RSS: Posts | Comments

L’Irak après les élections législatives de Mai 2018. Un avenir démocratique incertain ?

0 commentaires

L’avenir démocratique de l’Irak apparait incertain car ce pays, qui a été profondément déstructuré par la guerre et l’occupation américaines, ne dispose pas d’institutions adaptées aux défis qu’il doit relever. La constitution démocratique imposée par Washington a eu surtout pour effet pervers de répandre la corruption dans tous les rouages politiques du pays et a instillé une désaffection profonde dans la population vis-à-vis de la classe politique, même après la victoire contre l’Etat islamique comme en témoigne la faible participation, la victoire de Moqtada Sadr et la défaite électorale de la liste « la victoire » conduite par le premier ministre.
Après la reprise de l’ensemble des villes contrôlées par Daech alors que la situation sécuritaire est loin d’être totalement sous contrôle, les élections législatives de mai 2018, le dépouillement et la proclamation des résultats se sont déroulés dans un pays meurtri par la guerre où règne un climat de tensions intercommunautaires au Kurdistan et dans les six provinces anciennement occupées par l’organisation terroriste et une profonde désaffection pour la classe politique accusée de corruption. Dans ce climat délétère seulement 44,5 % des électeurs admissibles ont voté, contre 60 % aux élections précédentes. Dans la capitale Bagdad, le taux de participation se montait à tout juste 30%.

Les enseignements des élections législatives irakiennes

Les résultats définitifs des élections ont déjoué les pronostics de la plupart des observateurs.
Ils confirment d’une part la victoire de Moqtada Sahr et de Hadi Al-Amera et la défaite de l’actuel premier ministre Haïder Al-Abadi que presque tous les observateurs donnaient largement gagnant, ainsi que le recul du parti de l’ancien premier ministre Al-Maliki, le maintien de la coalition nationale de Lyad Allawi et l’apparition sur la scène politique irakienne du mouvement Ammar Al—Hakim.
Au-delà des partis, ces élections font apparaître la défiance des irakiens, qui ont voté, envers les mouvements perçus comme trop inféodés à Téhéran ou à Washington. Elles reflètent aussi le refus des partis perçus comme trop « religieux ».
En conclusion, un désir de souveraineté nationale, de lutte contre la corruption et un état moins sous influence religieuse, ont été exprimés par ceux qui se sont déplacés aux urnes.

Parti Tête de liste Résultats définitifs nombre de députés Positionnement
Alliance Sa’aroom « En marche » Moqtada Sadr 54 Nationaliste, libéré de inféodation complète à la religion, comme en témoigne son alliance avec les communistes
Alliance Al-Fath « La Conquête » Hadi Al-Amera 47 Proche de l’Iran, liste dans laquelle figure les chefs des milices shiites pro Iran
Alliance Al-Nasr « La Victoire » Haïder Al-Anbadi 42 Liste dirigée par le Premier Ministre que les commentateurs donnaient largement en tête
Coalition de l’Etat de droit Nouri-Al-Maliki 26 Liste shiite conservatrice, proche de l’Iran
Parti Démocratique Kurde Massoud Barzani 25 Autonomie du Kurdistan
Coalition Alwatenia « Nationale » Iyad Allawi 21 Pour un Etat irakien laïque, respectueux des croyances de chacun
« Alhikma », National Trend, « Mouvement National de la sagesse » Ammar Al-Hakim 19 Parti national non religieux
Union Patriotique Kurde The deceased Jala Talabani 18 Autonomie du Kurdistan, proche de l’Iran
Divers petits partis eu quotas pour minorités 77
TOTAL 329

Les scénarios actuellement évoqués et discutés à Bagdad

1) Un gouvernement purement shiite comprenant « En Marche », « la Victoire », « la Conquête » et « l’Etat de droit » peu probable mais prôné par ses partisans sous le slogan « la maison shiite » du décédé Ahmed Al-Chalabi.

2) Un gouvernement national conduit par « En Marche » intégrant « La victoire », la « coalition nationale », le « parti démocratique Kurde » et les minorités mais excluant « la conquête » et « l’Etat de droit ». Ce gouvernement se tenant à égale distance de l’Iran et des Etats-Unis ne plait ni à Téhéran ni à Washington.

3) Un gouvernement de rassemblement plus proche de Téhéran que de Washington. Il exclurait « En Marche » et regrouperait les forces shiites proches ou loyales à l’Iran « la conquête », « la victoire », « l’Etat de droit », « la sagesse » avec les sunnites et les kurdes compatibles « la coalition nationale » et le « l’Union Patriotique Kurde ». Ce gouvernement, qui ne recevrait pas l’appui de Washington, témoignerait de l’influence de l’Iran sur la vie politique irakienne.

4) Un gouvernement sous la direction actuelle du premier ministre qui recevrait l’assentiment de Téhéran et de Washington mais qui ne serait pas accepté par la majorité des forces politiques comme sa défaite aux élections le montre.

Ces différentes hypothèses témoignent de la complexité de la situation politique irakienne. Le gouvernement qui sera formé (l’on s’accorde à penser que le gouvernement ne sera pas formé avant octobre) permettra de mesurer l’influence réelle de l’Iran, de l’Arabie Saoudite et des Etats-Unis sur la vie politique irakienne.

L’évolution de la situation sécuritaire peut influer dans un sens ou dans un autre sur la composition du gouvernement.

La situation sécuritaire reste très dégradée au Nord d’un parallèle passant par Bagdad, tout déplacement terrestre devant s’effectuer sous haute protection.

• Au Kurdistan

Tout le monde accuse tout le monde d’avoir truqué les élections, créant une spirale d’attaques et de ripostes qui risque de transformer la crise politique en crise sécuritaire.

Ainsi dans la cité de Sulaymānīyah, le mouvement du changement (Gorran), Alliance pour la démocratie et la Justice, Union islamique du Kurdistan et le groupe islamique accusent les deux grands partis UPK et PDK d’avoir manipulé les résultats durant le dépouillement.

On n’en resta pas au niveau des accusations : ainsi le PC du « mouvement pour le changement » attaqué à l’arme lourde a accusé l’UPK. De même des hommes armés non identifiés ont attaqué le PC de l’ « Alliance pour la démocratie et la justice » , dirigé par l’ancien premier ministre du gouvernement régional du Kurdistan Barham Salih.

• Gouvernorat de Kirkuk

Depuis la reprise de Kirkuk occupé par l’IE par les Pasdarans, de fortes tensions se manifestaient entre la communauté kurde et les communautés arabes et turkmènes. Elles se sont accrues avec le dépouillement car les urnes électorales ont été transportées pour raison de sécurité et ont été ouvertes à Bagdad, chaque camp accusant l’autre de manipulation des résultats.

• Gouvernorats de Diyala, Nineveh and Salah Al-Deen

Les villes de ces provinces ont un niveau de destruction des bâtiments très élevé, conséquence des combats menés contre Daech. La situation sécuritaire reste très dégradée du fait de la cohabitation de population de confessions sunnite et chiite et des accrochages entre les milices shiites et sunnites

• Gouvernorat de Bagdad

Du fait de la multiplicité des centres de pouvoir qui possèdent de l’argent, des armes et de l’indiscipline des groupes armés qui les soutiennent, la sécurité décline sous le fait des assassinats politiques, des vols à main armée et des IED qui font craindre des infiltrations de terroristes de l’Etat islamique.

• Autres gouvernorats

Alors que la situation sécuritaire s’améliore dans le gouvernorat d’Al-Anbar la crainte d’incursion de Daech reste élevée. Pour les autres provinces la situation sécuritaire reste pénalisée par un niveau de criminalité très élevé.


