf à leur base. Il ne faut pas non plus montrer l’ensemble de notre dispositif à un endroit précis ou ne pas faire des zooms sur les antennes de nos moyens de détection électroniques, etc.

C’est pour cela qu’il faut des journalistes accrédités Défense, c’est-à-dire des journalistes spécialisés ayant acquis une formation de base sur les questions militaires, pour qu’ils soient en mesure de réaliser eux-mêmes cette autolimitation nécessaire à la sécurité de nos forces. C’est la seule contrainte que doivent accepter les rédacteurs-en-chef : avoir dans leur rédaction suffisamment de journalistes accrédités s’ils veulent être autorisés à couvrir les opérations militaires. »

Le nouveau visage de la guerre, qui s’exerce à travers des prises d’otages, les opérations par les services de renseignement,… oblige-t-il à restreindre la diffusion de certaines informations, comme on aurait pu le faire pour l’otage Denis Allex, dont le corps exhibé à la télévision s’est révélé ne pas être le sien ?

Jean-Marie Charon : Le terrorisme s’est toujours nourri de son accès aux médias. Il n’a pas d’efficacité militaire dans l’absolu, ses capacités offensives étant toujours limitées sur le plan militaire. L’impact des actes terroristes est totalement proportionnel à la capacité à impressionner l’opinion. D’où la tentation des autorités à contrôler, voire empêcher de montrer. Ce qui devient un leurre face à la circulation des images sur les réseaux.

Alain Marsaud : La mort en direct, cela existe et doit peut-être être montré pour responsabiliser ceux qui le décident. Il n’est pas nécessaire pour autant de montrer les visages et de faire partager la souffrance.

Jean-Bernard Pinatel : La prise d’otage n’a rien avoir avec la guerre. En guerre on fait des prisonniers et c’est régit par la convention de Genève.

Le règne de l’Internet dans le monde des médias change-t-il la donne ? Pousse-t-il les pouvoirs publics à davantage de vigilance ?

Jean-Marie Charon : Internet modifie complètement la donne en matière d’information de guerre ou de situation de crise aigües, comme l’ont montré les révolutions arabes ou encore la guerre civile syrienne. Il est vain désormais de prétendre cacher les morts, les destructions, les actions de violence, puisque celles-ci circulent sur les réseaux sociaux, soit parce que l’un des protagonistes au conflit le souhaite, soit parce qu’un simple témoin entend faire savoir l’horreur d’une situation. C’est toute la relation des armées face aux médias qui se repense au travers de cet état de fait inusité.

Alain Marsaud : La photographie par Smartphone permet à chacun de se transformer en titulaire du prix Pulitzer. Il n’existe plus de sanctuaire à l’abri d’une transmission, il faut s’y faire, quoi qu’il en soit on n’y peut rien même si tel ou tel pouvoir peut en rêver. Même chez la Syrie d’Assad, les photos sont volées et transmises, peut-être seront-elles un jour en provenance des salles de tortures.

Jean-Bernard Pinatel : Oui car toute information ou message est capté immédiatement et mondialement y compris par l’adversaire. Les militaires ont l’habitude de tourner 7 fois leur langue dans la bouche avant de parler. C’est aux hommes politiques de faire preuve de vigilance et de ne pas faire des déclarations contraires aux buts politiques, stratégiques ou militaires qu’ils poursuivent. Ainsi lorsque le 9 octobre 2012 à l’ONU, François Hollande déclare que le soutien de la France au Mali sera « logistique », « politique » et « matériel », il envoie le message implicite aux rebelles et aux djihadistes: vous pouvez attaquer le Sud Mali, vous ne risquez pas une intervention militaire de la France.

Entre la méthode algérienne qui consiste à ne laisser filtrer aucune information, et la transparence totale, où faut-il placer le curseur ?

Jean-Marie Charon : Il n’y a pas dans l’absolu de principe simple quant à la transparence ou au filtrage des images. Une chose est certaine la « méthode algérienne », et de beaucoup d’autres pays de par le monde, ne saurait convenir à la démocratie.

Alain Marsaud : C’est un problème de souveraineté, certains pays ont choisis l’opacité la plus totale d’autres l’ouverture à l’extrême. En général, les premières appartiennent à la catégorie des dictatures, les secondes sont parfois des démocraties imprudentes, cela relève du choix des gouvernements d’une part mais aussi de la capacité des voleurs d’images d’autre part. Voilà où est le curseur.

