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Centrafrique : ce que change la démission du président Djotodia pour nos troupes

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Le président centrafricain, Michel Djotodia, et son Premier ministre, Nicolas Tiangaye, ont démissionné vendredi. Deux départs essentiellement symboliques, réclamés par les autres acteurs de la région.

Atlantico : Le président centrafricain Michel Djotodia et son Premier ministre Nicolas Tiangaye ont quitté leur fonction vendredi, 10 janvier. Pourquoi ? Qu’est-ce que cela change pour l’intervention française en Centrafrique ?

Jean-Bernard Pinatel : Tous les participants à la conférence de N’Djamena réclamaient leur départ dans la mesure où ils étaient arrivés au pouvoir par la force, après avoir chassé Bozizé. Mais le problème n’est pas lié à Djotodia : il ne représentait plus rien puisqu’il était enfermé dans son camp. Son départ est surtout un signe politique donné aux différentes communautés de la Centrafrique. A partir de maintenant va peut-être s’ouvrir une nouvelle période, une période plus démocratique, une période garantie par les États de la région et la France, en vue d’élire démocratiquement quelqu’un à la présidence. Mais tout cela est un problème de long terme, dans la mesure où il n’y a pas d’État en Centrafrique, ni administration, depuis des années.

Les départs de Djotodia et Tiangaye étaient réclamés par les autres États africains. Ils vont donc avoir une influence sur l’engagement des autres pays, les inciter à prendre leur part dans le conflit en Centrafrique. L’impact sur le terrain devrait être, en revanche, relativement faible pour l’armée française. Car le problème de Centrafrique est un problème tribal, de braconniers, de « coupeurs de route ». Dans ces conditions, sans État ni institutions qui fonctionnent, on peut éviter des massacres généralisés à Bangui ou à Bouar mais le retour au calme est un travail de très long terme. C’est un problème sur 10 ans. La France n’a donc pas à s’engager plus dans le pays qu’elle ne le fait déjà. Nous n’avons pas à suivre le même chemin que les Américains en Irak. C’est aux pays africains de prendre leur responsabilité pour éviter que ne s’installe en Centrafrique une situation totalement pourrie, à terme un sanctuaire islamique, comme ça peut être le cas, par exemple, au nord du Nigéria.

Les Africains doivent s’engager plus et ne pas laisser uniquement le Tchad intervenir. Ce pays considère un peu le Centrafrique comme son arrière-cour. Il y a une certaine légitimité et une certaine influence auprès des ethnies du Nord mais pas du tout auprès des ethnies du Sud. Il faut donc une coalition africaine en Centrafrique.

Quelle est la situation actuelle ? Le chef de l’opération française Sangaris, le général Francisco Soriano, estime que la situation « s’améliore lentement » à Bangui. Partagez-vous ce point de vue ?

Elle ne peut que s’améliorer lentement car personne, aujourd’hui, n’est en mesure de prendre le relais de la France, contrairement à ce qui s’est passé au Mali. Il n’y a pas d’État, on ne peut pas remettre en place une police ou une armée… Au Mali, ces choses-là n’étaient pas fortes mais elles existaient ; en Centrafrique, elles n’existent plus. Il faut donc du temps.

Les forces françaises assurent donc une sécurité minimum dans différents endroits. Mais on ne peut pas attendre des résultats semblables à ceux obtenus au Mali. Ce n’est pas parce que des élections vont être organisées qu’il n’y aura plus de braconniers et/ou de « coupeurs de route ». On est dans une situation difficile, qui va demander du temps, même si elle n’est absolument pas risquée au niveau militaire car c’est une opposition entre communautés : la France n’a pas d’ennemis, on est dans le CRS international.

Quel est l’intérêt pour la France d’être présente en Centrafrique ?

Le fait d’être sur place nous permet d’avoir du renseignement. Cela nous permet également d’assurer la sécurité des ONG, des journalistes, des personnes qui reconstruiront le pays… Les renseignements donnent la possibilité de pouvoir peser par rapport aux différents chefs d’État africains. Mais l’armée française ne doit pas aller au-delà. Les forces africaines doivent, à présent, assurer la période de transition avec l’appui de la France.

Source : ATLANTICO

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