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Afghanistan : 10 ans de guerre pour rien ?

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L’armée française a officiellement quitté ce mardi le district de Surobi, près de Kaboul. Une étape cruciale du retrait de ses troupes d’Afghanistan, qui doit s’achever à la fin 2013. Malgré des succès locaux, les Taliban contrôlent toujours une partie du pays et il est probable qu’une guerre civile se déclenche après la fin du retrait américain en 2014.

Le retrait prématuré des forces françaises d’Afghanistan est l’occasion de souligner l’échec de la stratégie politique et opérationnelle américaine de contre-insurrection, adoptée « nolens volens » par tous les contingents occidentaux présents sur ce théâtre d’opérations.

L’échec de la stratégie politique

Il est probable qu’après la fin du retrait américain en 2014 le régime Karzaï ne pourra survivre bien longtemps et que s’installera dans ce pays une guerre civile opposant le Sud et le Sud-Est au Nord et au Nord-Ouest du pays.

En effet, c’est au Sud, peuplé majoritairement par des Pachtounes qui représentent environ 40% de la population qu’est né le mouvement taliban. Les cadres Taliban ont été formés dans les madrasas, ces écoles coraniques supérieures installées dans zones rurales du Sud.

Les autres minorités ethniques n’accepteront pas sans combattre de se soumettre à leur domination. En premier lieu les Tadjiks (30% environ de la population) qui vivent autour d’Hérat et dans les montagnes du nord-est à proximité du Tadjikistan et dont était issu le commandant Massoud, chef de l’Alliance du Nord, tué par les Talibans en 2001. Mais aussi les Hazaras de religion chiite, les Ouzbeks, les Aïmaqs et les Turkmènes qui représentent à eux tous environ 30% de la population.

Les Américains, toujours accrochés à leur stratégie d’adversaire-partenaire avec la Russie et la Chine, conforme à leurs intérêts planétaires, ont été incapables de mettre sur pied une coalition impliquant toutes les parties prenantes dans le règlement de ce conflit [1]. Ils ont tenu à l’écart, outre ces acteurs mondiaux, un acteur régional, l’Iran qui a pourtant des intérêts importants dans ce pays et n’ont pas réussi à impliquer suffisamment le Pakistan pour qui l’Afghanistan est stratégique par la profondeur qu’il leur apporte face à l’Inde.

Ces pays après le départ des Occidentaux seront forcés de prendre le relais car ils ne pourront accepter sans réagir la mise en place à leurs frontières ou dans leur zone d’intérêt d’un régime taliban surtout s’il est dominé par des extrémistes islamiques.

L’échec de la stratégie opérationnelle

Toute stratégie opérationnelle de contre-insurrection doit combiner des composantes militaire, économique et politique. Ces trois aspects de la stratégie opérationnelle mise en œuvre par les Américains sont des échecs plus ou moins complets.

Force est de constater que malgré des succès locaux, les Taliban n’ont pas été éliminés et contrôlent toujours une partie du pays. Cet échec est lié à la stratégie choisie par les Américains jusqu’en 2009. Impliqués en Irak, ils ont menés en Afghanistan une « guerre à distance » causant des dommages collatéraux à la population afghane. La stupidité de la stratégie opérationnelle américaine dans les 8 premières années de la guerre se résume à cette équation : « une mission moyenne de deux heures, sans tir, d’un chasseur-bombardier moderne équivaut presque à la solde mensuelle d’un bataillon afghan » [2].

Ce n’est qu’à partir de 2009, avec l’arrivée du général Stanley McChrystal que « les Afghans ont été placés au centre de la stratégie opérationnelle. Nous devons les protéger de toute violence qu’elle qu’en soit la nature », a déclaré le général à sa prise de fonction. Par ailleurs « l’afghanisation » de la guerre n’a vraiment commencé qu’à cette date. Si aujourd’hui l’armée afghane a acquis quelque consistance, la police est en majorité corrompue, infiltrée et est incapable d’assumer son rôle de gardienne de l’ordre public.

Le volet économique est aussi un échec si on le rapporte aux sommes investies. Une grande partie de cette manne financière a été détournée par la corruption ou mal utilisée. La preuve en est dans le développement parallèle de la culture de l’opium [3]. Représentant 90% de la production mondiale totale, elle est devenue la première activité productrice du pays. L’économie de l’opium représenterait près de 7 milliards de dollars, loin devant le premier revenu d’exportation, qui est celui des tapis, pour 187 millions de dollars [4].

Bilan pour l’Armée française

Sur un plan strictement militaire, le bénéfice en termes d’expériences acquises l’emporte nettement malgré les pertes subies et le coût financier des opérations.

Le coût humain de la présence d’un contingent français qui a compté jusqu’à 4000 hommes est relativement faible, même si la mort d’un soldat est toujours une mort de trop. En effet, nous avons enregistré des pertes très inférieures à celles subies lors de la guerre d’Algérie, comparable en termes de durée, de nature du théâtre d’opérations et des modes d’action de l’adversaire. En effet, en 90 mois de présence [5], entre novembre 1954 et juillet 1962, 24 614 militaires ont été tués en Algérie soit 273 militaires tués par mois contre moins d’un par mois en Afghanistan (82 soldats tués en 90 mois entre août 2004 – janvier 2012).