Général (2S) Jean-Bernard PINATEL
Auteur de « Histoire de l’Islam radical et de ceux qui s’en servent », Lavauzelle, Mai 2017


Hypothèses et conséquences stratégiques des premières estimations concernant les élections législatives irakiennes

0 commentaires

Les premières estimations des élections législatives irakiennes, si elles sont confirmées lors de la publication des résultats définitifs annoncée pour dimanche ou lundi, sont un désaveu pour la plupart des commentateurs qui ont formulé des prévisions erronées sur ces résultats parce qu’ils ont mal pris en compte le poids respectif des facteurs qui déterminent le jeu politique irakien.

Les faits

Ces élections doivent permettre d’élire 329 députés à la proportionnelle et avec des quotas permettant aux minorités d’être représentées. Ce qui signifie qu’il faut qu’un parti ou une alliance dispose au moins de 165 députés pour pouvoir prétendre à désigner le premier ministre et à exercer le pouvoir.

Résultats provisoires [1]

Parti Tête de liste Estimation du nombre de députés Positionnement
Alliance « En marche » Moqtada Al Sadr 55 Nationaliste, libéral, comme en témoigne son alliance avec les communistes
Alliance la Victoire Haïder Al-Anbadi 51 Liste dirigée par le Premier Ministre que les commentateurs donnaient largement en tête
Alliance de la Conquête Hadi Al-Amera 50 Proche de l’Iran, liste dans laquelle figure les chefs des milices shiites pro Iran
Coalition de l’Etat de droit Nouri-Al-Maliki 25 Liste shiite conservatrice proche de l’Iran
Parti Démocratique Kurde Massoud Barzani 24 Autonomie du Kurdistan
Coalition Nationale Iyad Allawi 21 Pour un Etat irakien laïque, respectueux des croyances de chacun
Union Patriotique Kurde Kosrat Rasul Al 15 Autonomie du Kurdistan, proche de l’Iran
Divers petits partis eu quotas pour minorités Kosrat Rasul Al 88 Autonomie du Kurdistan, proche de l’Iran
TOTAL 329

Ces premiers résultats tendent à démontrer que les irakiens qui sont allés voter (participation d’environ 45%) se considèrent comme une nation arabe, plus laïque que religieuse et donc moins sous influence iranienne que ce que les observateurs occidentaux évaluaient. Ceux qui dans leurs commentaires ont comparé l’Irak au Liban, où l’influence iranienne domine la vie politique, se sont trompés. Bien que l’Iran soit intervenu via les milices shiites iraniennes pour barrer la route de Bagdad à Daech puis pour les aider à reconquérir le pays occupé en payant le prix du sang de 2000 martyrs [2], la méfiance d’une partie du peuple irakien envers les Perses semble plus forte que la solidarité religieuse où les liens tissés dans les combats contre l’Etat islamique.

La preuve en est : la liste qui a obtenu le plus de députés est celle de Moqtada al-Sadr qui ne faisait pas mystère avant le scrutin d’être prêt à s’allier avec tout le monde sauf avec « l’Alliance de la conquête » et le parti d’Al Maliki, jugés par lui trop proches de l’Iran. Ce positionnement confirme le nationalisme de ce leader shiite qu’il avait démontré en juin 2011 en organisant de grandes manifestations dans toutes les grandes villes du pays contre les américains quand ils occupaient l’Irak et dont il exigeait le départ complet. Bien que dignitaire shiite, son nationalisme arabe le pousse à se rapprocher de l’Arabie Saoudite dont il cautionne la politique du nouveau Roi qui essaie de s’éloigner des pratiques moyenâgeuses des wahhabites qui, rappelons-le, dès le premier Califat des Saoud sont allés détruire les tombeaux et les mausolées shiites à Bassora, Karbala et Nadjad [3].

Si on respectait la stricte logique électorale et le positionnement des partis il faudrait s’attendre à une alliance regroupant « En Marche », « l’Alliance la victoire » du premier Ministre Haider Al-Abadi (qui ne restera pas premier ministre si les résultats définitifs confirment la deuxième position de sa liste), « la Coalition Nationale » Iyad Allawi et « le parti démocratique turc (PDK) » de Barzani. Il restera à rallier au moins une vingtaine de députés en provenance des 88 députés des petits partis ou représentants de minorités, ce qui ne devrait pas poser de problème. Les difficultés commenceront lorsqu’il s’agira de nommer le Premier Ministre et les ministres de l’intérieur et de la Défense qui doivent être, selon la constitution, sunnite et kurde si le Premier ministre est shiite.

Mais on ne peut écarter d’emblée une autre hypothèse car Badgad bruisse des pressions de l’Iran pour isoler Moqtada al-Sadr, « vendu » aux saoudiens. Téhéran pousserait à une alliance des trois partis « Alliance la victoire », « Alliance la conquête », « Coalition de l’Etat de droit » et l’UPK. Dans ce cas le Premier Ministre actuel pourrait être reconduit, ce qui ne serait finalement pas pour déplaire aux anglo-saxons qui ont tissé des liens étroits avec lui.

Sur le plan régional et international

Les résultats de cette élection sont dans les urnes une défaite pour les religieux qui dirigent l’Iran car ils sont obligés de constater que, malgré leur intervention qui a sauvé Bagdad et les 2000 martyrs morts dans les combats contre l’Etat islamique, la partie de la population irakienne qui est allée voter et qui est la plus âgée se méfie toujours de son puissant voisin. Plusieurs irakiens m’ont dit : « ce qui comparent notre situation à celle du Liban [4] se trompent nous avons 5000 ans d’histoire derrière nous » ou encore « nous sommes une nation arabe, nous faisons partie du monde arabe et pour la majorité d’entre nous ne souhaitons pas vivre dans un Etat islamique ».

Mais ce qui est inscrit dans la logique des urnes n’est pas ce qui finalement pourrait s’imposer à Bagdad. Dans cette deuxième hypothèse, qui n’est pas la plus probable, l’Iran sauverait provisoirement ses acquis et disposerait encore d’une influence importante à Bagdad pour limiter autant que possible les prétentions américaines à s’implanter massivement et durablement en Irak.

Dans la première hypothèse ce serait une victoire pour l’Arabie Saoudite et son nouveau Roi Mohammed Ben Salmane avec lequel Moqtada al-Sadr a établi des liens personnels. Sa volonté de changer rapidement les pratiques moyenâgeuses, que ses prédécesseurs avaient maintenues dans son pays, séduit les irakiens même s’ils pensent qu’un risque d’attentat venant de l’intérieur du royaume pèse sur lui car il bouscule trop vite les fondements de la croyance et des pratiques wahhabites qui restent encrées chez de nombreux imams saoudiens. Ce serait également une victoire pour les Etats-Unis et pour Trump qui avait vertement reproché à Obama d’avoir dépensé, entre 2003 et 2011, 3000 milliards en Irak et d’en être reparti sans le pétrole. La menace de voir l’Irak, dont 60% de la population est shiite, rejoindre une alliance shiite s’éloignerait.

Cela dit, dans les deux hypothèses, les négociations pour maintenir des bases américaines en Irak ne seront pas une formalité mais la corruption, qui reste un mal endémique en Irak et dont les américains ont abondamment usé sous les mandats d’A-Maliki, devrait leur permettre d’obtenir la majorité des voix nécessaires au Parlement pour ratifier ce traité.

En conclusion et sous réserve d’une improbable surprise à l’annonce des résultats définitifs, l’éclatement de l’Irak qui avait envisagé été sous Obama en trois entités confessionnelles et ethniques n’est plus d’actualité. Dans l’hypothèse la plus logique, la nouvelle équipe au pouvoir devrait conduire l’Irak sur une voie dans laquelle la corruption ne serait plus la seule clé des affaires notamment parce que Moqtada al-Sadr est riche et que l’argent ne dirige pas sa vie.