Source : Atlantico


Opération Serval : les forces françaises et tchadiennes s’emparent de Tessalit

0 commentaires

Dans la nuit du 07 au 08 février 2013, une opération aéroterrestre a été menée dans la zone de Tessalit, au nord du Mali

Des éléments français des forces spéciales ont été parachutés sur l’aéroport de Tessalit afin de sécuriser la piste. Un poser d’assaut est venu renforcer les premiers éléments qui se sont infiltrés en vue de sécuriser l’aéroport. Les renforts d’une cinquantaine de soldats du 1er RCP, initialement basés sur Kidal, ont été acheminés par l’escadron de transport des forces spéciales afin de renforcer ce dispositif et de permettre aux forces spéciales de lancer des patrouilles en vue de s’assurer du contrôle de la ville.

Parallèlement, le SGTIA blindé du 1er RIMA, a réalisé un raid blindé de plus de 500 kilomètres à partir de Gao afin de rejoindre dans la matinée du 08 les éléments français dans la zone de Tessalit. De leurs côtés, les éléments des forces armées tchadiennes sont partis de Kidal dans la journée du 07 février afin de rallier ce dispositif. Sur la vidéo on remarquera deux canons Caesar déployés sur zone.

Cette opération, menée en toute discrétion a été exécutée avec l’appui d’hélicoptères et d’appareils de l’armée de l’air qui ont réalisé pour cette seule nuit plus d’une trentaine de sorties dont une douzaine dédiée aux frappes afin de sécuriser la zone.

Source : EMA

Droits : Ministère de la Défense


Le coût de la guerre au Mali

0 commentaires
Analyse citée en référence par : www.20minutes.fr

D’abord une remarque : il est préférable de parler de « surcoût ». En effet, même en dehors de tout engagement, les forces armées existent, les militaires sont payés, s’entrainent, les matériels sont entretenus.

Néanmoins, une opération extérieure entraine des surcouts. Dans la guerre au Mali, les militaires qui n’étaient pas pré-positionnés en Afrique coûteront plus cher (soldes Opex). Mais les dépenses les plus importantes sont liées au coût de transport des hommes et des matériels et des munitions aériennes. Il a fallu d’urgence louer des avions de transport. De plus, les munitions aériennes coutent très cher. L’armée de l’air utilise des bombes américaines GU12 guidées par laser qui valent à l’unité environ 10 000 dollars; le missile AASM de Sagem, dont la précision est métrique, coûte environ 350 000€. Il est utilisé quand on doit tirer à proximité de civils, notamment en ville, pour limiter les risques collatéraux.

Le surcout fourni par le ministre de la Défense est de 2,7 millions d’euros par jour, en moyenne. On peut donc penser que SERVAL a entraîné un surcoût après un mois d’opérations de 80 millions d’euros. Il faut toutefois souligner que ce montant ne comprend pas l’usure supplémentaire induite sur les matériels qui devra être prise en compte dans la révision de la programmation militaire. Cela devrait se traduire logiquement par l’accélération du remplacement de certains matériels et donc des dépenses d’équipement supplémentaires.

Ce coût est-il supportable dans le cadre du budget actuel ?

Le budget 2013 a prévu une provision de 630 millions d’euros pour les opérations extérieures. Une partie de ce budget est déjà hypothéquée par les forces qui sont encore déployées en Afghanistan. Il est clair que si notre intervention au Mali se prolongeait au-delà de mars avec le même volume de force, cette enveloppe demanderait à être abondée lors du collectif budgétaire d’octobre ou accélérer encore plus le retrait de nos troupes du théâtre afghan.

Général (2S) Jean-Bernard PINATEL

Autres sources : Économie Matin


Mali – retrait du contingent français : Est-ce réaliste ?

0 commentaires

Laurent Fabius a annoncé que le retrait des forces françaises débuterait en Mars. Est-ce réaliste ? N’y-a t-il pas des risques d’exactions et de vengeance sur les populations touaregs si les Français se retirent ?

Quelle est la situation actuelle ?

Toutes les grandes villes du Nord ont été libérées par une offensive éclair de l’armée française, accompagnée par quelques dizaines de soldats maliens. Il convient de souligner d’abord la réactivité et la virtuosité avec laquelle l’armée française a été capable, en trois semaines dans un premier temps, de stopper l’offensive des terroristes vers le Sud à hauteur de Konna, puis d’acheminer sur le terrain 3 500 hommes et, enfin, de lancer une offensive sur plus de 1 000 km qui a permis de chasser les terroristes et les forces rebelles de toutes les grandes villes du Nord-Mali.