Face à ce coût humain, toujours insupportable pour les familles endeuillées, le bénéfice en termes de défense et de sécurité nationale est considérable. En effet, une armée qui n’est pas confrontée à la dure réalité du combat, perd ses valeurs militaires, sa capacité opérationnelle s’étiole et la formation de ses chefs et de ses hommes reste théorique, tandis que, dans les choix en matière d’équipement [6], les impératifs économiques (plan de charge des industries de défense) s’imposent aux impératifs opérationnels.

L’armée française va se retirer d’Afghanistan avec une expérience considérable, acquise face à une menace multiforme mettant en jeu des combinaisons évolutives d’adversaires poursuivant des objectifs religieux, politiques ou mafieux et qui s’associent tactiquement ou stratégiquement pour les atteindre. Cette expérience va probablement nous servir rapidement face à la menace de même type qui se développe au Sahel, plus près de nos frontières.

Général (2S) Jean-Bernard PINATEL

Lire également dans : Atlantico

[1] Lire mon analyse publiée le 21 juillet 2011 : Réussir le désengagement en Afghanistan pour que nos soldats ne soient pas morts pour rien.

[2] Michel Goya, Impressions de Kaboul.

[3] Production évaluée à 6.900 tonnes en 2009. Selon l’ONUDC, pour le seul opium, 123 000 hectares étaient consacrés en 2010 à la culture et 248 000 familles étaient employées à cette activité, la valeur de la production d’opium pour les producteurs s’élevant selon l’ONUDC à 605 millions de dollars (sa valeur à l’exportation étant naturellement bien supérieure). En outre, le poids économique de l’héroïne en Afghanistan a très considérablement augmenté au cours de la période récente du fait de l’installation sur le territoire afghan de laboratoires de transformation de l’opium.

[4] http://www.senat.fr/rap/l11-670/l11-6701.pdf

[5] Algérie, novembre 1954 - avril 1962 ; Afghanistan, août 2004 - janvier 2012.
Lire mon analyse du 27 janvier 2012 : Afghanistan : faut-il modifier le calendrier de retrait de nos soldats ?.

[6] Il serait trop long de raconter ici tout ce qui a manqué en 2004 aux premiers contingents envoyés en Afghanistan.


Afghanistan : faut-il modifier le calendrier de retrait de nos soldats ?

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Article cité en référence sur : France Info
La mort de 4 de nos soldats en Afghanistan a relancé le débat du calendrier de retrait de nos forces.

Que doit-on en penser ?

Sur le plan politique, on peut être d’accord ou pas d’accord sur le bienfondé de notre présence qui peut s’analyser en considérant les objectifs politiques que nous poursuivons rapporté au coût économique et humain de l’engagement. En cette période électorale, où les démagogues s’en donnent à cœur joie, je laisse à chacun le soin d’évaluer les conséquences pour nos intérêts dans le monde, notamment en termes de crédibilité, si la France laissait tomber ses alliés parce que 4 soldats sont morts au champ d’honneur.

Sur un plan militaire, l’analyse doit être faite en prenant en compte le coût humain de l’intervention en le comparant au retour d’expérience que nos armées en tirent en termes de capacités opérationnelles et de définition des besoins en matériels.

Sur un plan strictement militaire, le bénéfice l’emporte nettement sur le prix humain à payer.

Pourquoi ?

Le coût humain de cette présence est relativement faible, même si la mort d’un soldat est toujours une mort de trop. En effet, nous avons enregistré, en 90 mois de présence, des pertes très faibles comparées à celle subies lors de la guerre d’Algérie, pour une durée égale [1]. En effet, entre novembre 1954 et juillet 1962, 24 614 militaires ont été tués en Algérie soit 273 militaires tués par mois contre moins d’un par mois en Afghanistan (82 soldats tués en 90 mois entre aout août 2004 – janvier 2012).

Face à ce coût humain relativement peu élevé, le bénéfice en termes de défense et de sécurité nationale est considérable. En effet, une armée qui n’est pas confrontée à la dure réalité du combat, perd ses valeurs militaires, sa capacité opérationnelle s’étiole et la formation de ses chefs et de ses hommes reste théorique, tandis que dans les choix en matière d’équipement [2], les impératifs économiques (plan de charge des industries de défense) s’imposent aux impératifs opérationnels.