De leur côté, les dirigeants iraniens devront assumer cet échec confessionnel et prendre en compte dans leur politique le fait que des bases américaines seront à nouveau implantées à proximité de leurs frontières ce qui devrait, à moins de fuite en avant, les amener à plus de retenue dans leur soutien au Hezbollah.

Néanmoins, dans la première hypothèse, il ne faudrait pas que Netanyahou en déduise que les amis des amis sont ses amis. Les irakiens restent très solidaires des palestiniens et ce qui s’est passé récemment à Gaza a été condamné unanimement par le peuple et une grand partie de la classe politique.

Général (2S) Jean-Bernard PINATEL

Secrétaire Général de GEOPRAGMA

Auteur de :

[1] Le terme de « libéral » dont est affublé en Irak Moqtada al-Sadr signifie dans l’esprit des irakiens qu’il prend la liberté de s’allier avec les communistes alors qu’il est un dirigeant religieux qui condamne l’athéïsme.

[2] J’emploie ici le terme utilisé en Irak et en Iran car la guerre contre l’Etat Islamique était une « guerre sainte » qui faisait l’objet d’une Fatah du grand Ayatollah Ali Husseini al-Sistani.

[3] Lire Jean-Bernard Pinatel, « Histoire de l’Islam radical », éditions Lavauzelle, 2017, pages 26 à 29.

[4] Les shiites libanais essentiellement regroupés au Sud du Litani ont été depuis les années 70 sous la pression d’Israël qui considère que cette partie du Liban lui appartient ou tout au moins qu’il doit la contrôler pour protéger ses territoires du Nord des palestiniens de l’OLP de Yasser Arafat. C’est cette pression constante qui a justifié la mise en place de la FINUL. Après la guerre de 1982, initiée par Israël pour s’emparer du Sud du Litani et qui s’est traduit par une quasi-défaite de l’armée israélienne (670 morts autant que durant la guerre des six jours) a conduit à la création du Hezbollah qui est soutenu par l’Iran et dont la capacité opérationnelle a été démontrée et renforcée par la guerre en Syrie.


La bataille de Mossoul

2 commentaires

Point de situation trois mois après le début des combats

La bataille de reconquête de Mossoul a commencé le 17 octobre 2016. Environ 100 000 hommes sont mobilisés pour cette bataille (voir mes précédentes analyses) face à 3 000 à 5 000 djihadistes. Mais seulement 15 000 hommes des forces spéciales irakiennes (la division d’or) composées à 80% de chiites mènent réellement le combat. Ils ont été spécialement formés et équipés pour le combat urbain par les Américains. Les 85 000 autres assurent le bouclage de la ville et de ses environs, les appuient, réoccupent et nettoient le terrain conquis. Les Peschmergas assurent le bouclage au Nord et à l’Est mais n’exercent aucune pression offensive. Les milices de l’organisation de mobilisation populaire réalisent le bouclage au Sud-Ouest et à l’Ouest.
Il aura fallu trois mois à cette force pour parvenir aux faubourgs de Mossoul et conquérir 40% de la ville, sa partie Sud-Est qui est la plus ouverte ce qui a facilité l’appui des forces de première ligne.
La situation au 10 janvier du front est reportée sur la carte ci-dessous :

12-01-2017

Ces trois mois ont couté 4 000 morts aux forces d’assaut et 3 000 blessés. La Division d’or qui mène le combat a perdu environ 50% de ses effectifs. Dans toute autre armée elle serait relevée du front, mise au repos et ne participerait plus aux combats. Mais même après ces pertes, la motivation des soldats chiites reste très grande car la plupart des combattants sont très religieux et agissent sous l’impératif d’une fatwa émise par l’ayatollah Sistani, l’un des plus grands leaders chiites, qui a décrété que Daech était l’ennemi numéro un.

Néanmoins, la division d’Or affaiblie n’est plus capable de mener une grande offensive et, après une pause d’un mois de remise en condition, sa progression est très lente et se fait maison par maison. De plus la progression a lieu actuellement dans la partie Est de Mossoul, la plus moderne et la plus ouverte alors que les combats à venir dans la vieille ville qui se trouve à l’Ouest du Tigre se feront dans des rues étroites avec une densité plus grande de population qui vont rendre la progression encore plus difficile et couteuse.

Trois options théoriques s’offrent aujourd’hui :
1) Les djihadistes souhaitent se replier vers la Syrie, option qui n’est pas envisageable actuellement parce que le bouclage de la ville est complet ;
2) Une négociation, comme à Alep, est engagée prochainement permettant aux djihadistes de se replier avec armes et bagages vers la Syrie ce dont ne veulent actuellement ni les Russes ni les Turcs ;
3) Les djihadistes n’ont plus d’autre option que de résister sur place.

Dans cette dernière option, la libération complète de Mossoul demandera encore de longs mois et ne pourra pas survenir au mieux avant la fin du printemps.

Général (2S) Jean-Bernard PINATEL


Situation politique et militaire en Irak – Début décembre 2016

0 commentaires

Situation politique

La situation politique en Irak a été marquée en novembre par le vote des députés shiites, alliés aux kurdes, qui, le 26, passant outre l’opposition des députés sunnites ont adopté à une majorité proche des deux tiers une loi de « Mobilisation Populaire » officialisant les milices shiites et leur donnant un pouvoir et une immunité quasi absolue. Ces milices shiites dont les effectifs s’élèvent à environ 140 000 hommes sont mieux équipées et entrainées que l’Armée irakienne. Ce vote marque la fin de l’unité nationale fondée sur le respect des intérêts des différentes communautés, symbolisée et garantie par l’Armée Irakienne. On se dirige ainsi en Irak vers le modèle iranien où les « Pasdarans iraniens » ont pour principale mission de protéger le système politique. Les milices seront, comme en Iran, directement rattachées au Premier Ministre Haider al-Abadi.

En pleine guerre pour la reconquête de Mossoul, les députés shiites ont ainsi enterré le processus de réconciliation nationale et l’espoir d’un Etat irakien respectant ses diverses composantes ethniques et religieuses. Alors que le Kurdistan possède ses Peshmergas, seuls les sunnites n’ont pas de milice et seront désormais encore plus marginalisés en Irak, coupables d’avoir accueillis l’Etat islamique. Malheureusement cette loi va avoir un impact sur le terrain et ne va pas favoriser l’unité nécessaire entre les différentes forces irakiennes pour reprendre Mossoul. En effet, elle n’est pas de nature à motiver l’armée irakienne qui, de part cette nouvelle loi, est condamnée à être , comme en Iran, une force de gardes-frontières, sous-équipée, moins payée et moins considérée que les unités des « gardiens de la révolution ».

Situation militaire

Mossoul

Six semaines après le début de l’offensive, la 16ème division et les forces spéciales irakiennes, qui ont pris pied dans les faubourgs Est de Mossoul, font face à une résistance acharnée. D’après un colonel de cette division, les combats à l’intérieur de la ville de Mossoul sont un cauchemar pour les soldats irakiens qui font face sans répit à des attaques suicides surprises et à des tirs de snipers. Pour se déplacer à Mossoul, les combattants de Daech utilisent un réseau de longs tunnels souterrains qu’ils ont creusés depuis la prise de la ville en juin 2014.

Au Sud-Est de Mossoul, la 9ème division a repris, après de violents combats, le site archéologique de Nemroud qui se trouve à une dizaine de km au Nord du confluent du Tigre et du grand Zag et progresse difficilement vers les faubourgs Sud-Est de Mossoul.

Au Sud de Mossoul, la 15ème division est en vue des hauteurs du Monastère de Saint Elie (Dair Mar Elia qui a été rasé par Daech) dont les ruines dominent l’autoroute n°1 qui conduit à l’aéroport de Mossoul.