Il faut également rappeler que, même si la presse a été privée d’image, cette offensive aura probablement couté aux forces adverses des pertes de plusieurs centaines d’hommes, un imposant matériel et la destruction de centres logistiques importants.

Cette intervention en première ligne des forces françaises, dont je n’avais cessé de dire qu’elle était indispensable, a permis l’accélération de la mobilisation des forces de la CEDEAO et surtout la décision du Tchad d’envoyer 2 200 soldats aguerris au Mali. Ce contingent africain permettra de sécuriser les grandes villes du Mali et la reconstruction de l’armée malienne qui bénéficiera d’une aide en instructeurs, en matériels et en argent de la Communauté européenne [1].

Que reste-t-il à faire ?

Il faut maintenant aller chercher les terroristes de l’AQMI, du MUJAO et des islamistes de l’Ansar Eddine, dispersés, par petites unités, dans un territoire plus grand que la France, mais qui seront obligés de stationner autour des points d’eau, ce qui limite le champ des possibles. Ce travail n’est clairement pas celui des forces classiques blindées qui ont été le fer de lance de la reconquête du Nord-Mali. C’est un travail de renseignement et « de coups de main » mené par des forces spéciales et des parachutistes transportés par hélicoptères ou largués ou posés par avion de transport d’assaut (Transall ou Hercules).

En conclusion

Rien ne s’oppose militairement au retrait d’une partie importante des forces françaises début mars et avant la saison des pluies qui rendra les pistes encore plus impraticables.

La situation humanitaire au Nord n’est pas fameuse et il est nécessaire de donner les moyens aux ONG qui étaient déjà présentes au Mali comme «Médecins du Monde» et «Action contre la faim» de se déployer massivement sur le terrain. Si des exactions sont commises, elles seront aux premières loges pour les découvrir et alerter les autorités et les médias.

Général (2S) Jean-Bernard PINATEL

[1] Quelque 450 européens, dont 200 instructeurs, seront déployés au Mali pour aider l’armée malienne. L’Espagne, la Pologne, l’Allemagne et la Belgique ont, d’ores et déjà, fait savoir qu’elles prendraient part à la mission.


Mali : Qu’en est-il après 3 semaines pour l’opération française ?

0 commentaires

Réponse du général Jean-Bernard PINATEL

FRANCE CULTURE - 29 Janvier 2013

Journal de 7h : Renaud Candelier

France Culture
PODCAST

Prise de Tombouctou : un piège politique pour la France ?

0 commentaires

Deux jours après le raid éclair sur Gao, les armées française et malienne sont entrées lundi dans la cité mythique de Tombouctou, sous les cris de joie des habitants, après des mois d’occupation par des islamistes armés.

Atlantico : Les militaires de l’opération « Serval » sont entrés ce lundi dans la célèbre ville de Tombouctou. Après cette victoire rapide, la France a-t-elle prévu des solutions politiques à court et long terme pour la région ? La rapidité de la victoire ne nous mène-t-elle pas vers une impasse politique ?

Jean-Bernard Pinatel : La France n’a pas à prévoir de solution politique. En revanche les autorités françaises devraient à mon avis exercer une très forte pression sur le gouvernement transitoire de Bamako pour qu’une négociation politique s’ouvre avec les représentants des Touaregs afin de déterminer un statut d’autonomie de la région de Kidal, du même ordre que celui que le gouvernement espagnol a octroyé au Pays Basque. Les autorités maliennes savent que si nous nous retirons elles se retrouveront dans la situation de 2012, ce qui donne à la France un pouvoir d’influence considérable.

André Bourgeot : Serval désigne un petit félin aux grandes oreilles dont la particularité consiste à uriner trente fois par jour pour marquer son territoire. Est-ce à dire que l’intervention militaire française est appelée à durer le temps du retour à l »intégrité totale du territoire malien qui s’étend jusqu’à l’extrême nord dans la région de Taoudenni? C’est du moins ce qu’avait déclaré le président Hollande soulignant que le troupes françaises ne quitteraient pas le Mali avant la reconquête totale du Septentrion. Il s’agit bien d’une reconquête militaire qui ne résoud pas les problèmes politiques que traversent le Mali. Par ailleurs, sauf à retomber dans les errements de la FranceAfrique il n’appartient pas à l’ancienne puissance coloniale de s’immiscer dans les affaires intérieures d’un pays ami. Il est prématuré de parler de « rapidité de la victoire ». Il s’agit de la reconquête des villes de Tombouctou et Gao , ô combien symboliquement significatif, mais ce n’est pas pour autant que les espaces générés par ce villes sont aujourd’hui sécurisés.