En outre, l’Armée française se retirera d’Afghanistan avec une expérience considérable face à la menace que nous allons rencontrer hors de nos frontières et probablement sur notre territoire national dans les années à venir. Cette menace est multiforme car elle met en jeu des forces qui poursuivent des objectifs religieux, ou politiques ou mafieux et qui s’associent tactiquement ou stratégiquement pour les atteindre. Ainsi, en Afghanistan, il s’agit pour les chefs talibans d’instaurer un ordre «  islamique et vertueux  » pour remplacer l’ordre « païen et corrompu », mis en place par les forces occidentales. Néanmoins, les Talibans ne représentent qu’une minorité des combattants (environ 15%). Lorsqu’ils étaient au pouvoir, ils punissaient de mort les trafiquants d’opium. Aujourd’hui, confrontés à la nécessité de financer leur guerre, ils sont devenus, comme les FARC en Colombie, les compagnons de route des producteurs et des trafiquants de pavot dont la culture est bien souvent une question de survie pour l’agriculteur afghan, en l’absence de développement économique et de culture de substitution. Les intérêts des trafiquants qui bénéficient de ce désordre sont aujourd’hui proches de ceux des terroristes qui ont besoin de cet argent pour mener leur combat. Notons au passage que chaque année 300 Français meurent d’overdose de cocaïne [3] provenant à plus de 90% d’Afghanistan à comparer avec ceux qui perdent leur vie au champ d’honneur.

Enfin, nous sommes en Afghanistan dans le cadre de l’OTAN, structure qui préfigure, je le souhaite, le cadre d’une défense européenne, organisation que nous devons européaniser au maximum. Alors que la politique de la chaise vide, pratiquée depuis le retrait en 1966 de l’organisation militaire, n’avait servi à rien et n’a surtout pas permis de faire avancer la défense européenne, nous nous confrontons quotidiennement aux autres armées européennes et nous exerçons une influence par notre présence, nos résultats et la qualité de nos soldats. Abandonner la coalition parce que nous avons eu 4 morts enverrait à nos alliés et à nos adversaires un signal dont nous subirions longtemps les conséquences négatives pour nos intérêts partout dans le monde.

Général (2S) Jean-Bernard PINATEL

[1] Algérie, novembre 1954 – avril 1962; Afghanistan, août 2004 – janvier 2012.

[2] Il serait trop long de raconter ici tout ce qui a manqué en 2004 aux premiers contingents envoyés en Afghanistan.

[3] www.drogues.gouv.fr

Autres sources : Atlantico


Afghanistan :
l’irresponsabilité de Martine Aubry

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Au lendemain de la mort d’un 74ème soldat français en Afghanistan, Martine Aubry a affirmé qu’il fallait un changement de stratégie et un retrait plus rapide des troupes. Un discours démagogique ?

« Il faut un retrait militaire rapide d’Afghanistan », a déclaré Madame Aubry à l’occasion de la mort, ce dimanche, 14 août 2011, du 74ème soldat français sur ce théâtre d’opérations où nos forces sont engagées depuis dix ans, utilisant une émotion légitime pour formuler une proposition démagogique et contraire à la sécurité des Français.

Faut-il lui rappeler que François Mitterrand, auquel tous les candidats socialistes font référence, avait eu une attitude autrement plus responsable après la tragédie du Drakkar au Liban où 58 parachutistes avaient trouvé la mort le 23 octobre 1983 ? Dans une déclaration à son retour du Liban, où il s’était rendu au lendemain du drame, François Mitterrand réaffirmait notre engagement en ces termes: « A tous, je dis qu’un pays est grand par sa force d’âme, sa résolution comme par les amitiés et le respect qui les méritent. La France reste et restera fidèle à son histoire et à ses engagements ».

Je voudrais une fois de plus rappeler certaines évidences que les candidats à la présidence de la République ne doivent pas oublier et dont Nicolas Sarkozy a compris toute l’importance durant son premier mandat.

Combattre Al-Qaïda en Afghanistan oblige cette organisation à concentrer ses efforts sur le théâtre AfPak (Afghanistan et Pakistan) au lieu de disposer de tous ses moyens pour nous attaquer sur notre sol. Si par un retrait rapide de nos troupes nous laissons l’Afghanistan redevenir un sanctuaire d’Al-Qaïda nous lui fournissons une base pour entrainer et fanatiser ses combattants. Cela équivaut à accepter à nouveau des morts et des blessés civils en France.

Par ailleurs, l’emploi des forces armées sur des théâtres d’opérations extérieurs reste au XXIe siècle un outil d’autant plus indispensable pour la politique étrangère et pour la sécurité d’un État que les menaces auxquelles nous avons à faire face sont diffuses et dépassent nos frontières.

Rester en Afghanistan : une nécessité pour l’armée française

En outre, une armée qui n’est pas engagée dans des opérations se fonctionnarise et perd de sa valeur opérationnelle. Les chefs qui accèdent aux plus hauts postes sont choisis pour leurs qualités de gestionnaires et non plus sur leur aptitude à commander au combat. En effet, la capacité opérationnelle des forces armées est le résultat de multiples retours d’expérience à tous les niveaux qui ne s’acquièrent qu’en opération. Je suis toutefois conscient que mes propos peuvent choquer les familles des morts et des blessés.

Mais une armée, pour remplir pleinement les missions que lui confient la nation, doit être engagée dans des combats, ce qui entraine nécessairement des morts et des blessés. Ces engagements sont indispensables pour forger jour après jour la force morale des soldats et adapter les modes d’action et les équipements à la réalité du champ de bataille. Refuser cette évidence c’est dépenser beaucoup d’argent pour la Défense sans être assuré de l’efficacité de cet investissement.