A l’Ouest, les milices de l’Organisation Populaire se sont emparées de l’aéroport de Tall Afar le 23/11 et ont annoncé le 28/11 leur jonction avec les Peshmergas réalisant ainsi l’encerclement complet de Mossoul.
11-12-2017
Dans le gouvernorat d’Al Anbar, Daech contrôle toujours l’Ouest du gouvernorat et notamment les villes de Rawa, Ana et Kaïn.

Pour fixer les forces irakiennes et éviter que des prélèvements d’unités viennent renforcer les assaillants de Mossoul, Daech a lancé une grande campagne d’attentats dans 8 autres gouvernorats. On dénombre ainsi en novembre plus de 1000 morts victimes d’attentats parmi les forces de l’ordre et la population.

Le nombre de morts dans les gouvernorats touchés se répartit comme suit :
Nineveh : 436 ; Kirkuk 151 ; Salahuldein 150 ; Al Anbar 145 ; Babel 82 ; Bagdad 72 ; Diyala 20 ; Karbala 10.

Comme je l’ai toujours annoncé, la prise de Mossoul n’aura donc pas lieu en 2016, démentant une fois de plus les prévisions optimistes de Monsieur Le Drian.

Général (2S) Jean-Bernard PINATEL


Analyse de la situation politique et militaire en Irak mi-septembre 2016

1 commentaire

Synthèse générale

Malgré des succès très nets contre Daech remportés en juillet et en aout par les forces irakiennes appuyées par les frappes de la coalition, la situation politique à Bagdad continue de se complexifier à cause de la lutte d’influence que se livrent les Etats-Unis et l’Iran, notamment au sein du Parlement irakien dont la seule vocation semble être de paralyser l’exécutif sur fond d’attaques réciproques de corruption.
Cette situation politique ne peut que peser sur le calendrier de l’offensive finale contre Mossoul, d’autant plus qu’un certain nombre de défenses intermédiaires sont encore à franchir avant de parvenir dans les faubourgs de la grande ville du Nord.

Situation politico-militaire

Le combat contre Daech

En août, la reprise de contrôle des villes du gouvernorat d’Al Anbar s’est poursuivie. La ville de Khalidyia, 30 000 habitants située au bord de l’Euphrate à 80 km à l’ouest de Bagdad, a été reprise à Daech à la suite de combats acharnés. 800 hommes de Daech dont des étrangers ont été tués dans cette bataille, selon le commandement des forces irakiennes. Les forces irakiennes ont encore à s’emparer de trois villes le long de l’Euphrate pour libérer totalement la province d’Al Anbar: Rawa (20 000 h) où le mufti de Daech, Rawa Abu Hajar, aurait été tué par une frappe aérienne, Anah (30 000h) et Al-Qaïm, ville frontière avec la Syrie.

Par ailleurs, les combats préliminaires à la reprise de Mosul se sont poursuivis durant l’été.

Le 9 juillet, les troupes irakiennes ont pu reprendre la base aérienne d’Al-Qayyarah, au sud de Mossoul, dont l’aérodrome servira de base logistique dans l’offensive sur Mossoul.

Le 23 août, prise de la ville de Qayyarah (80 000 habitants).

Au Sud de cette ville, Daech tient toujours dans le district de Sharkat les villes d’Al Sirqat sur le Tigre et de Hawija (30 000h) qui sont des villes sunnites, entrées en résistance contre le gouvernement de Bagdad et l’occupant américain presque depuis le début de l’offensive américaine. Les forces irakiennes et les Pechmergas les encerclent et leur conquête n’est plus qu’une question de jours.

Par ailleurs, il semble qu’un accord politique ait été trouvé entre Bagdad et Erbil pour libérer Mossoul. Un commandement commun pour l’offensive va être mis sur pied. Mais l’accord prévoit qu’il n’y aura aucun changement sur les frontières actuelles du Kurdistan après la prise de la ville, ce qui laisse penser que les Pechmergas se contenteront d’assurer l’encerclement de la ville au Nord et à l’Est mais ne feront pas tuer leurs meilleurs combattants pour reprendre du terrain qu’ils auront à abandonner ultérieurement, d’autant plus que la menace Turque est présente à leur frontière Ouest et Nord.

L’armée irakienne compte aujourd’hui environ 50 000 hommes. 25 000 d’entre eux devraient participer aux combats de libération de la ville. Les Américains ont en Irak environ 5 000 hommes qui remplissent des fonctions de renseignement, de coordination aérienne, d’instruction et de conseil opérationnel plus quelques détachements de forces spéciales. En face, Daech dispose d’environ 10 000 combattants, retranchés dans Mossoul. La prise de Mossoul n’est donc pas envisageable par la seule armée irakienne à moins d’un effondrement complet de l’Etat islamique.
irak-18-09-2016

L’imbroglio politique

Deux autres questions épineuses restent à régler. La participation des milices chiites à la reprise de Mossoul et le remplacement éventuel du Ministre sunnite de la Défense Khalid Al Obaidi qui a démissionné mi-aout à la suite de la motion de censure votée contre lui par le parlement irakien. En effet, ce dernier, lors de son audition devant le parlement irakien, a accusé de corruption plusieurs parlementaires. Dès le lendemain les députés ont voté une motion de censure contre lui par 142 voix contre 102 forçant Khalid Al Obaidi, sunnite originaire de Mossoul, à démissionner.
Cette crise politique survient au plus mauvais moment alors que les préparatifs pour la reprise de Mossoul sont en cours. Selon le dirigeant chiite Moifak Al-Rubaï, les américains avaient expressément demandé aux présidents des groupes parlementaires de ne pas démettre le Ministre de la Défense de ses fonctions. Le vote de cette motion de censure démontre que, dans le jeu d’influence que se livrent à Bagdad les Etats-Unis et l’Iran, c’est ce dernier pays qui tient la corde.

De plus, derrière ce jeu politique se cache le problème du commandement de l’armée irakienne et de la place des milices chiites et notamment celles de l’Iran. L’Iran ne veut pas que l’armée irakienne soit trop forte pour des raisons historiques (guerre Iran-Irak 1980-1988) et souhaite qu’elle soit placée sous le commandement unique de l’Etat-Major des Forces de Mobilisation Populaire qui regroupe les milices chiites irakiennes, à l’instar du Corps des Gardiens de la Révolution Islamique en Iran. Dans cette affaire les Etats-Unis n’ont pas une position claire. Certes ils veulent une armée irakienne efficace mais ils ne veulent pas d’une armée irakienne trop forte et trop bien équipée pour ne pas rompre les rapports de force politique et militaire dans la région.

Situation sécuritaire

En juillet, Bagdad a connu l’attentat le plus meurtrier et le plus sanglant de son histoire. Le 3 juillet, dans la nuit du samedi au dimanche, un camion frigorifique (comme à Nice) mais ici bourré d’explosifs incendiaires a explosé dans un marché tuant plus de 300 personnes, notamment enfants et femmes, et occasionnant beaucoup de blessés graves. En juillet, le total des morts par attentat se focalise presque entièrement dans 5 gouvernorats sur 18 et s’élève à 865 tués dont 385 à Bagdad.

En aout après des mesures très énergiques prises à Bagdad, le nombre des victimes par attentats a été divisé par deux, s’établissant à 510 dont 90 à Bagdad ; Nineveh 170 ; Al Anbar 140 ; Salahuldein 100 et Diayal 10. Bagdad qui représentait en juillet 45% du nombre des morts n’en représentait plus que moins de 20% en aout.

Néanmoins, la dégradation de la situation économique et la guerre contre Daech font que les crimes et délits sont en forte hausse dans Bagdad et créent un sentiment d’insécurité généralisé. Il ne se passe pas un jour sans que plusieurs meurtres, attaques à main armée et enlèvements pour obtenir des rançons soient effectuées. La police et l’armée, focalisées dans la lutte contre les attentats, semblent totalement impuissantes à enrayer la montée du crime organisé.