Mahamadou Camara : Ce n’est pas à la France de prévoir des solutions politiques pour les Africains. C’est aux Maliens, une fois le territoire libéré grâce à la France de reprendre leur destin en main. Cela passe par des élections libres et transparentes, qui figurent sur la feuille de route du Gouvernement, que le Parlement doit adopter cette semaine. Ces élections devraient se tenir au plus tard le 31 juillet 2013, sur la base d’un fichier biométrique. Par conséquent, la rapidité de la victoire nous permet d’organiser les élections au plus tôt.

Qui peut aujourd’hui représenter l’autorité malienne ? Peut-on réussir à faire émerger un pouvoir politique ?

Jean Bernard Pinatel : Pour moi, il faut appuyer le gouvernement transitoire malien ; lui conseiller et l’aider à arrêter le capitaine Sanogo qui à partir du camp de Kati, où il est retranché, essaye par tous les moyens de peser sur le pouvoir transitoire malien. Puis il faut les aider à organiser rapidement des élections.

André Bourgeot : Le capitaine Amadou Aya Sanago (qui a été la figure de proue dans le coup d’état du 21 mars dernier, NDLR) brille par son mutisme : est-il au front ou à Kati, près de l’état -major ? La question reste aujourd’hui en suspens pour beaucoup de monde. Les informations quant à sa localisation divergent. Le Premier ministre Django Cissokho est, pour l’heure, un grand commis de l’Etat qui, à l’inverse de son prédécesseur, Modibo Diarra, n’a pas encore d’ambitions politiques déclarées. En conséquence, théoriquement l’autorité malienne devrait être entre les mains du président par interim de la République, le Professeur Dioncounda Traoré. En a-t-il les capacités ? Rien ne permet de mentionner que l’on assiste à l’émergence d’un pouvoir politique qui serait susceptible de proposer des éléments politiques et économique pour une sortie de crise honorable.

Mahamadou Camara : Le pouvoir en place n’est pas légitime : le Président a été imposé par la CEDEAO, et la junte s’est imposée par les armes. Il nous faut donc faire émerger un pouvoir politique légitime, à travers des élections. C’est le nouveau président élu qui représentera cette autorité, et il devra s’atteler à d’énormes chantiers : refondation de l’Etat, reconstruction de l’armée, réconciliation nationale… Devant l’ampleur des défis, nous avons besoin d’une personnalité d’expérience, qui a de l’autorité, qui est crédible à l’intérieur comme auprès de la communauté internationale, et enfin qui n’a pas été mêlé de près à la gestion catastrophique de l’ère ATT. Compte tenu de ces éléments, l’ancien Premier ministre Ibrahim Boubacar Keita apparaît comme l’un des favoris.

Les Touaregs sont victimes des exactions de l’armée malienne. Comment rétablir l’unité nationale malienne ?

Jean Bernard Pinatel : L’unité malienne ne peut être rétablie que dans le cadre d’une autonomie politique accordée à la région des Ifoghas dans le cadre de la République malienne.

André Bourgeot : Des exactions inacceptables, ont été commises sur des Touareg et des Arabes par des éléments de l’armée malienne cherchant à se venger des massacres d’Haguelhok où une centaine de militaires ont été égorgés, ou éventrés ou tués d’une balle dans la tête par des Touareg du MNLA alliès aux djihadistes d’Aqmi et d’Ansar Eddince. Il importe d’éviter des généralisations hâtives en globalisant : ce ne sont pas LES Touaregs qui sont victimes d’exactions mais DES touaregs, ce qui n’est pas la même chose : il n’y a pas de processus génocidaire en œuvre. Les auteurs des ces exactions intolérables doivent néanmoins répondre de leurs actes devant la justice militaire dont l’honneur s’en trouve bafoué.