Enfin, je ne peux passer sous silence le tribut que payent chaque année les jeunes français qui consomment de la drogue provenant d’Afghanistan, conséquence de l’absence dans ce pays d’un gouvernement responsable et non corrompu, et d’un développement économique qui éradique la pauvreté. Ceux qui prônent un retrait rapide d’Afghanistan font, sans le dire, subir à nos compatriotes la pérennisation des conséquences de la drogue qui y est produite et qui engendre près de 300 morts par an en France.

Comme je l’ai écrit dans un précédent article, le désengagement d’Afghanistan est une manœuvre complexe et délicate qui demande du temps et qui ne doit pas être soumise à une quelconque démagogie électoraliste, en France comme aux États-Unis.

Général (2S) Jean-Bernard PINATEL

Autres sources : Atlantico


Le vrai hommage à nos soldats sera de regarder la situation de l’Afghanistan en face

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La semaine passée, le Président de la République a rendu hommage aux sept soldats morts récemment en Afghanistan. Alors que le retrait des troupes françaises est prévu à l’horizon 2014 et pour que ces soldats ne soient pas morts pour rien, le désengagement doit être accompagné d’une reconstruction politique et étatique du pays avec l’ensemble des acteurs internationaux ainsi que les Talibans. Explications.

Il faut d’abord affirmer que la présence de nos forces dans ce pays depuis 2001 a contribué à éviter des attentats meurtriers en France car la nouvelle forme de guerre à laquelle nous sommes confrontés ignore les frontières.

En 1976, dans « la guerre civile mondiale [1] » je décrivais ainsi la nouvelle forme de guerre à laquelle nous devrions faire face à l’avenir : « à y regarder d’un peu près, le concept d’une guerre civile mondiale cerne assez étroitement la réalité. Il transpose, à l’échelle de la planète désormais ressentie comme un monde fini, l’idée du combat fratricide que se livrent les citoyens d’un même Etat. Et il est bien exact que le système international actuel est le premier à avoir une vocation mondiale, sans échappatoires possibles à ses blocages et à ses conflits. Il implique une guerre sans front, qui déborde les frontières et dépasse les militaires, pour défendre des enjeux vitaux dans un processus qui peut aller jusqu’à la mort.… A force de détournements d’avions et d’actes terroristes, les Palestiniens ont essayé d’impliquer le monde entier dans leur cause, et le monde dans leur ensemble est de venu leur champ de tir. »

En allant combattre en Afghanistan les talibans, qui permettaient à Al Qaïda de disposer d’un sanctuaire pour entrainer et fanatiser ses combattants, nous les avons obligés à se battre sur place, nous leur avons causé des pertes importantes et nous avons réduit ainsi le risque d’attentats sur notre sol. C’est un fait incontestable : aucun attentat majeur n’a eu lieu depuis lors aux États-Unis ou en France malgré une menace toujours présente qui a réclamé, parallèlement à l’action hors de nos frontières, une vigilance constante sur notre sol de nos services spécialisés (DCRI en particulier) et de l’ensemble de la population.

J’affirme que la sécurité dont nous avons profité sur notre territoire depuis 2001 est en partie due au combat qu’ont mené nos soldats à Kaboul.

Ainsi, réussir cette manœuvre suppose de trouver un accord avec toutes les parties prenantes internes et externes de ce conflit

Pour que demain les éternels contempteurs de toute action militaire ne puissent prétendre « qu’ils sont morts pour rien » et pour écarter durablement le risque terroriste venant d’Afghanistan, il est impératif de réussir cette manœuvre de désengagement militaire. Elle doit comprendre une dimension politique et diplomatique qui est essentielle à son succès. Les militaires pakistanais, qui exercent en sous-main le pouvoir effectif dans ce pays, considèrent que l’Afghanistan doit leur offrir la profondeur stratégique qui leur fait défaut face à l’Inde. Ils veulent donc à Kaboul un régime ami qui rejette toutes les ouvertures indiennes de coopération économique ou militaire.

L’Iran où vivent deux millions de Baloutches, a accueilli sur son sol depuis l’invasion de l’URSS, 3 millions de réfugiés Afghans et compte achever le bouclage de ses frontières avec le Pakistan et l’Afghanistan au plus tard en 2015 pour stopper l’infiltration de groupes armés et le trafic de drogue [2], l’Iran a, en effet, entrepris depuis les années 90 la construction d’un mur de 1800 km le long de ces frontières.

La Chine, qui a passé récemment un accord stratégique [3] avec Islamabad, voit dans le Pakistan un pays qui lui permettra de s’affranchir du détroit d’Ormuz pourson approvisionnement pétrolier et gazier et dans l’Afghanistan une source de matières premières [4].

Les talibans afghans seront, d’une manière ou d’une autre, partie prenante du devenir de l’Afghanistan

La Russie, confrontée encore plus que nous au terrorisme islamique, a un intérêt majeur à ce qu’un régime fort, non contrôlé par les islamistes, perdure à Kaboul. Dès janvier 2009, le représentant russe auprès de l’OTAN, Dmitri Rogozine, déclarait [5] que la Russie était prête à reconstruire en Afghanistan les 142 ouvrages industriels que l’URSS avait édifiés. Elle dispose aussi dans les anciens pays de l’empire soviétique de forces et de points d’appui essentiels pour favoriser la stabilisation afghane.