Général (2S) Jean-Bernard PINATEL


Analyse de la situation politique et militaire en Irak mi-juillet 2016

41 commentaires

Synthèse générale

La prise de Faluja le 26 juin à laquelle l’ensemble des forces irakiennes y compris les milices chiites [1] ont participé est une première victoire significative dans la guerre contre Daech en Irak. Elle aurait couté environ 2000 morts aux forces irakiennes et 500 morts aux djihadistes. La victoire de Faluja envoie un message fort à la communauté sunnite irakienne qui, marginalisée par la politique sectaire d’Al Maliki, avait accueilli avec ferveur les djihadistes de Daech. Elle vient d’apprendre à ses dépens que la communauté internationale et les puissances régionales ne permettront pas le maintien durable d’un califat au cœur du Moyen-Orient, ce qui peut avoir un fort impact sur leur soutien à Daech dans la région de Mosul.

Cette victoire qui se dessinait début juin a permis au premier ministre irakien de prendre une première décision qu’attendaient les manifestants et les partisans de Moktar al Sahr. Al Abadi a limogé plusieurs hauts responsables politiques, économiques, médiatiques et sécuritaires [2] accusés de corruption et de gaspillage de fonds publics et notamment le chef du service de renseignement irakien, Zuhair Al Gharbawi, qui n’a pas réussi à prévenir les attentats sanglants qui ont endeuillé Bagdad au printemps et qui après une accalmie en Juin se sont encore accentués début juillet.

La prochaine étape est désormais la libération de Mosul mais tout le monde s’accorde à dire qu’elle demandera des efforts d’une autre dimension, la troisième ville d’Irak étant 20 fois plus étendue que Faluja et défendue par 20 fois plus de djihadistes.

Les américains qui avaient officiellement lié leur appui à l’absence des milices chiites dans les troupes d’assaut sur Faluja devront une fois encore avaler leur chapeau ou/et pratiquer leur double jeu vis à vis de leurs alliés sunnites et en premier lieu de l’Arabie Saoudite : s’opposant officiellement et publiquement à la participation des milices chiites à la libération des villes sunnites et en l’acceptant tactiquement. En effet, sur le terrain il semble qu’il y ait eu un accord militaire tacite notamment avec l’Iran car les combattants des milices chiites irakiennes et iraniennes sont plus nombreux, mieux armés et plus aguerris que les combattants tribaux sunnites.

img-14-07-2016

Le premier Ministre Al Abadi sort renforcé par la victoire de Faluja et par sa décision de limoger de hauts responsables notoirement impliqués dans des affaires de corruption et de détournement de fonds.

De leur coté, les responsables de la communauté sunnites savent désormais qu’il n’y a pas d’autres issues que celle de s’entendre politiquement avec les chiites.

De même, la perspective d’un Kurdistan indépendant s’est éloignée du fait du refus des deux partis kurdes UPK et Changement d’accepter le coup de force du Président Barzani qui veut se maintenir au pouvoir en obtenant un troisième mandat présidentiel, ce qui est contraire aux lois en vigueur dans la province autonome. Le 25 juin, une délégation de Soulymanyia s’est rendue à Bagdad dans une tentative pour réduire l’influence de Massoud Barzani à Bagdad et de créer un cadre officiel des rapports de Soulymanyia avec les autorités irakiennes. La délégation était composé de la femme de l’ancien président irakien Jalal Talabani et de plusieurs chefs de son parti, UPK, et du parti de Changement. La délégation a déclaré au gouvernement irakien que désormais les deux partis kurdes, UPK et Changement, entreraient dans toute négociation avec Bagdad de façon indépendante par rapport au Parti Démocratique du Kurdistan, PDK, de Massoud Barzani. Cette prise d’autonomie de la région de Soulymanyia, proche de l’Iran, n’est pas pour déplaire à Téhéran qui soutiendrait l’instauration d’une nouvelle province autonome kurde à Soulymanyia. Quoiqu’il en soit cette division des Kurdes est une raison de plus pour que les Peshmergas ne s’engagent pas dans la reprise de Mosul.

Situation sécuritaire

La reprise de Faluja a fait diminuer la pression militaire contre Bagdad mais n’a tari qu’une des sources d’où partent les attentats dans la capitale irakienne. Les attentats à Bagdad continueront sans aucun doute parce que Falluja n’était pas la seule base de départ des djihadistes et des kamikazes. Ils sont présents au sein même de Bagdad et viennent du Nord de la province de Diyala.
Au mois de juin le nombre d’attentats reste élevé en Irak même s’ils ont diminué provisoirement à Bagdad pour bondir spectaculairement en juillet comme le montrera le décompte de fin juillet.
On dénombre en effet 550 morts par attentats en juin contre 742 en Mai. Les deux tiers d’entre eux se sont produits dans les deux gouvernorats d’Al Anbar (178) et de Nineveh (156). Le reste des tués par attentat se répartit ainsi : Salahuldein 76 ; Kirkuk 74, Bagdad 40, Diayala 16, Kerbala 10.

[1] Les milices chiites ont effectivement participé à la reprise de Faluja. Les 2000 combattants qu’elles avaient déployés ne se sont pas contentés de soutenir les forces armées irakiennes et d’encercler la ville. Ils ont été les premiers à entrer dans la ville.

[2] Ces révocations ont concerné aussi la directrice générale de la Banque Irakienne du Commerce, Hamdyia Al-Jaf, les directeurs généraux des banques publiques agricole, industrielle et foncière ainsi que ceux des deux banques Rafidain et Rashid, accusés de corruption et de détournements ainsi que le président du réseau irakien d’information, Jabar Al Shabout, accusé de corruption et d’incompétence.


Analyse de la situation politique et militaire en Irak – Début Juin 2016

0 commentaires

La situation politique à Bagdad reste toujours aussi confuse. Trois acteurs jouent des jeux différents et divisent la communauté shiite. Le premier ministre Al Abadi, sans assise populaire, est incapable d’imposer au parlement un gouvernement de technocrate. Muktada Sadr capitalise sur la colère du peuple et est de venu l’homme fort de Bagdad. Al Maliki sabote l’autorité de son successeur et se proclame dans l’ombre comme seul rempart de la classe politicienne face à Muktasa Sadr.

Sur le plan militaire, si la situation évolue favorablement en Syrie, en Irak, la guerre contre Daesh piétine. L’offensive sur Mosul n’est pas d’actualité [1] car le commandement des forces irakiennes est d’une part confronté comme prévu à une grande résistance à Faluja et, d’autre part, est contraint de retirer des unités du front pour sécuriser Bagdad, cible d’une vague d’attentats sans précédent (202 morts et 440 blessés au mois de Mai) portant à 742 morts (674 en avril) le total des tués dans les 6 gouvernorats où Daesh développe ses actions.

Situation militaire et sécuritaire

En Syrie, la chute de Racca devrait être réalisée avant la fin de l’année. En effet, on assiste à une course de vitesse pour libérer la capitale de l’Etat islamique entre les forces syriennes appuyées par les Russes et les Forces démocratiques syriennes (SDF) soutenues par les frappes américaines. Les forces syriennes, après leur victoire sur Daesh à Zakiyah, voudront s’emparer dans un premier temps de l’aéroport militaire de Tabaga avant de poursuivre sur Al-Tabqah ( 5km plus au Nord) ville qui contrôle l’accès Sud au barrage Assad sur l’Euphrate et à Racca.De leur côté, les milices kurdes de l’YPG et les forces démocratiques syriennes (SDF) appuyées par les forces spéciales et l’aviation américaine, au grand dam des turcs, cherchent à s’emparer de la ville de Al-Thawrah pour atteindre le barrage du Lac Assad avant les forces syriennes ce qui permettrait de leur barrer l’accès à Racca.

pinatel-08-06-1-mica

En Irak la reprise de Faluja pose à la coalition un problème humanitaire sans précédent. Les 90 000 habitants sunnites toujours présents dans cette ville, encerclée notamment par les milices shiites, craignent des représailles massives. Malgré le manque de vivres et de médicaments, résister est pour eux une question de vie ou de mort. Si le siège et la résistance se prolongent une catastrophe humanitaire sans précèdent risque d’entacher durablement l’image du combat de la coalition contre Daesh.