Mahamadou Camara : Ce sera la principale tâche du nouveau pouvoir élu. Il lui faudra rapidement organiser des Assises Nationales qui réuniront toutes les communautés du pays, sans exclusive. L’objectif est double. 1- faire le bilan de la gestion passée, et notamment des différents plans de développement du Nord Mali, des différents accords, pour en tirer des enseignements pour l’avenir. Nous devons comprendre pourquoi nous avons échoué. 2- Redéfinir un nouveau pacte national pour que les armes se taisent à jamais. Il s’agit avant tout de mettre en place les conditions d’un développement économique, mais pas seulement au Nord, et d’appliquer les lois de décentralisation qui existent, pour permettre à chaque communauté de prendre une partie de son destin en main, à travers les collectivités territoriales. Pour ce qui est des exactions, le gouvernement doit communiquer sans cesse et être ferme sur le respect des droits humains.

La reconquête de l’ensemble du reste du territoire s’annonce-t-elle aussi facile ?

Jean Bernard Pinatel : Conquérir le désert ne signifie rien. On peut le contrôler en tenant les points d’eau. En l’absence d’une solution politique, les forces maliennes composées d’hommes du Sud ne pourront se maintenir au Nord sans un appui permanent de la France. C’est le piège qu’il faut éviter.

André Bourgeot : La reconquête des villes de Tombouctou et de Gao est désormais acquise mais celle de Kidal, ville clé du nord-est, devrait poser un problème de nouvelle nature aux armées françaises. Cette ville est occupée par le MNLA (Mouvement National de Libération de L’Azawad, mouvance touareg indépendante des salafistes) qui a proposé ses services à l’armée française tout en refusant catégoriquement la présence des militaires maliens et de la Cédéao dans le Nord du Mali qu’il considère comme leur territoire. La France est ici face à un dilemme : laissera-t-elle Kidal aux mains du MNLA ? Si oui au nom de quoi ? Que feront les autorités politiques et militaires maliennes en réaction ? Doit-on pour autant leur confier la ville ? Un piège net semble ici se mettre en place et le MNLA, en déclin, risque hélas de vouloir manifester sa volonté de nuisance.

Mahamadou Camara : Après Gao et Tombouctou, je pense que le plus dur reste à faire : la région de Kidal. En effet, c’est la-bas que se sont réfugiés les islamistes en débandade. Cette région est difficile d’accès, montagneuse, et ceux qui y sont connaissent bien le terrain.

Sommes-nous condamnés à occuper ce territoire pendant des années à l’instar de l’Afghanistan ? Existe-t-il un risque d’enlisement?

Jean Bernard Pinatel : Aider les maliens à tenir Gao, Tombouctou, Mopti qui possèdent des aérodromes et qui contrôlent les axes menant à Bamako ne demande que peu de moyens. Ce qu’il faut éviter à tout prix c’est de se lancer dans une chasse aux islamistes dans le désert maliens sans s’être acquis l’appui politique et militaire des Touaregs.

André Bourgeot : Un risque d’enlisement existe car les groupes armés djihadistes vont se replier ou se réfugier dans la partie la plus désertique du septentrion malien et la guerre d’aujourd’hui se transformera en gueriila dans des espaces où montagnes, grottes et cordons dunaires sont légions. Cette transformation exige le recours à des moyens militaires adaptés, alors , quid de l’utilisation des drones ?…

Mahamadou Camara : La France doit se retirer progressivement dès lors que l’armée malienne et les forces de la CEDEAO (MISMA) et du Tchad se seront déployées pour sécuriser le territoire reconquis. Elle ne devrait conserver qu’une présence résiduelle, notamment pour l’appui logistique et la formation. Cela n’a rien à voir avec l’Afghanistan où le terrain et les conditions politiques étaient plus complexes.

Propos recueillis par Théophile Sourdille et Jean-Benoît Raynaud

Source originale : Atlantico


Les Français libèrent Tombouctou

0 commentaires

Interview avec Jean-Bernard PINATEL

FRANCE CULTURE - 28 Janvier 2013 - 18h00

« Nous sommes en train de gagner la bataille au Mali » - voilà l’analyse de François Hollande - le chef de l’État très optimiste donc après la prise de Tombouctou qui rappelle que ce « nous » inclut les Maliens et les Africains soutenus par les Français.

Nous irons dans Tombouctou libérée, avec Etienne Monin qui est sur place, et entendrons l’analyse du général Pinatel - interrogé par Nabila Amel sur la suite des opérations.

France Culture
PODCAST

« Previous Entries