En effet, la Russie reste de fait la puissance tutélaire du Tadjikistan [6], avec la présence de la 201ème division de fusiliers motorisés (l’une des plus importantes sur un territoire étranger avec 5 000 hommes) et le site d’observation de l’espace « Okno » près de Nourek. Le président d’Ouzbékistan [7], Islom Karinov leur a cédé la base aérienne de Ghissar, situé à l’Ouest de la capitale Douchanbé. D’ores et déjà, les forces spéciales russes coopèrent avec les forces de sécurité de l’Ouzbékistan pour faire face aux menaces du parti clandestin Hizb ut-Tahrir (le Parti de libération islamique) qui a étendu son influence sur les pays limitrophes de l’Ouzbékistan et de la Russie.

Pour la seconde année, en août 2010, le président Dmitri Medvedev a tenu une réunion avec les présidents du Tadjikistan, de l’Afghanistan et du Pakistan à Sotchi pour discuter de la coopération sur les questions régionales. Les entretiens ont abordé notamment la lutte contre le terrorisme, l’extrémisme et le trafic de drogue ainsi que la reconstruction de l’Afghanistan.

C’est à l’Europe qu’il revient de réunir cette vaste conférence internationale et de mettre autour d’une table toutes ces parties prenantes car les américains n’en veulent pas. Ils ne souhaitent pas, en effet, se lier les mains par des accords internationaux et ne veulent pas siéger à la même table que l’Iran et probablement que la Russie dont pourtant dépendent une partie de stabilité future de l’Etat Afghan.

Le sacrifice de nos soldats constitue une ardente obligation pour le Président de la République. Il lui commande de tout tenter pour réussir ce désengagement, au risque de déplaire à notre allié américain.

Général (2S) Jean-Bernard PINATEL

Autres sources : Atlantico

[1] « La guerre civile mondiale », co-écrit avec Jacqueline Grapin, Calmann-Lévy, 1976.

[2] Les autorités iraniennes ont saisi, entre mars 2010 et mars 2011, quelque 420 tonnes de drogues, représentant 80% de l’opium et 40% de l’héroïne saisis dans le monde, selon des chiffres officiels.

[3] Lire l’article : « La Chine derrière la mort de Ben Laden ».

[4] Ainsi, en avril 2009, l’entreprise d’État China Metallurgical Construction Corporation a payé 3,5 milliards de dollars – plus du double de la somme escomptée – pour acquérir la mine de cuivre d’Aynak, à 50 km au sud de Kaboul, dans la province du Logar contrôlée par les Talibans.

[5] RIA Novosti, M. Fomichev, 27 janvier 2010.

[6] Les Tadjiks représentent 25% de la population afghane.

[7] Les Ouzbeks représentent 6% de la population afghane.


Réussir le désengagement en Afghanistan pour que nos soldats ne soient pas morts pour rien

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Il faut d’abord affirmer que la présence de nos forces dans ce pays depuis 2001 a contribué à éviter des attentats meurtriers en France car la nouvelle forme de guerre à laquelle nous sommes confrontés ignore les frontières.

En 1976, dans « La guerre civile mondiale » [1] je décrivais ainsi la nouvelle forme de guerre à laquelle nous devrions faire face à l’avenir : « à y regarder d’un peu près, le concept d’une guerre civile mondiale cerne assez étroitement la réalité. Il transpose, à l’échelle de la planète désormais ressentie comme un monde fini, l’idée du combat fratricide que se livrent les citoyens d’un même État. Et il est bien exact que le système international actuel est le premier à avoir une vocation mondiale, sans échappatoires possibles à ses blocages et à ses conflits. Il implique une guerre sans front, qui déborde les frontières et dépasse les militaires, pour défendre des enjeux vitaux dans un processus qui peut aller jusqu’à la mort. …A force de détournements d’avions et d’actes terroristes, les Palestiniens ont essayé d’impliquer le monde entier dans leur cause, et le monde dans leur ensemble est de venu leur champ de tir. »

En allant combattre en Afghanistan, les Talibans – qui permettaient à Al Qaïda de disposer d’un sanctuaire pour entrainer et fanatiser ses combattants – nous les avons obligés à se battre sur place, nous leur avons causé des pertes importantes et nous avons réduit ainsi le risque d’attentats sur notre sol. C’est un fait incontestable : aucun attentat majeur n’a eu lieu depuis lors aux États-Unis ou en France malgré une menace toujours présente qui a réclamé, parallèlement à l’action hors de nos frontières, une vigilance constante sur notre sol de nos services spécialisés (DCRI en particulier) et de l’ensemble de la population.

J’affirme que la sécurité dont nous avons profité sur notre territoire depuis 2001 est en partie due au combat qu’ont mené nos soldats à Kaboul.

Pour que demain les éternels contempteurs de toute action militaire ne puissent prétendre « qu’ils sont morts pour rien » et pour écarter durablement le risque terroriste venant d’Afghanistan, il est impératif de réussir cette manœuvre de désengagement militaire. Elle doit comprendre une dimension politique et diplomatique qui est essentielle à son succès. L’objectif durant cette période est de continuer à réduire au maximum les extrémistes « internationalistes » d’Al Qaïda et de les dissocier des talibans afghans qui ont des objectifs majoritairement « nationaux » et qui seront, d’une manière ou d’une autre, partie prenante du devenir de l’Afghanistan.