1-mica-04-2016

Saisissant l’opportunité du retrait des forces irakiennes du front de Mosul, Daesh a lancé des attaques sur plusieurs points faisant reculer les Peshmergas kurdes qui encerclent Mosul au Nord et à l’Est.
pinatel-08-06-3-mica

Situation politique

La situation politique n’a pas évolué. Trois acteurs jouent des jeux différents et divisent la communauté shiite.

La classe politique au pouvoir n’a pas arrêté ses querelles visant à empêcher le gouvernement d’Al Abadi de mettre en œuvre ses réformes et de combattre efficacement la corruption. Les députés du parlement irakien ont refusé, par trois fois, d’accorder leur confiance à un nouveau gouvernement irakien composé de ministres technocrates et indépendants des grands partis politiques. Les Américains malgré leurs doutes sur sa capacité à gérer la situation essaient de sauver Al Abadi qui n’a pas d’assise populaire, ayant vécu la majeure partie de sa vie à l’étranger.

De son coté, face à cette situation de blocage, la colère de Muktada Sadr et de ses partisans ne faiblit pas. Ses partisans ont forcé, à deux reprises, au cours du mois de Mai, l’entrée de la zone verte pour manifester leur colère vis-à-vis du gouvernement et du parlement irakiens et de la classe politique. Ils ont occupé le bâtiment du parlement irakien et le cabinet du premier ministre irakien, menaçant de revenir à la zone verte de façon encore plus violente si le gouvernement irakien ne combat pas réellement la corruption et n’applique pas les réformes politiques promises.

Le troisième acteur de ce blocage est Nourri Al-Maliki. Tapis dans l’ombre il exploite tout faux pas du premier ministre a Haider Al-Abadi et ne cesse répéter qu’il est incompétent et incapable de gouverner l’Irak malgré le soutien du grand chef religieux shiite de Najaf Ali Sistani. Il se présente comme le seul capable à juguler Muktada Sadr et de sauver la classe politique actuelle.

Cette situation politique risque de durer et il n’est pas impossible que si un général irakien se faisait remarquer dans le combat contre Daesh, beaucoup d’irakiens le poussent à prendre le pouvoir et que les américains si résignent.

Général (2S) Jean-Bernard PINATEL

[1] Dans un rapport récent, la CIA estime que la libération de Mossoul prendra plus de temps que prévu et estime que l’offensive de libération de Mossoul ne pourra pas commencer avant la fin de l’année.


Analyse de la situation politique et militaire en Irak – Début Mai 2016

0 commentaires

Le mois d’avril a confirmé que les conditions politiques et militaires d’une victoire rapide sur Daech en Irak sont loin d’être réuniescomme le confirment les principaux responsables américains de la coalition et cela malgré les déclarations volontaristes mais irréalistes de Monsieur le Drian à Bagdad le 11 avril.

Sur le plan politique

Le mois d’avril a connu une escalade dans la pression queMuktadaSadr exerce sur les députés afin qu’ils acceptent le gouvernement de techniciens qu’il appelle de ses vœux pour mettre fin aux prévarications des membres du gouvernement et du Parlement. Après le rejet le 12 avril, par le parlement irakien de la liste du gouvernement de technocrates proposé par le premier ministre, 180 députés environ sous la conduite des sadristes se sont mis en grève et ont commencé un sit-in à l’intérieur de l’Assemblée. Puis lors d’une séance extraordinaire sous la présidence de l’un d’entre eux, Adnan Al-Janabi, ils ont démis Salim Al-Joubouri ,membre du parti des forces nationalesd’obédience sunnite, de sa fonction de Président du Parlement irakien et ont convoquéles députés à une nouvelle séance pour le 16 avril afin de désigner une nouveau président. Le président du parlement« révoqué », Salim Al-Joubouri, a déclaré anticonstitutionnelles les mesures prises par le groupe des députés contestataires. Le 20 avril, MuktadaSadr a « gelé » son groupe parlementaire jusqu’à ce que le parlement irakien se réunisse pour approuver le gouvernement de technocrates bloquant tout travail parlementaire. Le 27 avril, devant l’incapacité des députés de s’entendre,MuktadaSadr a donné le feu vert, à sespartisanspour forcer l’entrée de la zone verte et celle du parlement irakien. Les forces de l’ordre ont laissé faire se contentant de regarder ce qui se passe sans réagir. Les députés sous la pression des manifestants ont quitté le bâtiment et se sont réfugiés à l’HotelRasheed.

Sur le plan militaire

Rien de significatif ne s’est passé sur le terrain dans la guerre contre Daech. Des offensives limitées contre les positions de Daech au Sud de Kikukont été menéestandis que deviolentes contre-attaques de Daech ont été repoussées difficilement dans le gouvernorat d’Al Anbar autour de Hit et de Ramadi.

En revanche de graves accrochages ont eu lieu entre forces censées combattre ensemble Daech. Le 23 et 24 avril à Touzkhourmatou à 80 km au sud de Kirkuk et dans la localité de Sadia située à 100 km de la ville de Bakuba. Des Peshmergas kurdes et les milices turkmènes chiitesse sont affrontés. En effet dans ces régions coexistent difficilement sunnites arabes et kurdes et chiites kurdes et turkmènes. Ces affrontementsoù les deux parties ont utilisé des mortiers, des roquettes et de l’artillerie lourde montrent qu’il est illusoire d’envisager une participation active des Peshmergas à la reprise de Mosul.

Army Lt. Gen. Sean MacFarland Leads U.S. Fight Against ISIS

De leur côté, tous les responsables américains mettent l’accent sur la nécessité de régler la crise politique et les questions économiques qui divisent le pays, avant d’entreprendre une quelconque opération militaire contre Daesh, à Mossoul. Le général Sean Mcfarland, commandant en chef des opérations contre Daesh, a rencontré, ces derniers jours, le premier ministre irakien, son ministre de la défense et plusieurs chefs militaires irakiens.Le secrétaire d’Etat américain à la défense, Ashton Carter, qui se rendait pour la troisième fois en Irak depuis sa nomination au Pentagone, a déclaré le 16 avril, à Bagdad que Washington soutiendrait le gouvernement irakien dans sa guerre contre Daech, annonçant une augmentation du nombre des troupes américaines en Irak.

C’est donc avec un total scepticisme que les observateurs ont accueilli les déclarations de Monsieur LeDrian,Ministre de la Défense français, le 11 avril à Bagdad : « Raqa et Mossoul en 2016 doivent tomber (…) 2016 doit être l’année du début de la fin pour Daech ». Même si la reprise de Raqqa par les syriens appuyés par les Russes apparait possibleavant la fin de l’année, la prise de Mosul est totalement inenvisageable dans les conditions actuelles de la coalition.

Sur le plan sécuritaire

Le nombre de morts par attentats est de 607 victimes (contre 664 en mars ; 450 morts en février ; 397 en janvier). Les gouvernorats d’Al Anbar, Nineveh et de Bagdad concentrent 72% des morts par attentats.