Ainsi, réussir cette manœuvre suppose donc de trouver un accord avec toutes les parties prenantes internes et externes de ce conflit. Doivent donc être intégrés dans ce processus d’une part les pays qui ont une frontière commune avec l’Afghanistan : le Pakistan, la Chine, l’Iran et les anciens pays de l’empire soviétique que sont le Turkménistan, l’Ouzbékistan et le Tadjikistan et d’autre part les grandes puissances qui ont un intérêt à ce que ce désengagement ne permette pas aux islamistes radicaux de se renforcer, au premier chef la Russie et les grands pays occidentaux qui ont envoyé des troupes sur place.

Le Pakistan est, en effet, le premier intéressé par le devenir de l’Afghanistan. Les militaires pakistanais, qui exercent en sous-main le pouvoir effectif dans ce pays, considèrent que l’Afghanistan doit leur offrir la profondeur stratégique qui leur fait défaut face à l’Inde. Ils veulent donc à Kaboul un régime ami qui rejette toutes les ouvertures indiennes de coopération économique ou militaire.

L’Iran où vivent 2 millions de Baloutches, a accueilli sur son sol depuis l’invasion de l’URSS, 3 millions de réfugiés Afghans et compte achever le bouclage de ses frontières avec le Pakistan et l’Afghanistan au plus tard en 2015 pour stopper l’infiltration de groupes armés et le trafic de drogue [2], l’Iran a, en effet, entrepris depuis les années 90 la construction d’un mur de 1800 km le long de ces frontières.

La Chine, qui a passé récemment un accord stratégique [3] avec Islamabad, voit dans le Pakistan un pays qui lui permettra de s’affranchir du détroit d’Ormuz pour son approvisionnement pétrolier et gazier et dans l’Afghanistan une source de matières premières [4].

La Russie, confrontée encore plus que nous au terrorisme islamique, a un intérêt majeur à ce qu’un régime fort, non contrôlé par les islamistes, perdure à Kaboul. Dès janvier 2009, le représentant russe auprès de l’OTAN, Dmitri Rogozine [5], déclarait que la Russie était prête à reconstruire en Afghanistan les 142 ouvrages industriels que l’URSS avait édifiés. Elle dispose aussi dans les anciens pays de l’empire soviétique de forces et de points d’appui essentiels pour favoriser la stabilisation afghane.

En effet, la Russie reste de fait la puissance tutélaire du Tadjikistan [6], avec la présence de la 201e division de fusiliers motorisés (l’une des plus importantes sur un territoire étranger avec 5 000 hommes) et le site d’observation de l’espace « Okno » près de Nourek. Le président d’Ouzbékistan [7], Islom Karinov leur a cédé la base aérienne de Ghissar, situé à l’Ouest de la capitale Douchanbé. . D’ores et déjà, les forces spéciales russes coopèrent avec les forces de sécurité de l’Ouzbékistan pour faire face aux menaces du parti clandestin Hizb ut-Tahrir (le Parti de libération islamique) qui a étendu son influence sur les pays limitrophes de l’Ouzbékistan et de la Russie.

Pour la seconde année, en août 2010, le président Dmitri Medvedev a tenu une réunion avec les présidents du Tadjikistan, de l’Afghanistan et du Pakistan à Sotchi pour discuter de la coopération sur les questions régionales. Les entretiens ont abordé notamment la lutte contre le terrorisme, l’extrémisme et le trafic de drogue ainsi que la reconstruction de l’Afghanistan.

C’est à l’Europe qu’il revient de réunir cette vaste conférence internationale et de mettre autour d’une table toutes ces parties prenantes car les américains n’en veulent pas. Ils ne souhaitent pas, en effet, se lier les mains par des accords internationaux et ne veulent pas siéger à la même table que l’Iran et probablement que la Russie dont pourtant dépendent une partie de stabilité future de l’Etat Afghan.

Le sacrifice de nos soldats constitue une ardente obligation pour le Président de la République. Il lui commande de tout tenter pour réussir ce désengagement, au risque de déplaire à notre allié américain.

Général (2S) Jean-Bernard PINATEL

[1] « La guerre civile mondiale », co-écrit avec Jacqueline Grapin, Calmann-Lévy, 1976.

[2] Les autorités iraniennes ont saisi, entre mars 2010 et mars 2011, quelque 420 tonnes de drogues, représentant 80% de l’opium et 40% de l’héroïne saisis dans le monde, selon des chiffres officiels.

[3] Lire l’article : « La Chine derrière la mort de Ben Laden ».

[4] Ainsi, en avril 2009, l’entreprise d’État China Metallurgical Construction Corporation a payé 3,5 milliards de dollars – plus du double de la somme escomptée – pour acquérir la mine de cuivre d’Aynak, à 50 km au sud de Kaboul, dans la province du Logar contrôlée par les Talibans.