A Bagdad, on compte en avril 107 morts contre 63 en mars et 69 en février.Les attentats terroristes ont pris la forme de kamikaze avec ceinture d’explosifs et de voitures piégées. Ils visent les marchés populaires et les lieux de culte chiites. Le 5, un kamikaze portant une ceinture d’explosifs s’est fait exploser dans un marché populaire situé au sud-est de Bagdad, tuant 4 civils et blessant 4 autres. Le 22, un autre kamikaze s’est fait exploser dans une mosquée chiite au quartier de Radhwanyia, au sud de Bagdad, tuant 8 personnes et en blessant 33 autres. Le 25, trois attentats coordonnés à la voiture piégée ont frappé Bagdad, faisant 25 morts et environ 55 blessés. Le 26 dans le quartier populaire de l’Est de la capitale, un kamikaze portant une ceinture d’explosifs s’est fait exploser, tuant et blessant 45 personnes Enfin, le 30 avril, un camion piégé a explosé dans la région de Nahrawan, à l’est de Bagdad, faisant 28 morts et 45 blessés.

Par ordre décroissant de tués c’est le gouvernorat d’Al Anbarqui enregistre les plus de morts en avril 174 contre 176 en mars ;Nineveh compte 156 morts contre 221 en mars ; Salahuldein 73morts contre 65 en mars ; Kirkuk 69 contre 44 en mars ; Diyala 28 contre 6.
Les 12 autres gouvernorats du Nord et du Sud sont relativement calmes. A Nasiriya un kamikaze s’est fait exploser, le 4 avril, dans un restaurant tuant 5 miliciens chiites, et blessant une vingtaine d’autres. Le même jour, une voiture piégée a explosé au centre de Bassora, tuant 5 policiers et blessant 4 autres.

Général (2S) Jean-Bernard PINATEL


Analyse de la situation politique et militaire en Irak - Avril 2016

2 commentaires

Le mois de mars a clarifié la situation politique et militaire en Syrie. Les forces syriennes appuyées par les Russes après avoir repris Alep ont repoussé Daech de Palmyre, rendant incontournable le leader syrien dans le processus de Paix. En revanche, la situation politique et militaire en Irak ne permet pas de percevoir une issue rapide au conflit contre Daech.

En effet, la situation politique en Irak se détériore. A la tension politique entre les Kurdes, Sunnites et les partis shiites majoritaires s’est ajoutée la dissension entre Shiites marquée par le sit-in autour de la zone verte de plusieurs centaines de milliers des partisans du chef religieux chiite Muktada Sadr pour protester contre la corruption et pour exiger du premier ministre des réformes politiques radicales.

Les interférences américaines sur la conduite des opérations militaires retardent le début de l’offensive contre Mossoul. En effet les américains sous la pression de leurs alliés du Golfe veulent écarter l’Iran et les milices shiites de la reprise de Mossoul. Par ailleurs les Peshmergas refusent de prendre part à la délivrance de cette ville sunnite. Sans les milices et les Kurdes, l’armée irakienne qui est encore en reconstruction, est à 80Km de Mossoul et doit d’abord conquérir les villes et les villages qui couvrent les abords Sud de Mossoul. Par ailleurs, le gouvernement irakien maintient beaucoup de forces pour protéger les abords Ouest de Bagdad car les combattants qui tiennent Faluja demeurent une menace aux portes de Bagdad comme l’a montré leur offensive des djihadistes du 28 février qui est arrivée jusqu’à Abu Graih dont qui jouxte l’aéroport international de Bagdad.

Situation politique

Le 18 mars, une foule rassemblant plusieurs centaines de milliers de manifestants indépendants et de partisans de Muktada Sadr a commencé une marche vers le portail de la zone verte qui se situe au quartier de Karadat Mariam, près du pont de Jamhouryia. Les forces de l’ordre qui avaient renforcé leur présence, placé des fils barbelés autour de la zone verte et bloqué tous les ponts y aboutissant avec des blocs en béton n’ont rien fait pour empêcher les manifestants d’atteindre leur but sans incident. Un tel sit-in en face de la zone verte sans que cela se transforme en bataille rangée est une première en Irak. Au cours de sa marche, la foule scandait des slogans contre la corruption et pour des réformes politiques radicales. A l’extérieur de la zone verte, les forces de l’ordre ont perdu tout contrôle de la situation. Les masses de manifestants n’ont cessé d’affluer par milliers. Puis, des tentes ont été dressées autour de la zone verte.
Malgré les interventions de l’Iran qui lui a envoyé, d’abord, le général Qassem Soleimani, commandant en chef de la Force Al-Qods, puis une lettre lui demandant de mettre fin à cette action antigouvernementale du guide de la révolution iranienne l’ayatollah Ali Khamenei portée par le chef religieux chiite irakien Amar Al Hakim, Muktada Sadr semble décidé à mener son combat contre la corruption jusqu’au bout.

Fin mars, le premier Ministre Al Abadi a proposé un nouveau gouvernement composé de 16 ministres indépendants et n’appartenant à aucun des partis politiques représentés au parlement irakien. Néanmoins le parlement a levé sa séance du 31 mars sans voter la confiance au nouveau gouvernement. Son président, Salim Al Joubouri, a déclaré que le parlement s’était donné un délai de dix jours pour débattre des profils des candidats, examiner leurs dossiers et prendre sa décision à leur égard.

Si le parlement irakien ne vote pas la confiance à cette liste, le risque est grand de voir des manifestations violentes se développer dans tout le pays. L’Irak pourrait entrer dans une nouvelle phase de la guerre civile dans les gouvernorats actuellement calmes. En effet, le 31 mars, Muktada Sadr a menacé de retirer sa confiance au gouvernement actuel d’Al Abadi et de cesser d’appeler ses partisans à des manifestations pacifiques. Avant de lever le sit-in autour de la zone verte, Il a demandé à ses partisans de continuer leurs manifestations hebdomadaires les vendredis au centre de Bagdad jusqu’à ce que le parlement vote la confiance au nouveau gouvernement.

Situation militaire

Aucune évolution notable n’est à signaler au mois de mars malgré les communiqués de la coalition dirigée par les américains qui essaient d’amplifier l’importance de chaque petite avancée sur le terrain pour essayer de faire jeu égal avec le retentissement médiatique mondial de la prise de Palmyre par l’armée syrienne. Seules des victoires à Falouja et à Mossoul seraient de nature à modifier le jugement des observateurs impartiaux sur le peu de progrès de la coalition en Irak.

Falluja

Falluja est aujourd’hui encerclé par l’armée irakienne à l’Ouest, les tribus sunnites ralliées au Nord et à l’Est par les milices shiites de l’Organisme de Mobilisation Populaire. Falluja est défendu par 1500 à 2000 djihadistes en majorité étrangers et décidés à mourir sur place. La ville est un gruyère de tunnels reliant les maisons, les quartiers entre eux, il se dit même à Bagdad que dans certains on peut circuler en voiture. Enfin la population qui reste à Falluja est totalement acquise aux djihadistes.

1-mica-04-2016

Mossoul

Les américains n’ont pas réussi à convaincre Mustafa Sayed Kader, ministre des peshmergas, de les engager pour libérer Mossul qui n’est pas une ville Kurde. Les Pechmergas se contenteront vraisemblablement de tenir le front Nord et de conduire des opérations limitées sur des villages où existent des minorités kurdes ou non sunnite.

Comme le montre la carte ci-dessous, la prise de Mossoul n’est pas pour demain car les forces irakiennes sont encore à 80 km la capitale régionale et doivent d’abord conquérir plusieurs villes et franchir les obstacles naturels tenus par les djihadistes qui couvrent le Sud de la capitale du gouvernorat.
2-mica-04-2016
3-mica-04-2016

Personne n’espère donc à Bagdad une libération de Mossoul en 2016 car même si les américains ont renforcé le soutien en formation et appui qu’ils apportent à l’Armée irakienne en engageant 3000 parachutistes de la 101ème division aéroportée, aucun observateur n’envisage la participation directe des forces américaines aux combats au sol.