[5] RIA Novosti, M. Fomichev, 27 janvier 2010.

[6] Les Tadjiks représentent 25 % de la population afghane.

[7] Les Ouzbeks représentent 6 % de la population afghane.


La mission du Général Irastorza : pourquoi ? pourquoi faire ? quelles mesures pour mieux protéger nos soldats ?

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Pourquoi une telle mission ?

Si l’on se réfère aux déclarations des autorités militaires françaises, cet attentat marque une évolution dans les modes d’actions des Talibans qui ont eu recours à un mode opératoire de leur fraction extrémiste, lié à Al Qaida. Les tactiques de guérilla qu’ils utilisaient contre nos forces, harcèlement, embuscades, n’ont pas empêché nos soldats de sécuriser les deux zones qui leurs étaient confiées, d’y mener des actions destinées à impliquer la population dans les actions de développement et de sécurité et de créer ainsi les conditions pour transférer, petit à petit, les responsabilités de la sécurité aux forces afghanes.

Cet attentat est perçu comme un aveu d’impuissance militaire des Talibans et, pour nos forces, implique d’ajouter à nos actions de contre-guérilla, un mode d’action d’anti-terrorisme.

Que va faire sur place le Général Irastorza ?

Selon moi, il va sur place pour faire trois choses :

  • vérifier que ce diagnostic est le bon;
  • évaluer que les mesures immédiatement prises après l’attentat par les militaires sur place sont pertinentes et suffisantes;
  • étudier avec les responsables militaires locaux des mesures de sureté et de protection nouvelles qui doivent répondre au double objectif :
  • mieux protéger nos soldats;
  • ne pas mettre en cause leur mission, à savoir gagner le cœur de la population.

Quels sont ces mesures ?

Elles sont de deux types, défensives et offensives :

Défensives : elles sont du même type que celles que nous connaissons dans nos aéroports : contrôle strict et fouille de toute personne devant avoir accès à des lieux ou des locaux qui peuvent être un objectifs : rassemblement de notables ou de population, par exemple;

Offensives : renseignement sur les groupes locaux qui projettent des attentats de type Kamikaze, infiltration et neutralisation avant action; c’est ce que réalise en France la DCRI.

Il ne faut pas s’attendre, à la suite de cette mission, à ce que le détail de ce qui sera fait soit communiqué. Il ne peut être question de dévoiler à nos adversaires les mesures prises.

Que faisons-nous en Afghanistan et pourquoi ne pas accélérer notre retrait ?

Il ne faut pas oublier que la présence de nos forces comme de celles de la Coalition est liée au fait que les Talibans [1] ont accepté la présence de Ben Laden et des camps d’entrainement d’Al Qaida, leur permettant ainsi de mener des actions terroristes dans le monde entier dont la plus spectaculaire fut celle du 11 septembre 2001 à New York.

Tout l’enjeu pour les puissances occidentales mais aussi pour la Russie et pour la Chine, qui subissent aussi sur leur sol ces actes terroristes, est de liquider cette minorité extrémiste. Cela ne peut se faire qu’avec l’appui du Pakistan dont les militaires semblent avoir compris que cette minorité leur causait plus de soucis qu’ils n’en tiraient de bénéfices. Le lâchage de Ben Laden et de plusieurs autres responsables d’Al Qaida qu’ils abritaient sur leur territoire en est la preuve. C’est tout l’enjeu de la transition en cours qui ne réussira qu’avec l’appui d’Islamabad.

Général (2S) Jean-Bernard PINATEL

[1] dont la très grande majorité n’a pour objectif que la prise du pouvoir à Kaboul et y imposer un système islamiste radical.


La Chine derrière la mort de Ben Laden ?

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Général (2S) et dirigeant d’entreprise, Jean-Bernard PINATEL est un expert reconnu des questions géopolitiques et d’intelligence économique. Il est l’auteur de «Russie, Alliance vitale» , paru dernièrement aux éditions Choiseul.

A quel prix les Pakistanais ont-ils livré Ben Laden aux Américains ? Il est vraisemblablement impossible que les services secrets pakistanais n’aient pas été au courant de la présence du leader d’Al-Qaeda, sur leur territoire. Le tout est de savoir quels ont été les enjeux, sur l’échiquier diplomatique, entre les États-Unis, le Pakistan et la Chine, de l’arrestation du chef terroriste.
Mort de Ben Laden

« Une explication géopolitique probablement aussi inexacte que l’histoire officielle de la mort de Ben Laden ». Plutôt que de répondre à la question « Comment les États-Unis ont-ils réussi à localiser puis à tuer Ben Laden ? », j’ai envie de poser celle-ci : «Pourquoi les Pakistanais auraient-ils pu lâcher Ben Laden ?» Et d’essayer d’y répondre en me plaçant sur un plan géopolitique.

En effet, pas un commentateur sérieux n’imagine, qu’à moins de 1000 mètres du «Saint-Cyr pakistanais», Ben Laden ait pu se cacher pendant plusieurs années sans être repéré par les services de sécurité pakistanais. De plus, la participation de militaires pakistanais parlant le pachtoum en couverture de l’assaut des Navy Seals semble être établie. Ils étaient probablement chargés de maintenir chez eux les voisins et d’intercepter des forces de sécurité locales non prévenues et qui malencontreusement auraient pu intervenir trop rapidement.

La stabilité de la zone Afghanistan-Pakistan (AFGPA) intéresse outre le Pakistan trois grands acteurs, les États-Unis et dans son sillage les occidentaux qui participent à l’effort de guerre, la Chine et l’Inde. ll faut aussi toujours se rappeler que dans le conflit qui oppose l’Inde au Pakistan, pour les stratèges pakistanais, l’Afghanistan doit fournir à l’Inde la profondeur stratégique qui lui fait défaut [1]La largeur du territoire pakistanais face à l’Inde est comprise entre 250 et 500km.. Dans la perspective d’un désengagement des forces occidentales d’Afghanistan, Islamabad ne peut accepter la perspective d’un effondrement du pouvoir actuel Afghan et d’un éclatement de fait de l’Afghanistan en plusieurs régions fondées sur une base ethnique et dont le contrôle pourrait en partie leur échapper. Le pouvoir pakistanais, dans lequel les militaires jouent un rôle capital, veut pouvoir se poser en médiateur entre le gouvernement afghan actuel et les Talibans, que ses services ont infiltrés de longue date et dont ils se sont assuré le contrôle de certains de leurs chefs. Pour ce faire, il faut écarter la minorité qui reste attachée au Djihad international dont l’idéologie était incarnée par Ben Laden.

Les pakistanais n’ont pas « donné » le leader d’Al-Qaïda sans contreparties

Cette vision est partagée par la Chine qui, depuis 2009, a rendu effectif le partenariat stratégique avec le Pakistan, ébauché depuis le milieu des années 2000. Un double impératif stratégique a guidé la décision chinoise : la sécurisation de ses voies d’approvisionnement en pétrole et en gaz en bâtissant une voie terrestre d’acheminement via les ports pakistanais de la Mer d’Oman [2]Ce qui lui permet d’éviter le détroit de Malacca. et aussi, à moyen terme, à partir de l’Iran [3]Ce qui lui permettrait d’éviter aussi le détroit d’Ormuz. et la lutte « contre les trois » [4]Terrorisme, extrémisme, séparatisme., fléaux qui menacent le Xinjiang chinois. En effet, en 2009, Al-Qaïda, qui avait longtemps épargné la Chine, a appelé les Ouïghours du Xinjiang au Jihad contre la Chine par la voix d’un de ses responsables, Abu Yahia Al-Libi.

Ce partenariat stratégique s’est rapidement concrétisé par l’achat de 36 chasseurs polyvalents J-10 chinois, la vente de deux centrales nucléaires et surtout par un abandon de la ligne de neutralité chinoise dans le conflit indo pakistanais. Ce changement s’est traduit par plusieurs actes politiques, souvent passés inaperçus en occident, mais qui sont extrêmement significatifs pour les deux parties [5]Refus de Pékin de souligner la responsabilité du Pakistan dans le déclenchement du conflit du Kargil en 1999; visas accordés aux résidents du Jammu et du Cachemire sur des feuilles volantes et non pas sur leur passeport indien, refus d’un visa au Général Jaswal, commandant en chef des forces indiennes, etc.. Tous ces faits géopolitiques montrent que désormais le Pakistan a tout intérêt à débarrasser les Talibans de leur minorité djihadiste dont Ben Laden était l’icône.

Je me permets en conclusion un peu de politique fiction…

Cette décision, une fois prise et partagée par les militaires qui protégeaient Ben Laden, il est vraisemblable que les pakistanais n’ont pas « donné » le leader d’Al-Qaïda sans contreparties. J’en vois une, c’est la promesse des Américains de tout faire pour écarter l’Inde de la reconstruction de l’Afghanistan et de contrebattre son influence dans l’entourage du président afghan qui ne serait pas insensible à leurs avances, tout simplement pour éviter un face à face avec leur puissant voisin après le désengagement occidental. Il est aussi probable que l’Inde ait perçu clairement cette manœuvre et ait commencé à en faire payer le prix aux Américains en ne choisissant pour équiper son armée de l’Air, dans sa « short list », que « l’Eurofighter européen » et le « Rafale français » et en écartant, à la surprise générale, avant le round final, le F 16 américain. Le malheur des uns fait le bonheur des autres même dans les hautes sphères de la géopolitique.

Général (2S) Jean-Bernard PINATEL

[1] La largeur du territoire pakistanais face à l’Inde est comprise entre 250 et 500km.

[2] Ce qui lui permet d’éviter le détroit de Malacca.

[3] Ce qui lui permettrait d’éviter aussi le détroit d’Ormuz.

[4] Terrorisme, extrémisme, séparatisme.

[5] Refus de Pékin de souligner la responsabilité du Pakistan dans le déclenchement du conflit du Kargil en 1999; visas accordés aux résidents du Jammu et du Cachemire sur des feuilles volantes et non pas sur leur passeport indien, refus d’un visa au Général Jaswal, commandant en chef des forces indiennes, etc.

Autres sources : La Chine derrière la mort de Ben Laden ?