Situation sécuritaire

La situation sécuritaire est liée d’une part aux attentats qui augmentent dans 2 gouvernorats faisant accroitre fortement le nombre des morts par attentats en Irak à 664 morts en mars contre 450 morts en février, 397 morts en janvier et 545 en décembre 2015 et, d’autre part, par aux actes de banditismes (attaques à main armée et enlèvements) qui continuent d’augmenter notamment à Bagdad.

Les attentats sont concentrés à 62% a dans les 2 gouvernorats de Nineveh 221 morts au lieu de 92 en février et d’Al Anbar 176 morts contre 98. Viennent ensuite Babel 67 morts contre aucun en février; Salahuldein 65 contre 78; Bagdad 63 contre 69; Kirkuk 44 contre 77; Diyala 6 contre 36.

Général (2S) Jean-Bernard PINATEL


Analyse de la situation politique et militaire en Irak - Mars 2016

0 commentaires

En Irak, le mois de février a été le théâtre de l’affrontement des influences extérieures américaines et iraniennes ; les premières cherchant à écarter les milices shiites de la future bataille de Mosul ; les secondes, s’appuyant sur les partis shiites irakiens, essayant de les imposer dans une région pourtant essentiellement sunnite et kurde.

Sur le plan des opérations militaires, il semble clair que le gouvernement irakien veuille régler le cas de Faluja et sécuriser définitivement le Nord de Bagdad avant de s’attaquer à Mosul. Et la puissante contre-offensive menée par Daech le 28 février en direction de la ville d’Abou Ghraib, dont les limites Est touchent pratiquement l’aéroport international de Bagdad, est de nature à les conforter dans cette résolution.

Cette décision de s’emparer d’abord de Faluja, puis de sécuriser le nord-ouest de Bagdad jusqu’à Samara, repousse clairement à 2017 la reprise de Mosul. Elle contraint la diplomatie américaine à essayer de s’entendre avec les Russes pour éviter au camp démocrate, en cette année pré-électorale, l’humiliation de voir Raqqa, capitale de l’Etat islamique, libérée par les forces syriennes appuyées par les Russes alors qu’en Irak la bataille décisive de Mosul n’est même pas amorcée.

Situation militaire

13-03-2016-mica

Il semble que les irakiens veulent régler le cas de Faluja avant de s’attaquer à Mosul. En ce début du mois de mars Faluja est totalement encerclée mais la bataille pour chasser les djihadistes de la ville sera, à mon avis, extrêmement difficile. Daech est installé dans cette ville depuis longtemps et ses positions sont beaucoup plus fortifiées et piégées qu’à Ramadi.
Au sud de la ville de Faluja, les unités de l’armée et de la police irakiennes se trouvent à vue du pont de Faluja, situé à l’ouest de la ville mais le 26 février, elles ont dû repousser une contre-offensive lancée par Daech. Parallèlement, l’Etat-major irakien, cherche à couper les routes du Nord avec « l’organisation des milices populaires » qui a causé à Daech des pertes importantes en vies humaines et en matériels dans le district de Karma Nord-Est de Faluja.

Au nord de Faluja, dans la région d’Albou Abid, à 20 km au nord de Ramadi, selon un chef tribal de la région, toutes les routes d’approvisionnement de Daech ont été coupées par les hommes des tribus.

Le 28 février, Daech a lancé une vaste offensive sur Abou Ghreb, dans la région de Hasswa, à l’ouest de Bagdad, obligeant les populations locales à prendre la fuite. Les combattants de Daech ont, pendant ces combats, incendié le silo de Khan Dhari ainsi que plusieurs camions chargés de blé qui s’y trouvaient. L’aviation militaire irakienne a lancé plusieurs raids sur ces nouvelles positions de Daech pour les en déloger. C’était la première fois depuis 2014 que Daech arrive jusqu’à là. Des forces militaires irakiennes, notamment le régiment présidentiel, ont été déployées aux alentours de l’aéroport international de Bagdad, tout proche d’Abou Ghreb, pour parer à toute éventualité.

Sur le plan politique

Le 24 février, le premier ministre irakien Haider Al Abadi a évoqué la question des milices de l’Organisme de Mobilisation Populaire, en disant que ces forces doivent prendre part à la libération de la ville de Mosul. Cette déclaration a entrainé de fortes réactions dans les milieux politiques et populaires irakiens. L’utilisation des milices shiites pour libérer Mosul, ville à dominante sunnite et à forte minorité kurde, est perçue par les sunnites comme une volonté de les écarter de cette bataille et de remplacer l’occupation actuelle de la ville par les djihadistes de l’Etat Islamique par celle des milices pro-iraniennes. Haider Al Abadi a déclaré que la décision de libérer Mosul serait une décision purement irakienne. Les partis et les coalitions shiites ont, bien sûr, soutenu cette déclaration tandis que les partis sunnites ont critiqué ses propos, soulignant que la libération de la ville de Mossoul doit être faite par les habitants de ce gouvernorat sunnite en coopération avec l’armée irakienne et les peshmergas mais sans la participation des milices shiites.

Tout de suite après sa déclaration, le premier ministre a tenu à rencontrer, à plusieurs reprises, les chefs des milices shiites pour leur faire part de son soutien et démentir les rumeurs de pressions américaines et internationales. Pour les observateurs, cela constitue une volte-face d’Al Abadi par rapport aux accords passés avec les parties locales et internationales dans le cadre de la lutte contre Daech. Ces accords avaient prévu d’écarter les milices shiites des champs de bataille qui se trouvent dans les gouvernorats à majorité sunnite, à consolider le rôle de l’armée irakienne et des combattants des tribus sunnites dans les combats contre Daech. Cette déclaration d’Al-Abadi est semble-t-il destinée à conforter sa position intérieure vis à vis des partis shiites car elle a été faite juste après son annonce de remanier son gouvernement en l’ouvrant à des techniciens ce qui pourrait entrainer le départ de plusieurs ministres shiites. Ce faisant, il rejoint les rangs des pro-iraniens car écarter les milices shiites c’est écarter politiquement l’Iran de la scène irakienne. Pour l’Iran, les villes irakiennes à l’Est du Tigre sont ses portes vers la Syrie. C’est pourquoi Téhéran essaie d’imposer les milices shiites en tant que composante de la bataille de Mosul, afin d’éviter le scénario de la bataille de libération de Ramadi qui s’est déroulée sous surveillance et commandement américain direct et avec une participation sunnite armée et efficace.

Situation sécuritaire

A Bagdad, en général, les crimes organisés de vol à main armée en plein jour, en uniformes militaires ou policiers et à bord de voitures ressemblant à des véhicules officiels, de kidnapping et d’assassinats pour diverses raisons ont continué comme avant. Mais les attentats à l’explosif et à la voiture piégée ont baissé. Le plus violent attentat à l’explosif a eu lieu, le 25 février au soir, lorsque deux kamikazes portant des ceintures d’explosifs se sont fait exploser dans une mosquée shiite, située au quartier de Shula, faisant 12 morts et une trentaine de blessés.
Dans 12 des gouvernorats du Nord et du Sud, la situation sécuritaire est toujours calme et sous contrôle, et reste toujours tendue dans l’ensemble des 6 gouvernorats dans lesquels Daesh réalise des attentats puisque l’on déplore 450 morts contre 397 morts en janvier et 545 en décembre 2015.

Ainsi, dans le gouvernorat d’Al Anbar on déplore 98 morts contre 106 morts en janvier et 182 en décembre ; à Nineveh 92 morts contre 86 en janvier et 132en décembre ; à Salahuldein 78 morts contre 74 en janvier et 86 en décembre, à Kirkuk 77 morts contre 43 en janvier et 73 en décembre ; à Diyala 36 morts contre 32 en janvier et en décembre et à Bagdad 69 morts contre 56 en janvier et 60 en décembre.

Général (2S) Jean-Bernard PINATEL


« Previous Entries